Conclusion
En résumé, après avoir fait un bref
rappel sur les différents concepts dans la première partie, nous
avons eu dans ce chapitre à développer les différents
modèles permettant d'appréhender les relations existant entre les
variables d'une manière empirique. Nous utilisons la régression
simple et la régression multiple pour les différents
modèles. On distingue deux variables endogènes pour plusieurs
variables exogènes. Nos variables sont des indicateurs monétaires
et réels. Après avoir déterminé ces
différentes relations et variables, il est nécessaire de passer
aux différents tests et d'en tirer les implications des
phénomènes étudiés.
CHAPITRE IV : L'APPORT DES INSTRUMENTS DE
LA POLITIQUE MONETAIRE UTILISES AU CAMEROUN POUR L'ATTEINTE DES OBJECTIFS
FINALS
Après avoir spécifié les modèles
à utiliser et analyser les données, il est important de passer
aux tests. Les implications d'une recherche comme celle-ci dépendent de
la bonne interprétation des résultats des tests. Le volet
empirique étant considéré comme l'étape importante
d'une recherche, il se dégage ainsi plusieurs constats.
Dans ce chapitre, nous analyserons l'efficacité des
instruments de la politique monétaire de la zone BEAC dans une
première section. Dans la seconde section, il sera question des
enseignements des différents tests, c'est-à-dire les instruments
de la politique monétaire utilisés au Cameroun face à
l'inflation et la croissance économique.
Section I : Analyse de
l'efficacité des instruments de la politique monétaire de la zone
BEAC
L'efficacité du nouveau dispositif de gestion
monétaire dans la zone BEAC repose sur plusieurs conditions parmi
lesquelles la grande sensibilité du coût de refinancement des
banques au taux d'intérêt directeurs de la BEAC (Nubukpo, 2003).
Ainsi après une évaluation empirique du facteur ci-dessus en
Afrique de l'Ouest, certains travaux de recherche ont abouti à la
conclusion selon laquelle :
- le taux d'intérêt du marché
monétaire, à court terme influence significativement les taux
débiteurs des banques. A long terme son impact est faible.
- Le taux de prise en pension est l'instrument de politique
monétaire qui, à long terme, influence l'évolution des
conditions débitrices des banques.
Dans cette section, nous analyserons l'impact de taux
d'intérêt directeurs sur l'inflation au Cameroun d'une part et
l'évolution de la masse monétaire et la croissance
économique d'autre part.
I - L'impact des taux d'intérêt directeurs
sur l'inflation au Cameroun
Le modèle économétrique retenu pour
l'analyse de la politique monétaire et l'inflation, nous a permis
d'effectuer un certain nombre de tests statistiques, qui sont indispensables
pour notre recherche.
Dans le cadre de ce modèle nous avons estimé
l'équation suivante :
IPC = C + a1TIAO + a2 TIPP +
a3 Ä PIB + a4 IPM + å
L'estimation de cette équation de régression
nous a donné les résultats ci-dessous. Les données
utilisées pour ce travail sont les données secondaires issues des
documents statistiques de la BEAC, la banque mondiale et la banque de
France.
1) Présentation des
résultats
Les signes attendus des coefficients a1 et
a2 sont négatifs car la relation théorique entre
l'inflation et les taux d'intérêt directeurs est négative.
Par contre, les signes attendus du coefficient a3 et a4
sont positifs, ce qui traduit théoriquement une relation positive entre
l'inflation et la croissance du PIB d'une part et l'évolution des
importations d'autre part.
Nous avons estimé notre équation de
régression à partir de la méthode des moindres
carrés ordinaires et à l'aide du logiciel E-Views. Le nombre
d'observations est de 15. Ainsi nous avons les résultats
consignés dans le tableau 1.
