2 Hommes et femmes dans la parentalité
Dans ces familles, pères et mères sont
présent-e-s et sont éventuellement eux/elles-mêmes en
couple avec quelqu'un du même sexe. Je ne peux donc pas étudier la
manière de définir les places et rôles de chacun-e dans le
discours, sans m'attarder un instant sur la perception des rôles
féminins et masculins autour de la parentalité. Il s'est
présenté à moi deux questions, qui finalement se
rejoignent toutes les deux : la question du lieu de vie de l'enfant
(principalement chez la mère ou bien paritairement chez l'un-e et
l'autre) et la question de l'éducation de l'enfant. Eduquer
relève-t-il d'un ensemble de savoirs indiscutables ou bien d'un ensemble
de positionnements, d'opinions qui se valent mais qui demandent de faire des
choix ? Comment hommes et femmes négocient-ils/elles leurs perceptions
différentes de l'éducation d'un enfant ?
2.1 Résidence principale chez la mère ou
résidence alternée ?
72 DEROFF Marie-Laure (2007), « L'Entretien
sociologique et l'intime : étude de cas », Les Cahiers de
L'ARS, n°4, « Genre et identités », p.81-98.
73 Dans sa Chronique familiale en quartier
impopulaire, Annick Madec explique également que « quand
l'enquêteur est une enquêtrice, on ne peut dire que prendre une
femme comme guide dans « l'île » est un choix
méthodologique ou idéologique, c'est simplement poser les
questions de faisabilité de l'enquête. » Il faut « avoir
quelque chose à se dire » pour créer une relation. «
Les choses à se dire tournent autour des problèmes
matériels, sujet que les hommes évitent prudemment, et comme dans
tous les milieux, autour des enfants, sujet que les hommes abordent rarement.
Donc si les hommes ne sont guères présents dans ce texte, c'est
avant tout parce que l'enquête a été menée par une
femme. ». MADEC Annick (1996), Chronique familiale en quartier
impopulaire, Thèse de doctorat dirigée par
Jean-François Laé, Paris VIII, p.139.
La question date des années quatre-vingt avec la
montée du divorce et a été légiférée
en 2002. Mais ce n'est pas seulement une question d'intendance et
d'organisation, c'est aussi une question qui révèle les
représentations de chacun-e dans la parentalité. L'exercice de la
parentalité - pour les hommes comme pour les femmes - ne se fait pas de
la même manière selon la gestion des temps parentaux.
Nous allons voir que mes interlocutrices ne parlent pas de la
même manière de la place de chacun-e selon le mode de
résidence choisi.
Résidence principale chez la
mère
Vanessa, Karine et Maël conçoivent tou-te-s les
trois une charte de coparentalité, comme il leur a été
conseillé. En effet, l'APGL a créé cette charte, dans
l'objectif d'établir un accord écrit entre les membres d'une
coparentalité, sur les pratiques de la vie quotidienne autour de
l'enfant : son lieu de résidence, les rythmes de visites de l'enfant
chez l'un-e ou l'autre parent etc. Néanmoins, cette charte n'a aucune
valeur juridique. Elle permet seulement d'avoir une trace écrite des
accords de départ.
Dans celle de Karine, Vanessa et Maël, il est
décidé que l'enfant portera les deux noms accolés de ses
parents statutaires. L'autorité parentale sera partagée.
Maël déclarera l'enfant à la mairie au sixième mois
de grossesse, versera une pension alimentaire déclarée et aura un
droit de visite un week-end par mois et la moitié des vacances
scolaires. Dans son récit, Vanessa précise que Maël promet
l'enfant vivra principalement avec Karine s'il doit arriver quelque chose
à Vanessa. Après la naissance, les trois parents conviendront de
changer la fréquence des visites du père. D'un week-end tous les
mois, il et elles passeront à un samedi toutes les deux semaines. Petit
à petit, Maël aura des moments seuls avec Antoine jusqu'à
passer trois jours avec lui à Noël.
Quand Vanessa revient sur son récit dans son
échange avec moi, elle m'explique qu'elle et Karine n'ont jamais voulu
de résidence alternée à cinquante-cinquante. D'une part,
pour pouvoir partager tous les moments avec Antoine. Ce que Vanessa trouve
finalement égoïste de leurs parts puisqu'elles interdisaient au
papa de vivre ce qu'elles voulaient vivre elles-mêmes. Elle est contente
d'avoir la sensation que Maël a la même demande : voir son enfant
régulièrement dans une relation de confiance sans les contraintes
du quotidien. D'autre part, Vanessa est contre la résidence
alternée. Elle pense qu'un enfant a besoin de repères stables au
quotidien, surtout les premières années, et de ne pas changer
toutes les semaines de maison. Elle trouve plus sécurisant que la maison
d'Antoine soit clairement définie comme
ici, chez sa mère. Elle aurait pu accepter plus de
présence de la part de Maël mais, selon elle, ce rythme d'un
week-end sur deux lui suffit. Il n'aurait jamais exprimé le désir
d'avoir plus de temps.
Dans cette situation et en adoptant le point de vue de
Vanessa, l'exercice de la parentalité se fait pour le couple de femmes,
par le temps quotidien. Tandis que pour le père, il se fait par
l'attribution d'une pension alimentaire sans forcément un temps parental
continu puisqu'il ne voit l'enfant qu'un samedi sur deux.
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