La gestion des temps parentaux
Cette gestion des temps parentaux ne se fait pas de la
même manière chez Vanessa, Karine et Maël d'une part, et
Martine, Eva, George et Jim d'autre part. Vanessa se trouve de fait, plus
souvent dans l'espace parental que Martine et Eva qui 40% du temps, font de
leur appartement un espace quasi exclusivement conjugal. Le quotidien ne peut
être le même dans l'un et l'autre cas ni du côté des
femmes, ni du côté des hommes. George est amené en effet,
à
79 DECUP-PANNIER Benoîte, SINGLY François
de (2000), op.cit. p.353.
80 DUBAR Claude (2000), La crise des
identités : L'interprétation d'une mutation, Paris, Presse
Universitaire de France, collection « Le lien social » et CHARRIER
Gilda, DEROFF Marie-Laure (2006), « La décohabitation partielle :
un moyen de renégocier la relation conjugale ? », Cahiers du
Genre, n°41, p.99-115.
81 SINGLY François de (2001), « Charges
et charmes de la vie privée », in Laufer Jacqueline, Marry
Catherine, Maruani Margaret, Masculin-Féminin : Questions pour les
sciences de l'homme, Paris, Presse Universitaire de France, collection
« sciences sociales et société », p.149-167.
être « autant »82 avec l'enfant que
Martine alors que Maël ne rencontre Antoine que ponctuellement. La
division du travail parental « en face à face » s'en trouve
dès lors plus inégale - que cette inégalité soit
souhaitée ou non.
De plus, la place de la conjointe sans statut diffère
car dans le cas de Vanessa, avant la rupture de contact, Karine était
plus souvent avec l'enfant que son père. À un moment de
l'entretien, Eva rappelle aussi qu'au début Esteban était plus
souvent avec elle que son père. Ce ne sera plus le cas avec la
résidence alternée. Investir plus souvent l'espace parental que
le père pourrait donner une légitimité - toute relative -
comparable à celle des beaux parents vivant avec le parent gardien dans
les recompositions familiales.
Vanessa appuiera d'ailleurs sur le fait que Karine
s'investissait plus - en tant que sa partenaire - que Maël lui-même,
lors de la grossesse83.
2.2 L'éducation de l'enfant : un ensemble de savoirs
ou un ensemble d'opinions ?
Plusieurs individu-e-s différent-e-s autour d'un enfant
et une éducation à donner. Une, plusieurs ou une composée
de plusieurs points de vue ? La société attend des parents une
certaine cohérence, elle leur enjoint donc de faire avec leurs
différences de point de vue. Une stratégie peut être de se
construire un point de vue commun. Ce que Berger et Kellner expliquent pour le
mariage84 est valable pour la parentalité :
82 C'est tout de même relatif, le fait
qu'Esteban soit chez l'un-e ou chez l'autre ne signifie pas qu'il est avec
l'une ou l'autre. La profession, les autres temps sociaux peuvent
réduire ce temps de parentalité « en face à face
».
83 Voir « La parentalité : histoire de
couple, histoire des parents statutaires, histoire familiale ou histoire
individuelle ? p.48.
84 BERGER Peter, KELLNER Hansfried (2006), « Le
mariage et la construction sociale de la réalité », in
Berger Peter, Luckmann Thomas, La construction sociale de la
réalité, Paris, Armand Colin, p.318-319.
« Les deux individus ont intériorisé le
même monde général y compris les définitions
générales et les expectatives de la relation matrimoniale
elle-même. Leur société leur a fourni une image du mariage
allant de soit, et les a préparés socialement à entrer
dans les rôles déterminés du mariage. Tout de même,
ces projections relativement vides doivent maintenant être
actualisées, vécues et remplies d'un contenu expérimental
par les protagonistes. Cela exigera un changement dramatique dans leur
définition de la réalité et d'eux-mêmes.
« Comme le mariage, la plupart des actions de chaque
partenaire doit maintenant être projetée en relation avec celles
de l'autre. Les définitions de la réalité de chaque
partenaire doivent être constamment mises en relation avec les
définitions de l'autre. »
Peter Berger, Hansfried Kellner, « Le mariage et la
construction sociale de la réalité »
Quand élaborer des définitions communes n'est
pas possible et que chaque parent définit la réalité, la
parentalité, l'éducation de manières différentes,
d'autres stratégies apparaissent. J'ai pu en observer deux : Vanessa
revendique un savoir qui impose d'être suivi par tous et toutes. Martine
et Eva utilisent l'espace divisé en deux foyers pour délimiter
des territoires aux idées et modes de vie différent-e-s.
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