Tableau 1 : Résultats des
estimations de l'équation de l'inflation
Estimations
|
(1)
|
(2)
|
(3)
|
(5)
|
(7)
|
(8)
|
(9)
|
C
|
-13,577
(-1,367)*
|
-0,905
(-0,052)
|
3,069
(1,974)
|
-3,273
(-0,260)
|
-3,273
(-0,260)
|
-22,734
(-1,955)
|
-21,443
(-1,399)
|
TIAO
|
12,524
(4,993)
|
|
|
12,736
(0,730)
|
12,736
(0,730)
|
3,872
(2,376)
|
|
TIPP
|
-7,590
(-4,089)
|
0,392
(0,233)
|
|
-8,372
(-0,534)
|
-8,372
(-0,534)
|
|
2,900
(1,715)
|
ÄPIB
|
-0,451
(-1,274)
|
0,326
(0,574)
|
0,227
(0,624)
|
-1 ,581
(-0,764)
|
-1 ,581
(-0,764)
|
|
|
IPM
|
-0,141
(-2,155)
|
-0,007
(-0,069)
|
-0,003
(-0,032)
|
-0,076
(-0,917)
|
-0,076
(-0,917)
|
|
|
R²
|
0,724
|
0,036
|
0,032
|
0,877
|
0,877
|
0,385
|
0,246
|
R² ajusté
|
0,614
|
-0,225
|
-0,129
|
0,795
|
0,795
|
0,317
|
0,162
|
F
(prob)
|
6,568
(0,007)
|
0,140
(0,933)
|
0,198
(0,822)
|
10,740
(0,006)
|
10,740
(0,006)
|
5,646
(0,041)
|
2,942
(0,120)
|
DW
|
2,525
|
1,818
|
1,709
|
2,241
|
2,241
|
1,077
|
0,934
|
Note : (*) = t de Student calculé
Source : nos calculs
- estimation 1 : régression avec la moyenne pour
remplacer les valeurs manquantes du TIAO et le taux d'escompte normal (TEN)
pour remplacer celles du TIPP
- estimation 2 : régression sans la variable
TIAO
- estimation 3 : régression sans les variables
TIAO et TIPP
- estimation 5 : régression avec les valeurs
manquantes du TIAO et le TEN pour remplacer les valeurs manquantes du TIPP
- estimation 7 : régression avec les valeurs
manquantes du TIAO et du TIPP
- estimation 8 : régression simple avec la
variable TIAO
- estimation 9 : régression simple avec la
variable TIPP
Les résultats présentés dans le tableau 1
nous permettent d'avoir plusieurs idées sur l'impact de la politique
monétaire sur l'inflation au Cameroun. Ainsi, il est important de passer
à l'interprétation de ces résultats.
2) Commentaires des résultats
Il s'agit dans ce sous paragraphe d'interpréter les
résultats obtenus précédemment. Les différents
tests effectués nous permettent de vérifier la contribution des
variables exogènes à l'explication de la variable endogène
(test de Student), la significativité globale du modèle (test de
Fischer), la qualité de l'ajustement du modèle (coefficient de
détermination R²) et la corrélation entre les erreurs
d'ordre 1 (Durbin-Watson). Sans oublier d'interpréter les signes des
différents coefficients.
- Etude des signes des coefficients : le signe
négatif attendu de a1 n'a pas été obtenu, ce
qui infirme la relation théorique entre le TIAO et l'inflation. Par
contre le signe négatif attendu de a2 a été
obtenu dans les estimations 1, 5 et 7, là où les observations du
TIPP et/ou du TIAO de 1994 à 2004 sont prises en compte exclusion faite
des valeurs manquantes de 1990 à 1993 ou encore là où ces
valeurs manquantes sont remplacées. Le coefficient a2 est
positif dans les autres estimations, ce qui laisse croire que lorsque le TIAO
accroît l'inflation, le TIPP la réduit. Ainsi donc les deux taux
neutralisent réciproquement leurs effets par rapport à
l'inflation. En outre les signes des coefficients a3 et
a4 sont négatifs lorsque toutes les variables du
modèle sont prises en compte (estimations 1, 5 et 7), ce qui est
contraire aux signes attendus de ces coefficients. Ceci infirme les relations
théoriques établies dans la première partie de ce travail.
Ainsi, l'impact des taux d'intérêt directeurs sur l'inflation
dépend du choix du manipulateur qui peut réduire le TIAO pour
diminuer l'inflation ou augmenter le TIPP pour avoir le même effet sur
l'inflation. L'inflation importée influence peu l'inflation
générale du Cameroun et dans un sens négatif.
