3. Les difficultés de l'identification des jeunes
diplômés et les premiers constats sur l'accessibilité
différentielle à l'emploi.
2.3.1. La méthode d'identification :
L'identification s'est faite à partir des listes
fournies par les établissements en charge des formations initiales, sous
condition que l'accessibilité aux données soit fournie par les
administrations concernées et l'Education Nationale en particulier, le
rectorat, mais aussi des associations comme « Un parrain, un emploi
», « Challenge emploi » ou encore « la Mission Locale de
l'antenne Campus ».
Ceci a permis d'obtenir les listes des personnes qui, sur les
« filières cibles », ont obtenu leurs diplômes pour les
années 2002 et 2003. Dans un premier temps la principale information
à obtenir était le nom et l'adresse des jeunes
diplômés qui permettait par conséquent de produire une
première approche statistique (traitement de données par tris
à plat et par tris croisés) dont le tableau ci-dessous fait le
récapitulatif des éléments à disposition.
Analyse sur chaque filière diplômante
|
Critères statistitiques
|
Jeunes ayant obtenus leur diplôme
|
Lieu de résidence
|
Jeunes originaires des Zus
|
Jeunes issus d'autres
quartiers, d'autres villles
|
Sexe
|
Jeunes garçons
|
Jeunes Filles
|
Origine (identification pragmatique à partir du nom)
|
Jeunes issus de
l'immigration
|
Autres jeunes français non issus de l'immigration
|
Cette analyse statistique par filière devait
être, dans la mesure du possible, comparée sur les mêmes
critères à l'analyse produite par les établissements du
profil de leur population globale d'élèves et d'étudiants
la même année. On pouvait ainsi mieux interpréter l'analyse
statistique initiale par une telle mise en regard, ne serait ce que pour
pouvoir ainsi identifier ce qui relève plus d'un effet de la
proximité territoriale ou d'un effet d'une réputation plus large
de l'établissement dans son aire de recrutement des jeunes en formation
diplômante14.
2.3.2. L'échantillon et l'objectif des entretiens :
A partir de cette base de données, l'échantillon
devait être établit selon les critères suivants :
1. Une vingtaine de jeunes pour chaque filière retenue
2. Un équilibre à préserver selon nos trois
critères de base (origine ZUS ou non, sexe, jeunes issus ou non de
l'immigration)
L'enquête visait plus spécifiquement des jeunes
issus de deux grands quartiers nantais à l'intérieur desquels on
peut trouver des sites de la géographie prioritaire. Saint
Donatien-Malakoff et le quartier des Dervallières-Contrie.
14 Voir l'entretien avec Monsieur Le Grand,
coordinateur au Lycée Albert CAMUS à Bellevue. P 54
Il s'agissait ensuite d'établir un repérage des
numéros de téléphone et d'obtenir des informations qui
pouvaient être communiquées tant par les établissements de
formation, des associations, ou des dispositifs d'aide à l'emploi comme
la mission locale.
L'enquête auprès des jeunes s'est faite sous la
forme d'entretiens en face à face qui duraient une heure en moyenne.
L'entretien prenait appui principalement sur les registres suivants :
1. Les motivations des jeunes à l'égard de leur
formation et leurs perceptions et représentations des atouts que
celle-ci représente à leurs yeux
2. L'expérience antérieure au regard de
l'emploi
3. Les motivations (existence ou non d'un projet
professionnel) et moyens mobilisés à la recherche d'un emploi en
privilégiant un regard sur les démarches concrètes
réalisées (CV, petites annonces, mobilisation de réseaux
personnels, contact direct aux entreprises, relation au service public de
l'emploi,...)
4. Les stratégies utilisées pour y arriver (ex
: stratégie ciblée sur des emplois déterminés ou
stratégie tout azimut ; stratégie ciblée sur un
marché de l'emploi local ou étendu à une géographie
plus large...)
