CHAPITRE I : CONCEPT ET MESURE DE LA MORTALITE
INFANTO-JUVENILE
Dans ce chapitre, sont discutées en premier lieu les
définitions et mesure de la mortalité infantile et en second lieu
l'évolution et la tendance de la mortalité infantile en
Côte d'Ivoire.
Section 1 : DEFINITION ET MESURE DE LA MORTALITE
INFANTILE
L'objectif de cette présente section est de fournir une
définition des typologies de la mortalité infantile. Mais avant,
d'appréhender la population des enfants morts, il convient de
préciser que l'on s'intéressera à la mortalité
infantile, juvénile et infanto-juvénile.
1-1 Définition de la mortalité infantile et
juvénile
La mortalité infanto-juvénile
est celle qui affecte les enfants de la naissance jusqu'au cinquième
anniversaire (non inclus) et se rapporte au nombre de décès
d'enfants nés vivants de 0-4 ans révolus sur le nombre des
naissances durant la période (dans le même pays).
La mortalité infantile est la
mortalité des enfants âgés de moins d'un an autrement dit
les décès infantiles survenus de (0 à 11 mois
révolus).
La mortalité juvénile est celle
qui est en rapport avec les décès entre 1 an et 4 ans
révolus. Le taux brut de mortalité : mesure la
fréquence annuelle de décès au sein d'une population .Bien
qu'il soit l'indicateur le plus utilisé, il ne permet pas de
caractériser l'état sanitaire de la population. En effet, sa
valeur dépend non seulement du risque de mourir, mais également
de la structure par âge de la population.
Taux de mortalité néo-natale :
décès d'enfants de moins de 28 jours pour 1000 enfants nés
vivants.
Taux de mortalité périnatale :
décès d'enfants de moins de 7 jours et d'enfants sans vie pour
1000 naissances totales (nés vivants + enfants sans vie).
Taux de mortinatalité : nombre d'enfants
sans vie pour 1 000 naissances totales2.
La morbidité : nombre de
malades annuels rapporté à la population. Cet indice
statistique sert à l'étude de la démographie, au
même titre que la natalité ou la fécondité, il
dépend de la structure par âge de la population
représentée par la pyramide des âges qui est
affectée par le
2 Source IRDES, 2009
vieillissement démographique. Le taux de morbidité
nous renseigne sur les conditions sanitaires générales d'un pays
et est sensible aux épidémies3.
1-2 Les indicateurs de la mortalité
infantile
La mortalité infanto-juvénile est la
mortalité des enfants entre leur naissance et leur cinquième
anniversaire. Les démographes distinguent différents types de
mortalité selon l'âge au décès de l'enfant ainsi les
indicateurs permettant d'estimer les différents niveaux du
phénomène sont présentés dans la figure 1-1 sous
forme de calendrier.
Figure 1-1 Calendrier de la mortalité des moins de
cinq ans
NAISSANTE Vivante
Présomption de viabilité (Limite
conventionnelle)
365 jours
5ans
7jours 28jours 1an
|
|
|
|
|
Avortement Spontané
|
|
Mortinatalité
|
Mortalité Néonatale Précoce
Mortalité Néonatale tardive
Mortalité Néonatale
|
Mortalité Post-néonatale
|
Mortalité Périnatale
Mortalité utra-ultérine (ou foetal)
Mortalité infantile
|
Mortalité juvénile
|
Mortalité Infanto-juvénile
Source : LARMARANGE (2003)
3 Source,
Techno-Science.net
Présenté par TRAORE Nohoua sous la direction du
Professeur KOUADIO BENIE Marcel Page 14
Les deux principaux indicateurs de la mortalité sont
les taux et les quotients. Les quotients de mortalité relèvent de
l'analyse longitudinale (dans une génération), tandis que les
taux de mortalité appartiennent à l'analyse transversale (dans
une année). Dans le cas de notre étude, il s'agit d'une analyse
transversale, car il est question seulement d'enfants malades reçus en
pédiatrie II au CHU de Yopougon au cours de l'année 2008.
La mortalité infantile est, quant à elle, celle
survenue avant l'âge d'un an. L'indicateur utilisé pour la mesurer
est le rapport du nombre de décès d'enfants de moins d'un an au
cours d'une année au nombre de naissances vivantes enregistrées
au cours de la même année. En plus, des taux, il importe de
relever quelques quotients qui sont tout de même des indicateurs de la
mortalité :
> Quotient de mortalité néonatale (NN) : mesure
à la naissance, la probabilité de décéder avant
d'atteindre un mois exact.