- Le test de Student : le t de Student du TIAO (4,993)
est supérieur à la valeur de t lue sur la table de Student
(2,228) au seuil de 5% pour l'estimation 1 et pour l'estimation 8
où la variable TIAO agit seule sur l'inflation, le t=2,376 est
supérieur à la valeur lue au degré de liberté 13,
au seuil de 5% (2,160). Ceci veut dire que le TIAO contribue significativement
à l'explication de l'inflation lorsqu'on complète les valeurs
manquantes ou lorsqu'il agit seul. De même le t de Student pour le TIPP
(-4,089) est supérieur à cette valeur (2,201) au seuil de 5% pour
l'estimation 1. Seul le TIPP ne contribue pas à l'explication de
l'inflation d'une manière significative car son t (1,715) est
inférieur à la valeur lue (2,160). Pour les autres variables
c'est-à-dire le PIB et l'IPM leurs t de Student sont inférieurs
à la valeur lue au seuil de 5% pour toutes les estimations. Ceci dit le
TIAO et le TIPP sont significatifs dans l'explication de l'inflation lorsqu'ils
sont pris ensemble et avec le même nombre d'observations au seuil de 5%.
S'ils n'ont pas le même nombre d'observations c'est-à-dire si on
remplace les valeurs manquantes du TIPP par les valeurs du TEN, on retrouve le
même résultat que si on considéré seulement les
valeurs du TIPP et du TIAO de 1994 à 2004 c'est-à-dire que ces
variables sont moins significatives dans l'explication de l'inflation au seuil
de 5%. Si on prend le modèle dans son ensemble, on constate donc que
l'inflation est expliquée en grande partie par les taux
d'intérêt directeurs et les autres variables expliquent peu
l'inflation (estimation 1). Le TIPP pris seul n'est pas significatif dans
l'explication de l'inflation au seuil de 5%.
- Le test de Fischer : ce test nous donne les
résultats suivants : pour les estimations où toutes les
variables exogènes du modèle sont prises en compte (estimations
1, 5 et 7) les F empiriques (respectivement 6,568 ; 10,740 et 10,740) sont
largement supérieurs à la valeur de F lue sur la table de Fischer
à 5% (3,48). Ceci dit, le modèle dans sa globalité est
significatif. En plus, sa significativité augmente lorsqu'on
considère seule les valeurs du TIAO et du TIPP de 1994 à 2004. De
même le modèle considérant la variable exogène TIAO
seule (estimation 8) est aussi significatif avec une valeur calculée de
F de 5,646 > 4,67 valeur lue de F. Par contre le modèle
considérant le TIPP seul n'est pas significatif car F* = 2,942 < F =
4,67. Ce qui fait dire que parmi les taux d'intérêt directeurs, le
TIAO explique plus l'inflation.
- Le coefficient de détermination R² : on
constate que la qualité de l'ajustement du modèle est plus bonne
lorsqu'on considère toutes les variables et qu'on ne remplace pas les
valeurs manquantes des taux d'intérêt directeurs
c'est-à-dire de 1990 à 1993 ou lorsqu'on remplace ces valeurs
pour l'un de deux taux directeurs (estimations 5 et 7), car on a R² =
0,877. Ainsi lorsqu'on complète les valeurs manquantes des taux
d'intérêt directeurs (TIAO et TIPP), la qualité de
l'ajustement se détériore tout en restant bonne avec un R²
de 0,724. Dans les autres cas la qualité de l'ajustement est mauvaise et
se détériore à chaque fois qu'on ignore une variable taux
d'intérêt directeur (R² < 0,5 pour les estimations 2, 3,
8 et 9). En conclusion les deux taux d'intérêt directeurs
influencent la qualité de l'ajustement.
- Le test de Durbin-Watson : on a pour l'estimation 1,
une valeur calculée de DW équivalente à 2,525. Cette
valeur est proche de 2 d'où l'indépendance des erreurs. Par
contre pour les autres estimations 2 et 3 on a respectivement :
1,818 et 1,709 qui appartiennent à l'intervalle ] 0,69 ; 1,97[
au seuil de 5% à (4, 15) degrés de liberté, d'où
l'aboutissement à un test non concluant pour ces estimations. En ce qui
concerne les estimations 5, 7, 8 et 9 le test de Durbin-Watson n'est pas
valable, car le nombre d'observations après ajustement pour ces
estimations est de 11 ce qui est inférieur au nombre requis pour ce
test. Ainsi on admet que les erreurs du modèle considéré
dans son ensemble sont indépendantes.
