Contribution et analyse des conflits forestiers en milieu rural. cas de territoire de Bagata, province de Bandundu (RDC)( Télécharger le fichier original )par p. Basile SAKATA SELEBAY Université Catholique de Louvain - Master complementaire en Développement. environnement et société 2010 |
C. L'Exploitation forestière au Congo belge78(*)L'exploitation forestière est la récolte de produits de la forêt et leur préparation pour différents usages. Elle comprend donc l'extraction des produits, leur transformation et leur préparation comme matière première des industries transformatrices du bois, soit : l'abattage, le débardage, le transport jusqu'à l'usine et le débitage. L'exploitation forestière congolaise a connu ses temps héroïques entre 1920 et 1930. Les premières scieries s'installèrent au Bas et au Moyen Congo, pour la production des bois de construction à l'usage local.
En dehors de cette exploitation, nous n'avions que la coupe de bois de chauffage à l'usage domestique, pour les bateaux et pour le chemin de fer. Les premières exploitations se sont installées là où il y avait des forêts riches en essences facilement exploitables, le plus près possible des voies d'évacuation, c.-à-d. au Mayumbe qui, a l'avantage incalculable de sa proximité avec les ports de Boma et de Matadi. Installée en période d'euphorie, l'industrie forestière du Mayumbe, du Kasaï et du Lac Léopold II ne put commencer ses envois qu'en pleine dépression économique et ce n'est qu'à partir de 1933 que les exportations de bois du Congo progressèrent régulièrement. De 12.000 tonnes, elles passèrent à 50.000 tonnes en 1939. Politique forestière avant l'indépendance La réglementation de l'exploitation prescrit des règles ayant pour but de prévenir la dégradation de la forêt et le gaspillage du bois. Comme l'attribution des coupes, elle devrait être basée sur la prospection forestière. L'exploitation peut donc et doit être une opération culturale et la nécessité pour l'industrie forestières d'exploiter plus d'arbres à l'hectare pour se développer et assurer une production soutenue, garantit l'amélioration de la forêt, à la condition que les intérêts soient bien compris. Le gouvernement a pour rôle d'aider les services de recherche, de définir les règles d'exploitation propres à atteindre ce but. Les exploitants doivent s'intéresser à la sylviculture ; les sylviculteurs ne peuvent pas ignorer les moyens et les difficultés des exploitants. Chacune des parties a intérêt à une meilleure compréhension réciproque. La politique forestière du Gouvernement du Congo fait l'objet du décret forestier du 11.4.49. La nécessité de la protection de la forêt était déjà reconnue par un décret de 1912. Les règles d'exploitation de 1923 défendaient de couper plus des 2/3 du matériel sur pied. 2.3. La place des forêts pour les communautés locales dans la nouvelle configuration du droit forestier congolais2.3.1. Les systèmes locaux d'appartenance de forêtsLa question de l'appartenance des forêts congolaises est réglée par le code forestier actuel, en les attribuant à l'Etat congolais et ce, qu'il s'agisse des forêts classées ou des forêts de productions permanentes (articles 9 et suivants), y compris les forêts couvertes par l'expression « forêts des communautés locales », qui relèvent des forêts protégées par l'Etat. Le code s'est démarqué, sur cette question du statut des forêts, du Décret de 1949 pour lequel, seules les forêts domaniales appartenaient à l'Etat, à l'exclusion des forêts privées et des forêts indigènes79(*). Il a confirmé la suppression de la classification des forêts domaniales et des forêts privées d'une part et des forêts indigènes de l'autre80(*). Il a uniformisé le droit forestier en domanialisant toutes les forêts y compris les forêts dites « indigènes81(*) ». Dès lors, le patrimoine forestier de l'Etat congolais comprend désormais un domaine forestier public et un domaine forestier privé. Une nouvelle classification des forêts a été ainsi introduite, en remplacement de celle du décret d'avril 1949 : le domaine forestier est donc réparti comme suit : d'une part, des forêts classées (qui relèvent du domaine forestier public) et, d'autre part, des forêts protégées et des forêts de productions permanentes, « qui relèvent du domaine privé de l'Etat »82(*). Il faut observer que la domanialisations des forêts congolaises décidée par le code forestier n'ignore pas les liens historiques et culturels que les communautés locales ont avec leurs forêts, ni les droits dont ces dernières se prévalent souvent sur ces forêts83(*). Au contraire, ce texte fait une large place aux communautés locales, dont il