2.2 Impact institutionnel
Comme précisé dans la partie
généralités, la création du Parc national du W n'a
pas respecté toutes les règles, si bien qu'il n'existe pas de
zone tampon entre le noyau du Parc et les villages riverains. Pour pallier
à ce déficit, les populations riveraines ont été
encouragées par les autorités chargées de la gestion du
Parc à créer des Zones villageoises d'intérêt
cynégétique (ZOVIC) qui font office de zone tampon. C'est dans ce
sens que les ZOVIC de Gnimbwama, Lada et Nangbanli furent
instituées.
La gestion de chaque zone est assurée par un
Comité villageois de gestion de la faune (CVGF) constitué de 12
membres. Elle consiste principalement en la surveillance, l'aménagement
et la gestion des retombées de la zone. L'existence des ZOVIC a permis
des réalisations importantes dans les trois villages, si bien que le
niveau de satisfaction des enquêtés sur les zones est
appréciable (Cf. Tableau 15). Au nombre de ces réalisations on
peut citer la construction des maternités de Lada et Gnimbwama, la
réalisation de pompes, la formation de femmes en saponification et en
production de beurre de karité, la récolte des fruits sauvages,
l'organisation de reboisement, le soutien à l'apiculture. On peut aussi
ajouter les disponibilités bancaires des Comités qui sont de 1
600 000 FCFA pour Lada, 600 000 FCFA pour Gnimbwama et 180 000 FCFA pour
Nangbanli au mois de mars 2008. Ces fonds sont utilisés pour les
investissements communautaires desdits villages.
En plus de ces réalisations, les ZOVIC
constituent des sources d'emploi pour les villageois. Ainsi, 52 % des
enquêtés des villages ayant des ZOVIC y ont servi au moins une
fois. Pour ce qui est de la contrepartie financière, à titre
d'exemple, 1 Km de piste aménagé donne droit à 12 500 FCFA
par équipe de 12 travailleurs.
Tableau 15 : Niveau de satisfaction des chefs
d'exploitations par rapport aux ZOVIC
Village
|
Satisfaction vis-à-vis des ZOVIC
|
Participation aux travaux dans les ZOVIC
|
Non
|
Oui
|
Total
|
Non
|
Oui
|
Total
|
Gnimbwama %
|
1
|
22
|
23
|
8
|
15
|
23
|
4
|
96
|
100
|
35
|
65
|
100
|
Nangbanli %
|
0
|
12
|
12
|
7
|
5
|
12
|
0
|
100
|
100
|
58
|
42
|
100
|
Lada ù
|
1
|
23
|
24
|
13
|
11
|
24
|
4
|
96
|
100
|
54
|
46
|
100
|
Total
|
2
|
57
|
59
|
28
|
31
|
59
|
%
|
3
|
97
|
100
|
47
|
53
|
100
|
Source : Données de l'enquête
(2008)
Le tableau 15 concerne les trois villages
possédant des ZOVIC. Dans l'ensemble des trois villages, 59 au total ont
exprimé leur degré de satisfaction par rapport aux zones. Les
zones de Lada et Gnimbwama sont toute deux vieilles de 13 ans, si bien que le
nombre de répondants dans chacun de ces villages est appréciable
; respectivement 24 et 23 enquêtés. En revanche, la ZOVIC de
Nangbanli date seulement de deux ans, et par conséquent la moitié
des enquêtés de ce village n'est pas au courant de l'existence la
zone.
Ainsi donc, la création des ZOVIC a
contribué à améliorer le capital social des villages
concernés. Par ailleurs, ces villages bénéficient d'un
traitement de faveur du Programme ECOPAS qui inscrit ses actions de soutien aux
riverains du Parc autour des CVGF. Du coup, les villages de Tchontchonga et
Todouanga dont la disponibilité en terre ne permettait pas la
création de ZOVIC sont défavorisés par le manque d'actions
pouvant atténuer les effets pervers du Parc. Cette discrimination du
Programme est contraire à son objectif d'uniformisation de la gestion du
W dans les 3 pays car cette dernière se veut participative.
En dépit des effets positifs des Zones
villageoises d'intérêt cynégétique, elles viennent
ici accroître les difficultés d'approvisionnement des populations
en facteurs de production, comme la terre par exemple. En outre, le braconnage
semble plus important dans les villages ayant des ZOVIC. Ces dernières
sont en réalité perçues comme une continuité du
Parc. Ceci est d'autant plus vrai que la pâture et la récolte de
produits forestiers, nécessaires à la satisfaction de certains
besoins (bois d'oeuvre, charbon de bois, etc.) y sont toujours interdites. Or,
les règles de gestion d'une zone villageoise doivent êtres
établies par la communauté villageoise en question. Il est donc
étonnant que face aux conditions difficiles de l'activité
d'élevage, la pâture reste prohibée dans les ZOVIC. Il
apparaît donc évident que la main mise du Parc sur les zones est
encore forte et que l'idéal de gestion participative des ressources
forestières reste à atteindre.