- Le test de Cusum SQ fondé sur la dynamique de
l'erreur de prévision. Ce test permet de détecter les
instabilités structurelles des équations de régression au
cours du temps. Contrairement au test de Chow, il ne nécessite pas de
connaître à priori la date de modification structurelle.
L'idée générale de ce test est d'étudier
l'évolution au cours du temps de l'erreur de prévision
normalisée, ainsi on appelle résidu récursif une
succession de prévision calculée entre t-1 pour t. Le Cusum SQ,
est fondé sur la somme cumulée du carré des résidus
récursifs. Si les coefficients sont stables au cours du temps, alors les
résidus récursifs doivent restés dans l'intervalle
défini par les deux droites. Dans le cas contraire les coefficients sont
instables.
Le test représenté par le graphique ci-dessous
est fait sur les variables utilisées pour l'estimation 5.
On constate pour ce test que les
coefficients du modèle pris dans son ensemble sont stables. Mais
à partir de 2001, on constate qu'il y a une modification et la courbe
atteint le seuil maximum. Ceci peut s'expliquer par l'augmentation aiguë
de l'inflation en cette année passant de 1% en 2000 pour se situer
à 4,5% en 2001 et la baisse des taux d'intérêt directeurs
durant cette période.
II- L'évolution de la masse monétaire
et la croissance économique au Cameroun
Pour les modèles nous permettant d'analyser l'impact
de la politique monétaire sur la croissance économique au
Cameroun, nous avons utilisé l'équation suivante :
ÄPIBt = b0 +
b1ÄMt.
Nous avons utilisé les données secondaires
issues des bases de données de la BEAC ,Banque de France, etc. La
régression simple nous a permis de faire l'estimation. Le signe attendu
du coefficient b1 est positif. Le logiciel E-Views a
été utilisé pour le traitement des données.
1) Les résultats des tests
L'estimation de l'équation de croissance
révèle l'existence d'une relation entre la masse monétaire
de la période t avec la croissance du PIB de la même
période. La méthode des moindres carrés ordinaires est
utilisée pour déterminer le coefficient de l'équation de
régression. Ainsi les tests nous ont donné les résultats
consignés dans le tableau 2.
Tableau 2 : les résultats des
estimations de l'équations de la croissance
économique
|
coefficients
|
t de student
|
Probabilités
|
C
|
0,742
|
0,984
|
0.342
|
ÄM2
|
0,263
|
4,204
|
0.001
|
R²
|
0,576
|
|
|
R² ajusté
|
0,543
|
|
|
F
|
17,667
|
|
0,001
|
DW
|
1,425
|
|
|
Source: nos calculs
Le tableau 2 est le résumé des plusieurs tests
faits à base de l'équation de la croissance. Ainsi à
présent, il est important de passer à l'interprétation de
ces résultats.
2) Analyse des résultats
Il s'agit ici de vérifier si la variable exogène
contribue à l'explication de la variable endogène, par le test de
student. De donner la significativité globale du modèle par la
comparaison de la valeur du F, Fischer calculée à celle lue sur
la table de Fischer. La vérification de la qualité de
l'ajustement à travers le R². Nous n'oublions pas le signe du
coefficient.
- Etude du signe : le coefficient b1 a
confirmé le signe attendu c'est-à-dire le signe positif. Ainsi
donc la croissance économique est liée à la masse
monétaire par une relation positive. Ceci explique l'impact positif des
instruments de la politique monétaire par rapport à la croissance
économique.
- Le test de Student : la lecture de la valeur
théorique du t sur la table de Student, nous permet de dégager
comparativement à la valeur empirique l'enseignement suivant : la
variable exogène a un t empirique de 4,204 qui est supérieur
à la valeur de t lue sur la table (2,160) à un seuil de 5%. Ce
qui fait dire que la masse monétaire contribue d'une manière
significative à l'explication de la croissance économique.
