La démographie des familles homoparentales et des
recompositions familiales en France
Le nombre de familles homoparentales est aujourd'hui, impossible
à estimer de manière précise, car elles n'ont aucune
reconnaissance juridique. Le terme « homoparentale » est un
néologisme inventé par l'Association des Parents Gays et
Lesbiens, mais juridiquement, l'homoparentalité n'est pas reconnue.
Le conjoint ou la conjointe du parent statutaire n'a encore aucun statut
à ce jour. Dans le cas d'une adoption ou de nouvelles techniques de
reproduction, seule l'une des deux personnes est reconnue comme
parent (l'adoptant-e ou la personne génitrice). Pour ce qui est des
couples homosexuels, ils ne peuvent pas non plus être
précisément estimés car les statuts matrimoniaux reconnus
en 2009 sur la feuille de recensement sont : « Célibataire
(jamais légalement marié(e)) », «
Marié(e) (ou séparé(e)) mais non divorcé(e))
», « Veuf, veuve », « Divorcé(e) ». Le PaCS,
le concubinage et les couples non cohabitants ne sont pas
comptabilisés. De plus, le nombre de PaCSé-e-s homosexuel-le-s
ne sont pas non plus comptabilisé-e-s car le sexe des
personnes contractantes n'est pas indiqué. « Le PaCS ne fait
aucune allusion aux configurations familiales homoparentales existantes
»31. Néanmoins, l'INED (Institut National
d'Etudes Démographiques) permet d'estimer le nombre de couples
homosexuels à environs 150 000 en 2005 grâce à
l'enquête EHF (Etude de l'Histoire Familiale). Cette enquête
présente, toutefois, certaines limites. Les couples
comptabilisés étaient des couples cohabitants (ce qui
ne représenterait que 50% des couples homosexuels). Ensuite,
certain-e-s refusaient de dévoiler leur situation atypique. Et enfin,
les questions étaient destinées à des couples
hétérosexuels. La difficulté se situait notamment dans
la définition que chacun-e donne au mot « couple »
et à sa relation. La notion de « couple » ici, ne renvoie
pas une définition juridique mais sociale. Cette même
enquête estime que 16% des couples homosexuels féminins comptent
au moins un enfant présent dans le ménage contre 0% des
couples homosexuels masculins. L'enfant présent n'est pas
forcément un enfant en commun et l'estimation du nombre de couples
ayant un enfant commun aux deux femmes ne s'élève qu'à
160. On peut se demander selon quels critères les conjoint-e-s
estiment que l'enfant est en commun ou non. L'un des deux parents
n'étant pas statutaire, il ou elle pourrait se considérer comme
parent dans le
31 RAULT Wilfried (2009), L'invention du
PaCS, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques,
p.109.
quotidien mais ne pas le déclarer dans l'enquête
EHF. Ces estimations restent donc imprécises et
minimales32.
Patrick Festy reprend cette enquête afin d'estimer le
nombre de couples homosexuels en France, en 2006, et le nombre de familles
homoparentales33. Il estime le nombre de couples homosexuels
à 150 000 dont 80 000 couples gays et 70 000 couples lesbiens. 2000
couples gays auraient au moins un enfant contre 10 000 à 12 000 couples
lesbiens. Evaluant le fait qu'il y aurait en moyenne deux enfants par famille,
il y aurait donc 24 000 enfants vivant dans des familles homoparentales. Tout
comme l'autre étude, cette estimation est à la fois
imprécise et minimale. D'une part, les couples non cohabitants ne sont
toujours pas comptabilisés. D'autre part, les enfants issus d'une union
hétérosexuelle, dont l'un des deux parents fait partie
aujourd'hui d'un couple homosexuel, ne sont pas comptés si les enfants
vivent avec l'autre parent. Selon Patrick Festy, il y aurait de 24 000 à
40 000 enfants appartenant à une famille homoparentale.
Concernant les recompositions familiales, « en 1999,
lorsqu'il vit au sein du foyer parental, un jeune de moins de 25 ans sur quatre
vit avec un seul de ses deux parents. Il réside une fois sur quatre avec
un parent et un beau-parent, et trois fois sur quatre au sein d'une famille
monoparentale. Un million d'enfants sont élevés par un couple
dont seul l'un des deux membres est leur parent : 63% habitent avec leur
mère et son nouveau compagnon, 37% avec leur père et sa nouvelle
compagne. »34
Les recompositions familiales sont donc des situations
beaucoup plus nombreuses - et également beaucoup plus socialement
admises que l'homoparentalité. Le conjoint et la conjointe du parent
statutaire porte un nom, le « beau-parent » et cela facilite
l'enquête quantitative puisque les personnes sont socialement
définies. Il est plus facile de se reconnaître comme correspondant
à la population d'une enquête quand les termes sont communs, que
lorsque la définition des places et des relations restent floue.
Néanmoins, dans le cas de mon enquête, il est sans doute plus
« facile » de se dire parent quand on a eu un enfant dans le cadre
d'une union homosexuelle que lorsqu'on est déjà défini-e
comme « beau-parent ».
32 TOULEMON Laurent, VITRAC Julie, CASSAN Francine
(2005), « Le difficile comptage des couples homosexuels d'après
l'enquête EHF », in Lefèvre Cécile, Filhon Alexandra
(dir), Histoires de Familles, Histoires familiales : Les résultats
de l'enquête Famille de 1999, Cahier de l'INED n° 156, Paris,
INED, p. 589- 602
33 FESTY Patrick (2006), « Le recensement des
familles homoparentales », in Cadoret Anne, Gross Martine, Mécary
Caroline, Perreau Bruno (dir), Homoparentalités : Approches
scientifiques et politiques, Paris, PUF, p.109-116.
34 BARRE Corinne (2005), « 1,6 million d'enfants
vivent dans une famille recomposée », in Lefèvre
Cécile, Filhon Alexandra (dir), op. cit., p. 273-281
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