5. Les ressources mobilisées dans l'environnement proche
pour accompagner cette démarche (hébergement, soutien moral et
financier...)
6. Les risques perçus de leur identité et de leur
environnement quant au handicap renforcé ou non d'un possible
accès à l'emploi
7. Les difficultés rencontrées dans la relation
au service public de l'emploi dans la démarche d'accompagnement, si tant
est que cette relation ait existé (connaissance, relation et
sollicitation de la mission locale, des équipes de terrain travaillant
sur l'insertion, des conseillers ANPE...)
8. La nature des difficultés rencontrées dans
l'abord et la relation aux entreprises dans divers registres qui se situent
entre les représentations initiales sur l'entreprise et la confrontation
à sa réalité (le premier contact, la présentation
de soi, le discours sur la valeur travail, sur les motivations à
l'emploi et le projet personnel, la tenue vestimentaire, le rapport que l'on
entend tenir à l'égard de la règle, de la
hiérarchie, du temps de présence et du rythme de travail...)
9. Les signes identifiés d'éventuelles marques
de discrimination au-delà d'une perception et représentation plus
générale des risques de discrimination que leur origine
résidentielle, leur sexe ou leurs origines familiales font peser dans la
posture qui est la leur à l'égard de l'emploi.
10. Les ruses et stratégies mises en oeuvre pour
contourner ces risques de discrimination.
L'entretien doit ainsi permettre d'identifier à partir de
leurs perceptions et représentations les principaux risques auxquels
doivent faire face les jeunes sur la question des discriminations.
L'ensemble de ces perceptions et représentations nous
donnera à voir les facteurs qui pourront apparaître discriminants
dans l'analyse ainsi proposée par les jeunes eux-mêmes des risques
qu'ils encourent en terme de discrimination.
Sur la base de ces entretiens qualitatifs et des écarts
significatifs dans les trajectoires, les discours et les expériences
vécues de recherche et d'accès à l'emploi, on pourra
identifier les facteurs premiers ou seconds des phénomènes
observés. Ainsi si la question territoriale apparaît essentielle,
en quoi celle-ci est-elle effectivement déterminante, voir
prédominante et en soi porteuse de germes discriminatoires ? Ou alors
contrairement aux hypothèses de la commande, la discrimination
relèverait plutôt d'autres critères, mais des
critères que le territoire surdéterminerait ? Ou encore, la
discrimination ne trouverait pas son essence à partir de facteurs
simples, mais plutôt d'un processus plus complexe d'interaction entre le
territoire et les dispositifs d'accès au marché de l'emploi.
Ces résultats permettront de caractériser les
processus repérés à l'échelle locale et pourront
ainsi mettre en exergue leur nature et les effets induits sur les publics tels
que par exemple :
La « discrimination intégrée » par les
publics eux-mêmes qui peut générer des attitudes et une
posture personnelle ou collective contribuant aux freins systématiques
à l'accès à l'emploi (ex : rapport tendu dans les
relations préalables aux entreprises par peur d'exclusion
arbitraire).
La « discrimination induite» par certains employeurs
qui useraient de nombreux artifices pour la mettre en oeuvre et formeraient
ainsi des barrières qui, bien que peu lisibles, constitueraient des
freins réels à un possible accès au marché du
travail pour certains publics.
La « discrimination inconsciente et partagée»
qui peut être portée par l'ensemble du système d'acteurs
(public, environnement proche, services publics, intermédiaires et
entreprises) sur la base d'une « culture partagée » mais
inconsciente du handicap projeté sur certains publics.
L'objectif est de déboucher in fine sur la construction
d'une typologie qui cherche à mettre en évidence la nature des
processus à l'oeuvre en terme de discrimination et la place des acteurs
du système dans ces processus. Cette typologie doit permettre de mettre
en exergue tout autant les points forts et les points faibles du système
d'acteurs qui cherche aujourd'hui à agir sur ces
phénomènes.
|