- Le test de Fischer : la régression de
l'équation de croissance affiche un F* de Fischer de 17,667 ce qui est
largement supérieur à la valeur théorique de F (4,67) au
seuil de 5%. Avec une probabilité de 0,001 on constate que le
modèle est globalement significatif c'est-à-dire l'explication de
la croissance économique par la masse monétaire est
réelle. Ce test confirme la corrélation positive entre le taux de
croissance de la masse monétaire de la période t et le taux de
croissance du PIB de la même période.
- Le coefficient de détermination : ce test nous a
permis de mesurer la qualité de l'ajustement. Il nous suggère que
la variable exogène explique à 57,6% la variable endogène
c'est-à-dire la croissance du PIB réel. Ainsi la qualité
de l'ajustement est moyenne. Ceci peut être dû à l'absence
de certaines variables qui n'ont pas été prises en
considération dans le modèle. Mais, ce test montre que la
croissance de la masse monétaire explique en une grande partie relative
le taux de croissance de la même période.
- Le test de Durbin - Watson : pour ce modèle de
la croissance, le DW est de 1,425 ce qui n'appartient pas à l'intervalle
]1,08 ; 1,36[ . Ainsi, on conclut qu'il n'y a pas auto-corrélation
positive entre les erreurs du modèle.
- Le test de Cusum SQ fondé sur la dynamique de
l'erreur de prévision, permet de détecter les
instabilités structurelles des équations de régression au
cours du temps. L'idée générale de ce test est
d'étudier l'évolution au cours temps de l'erreur de
prévision normalisée, ainsi on appelle résidu
récursif une succession de prévision calculée entre t-1
pour t. Si les coefficients sont stables au cours du temps, alors les
résidus récursifs doivent restés dans l'intervalle
défini par les deux droites. Dans le cas contraire les coefficients sont
instables.
Pour le modèle de la croissance on a le résultat
suivant :
A la lecture ce graphique, le constat qui se dégage est
la stabilité du coefficient durant la période 1992 à 2004.
On peut expliquer ce fait par le maintient de la croissance du PIB dans un sens
progressiste avec des faibles régressions.
En résumé, la croissance de la masse
monétaire de la période t a un impact sur la croissance
économique de la même période. Elle s'ajuste à 57,6%
à la croissance de l'activité économique. Cette
explication de la croissance économique par la croissance de la masse
monétaire de la même période est significatif à 5%
(F* = 17,677).
Après ces différentes interprétations, il
est important de passer à présent aux différents
enseignements et recommandations tirer de ce travail.
Section II : les instruments de la
politique monétaire utilisés au Cameroun face à
l'inflation et la croissance économique
Une étude tournée vers des
considérations économiques de nos résultats nous renseigne
sur les effets de la politique monétaire appliquée au Cameroun
sur l'inflation et la croissance économique. Ainsi, les
différents tests nous ont permis de vérifier si les relations
théoriques déterminées précédemment sont
validées ou non. Les résultats statistiques expliqués
ci-dessus nous fournissent d'une part des repères empiriques pour
vérifier nos hypothèses et d'autre part d'en tirer les
enseignements pour des recommandations utiles pour l'économie
Camerounaise.
I - Vérification des
hypothèses
La première partie de ce travail nous a permis
d'établir des relations théoriques entre plusieurs concepts et de
proposer des réponses aussi théoriques à nos
différentes préoccupations. Ainsi après avoir fait de
nombreux tests, il sera question dans ce paragraphe de procéder à
la vérification empirique de la validité ou non de nos
réponses du départ. Nous ferons cette analyse d'une part pour
l'inflation et d'autre part pour les effets de la politique monétaire
sur la croissance économique au Cameroun.
1) En ce qui concerne l'inflation
Le modèle qui nous a permis d'analyser l'inflation a
été inspiré de l'hypothèse
H1 : les taux d'intérêt directeurs de
la BEAC influencent négativement l'inflation.