CONCLUSION GENERALLE ET RECOMMANDATIONS
|
L'existence du Parc W limite l'exercice des
activités socio-économiques des populations qui utilisent des
éléments du Parc comme facteurs de production. En retours, les
stratégies de fraude développées par les populations
constituent une menace sérieuse pour la conservation de la
biodiversité. L'atteinte d'une coexistence pacifique entre le Parc et sa
périphérie passe nécessairement par une actualisation de
la perception des populations sur ceux-ci et de l'impact
socio-économique du Parc vis-à-vis de
celleslà.
A l'issue de la présente étude, il
apparaît clairement que le Parc est perçu par ses riverains comme
une contrainte vis-à-vis de leur satisfaction en produits forestiers.
Les besoins des riverains sont également fonction du genre, des
responsabilités et des activités qui caractérisent chaque
individu. C'est pourquoi, les terres, la paille, les pâturages et le bois
de construction sont les éléments du Parc les plus
convoités par les hommes. Les femmes quant à elles portent leurs
intérêts sur les PFNL, le bois de chauffe et les sources
d'eau.
Pour ce qui est des impacts socio-économique et
institutionnel du Parc sur sa périphérie, on assiste à la
création de ZOVIC dans certains villages. Cette action a
contribué à améliorer le capital social de ces villages
d'une part, et d'autre part, a permis la réalisation d'infrastructures
sociales améliorant du même coup les conditions de vie de leurs
habitants. Cÿÿenÿÿnt, les effetsÿÿéfastes
du Parc sur sa périphérie sont les plus nombreux.
Premièrement, le Parc a contribué
à la diminution du foncier agricole et d'élevage,
entraînant une raréfaction sans cesse croissante des terres
cultivables. Ceci a abouti à une situation de compétition
foncière et une augmentation des conflits agriculteurs/éleveurs
conduisant à une baisse également croissante des activités
de production animale et végétale.
Deuxièmement, l'existence du Parc
entraîne une raréfaction croissante des produits forestiers qui
constituent les facteurs de production de certaines activités
socioéconomiques (élevage, apiculture, chasse et pêche
surtout). Il s'en suit une baisse tendancielle de l'exercice de ces
activités où une augmentation des phénomènes de
sous-emplois et de pauvreté. Les conséquences de ces
phénomènes sont l'exode rural et l'émigration
croissante.
Face à la précarité croissante
des conditions de vie à la périphérie du Parc, les
populations riveraines développent des stratégies. Ainsi, on
assiste à une meilleure intégration de l'agriculture et de
l'élevage à travers l'utilisation du fumier dans les champs et la
valorisation des résidus de culture dans l'alimentation du
bétail. Cependant, certaines stratégies peuvent s'avérer
néfastes à long terme car introduisant des compétitions de
tout genre. Il s'agit entre autres, des compétitions
homme/élevage pour le contrôle des résidus de cultures et
des compétitions homme/agriculture pour le contrôle des
déchets d'animaux. En outre, les stratégies de réduction
des troupeaux par vente et de déplacement en cas d'augmentation du
cheptel ne sont pas de nature à soutenir le développement de
l'activité d'élevage dans la zone d'étude.
De tout ce qui précède, les
recommandations suivantes peuvent êtres formulées :
- officialiser et rendre plus accessibles les
autorisations de prélèvement qui étaient octroyées
dans un passé récent aux populations riveraines du Parc. Aussi,
les gestionnaires du Parc devraient mener des réflexions autour de cette
question afin que les autorisations jouent pleinement leur rôle
d'atténuation des effets socio-économiques négatifs du
Parc sans pour autant constituer une menace pour la conservation de la
biodiversité ;
- amener les villageois à s'organiser en
associations selon les activités exercées. Ces cadres de
concertation pourront constituer des forces de négociation entre la
population et les services forestiers autour des questions relatives aux
autorisations de prélèvements de certains produits forestiers
;
- encadrer et appuyer les communautés
riveraines du Parc dans la mise en oeuvre des techniques de CES/DRS afin de
freiner et/ou d'inverser le processus de dégradation croissante des
terres cultivables ;
- former les producteurs en techniques de fauche et de
conservation du fourrage abondant en saison pluvieuse ;
- encourager les villages possédant des ZOVIC
à amorcer une gestion sylvo-pastorale d'une partie ou de la
totalité de ces zones afin d'atténuer les
phénomènes de dégâts dans les champs, de
conflits
agriculteurs/éleveurs, et de déplacement
des éleveurs vers les pays voisins ;
- lutter contre l'occupation illégale des aires
réservées à l'activitéd'élevage
par les champs. Ceci contribuera également à réduire
les
conflits ;
- réduire le phénomène de
sous-emplois et partant le processus d'émigration de la jeunesse
à travers le développement des cultures de contre-saison
;
- une des limites de cette étude se retrouve
dans le fait que les enquêtes n'aient pas pris en compte les transhumants
qui affluent dans le terroir au début du mois de mai. Il serrait donc
intéressant d'élargir cette étude à ce groupe
d'acteurs.
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