> Quotient de mortalité post-néonatale (PNN) :
mesure chez les enfants âgés d'un mois exact, la
probabilité de décéder avant d'atteindre le
douzième mois exact.
> Quotient de mortalité infantile : mesure à
la naissance, la probabilité de décéder avant d'atteindre
le premier anniversaire (le terme taux de mortalité infantile sera aussi
utilisé pour designer le quotient de mortalité infantile).
> Quotient de mortalité juvénile : mesure chez
les enfants âgés d'un an exact, la probabilité de
décéder avant d'atteindre le cinquième anniversaire.
> Quotient de mortalité infanto-juvénile :
mesure à la naissance, la probabilité de décéder
avant d'atteindre le cinquième anniversaire4.
La robustesse de ces indicateurs dépendrait de la
fiabilité des données inhérentes aux techniques d'approche
de la population cible. D'où l'intérêt de la confrontation
de certaines méthodes d'évaluation.
1-3 Méthodes d'évaluation
Le taux de mortalité infantile est
révélateur du comportement en matière d'éducation
des enfants, des conditions d'hygiène et de santé qui
règnent dans les collectivités à risque et du degré
de développement socio-économique d'une région. Mais, il
est souvent difficile de mesurer cet indice avec précision et à
peu de frais.
Les régions fortement vulnérables à la
mortalité infantile sont généralement les plus
difficiles à enquêter car elles sont dépourvues
d'hôpitaux, d'archives et d'infrastructures sanitaires.
Les collectivités y sont isolées et à peine
alphabétisées. Les enquêtes rétrospectives
demandent
4 Source EDSCI 1998-1999
beaucoup de temps et d'argent. Dans bien des cas, les
mères ont oublié les circonstances particulières entourant
les grossesses et les décès. En outre, il s'écoule en
moyenne deux ans entre la collecte des renseignements et leur analyse.
Des chercheurs d'Amérique latine ont trouvé une
nouvelle façon d'obtenir les taux de mortalité infantile dans les
régions pauvres. La méthode est commode, rapide et peu
coûteuse. Quand une femme accouche à l'hôpital, en clinique
ou au foyer avec l'aide d'une sage-femme, on lui pose quatre questions simples
sur les résultats de sa grossesse précédente :
· Avez-vous déjà mis au monde un enfant
vivant ?
· Dans l'affirmative, cet enfant est-il présentement
vivant ou décédé ?
· Quelle était sa date de naissance ?
· Si l'enfant est décédé, à
quelle date le décès est-il survenu ?
Les concepteurs de politique de santé peuvent ainsi
établir des estimations précises des taux de mortalité
infantile. Le procédé repose directement sur l'information
fournie par la mère et prévient les erreurs de mémoire.
Cette méthode peut avoir sa place dans un système permanent de
collecte de données faisant appel aux hôpitaux, cliniques et
sages-femmes ou à des enquêtes périodiques par
recensement.
Divers pays, dont l'Argentine, le Brésil, la Bolivie,
le Pérou, la République dominicaine et le Honduras, ont obtenu
des estimations précises à l'aide de cette méthode. Les
résultats sont souvent plus justes que ceux que permettent d'obtenir les
méthodes traditionnelles de sondage. Par exemple, le CENEP en Argentine,
a réussi à évaluer la mortalité infantile avec plus
d'exactitude que s'il avait utilisé les estimations fondées sur
les données officielles tirées des dossiers de l'état
civil sur les naissances et les décès.
Au Brésil, la méthode de collecte de
données sur la mortalité infantile a été
intégrée au système de santé publique de 14
municipalités situées dans trois États du Nord-est
(Pernambuco, Rio Grande del Norte et Alagoas). On sollicite
surtout les hôpitaux publics oüse rendent habituellement
les femmes pour accoucher. Les chercheurs ont approché
directement les agents de la santé pour qu'ils
incitent les hôpitaux locaux à incorporer le questionnaire
à leur travail quotidien. Par exemple, ce sont les infirmières
qui ont recueilli les renseignements nécessaires auprès des
mères, au lieu de confier les interviews à des personnes de
l'extérieur. Des méthodes plus adéquates méritent
d'être adoptées car une bonne mesure de la mortalité
infantile permet de rendre compte de l'état réel de santé
dans une population donnée et d'en prévoir l'évolution.
Aussi, une meilleure appréciation du phénomène ne favorise
t-elle pas la mise en oeuvre de stratégies et de politiques
adéquates pour sa réduction (CERDI, 2003).