L'analyse des concepts de cette hypothèse met en
relation les taux d'intérêt directeurs et l'inflation. Dans cette
relation, les signes des coefficients des taux d'intérêt nous
intéressent pour l'appréhension de l'impact de ces taux sur
l'inflation. Ainsi l'analyse statistique de nos résultats montre que le
TIAO a un impact positif sur l'inflation (coefficient 12,736), ce qui contredit
la relation théorique définie dans la première partie de
ce travail. Par contre le TIPP avec un coefficient négatif (-8,572)
confirme la relation théorique, le signe attendu est obtenu.
Cette contradiction des signes des coefficients des taux
d'intérêt directeurs, nous amène à se poser des
questions. Ainsi nous avons cherché à savoir lequel d'entre les
taux d'intérêt est plus corrélé à l'inflation
ou encore lequel contribue plus à l'explication de l'inflation. Nous
avons trouvé que les deux taux d'intérêt sont
corrélés d'abord entre eux d'une manière significative au
niveau de 1% avec un coefficient de corrélation de 0,982. Ceci nous
permet de dire que pour ressentir l'effet de la politique monétaire sur
l'inflation, il faut utiliser simultanément ces deux taux
d'intérêt directeurs. Individuellement, le TIAO et plus
corrélé à l'inflation avec un coefficient de
corrélation de 0,621 à un niveau de significativité de 5%
et de sens positif c'est-à-dire lorsque le TIAO augmente, l'inflation
augmente selon nos résultats. Par contre, le TIPP est
corrélé à l'inflation pas de manière significative,
mais dans un sens négatif si on ne considère pas les valeurs
manquantes de 1990 à 1993 (coefficient de corrélation de -0,086).
Ceci dit lorsque le TIPP augmente, l'inflation baisse.
Si le coefficient du TIPP en valeur absolue est
supérieur au coefficient du TIAO, on dit alors que les taux
d'intérêt directeurs influencent à la baisse l'inflation.
Par contre, si le coefficient du TIAO est supérieur au coefficient du
TIPP en valeur la décision de savoir la position de l'effet de ces taux
sur l'inflation dépendra de l'écart qu'il y a entre ces
différents taux d'intérêt. Ceci est le cas de nos
résultats (coefficient TIAO = 12,736 et coefficient TIPP = -8,372),
ainsi si l'écart entre ces taux ne permet pas au TIAO de rattraper le
TIPP alors les taux d'intérêt directeurs auront un effet
négatif sur l'inflation. Si cette différence est minime alors on
aura un effet positif. Ainsi pour analyser l'effet de la politique des taux
d'intérêt directeurs sur l'inflation, il est important de saisir
l'écart existant en les deux taux intérêts. En effet, au
Cameroun une augmentation du TIPP réduit l'inflation, de même une
réduction du TIAO influence à la baisse l'inflation. L'inflation
importée n'influence pas trop l'inflation au Cameroun. Mais, il convient
de noter qu'au plan théorique, les déterminants
non-monétaires de l'inflation sont : l'inflation par les
coûts, l'inflation par la demande et l'inflation importée. De ce
fait, l'hypothèse H1 de notre travail ne
peut être validée.
2) En ce qui concerne la croissance
économique
L'équation de croissance est fondée sur
l'hypothèse H2 : la croissance de la masse
monétaire a un impact faible sur la croissance économique au
Cameroun.
L'estimation de cette équation révèle
l'existence d'un impact significatif mais relativement faible de la croissance
de la masse monétaire sur la croissance économique au Cameroun.
Les résultats de notre travail concluent à une relation positive
entre la croissance de la masse monétaire et la croissance
économique.
Nos résultats confirment les études
menées par Paho (2005) qui montre que la variable masse monétaire
de la même période exerce une influence positive et faible sur la
croissance économique. Le fait d'expliquer la croissance
économique par la seule variable à savoir la croissance de la
masse monétaire joue sur la qualité de l'ajustement (R² =
0,576). Ceci explique aussi la faible efficacité des instruments de la
politique monétaire à atteindre l'objectif final de croissance
économique. Les résultats de nos tests confirme nos
spéculations théoriques de la première partie
c'est-à-dire l'hypothèse H2 de notre
travail se trouve validée.
