Contribution et analyse des conflits forestiers en milieu rural. cas de territoire de Bagata, province de Bandundu (RDC)( Télécharger le fichier original )par p. Basile SAKATA SELEBAY Université Catholique de Louvain - Master complementaire en Développement. environnement et société 2010 |
3.3.2. Province Orientale120(*)La province Orientale est située au Nord-Est de la RDC. Elle s'étend sur une superficie de 503.239Km2, soit le 1/5 de la superficie totale du pays. Sur les 503.239Km2, la forêt couvre une superficie de 370.000 Km2, soit 73% de la superficie de la province, dont 43.569 hectares constitués en 35 réserves non gardées en voie de disparition disséminé dans tous les districts, hormis le parc de « GARAMBA et le réserve à OKAPI d'EPULU » qui sont gardés. La superficie des forêts concédées s'élève à 3.012.434 hectares où sont exploitées différentes catégories de bois. A. Genres des conflitsLes conflits à répétition sont ceux qui opposent la population locale et l'exploitant et cela est dû au non-respect de cahier de charge. A BASOKO dans la province Orientale, les conflits avec les communautés locales ont été réamorcés depuis le retour de l'entreprise SIFORCO après plusieurs années d'absence. Sous le régime de Mobutu un proverbe populaire de la région disait «Otumoli SIFORZAL, Otumoli Mobutu », ce qui se traduit par « Toucher à SIFORZAL, c'est toucher à Mobutu ». En mai 2008, après avoir découvert que des consultants de « forêt Ressources Management : FRM », un cabinet français de conseil en gestion des forêts, préparaient un plan de gestion de leurs forêts pour le compte de SIFORCO, des villageois ont organisé une grève avec occupation des locaux pendant cinq jours, à LOKUTU, pour dénoncer le fait qu'ils n'avaient pas été consultés. Lors d'une réunion avec les représentants locaux, « FRM » a renvoyé la responsabilité de ce défaut d'information à son client SIFORCO. En plus le compte rendu de cette réunion n'a pas été rendu public121(*). En 2008, environ deux mille villageois encerclèrent le site de l'entreprise SAFBOIS à YAFUNGA revendiquant le paiement de compensations financières pour l'utilisation du sol communautaire, la construction d'une école et d'une infirmerie, la réfection de routes et des recrutements parmi la main d'oeuvre locale. Devant le silence de l'entreprise, ils auraient alors pénétré dans les locaux et emporté certains équipements122(*). Cinq membres du comité villageois furent arrêtés, mis en prison et battus. Ces mêmes populations de YAFUNGA en 2005 avaient bloqué les routes paralysant les activités de l'entreprise. Elles se plaignaient de n'avoir pas été dédommagée par SAFBOIS pour l'occupation de terrain communautaire ni pour la destruction par les bulldozers d'arbres fruitiers, de récoltes et de tombes. Cinq manifestants furent arrêtés, battus et condamnés à des amendes. En 2006, un homme et deux jeunes filles ont été frappés par un membre de la sécurité de SAFBOIS alors qu'ils ramassaient des chenilles. Un autre conflit est celui qui oppose à l'autorité étatique et exploitante. En 2007 une mission de terrain conjoint composée de représentants ministériels et de membres de Global Witness mandatée par l'Union Européenne et la Banque Mondiale découvraient des sites d'exploitation dans les champs appartenant à des villageois à proximité de YAFUNGA (Province Orientale), à 16 kilomètres de sa parcelle de coupe annuelle autorisée, et sur lesquels la société utilisait son marquage sur les grumes ainsi produits illégalement. Au total six violations distinctes du code Forestier ont été constatées : exploitation non autorisée, absence de marquage des limites de parcelles annuelles de coupe, marquage de grumes non réglementaire(ou absent), marquage des souches non réglementaire(ou absent), stockage des grumes non marquées et dont on ne retrouve pas de trace dans les journaux de chantier. Les inspecteurs ont découvert que les employés n'avaient pas été payés depuis trois mois. Conflits entre les autorités étatiques et les communautés locales. En 2007, un courrier du comité villageois rappelait au président de l'assemblée provinciale les 1000 emplois promis par la dirigeante Françoise Van de Ven, lors de la cérémonie inaugurale de septembre 2004. Le courrier regrettait que SAFBOIS n'ait jusque-là engagé que 184 personnes, dont 150 journaliers gagnant 4000 FC par mois (environ 5 euros), pour 14 heures de travail par jour.