Section 2 : NIVEAUX, EVOLUTION ET TENDANCE DE LA
MORTALITE INFANTILE
Dans cette section, nous montrerons d'abord le niveau actuel de
la mortalité infantile, son évolution ensuite sa tendance.
2-1 Niveaux de la mortalité infantile en
Côte d'Ivoire
Les taux de mortalité observés laissent
entrevoir des niveaux différentiels de
mortalité. La mortalité générale,
c'est-à-dire la mortalité de tous âges confondus, avait
baissé continuellement depuis les années 1950 avant d'enregistrer
une inversion de tendance en 2006. Les causes de cette hausse de la
mortalité sont nombreuses. On relève, entre autres, la
dégradation continue des conditions de vie des populations, la
recrudescence des grandes endémies tropicales, certaines infections
comme le VIH/SIDA et les causes liées aux modes de vie moderne
(consommation excessive d'alcool, accidents divers, mauvaise nutrition).
L'enquête sur les indicateurs du SIDA (EIS, 2005) a
estimé la mortalité néonatale à 41%o. La plupart
des statistiques de la région estiment la proportion de la
mortalité néonatale à environ 40% de la mortalité
infantile. La tendance de la mortalité infantile reflète celle de
la mortalité générale. Le quotient de mortalité
infantile, c'est-à-dire la probabilité de mourir entre la
naissance et le premier anniversaire, est passée en 1998 de 112%o
à 84%o en 2005 selon (l'EIS,op cite). La mortalité
infanto-juvénile était de 125%o en 2005. Cet indicateur se serait
amélioré par rapport à 1998 où il était de
174%o, cependant, il reste élevé.
Selon le DSRP 2009, la mortalité infantile
connaît une évolution irrégulière. En 1994, elle
était de 89%o et de 1998 à 1999 elle s'est hissée à
112%o. En 2005, la situation s'est améliorée et la
mortalité infantile se situe à 84%o. Chez les enfants de moins de
cinq ans, elle demeure élevée : 150%o en 1994, 181%o en 1998 et
125%o en 2005.
Quant à la mortalité néonatale, bien qu'en
baisse, elle reste toujours élevée : 41%o en 2005 contre 62%o en
1998-1999.
2-2 Évolution de la mortalité
infantile
Les données présentées au tableau 1-1
permettent de retracer l'évolution de la mortalité infantile et
juvénile au cours des quinze dernières années. Les niveaux
sont calculés par période quinquennale, 0-4 ans ; 5-9ans ; 10-14
ans et 15-19 ans, soit de 1990 à 2005.
Tableau 1-1 Mortalité des enfants de moins de
cinq ans en Côte d'Ivoire
Quotient de mortalité néonatale, post-natale,
infantile, juvénile et infanto-juvénile par périodes de
cinq ans ayant précédé l'enquête.
Nombre d'années
|
Mortalité
|
Mortalité
|
Mortalité
|
Mortalité
|
Mortalité
|
Ayant précédés
|
Néonatale
|
post-
|
infantile
|
juvénile
|
infanto-
|
L'enquête
|
(NN)
|
néonatale
|
(1q0)
|
(4q1)
|
juvénile
|
|
|
(PNN)
|
|
|
(5q0)
|
0-4
|
41
|
44
|
84
|
44
|
125
|
5-9
|
43
|
42
|
86
|
50
|
132
|
10-14
|
39
|
50
|
89
|
50
|
134
|
|
Source : EIS, 2005
Pour la période la plus récente (0-4 ans avant
l'enquête), les résultats montrent que sur 1000 naissances
vivantes, 84 meurent avant d'atteindre leur premier anniversaire et que sur
1000 naissances âgées d'un an, 44 n'atteignent pas leur
cinquième anniversaire. Globalement, le risque de décéder
entre la naissance et le cinquième anniversaire est de 125%o, soit un
enfant sur huit. On note par ailleurs que la probabilité de
décéder entre la fin du premier mois et le douzième mois
exact (mortalité post-néonatale : 44%o) diffère peu de
celle de décéder entre la naissance et le premier mois exact
(mortalité néonatale : 41%o).
Quel que soit l'indicateur considéré (1q0, 4q1,
5q0), on constate que le niveau de la mortalité des enfants Ivoiriens
n'aurait que peu changé au cours des quinze années ayant
précédé l'enquête. En effet, entre 1993 et 2003
(années centrales des deux périodes quinquennales
extrêmes), le quotient de mortalité serait passé de 89%o
à 84%o.
Au cours de la même période, la
probabilité pour un enfant d'un an de mourir avant son cinquième
anniversaire serait passée de 50 %o à 44%o, et le quotient de
mortalité infantojuvénile de 134 %o à 125%o. Cette
même tendance de la mortalité infantile peut s'observer de 2003
à 2008 à travers le tableau 1-2.