En fait, nos résultats insistent sur
l'amélioration de l'efficacité des instruments de la politique
monétaire utilisés au Cameroun. Pour cela, il faut agir sur
certains instruments du nouveau dispositif de la politique monétaire de
la zone.
II - Les enseignements des modèles pour des
instruments de politique monétaire plus efficace
La présente étude a montré que les taux
d'intérêt directeurs en particulier le TIAO a un effet positif sur
l'inflation, par contre le TIPP a un effet négatif sur l'inflation et
que la croissance de la masse monétaire a un impact faible sur la
croissance économique. Toutefois ces effets demeurent relativement
faibles.
Ainsi, une amélioration des instruments et des
mécanismes de transmission de la politique monétaire au secteur
réel au Cameroun s'avère indispensable. Les objectifs majeurs de
la politique monétaire et des crédits sont les mêmes dans
presque tout les pays. Mais, il n'en va pas de même des techniques
à mettre en place pour y parvenir. Celles-ci varient
considérablement d'un pays à un autre selon le niveau de
développement et la structure financière de chaque pays. Du fait
de la faiblesse de revenu et de l'épargne, le Cameroun est constamment
confronté à un manque des capitaux nécessaires au
financement de l'économie. A cette cause structurelle, il faut ajouter
que au Cameroun, la masse monétaire est soumise à des fortes
fluctuations saisonnières, conséquences du caractère
cyclique de la production agricole. C'est dire que l'action du contrôle
de crédit des autorités monétaires camerounaises doit
avant tout avoir pour objectif d'ajuster la liquidité globale au besoin
de l'économie. Ceci veut dire qu'il faut mettre l'accent sur les
instruments ayant une action sur la liquidité bancaire (politique des
taux d'intérêt, open market et l'escompte).
De plus, on sait que l'objectif final de la politique
monétaire de la BEAC est la stabilité monétaire. Ainsi,
pour la BEAC dont la monnaie est rattachée à l'Euro par une
parité fixe, l'objectif de stabilité monétaire signifie un
taux d'inflation faible et un taux de couverture extérieure de la
monnaie suffisant (minimum 20%). Pour évaluer le risque pesant sur cet
objectif, la BEAC doit suivre étroitement l'évolution des
agrégats monétaire (taux de croissance de la masse
monétaire et de crédit à l'économie). Elle doit
utiliser les instruments appropriés pour les actions à mener.
En ce qui concerne l'action par la quantité, la BEAC
s'appuie sur l'exercice de la programmation monétaire pour arrêter
les objectifs de croissance des agrégats monétaires et de
refinancement compatible avec la réalisation de l'objectif de
stabilité des prix (faible inflation). L'action par les taux
d'intérêt inscrit dans le cadre de la nouvelle politique
monétaire d'après 1990 de la BEAC doit être dynamique et
plus souple. Ainsi, le gouverneur de la BEAC doit fixer les taux
d'intérêt directeurs en fonction des objectifs de la politique
monétaire et surtout de l'évolution de l'économie
nationale et mondiale.
Le taux d'intérêt exerce une influence sur le
comportement des agents économiques. Ainsi la hausse des taux
d'intérêt peut décourager la consommation et stimuler
l'épargne, ce qui peut être source de surliquidité des
banques commerciales. Pour cela donc, la BEAC doit baisser son taux
d'intérêt d'appel d'offre (TIAO) et augmenter le TIPP pour
influencer les différents taux à la baisse et encourager la
consommation pour diminuer la surliquidité bancaire. La non
répercussion des variations des taux d'intérêt directeurs
sur les taux d'intérêt nationaux peut avoir un impact important
sur l'activité économique.
Conclusion
Au total dans ce chapitre, nous avons eu à
présenter les différents résultats de nos tests qui nous
ont permis de rejeter et d'accepter certaines de nos hypothèses. De ces
différents résultats, nous avons tiré des enseignements et
avons fait des recommandations. Ainsi pour une amélioration de
l'efficacité des instruments de la politique monétaire
utilisés au Cameroun, le travail est loin d'être achevé.
