5 Recompositions familiales et positionnement
genré161
Anne pense qu'elle est une figure matriarche, mais ce qui ne
signifierait pas mère ou belle-mère. Elle est une adulte et
même si les enfants sont aussi maintenant des adultes, de jeunes adultes,
il y a une génération de plus. Elle est une figure maternelle,
une figure (elle appuie sur le une) parce que les enfants ont une
mère aussi. Anne dirait que ses propres idées ont renforcé
les idées de la mère mais en les précisant parce qu'elles
ne sont pas les mêmes femmes même si leurs idées
n'étaient pas aux antipodes.
Cela aurait été plus compliqué pour
Patrick parce que son point de vue était opposé à celui de
Hugues. Donc, elle trouvait cela intéressant aussi parce qu'il aurait
montré qu'on pouvait être homme autrement.
Quand Philippe parle de « vrais » ou de
« faux » parent, papa, enfants, il sous-entend la
présence ou non d'un lien qu'il voit comme «
génétique ». Il se réfère à
l'engendrement. Il pense que cela correspond à ce que j'appelle «
sans statut » (quand je présente ma
recherche)162. Mais cette notion de « vrai » et
« faux » ouvre selon lui le débat. Dans son cas, il a
éduqué deux « faux » enfants comme il les
appelle, pendant toute leur période d'adolescence - ce qui
représente, selon lui, une partie non négligeable de leur «
maturation ». Alors est-il le parent ? Il pense que oui. Il pense
qu'il n'est pas le « papa » mais qu'il est le ou un parent.
Il aurait été le transmetteur de tous les éléments
qu'il a décrit plus tôt. Ce qui serait complexe, puisqu'il n'est
pas le « papa ». D'où le « T'es pas mon
père ». D'autant plus que quelque fois, le discours du
père en question pouvait être en contradiction plus ou moins
importante avec le sien.
Mais heureusement, selon Philippe, la relation avec Pascal
aurait toujours été détendue, la maison lui aurait
toujours été ouverte et les grands principes éducatifs
seraient très proches. Pour lui, la vraie différence se situe
dans le fait que Philippe aurait été le transmetteur permanent de
cette partie de leur vie. Il aurait mis beaucoup plus d'affect dans la relation
avec Emilie et Romain que Pascal, qui à son avis, n'a jamais
été très tendre, ni très à
l'écoute.
161 Défini socialement selon le sexe de la personne tel
qu'il est identifié par la société.
162 Il oublie par ailleurs une nouvelle fois les cas
d'adoption, d'IAD et de reconnaissance de l'enfant sans en être le
géniteur. De plus, selon mon point de vue sociologique, et dans ma
recherche, même quand un parent a engendré son enfant, le lien
n'en est pas moins social et construit et aucunement génétique.
Cependant, même s'il se trompe sur ma définition du « sans
statut », cela révèle ses propres représentations de
la parentalité. Il fera de nouveau la confusion entre géniteur et
parent statutaire lorsqu'il parlera des papiers d'identité et documents
officiels.
Il pense qu'il était l'exemple au quotidien en plus de
l'éducateur alors que Pascal n'était, selon lui, qu'une
référence plutôt théorique et décousue, voire
déconnectée de certaines réalités.
Se pose la question de l'éventuelle comparaison entre
parent statutaire et conjoint-e de l'autre parent statutaire. On sent alors
encore la rivalité dont parle Sylvie Cadolle entre le père et le
beau-père163. La cohabitation plus fréquente du
beau-père avec les enfants, le place plus souvent que le père,
dans un rôle parental. Mais le père a le statut, l'autorité
parentale, la légitimité sociale que le beau-père n'a pas.
Il s'agit donc de négocier les différents rôles, soit par
des principes éducatifs dits proches, soit en considérant chaque
foyer comme un espace avec ses propres règles différentes. Il
s'agit de construire un rôle sans donner l'impression de concurrencer
l'autre. Mais cette concurrence ne concerne pas une identité parentale
liée au sexe de la personne. Ce ne sont pas parce que deux parents sont
deux femmes (mère et conjointe du père) ou deux hommes
(père et conjoint de la mère) qu'ils/elles se trouvent en
concurrence pour un rôle construit de manière sexuée
(père ou mère). L'étude de Didier Le Gall, sur les
recompositions homoparentales féminines, montre que dans les situations
où la mère se met en couple avec une femme et que celle-ci prend
le rôle de belle-mère, c'est la question de la place du
père à ne pas usurper qui est posée et non celle de la
mère. La concurrence se joue donc entre un parent statutaire et le
conjoint ou la conjointe de l'autre, en tant que partenaire
privilégié-e, susceptible de partager une même filiation
(la parentalité n'était d'ailleurs supposée se construire
jusqu'en 1987 qu'au sein du mariage - 1987 ayant marqué le début
du partage de l'autorité parentale hors mariage).
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