Tableau 1-2 Évolution des taux de
mortalité infantile en Côte d'Ivoire
Années
|
Taux de mortalité infantile
|
Variation
|
2003
|
98,33
|
|
2004
|
90,83
|
-7,63%
|
2005
|
90,83
|
0%
|
2006
|
89,11
|
-1,89%
|
2007
|
87,41
|
-1,91%
|
2008
|
85,71
|
-1,94%
|
|
Source : CIA, 2008
Évolution de la mortalité infantile de 2003-2008
2-3 Disparités et tendances de la
mortalité infantile
Les disparités, dont il est question, sont celles
observées entre régions en Cote d'Ivoire en termes de niveau de
mortalité infantile.
2-3-1 Disparités
régionales
Au niveau régional, on note que parmi les
régions étudiées, trois ont un niveau de mortalité
infantile supérieur à 100%o : il s'agit du Nord-est (106%o), du
Centre-Ouest (119%o) et du Sud-ouest (123%o).
En outre, deux régions ont un quotient de
mortalité supérieur à la moyenne nationale des cinq
dernières années (84%o), ce sont le Centre (92%o) et le
Centre-Est (86%o). Les régions du Centre-Nord (59%o), du Nord-Ouest
(62%o) et de l'Ouest (65%o) qui sont pourtant des zones
ex-assiégées présentent les meilleurs résultats
concernant la mortalité des enfants de moins d'un an.
Au regard de la crise socio-politique, on aurait pu penser
à priori que compte tenu de la désertion de ces zones par le
personnel médical dans sa grande majorité, la situation se serait
présentée différemment. L'action des organisations
humanitaires a dû pallier le vide crée par ces départs. La
même tendance est observée au niveau de la mortalité
infantojuvénile à quelques nuances près.
On note que dans la majorité des régions (7 sur
11), le quotient de mortalité infantojuvénile est
supérieur à la moyenne nationale des cinq dernières
années (125%o). Selon l'EIS, 2005 c'est dans la région du
Centre-Ouest que le risque de décéder entre la naissance et le
cinquième anniversaire est le plus élevé (169%o) et plus
faible dans les régions du Centre-Nord (83%o) et du Nord-Ouest
(96%o).
2-3-2 Tendance de la mortalité
infantile
Le graphique ci-dessous illustre la tendance de la
mortalité infanto-juvénile en Côte d'Ivoire de 1985
à 2005.
Graphique 1-1 Tendance de la mortalité infantile
et juvénile en Côte d'Ivoire
Source : EDSCI-II (1998-99) et EIS-CI(2005)
Ce graphique permet de comparer les niveaux de
mortalité infantile et infanto-Juvénile de l'EIS-CI à ceux
de l'EDSCI-II. L'EDSCI-II avait mis en évidence une augmentation
importante de la mortalité des enfants au cours des quinze années
précédent l'enquête 1998- 1999, la mortalité
infantile atteignant 112%o au moment de l'enquête (estimation
centrée autour de 1996) et la mortalité juvénile
atteignant 77%o.
Il apparait clairement sur le graphique que les niveaux de
mortalité estimés par l'EISCI pour les périodes 5-9 ans et
10-14 ans avant l'enquête (centrées respectivement autour de 1998
et 1993) sont nettement inferieurs à ceux de l'EDSCI-II pour la
période la plus récente (centrée autour de 1996). En
effet, pour cette période, l'EIS-CI estime la mortalité infantile
à 84-86 contre 112%o à l'EDSCI-II et la mortalité
juvénile à 44-50%o contre 77%o. Le manque de cohérence
entre les estimations des deux enquêtes pour la même période
semblerait indiquer que l'EIS-CI a sous-estimé les niveaux de
mortalité, en particulier pour les périodes anciennes.
Cela s'expliquerait par ailleurs par une amélioration
de la situation sanitaire ou un changement des caractéristiques de la
mortalité infantile. Notre étude permettra de mettre en relief
les caractéristiques propres aux enfants de l'année 2008, et d'en
établir une comparaison avec les résultats des enquêtes
nationales.
CHAPITRE II : LES CAUSES ET CARACTERISTIQUES DE LA
MORTALITE DES ENFANTS
Il s'agira dans ce chapitre de donner les causes et
caractéristiques des la mortalité infantile et de faire une
analyse descriptive à partir des données d'enquête aux fins
d'établir une comparaison entre nos résultats et ceux des
enquêtes.
|