La communauté de Lubanda s'est trouvée privée de son espace de vie par l'extension d'une part de 540.000 ha du parc National de Kundelungu (lui laissant une zone d'accès le longue de la route sur 2 km) et par l'octroi de plus de 10.000 ha par l'administration foncière à un exploitant X pour la production agricole. Celui-ci a délocalisé les paysan de l'espace acquis et a interdit aux communautés de se rendre dans leurs champs et de pêcher dans leur lac, alors il constitue l'unique source d'approvisionnement en eau et en protéine. Avec ses tracteurs, l'exploitant a déboisé et détruit les plantations des paysans. Devant cette situation délicate, les gardes de chasse s'arrangeraient avec les membres des communautés qui voulaient pratiquer l'agriculture illégalement dans le parc en leur versant des tributs en contrepartie et en se partageant le fruit de la récolte. Lors de la récolte, l'équipe de garde ayant changé, un paysan voulant visiter son champ se fera tirer dessus dans le dos, sous prétexte qu'il était braconnier et qu'il avait violé les règles d'accès au parc. Actions menées une équipe de la vulgarisateurs du RRN qui était en mission dans ledit village fut saisie de ce rapport. A l'issue de leur entretien avec les membres de cette communauté elle rapporta à son tour au comité d'orientation qui constitua une équipe pour la collecte de données. Une cartographie participative fut ainsi réalisée pour mener le plaidoyer. Le comité d'orientation organisa une table ronde autour de laquelle furent conviées les parties prenantes. Finalement, l'administration constitua à son tour une équipe pour confirmer les informations, qui après vérification, changea les limites de l'exploitant et réalisa une extension de la zone d'accès dans le parc jusqu'à 5 km au profit des communautés locales. 3.3.4. Cas de conflit forestier au Kasaï- Occidental124(*) Le contexte du conflit, la concession en cause est située dans la commune de Lukonga, qui est une commune semi-rurale et même agropastorale. Elle est plus précisément située dans le groupement de Bena Mutshipay au village Tshumbe dans la périphérie nord-est de la ville de Kananga. Lukonga est une des cinq communes crées en 1958. Il faut signaler que le conflit dont il est question est hybride, c'est-à-dire aussi bien forestier que foncier, étant donnée la nature même du de la concession. Il s'agit en effet de la vente d'une concession sur laquelle ne vivent pas moins de trois villages. Sous prétexte de donner accès aux projets de développement communautaire, en 2009 le chef de groupement de bena Mutshipay a vendu la concession à un Honorable Sénateur originaire du Kasaï Occidental. C'est dans ces conditions que lors de la réalisation de travaux de construction, le Sénateur a fait arrêter arbitrairement certains membres de la communauté locale qui selon lui, bloquaient l'avancement des travaux. La population locale a été inquiétée par la présence permanente de policier pendant une semaine ; ce qui a créé un certaine traumatisme et un arrêt de travaux champêtres et suivie. C'est à ce moment-là que la société civile a été saisie par les représentants de la communauté locale de Bena Mutshipay et c'est une ONG qui s'est occupée de l'accompagnement de ce dossier (arrestations arbitraires de certains membres de la communauté concernée, arrêt des travaux champêtres, risque de famine et délocalisation villageois). Action menée par la société civile, SOANA une ONG de droit de l'homme au Kasaï Occidental. Contact avec les autorités judiciaires pour faire relaxer les personnes arrêtées, concertation avec la communauté pour trouver une solution, récupération de terre arable par les membres de la communauté locale, acceptation par le Sénateur des erreurs de procédure dans l'acquisition de la concession. 3.3.5. Cas de conflit entre la SODEFOR et la population locale de Nioki à Bandundu125(*) . Objet du conflit, la SODEFOR exploite le bois dans le territoire d'Oshwe depuis 1994. Cette société se retrouve aujourd'hui en conflit avec les communautés locales, particulièrement avec celles du groupement Bokongo. Le chef de groupement, l'Honorable Henri Bosama (86 ans) et 27 membres de la communauté se sont rendus le 22 janvier 2010 sur le site du chantier SODEFOR (Mike 12), situé à plus ou moins 15 kilomètres de la cité d'Oshwe, pour négocier avec Monsieur Richard Garrigue, chargé de la certification de la société SODEFOR, dépêché sur le site pour la circonstance. Ils exigeaient la suspension des activités d'exploitation forestière en attendant l'issue du conflit relatif à la délimitation des forêts qui les oppose au groupement Mbidjankamba. Le groupement Bokongo revendique en effet des limites de terre différentes, estimant que la SODEFOR et le comité de sécurité territorial d'Oshwe auraient déplacé les bornes et attribué la partie Luna au groupement Mbidjankamba. Le groupement Bokongo réclame principalement les redevances coutumières jamais payées par