CONCLUSION GENERALE
Rappel de l'objet
Notre travail dont le thème s'intitule :
« Politique monétaire : efficacité des
instruments utilisés au Cameroun », avait pour objet
de faire une analyse empirique de l'efficacité des instruments de la
politique monétaire par rapport à la stabilité des prix et
la croissance économique depuis la reforme de 1990. Nous avons
défini l'efficacité comme la capacité à
réaliser un objectif visé. Ainsi ce travail s'est
déroulé autour de ces questions :
- Les instruments de la politique monétaire
utilisés au Cameroun sont ils efficaces ?
- Quels sont les instruments théoriques de la politique
monétaire ?
- Quelles sont les relations qui existent entre les
instruments de la politique monétaire et les objectifs de
stabilité des prix et de la croissance économique au
Cameroun ?
L'objectif de notre recherche était de voir si les
instruments de la politique monétaire sont d'un grand apport dans la
lutte contre la pauvreté au Cameroun, indirectement à travers la
réalisation des objectifs de stabilité des prix (faible
inflation) et de croissance économique.
Rappel des hypothèses
Dans le souci de mener à bien notre recherche, nous
avons à partir de la littérature et des travaux empiriques
déjà menés dans le domaine de la politique
monétaire, formulé deux hypothèses à
savoir :
H1 : les taux d'intérêt
directeurs de la BEAC influencent négativement l'inflation.
H2 : la croissance de la masse
monétaire a un impact faible sur la croissance économique au
Cameroun.
La démarche adoptée nous a permis de retenir
plusieurs variables qui ont été utilisées dans la
régression. Le logiciel d'analyse économétrique E-Views
nous a permis de réaliser les estimations de nos équations de
régression. L'estimation par la méthode des moindres
carrés et les tests statistiques réalisés ont donné
les résultats suivants :
Le test de Fischer permet de dire que le modèle de
l'inflation pris dans son ensemble est globalement significatif à 1%. Le
modèle de la croissance quant à lui est aussi globalement
significatif au même seuil.
L'analyse des signes et le test de Student nous ont conduit
à la conclusion suivante : le TIAO a une influence positive sur
l'inflation tandis que le TIPP a une influence négative sur l'inflation.
La croissance de la masse monétaire exerce un effet positif significatif
sur la croissance économique. Ainsi notre hypothèse
H1 n'est pas validée, par contre
l'hypothèse H2 est validée.
Par ailleurs le Durbin-Watson montre que les erreurs ne sont
pas auto corrélées. Les données utilisées ont
été recueillies dans les documents statistiques et les sites
internet de la BEAC, la Banque de France et la Banque Mondiale de 1990 à
2004.
Rappel des résultats
Les régressions multiple et simple que nous avons
effectuées à l'aide du logiciel E-Views nous ont donné les
résultats suivants :
Les modèles utilisés sont globalement
significatifs au seuil de 1%, la plupart des variables exogènes
contribuent significativement à l'explication des différents
phénomènes au seuil de 5%. Certains signes attendus n'ont pas
été obtenus, mais les coefficients demeurent stables dans
l'ensemble. Ces résultats nous ont permis de rejeter d'une par
l'hypothèse H1 et de valider
l'hypothèse H2. Ce qui n'a pas
confirmé l'influence négative des taux d'intérêt
directeurs sur l'inflation, mais le faible impact de la masse monétaire
sur la croissance économique au Cameroun a été
confirmé.
Les limites de la recherche
Le thème de ce travail étant de
l'actualité économique, il est inconcevable d'assister à
ce débat sans travail scientifique. Il y a lieu de rappeler que tout
travail de recherche expose son auteur à des critiques de tout ordre.
Les critiques scientifiques résultent en fait des limites
constatées dans ce travail tant sur le plan de la forme, du fond et de
la méthodologie. Ainsi, ce travail initiateur à la recherche
présente des possibilités de biais non seulement sur les
variables retenues, mais aussi des tests, qui ne peuvent pas forcement
être parfaits dans l'ensemble.
Axe futur de recherche
Du fait de la mise en oeuvre de la même politique
monétaire dans la zone BEAC cette recherche pourra s'étendre
à l'ensemble des pays de la zone BEAC. De même, dans le futur, il
est important de voir l'influence de tous les instruments de la politique
monétaire dans le contexte de la BEAC sur tous les objectifs finaux de
la politique monétaire.
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