essaie de concilier les modes de vie avec les principes modernes admis par les Etats en matière de gestion des forêts. D'abord, il y a lieu de relever que la notion de « forêts des communautés locales », telle que la notion de forestier, est issue de celles des forêts dites indigènes84(*). Ce qui change, en réalité, c'est la nature des droits que détiennent désormais les communautés locales sur les forêts locales. On est parti d'un droit de propriété à un pouvoir de fait, il s'agit d'une possession sui generis, assortie d'effets juridiques85(*). Les forêts des communautés locales ne sont pas la propriété de celles-ci, mais de l'Etat, et relèvent du domaine forestier privé de l'Etat et de la catégorie dite des forêts protégées. De la sorte, sera reconnue titulaire d'une forêt, la communauté qui, en vertu des coutumes locales, la possède régulièrement. Le mot régulièrement suppose la reconnaissance des autres communautés voisines. On en arrive donc au constat que la détermination de la forêt de communauté locale dépend d'abord des coutumes locales. Au demeurant, seule une telle communauté peut prétendre à la concession forestière communautaire, qui sera un titre écrit. C'est ce qui ressort de l'énoncé de l'article 22 du code forestier. De ce qui précède et en partant de l'orientation donnée par le législateur au travers de l'énoncé de l'article 22 susmentionné , on peut arriver à définir une forêt de communauté locale comme une forêt régulièrement possédée par une communauté locale , en vertu de la coutume. Une telle forêt ne devient une concession communautaire qu'à la suite de son attribution aux communautés locales. Les vérifications de terrain ont permis de confirmer cette orientation du législateur congolais elles ont, en effet, mis en évidence le fait que les terres ainsi que les forêts sont réparties dans une majeure partie du territoire national et en vertu des coutumes locales, en fonction des lignages, entendus comme des systèmes sociaux regroupant deux ou plusieurs clans ou familles se trouvant sous l'autorité d'un chef coutumier, descendant de la famille régnante. Il a également été relevé que, même au sein des lignages, les terres et les forêts sont réparties selon les clans, au sein des clans, selon les familles. En réalité, sauf à quelques exceptions près, ce sont en définitive les familles qui sont détentrices des droits fonciers et forestiers, et donc de la possession coutumière des terres et des forêts quand bien même elles continuent à relever, en matière de gestion, de l'autorité coutumière du chef traditionnel et des notables. Elles sont, à ce titre, des « ayant droit » ; expression courante, qui renvoie à toute personne ou entité titulaire des droits fonciers coutumiers. Les enquêtes de terrain ont aussi révélé des cas où les terres et les forêts, plutôt que de relever des familles, sont sous la maîtrise coutumière des chefs traditionnels. * 78 L.E EECKHOUT, l'exploitation forestière au Congo belge (1953), 154 pp. * 79 COUNSELL, S., La gouvernance forestière en République démocratique du Congo, 2006, pp. 20-22. * 80 Cette suppression découlait déjà implicitement de l'ordonnance-loi n°66-343 du 07 juin 1966, connue sous le nom de la « loi Bakandjika », du nom du député qui en avait pris l'initiative rédigé le projet initial. C'est cette loi qui introduisit des réformes fondamentales dans le droit foncier et dans le droit des ressources naturelles congolais. En date du 3 décembre 1971, le Parlement congolais vota deux autres textes, qui confirmaient les orientations de l'ordonnance-loi n°66-343 du 07 juin déjà citée, à savoir la loi n°71-008 et n°71-009 du 31 décembre 1971. * 81 Les forêts autrefois dites indigènes sont le plus ou moins le correspondant de ce que le nouveau code appelle « forêts des communautés locales ». * 82 COUNSELL, S., La gouvernance forestière en République démocratique du Congo, 2006, p. 7. * 83 Idem, pp. 11-12. * 84 L'expression « forêts des communauté locales » est, à quelques nuances près, le correspondant de ce que l'on appelle dans la sous-région « forêts communautaires ». * 85 Les effets juridiques dont celle possession est assortie, c'est notamment que les communautés locales peuvent s'en prévaloir pour obtenir un titre écrit (un contrat de concession communautaire)ou pour exiger à l'exploitant industriel la négociation et la mise en oeuvre du cahier des charges, et trésor public la rétrocession des sommes dues au titre de redevance de superficie ou encore pour revendiquer l'exercice des forêts d'usage dans une forêt classée ou dans un concession forestière, etc. |
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