la SODEFOR depuis son installation dans le territoire d'Oshwe (Luna 1, Luna 2 et Lole). Celles-ci équivaudraient, selon les plaignants et tel que repris dans la lettre du Gouvernement du 22 janvier 2008, à 5.971.968 dollars US. Ils exigent aussi la signature d'un cahier des charges et son exécution conformément au Code forestier. Plusieurs correspondances entre les autorités politico-administratives, la SODEFOR et l'Honorable Bosama indiquent que ce conflit date de 1988. Plusieurs procès et médiations initiés n'ont pas apporté les solutions souhaitées par les parties en présence, selon les informations disponibles. « Les conflits en présence est dû au souci des communautés locales de bénéficier des retombées sociales de l'exploitation forestière de leur éco-région, L'analyse de la situation et des actions engagées par la société civile fait montre de la mauvaise connaissance du Code Forestier et de ses mesures d'application notamment en matière de cahiers de charges. On constate également que les conflits de jouissance sont accompagnés d'autres infractions, ce qui met très bien en évidence le besoin d'un accompagnement judiciaire des populations affectées par l'exploitation forestière »126(*). On comprend également que les actions envisagées n'ont pas totalement résolu les problèmes L'article 89 constitue le poumon socio-économique de la réforme ayant abouti à l'adoption du Code forestier. Il sera difficile d'atteindre les objectifs fixés dans la mesure où cette disposition n'est pas pourvue des moyens de contraintes à l'endroit des concessionnaires. Avec ses commentaires, l'auteur souligne qu'il faudrait assortir cet article de sanctions administratives, comme le retrait de l'autorisation de coupe en cas de non-réalisation des infrastructures convenues127(*). 3.3.6. Les enseignements tirez de ces études de cas par rapport à mon terrain Comme je l'ai déjà mentionné ci-dessus, nous sommes en présence des sociétés juxtaposées dans l'espace, les unes proches des autres. Les études de cas m'ont aidé à connaître certaines coutumes de diverse région du pays. En outre, ces études m'ont permis d'approfondir mes connaissances sur les différentes sources de conflits ainsi que sur les espaces publiques utilisées pour leur résolution. J'ai constaté qu'à Bagata se sont les petits entrepreneurs qui épuisent des ressources forestières dans un souci d'assurer la subsistance de leur famille, tandis que dans les autres provinces ce sont les grandes sociétés qui exploitent les ressources forestière dans un but lucrative sans se soucier des questions environnementales et sociales. Ces études ont aussi mis en évidence que malgré une croissante perte de confiance de la population dans le système traditionnel de résolution de conflit, les communautés préfèrent les autorités coutumières pour résoudre leurs différends plutôt que les .institutions étatiques comme par exemple le tribunal. Celui-ci est cependant le choix préférentiel des grandes sociétés. Par conséquent, à Bagata, les autorités coutumières se voient investi d'un pouvoir considérable au sein de la communauté dont le chef coutumier est parfois le porte-parole. Ces études m'ont aussi éclairé sur la défaillance dans la gouvernance foncière et forestière ainsi que sur l'impact de celle-ci sur le développement locale et communautaire. En effet, des phénomènes de corruption, d'impunité, de trafic d'influence, de clientélisme, de patrimonialisme et le non-respect des lois constituent de sérieux obstacle au processus de développement et de bien-être de la population locale et du pays en générale. En analysant les conflits entre communautés locales et les entreprises d'exploitation forestière, j'ai constaté que les sources de ces conflits sont presque identiques et que le non-respect de cahier de charge ainsi que l'exclusion de la population locale de tous processus de concertation et de décision sont à la genèse de plupart des conflits. Bref, les renseignements que j'ai pu obtenir en analysant ces études de cas m'ont été plus qu'utiles dans la formulation des suggestions aux autorités de l'Etat Congolaise ainsi que dans l'identification des pistes pour sortir du dualisme juridique et des stratégies de gestion de conflits dans le secteur forestier. Chapitre 4. CONCLUSION ET SUGGESTION * 120 J, BOLONGO BEKONDI, Mécanismes de lutte contre la crise alimentaire et conséquences sur la forêt et le climat RDC, Province Orientale (2007 à 2009) * 121 WWW.greenpeace.org op.cit * 122 www.greenpeace.org op. cit * 123 Greenpeace, (Octobre 2010), La gestion alternative des conflits forestiers par la société civil en République Démocratique du Congo Kinshasa/Gombe, pg 21 * 124 Greenpeace op cit pg 22-23 * 125 Greenpeace , Op cit pg 16 * 126 Greenpeace op cit pg 18 * 127 Garry,Sakata. (2010). Code forestier congolais et ses mesures d'application Academia bruylant Ottignies Louvain-la-Neuve Pg 145 |
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