Le facteur culturel dans la coopération sino-camerounaise:le cas de l'implantation de l'institut Confucius a l'institut des relations internationales du Cameroun(IRIC)( Télécharger le fichier original )par Jean Cottin Gelin KOUMA Universite de Yaounde II-Soa - Master II en Relations Internationales option Diplomatie 2010 |
SECTION I : L'IMPLANTATION DE L'INSTITUT CONFUCIUS A L'IRIC : UN CHOIX RATIONNELLa politique de l'Etat chinois semble très volontariste, pragmatique et ciblée. Elle s'appuie, comme nous l'avons évoqué plus haut, sur des institutions locales, telles que les universités, les écoles, les services pédagogiques. Néanmoins, la puissance culturelle de la Chine s'articule à titre exclusif autour de l'Etat au sens gouvernemental du terme. Et comme le souligne Samuel Huntington, « la puissance d'un Etat (...) est donc normalement évalué par la mesure des ressources dont il dispose par rapport à celles que possèdent les autres Etats (...) qu'il essaye d'influencer »193(*). La Chine a établi des relations diplomatiques avec le Cameroun en mars 1971, et la coopération dans le domaine éducatif entre les deux pays est devenue de plus en plus importante à partir des années 1990, avec l'ouverture en 1996 d'un Centre d'enseignement de la langue chinoise qui s'est transformé en Institut Confucius onze ans plus tard, à l'Université de Yaoundé II. La naissance de cet institut repose plus sur la volonté au sommet des Etats. De ce qui précède, il sera question de présenter, non seulement les raisons d'ordre académique (Paragraphe 1) mais aussi les mobiles stratégiques (Paragraphe 2) qui sous-tendent la coopération sino-camerounaise à travers cette implantation de l'Institut Confucius à l'IRIC. PARAGRAPHE I : RENFORCER LA COOPERATION POUR DES RAISONS D'ORDRE ACADEMIQUEDepuis 2000, la Chine a décidé d'intensifier sa coopération scientifique et universitaire avec les établissements d'enseignement supérieur. C'est dans cette perspective qu'elle a activement encouragé l'ouverture à l'IRIC, de l'Institut Confucius de l'Université de Yaoundé II. Cet Institut résulte de l'effort conjoint du Cameroun et de la Chine pour renforcer leur compréhension mutuelle ainsi que leurs relations amicales. Ainsi, l'enseignement du chinois et la diffusion de la culture chinoise constituent les missions essentielles qui sont assignées à l'Institut. Ce dernier participe de ce fait de la formation des apprenants (A) ainsi que de la création des ressources favorables au développement (B). Luc Sindjoun estime que l'éducation « renvoie à la formation et la transmission des connaissances : c'est le cadre par excellence de labellisation de la culture »194(*). L'Institut Confucius du Cameroun, comme partout ailleurs, a pour mission, de dispenser les cours de langue et le texte de connaissance de la langue chinoise, Hanyu Shuiping Kaoshi (HSK), de même que le test de capacité d'enseigner le Chinois Langue étrangère (CLe). Chaque année, l'Institut organise un concours « chinese bridge » pour la maitrise de la langue et la culture chinoise195(*). « Le Hanban finance aussi des cours intensifs organisés autour des colonies de vacances, et qui sont connus sous l'appellation de « Sumer camp »196(*), déclare Etienne Songa, coordonnateur administratif de l'Institut. L'Institut Confucius met donc à la disposition des apprenants, des cours de mandarin qui sont dispensés par des enseignants camerounais et chinois à l'Institut et à l'IRIC, compte tenu du fait que le chinois figure parmi les langues étrangères enseignées à l'IRIC, au côté de l'arabe, de l'espagnol et de l'allemand ; le français et l'anglais étant des langues officielles. A cette formation présentielle, s'ajoute un enseignement en ligne, permettant aux internautes de bénéficier des leçons de chinois. L'Institut dispose d'une bibliothèque dont on peut facilement accéder à la documentation sur tout ce qui concerne la civilisation chinoise. Le matériel didactique utilisé par les enseignants est à l'image de l'Etat chinois, c'est-à-dire moderne. Cette technologie peut être prise comme illustrant le rayonnement de la culture matérielle d'un pays et partant de ses manières de faire voire de penser, estime Luc Sindjoun197(*). Cette formation s'adresse donc, d'après les explications de M. Etienne Songa, aux jeunes scolarisés, étudiants de l'IRIC, cadres administratifs publics et privés, hommes d'affaires, etc. Il affirme à ce sujet que : « la formation en chinois constitue un atout pour tous ceux qui y sont soumis. A l'Institut, nous avons à peu prés 75% d'étudiants, 20% de fonctionnaires et agents publics et privés, 05% d'hommes d'affaires »198(*). Liu Jinghui, un officiel du gouvernement chinois renchérit en disant que « la Chine prête une attention particulière à l'éducation... »199(*). La formation et le perfectionnement des étudiants constituent l'un des volets stratégiques de la coopération sino-camerounaise. Et a ce propos, Etienne Songa estime que : « notre stratégie est donc axée sur la cible d'étudiants. (...) Notre ciblage des populations estudiantines tient de ce qu'ils représentent l'avenir »200(*). Depuis plusieurs années aujourd'hui, des étudiants camerounais poursuivent leurs études dans les universités chinoises, répartis dans des domaines variés. A cet effet, ces étudiants bénéficient de la bourse de coopération chinoise, et entre autres, ils sont pris en charge par la Chine. B) La création des ressources favorables au développement La formation proposée à l'Institut vise à créer des ressources qui favorisent le développement des pays du sud. C'est la raison pour laquelle la stratégie mise en place par l'Institut est axée sur la cible des étudiants. La Chine instaure de ce fait une coopération qui stimule la recherche. Fait notable, le discours de Jiang Yulan, directeur de l'Institut Confucius, est le même que celui du gouvernement central chinois : « l'Institut Confucius a pour objectif, d'augmenter le nombre d'étudiants, de les rendre plus compétitifs sur le plan mondial et surtout en Chine, de sorte qu'ils puissent facilement s'adapter au système s'ils venaient à y suivre les études »201(*). Durant l'année académique 2009-2010, la RPC a financé 32 bourses d'études202(*) supérieures, dont 10 du niveau baccalauréat et 22 en postuniversitaire, dans des filières telles que la médecine, l'agriculture, le génie électrique, ainsi que les télécommunications et l'informatique. Ce sont les secteurs dans lesquels la Chine s'investit non seulement au Cameroun mais en Afrique. De manière générale, la coopération chinoise en matière des ressources humaines se rapporte à la formation de professionnels en Chine des camerounais bénéficiaires de ces bourses et répond au proverbe chinois selon lequel : « au lieu de donner du poisson, mieux apprendre à pêcher ». La Chine voudrait donc partager son expérience avec d'autres pays du sud, afin que ceux-ci stimulent leur développement. Cependant, la déclaration du Premier Ministre Wen Jiabao selon laquelle : « nous ne voulons pas exporter nos propres valeurs et notre modèle de développement »203(*) ; s'oppose à cette politique africaine de la Chine sus-évoquée. Un adage chinois prescrit qu'il faut « aider en apparence quelqu'un en difficulté, chercher en réalité à en tirer profit »204(*). A cet effet, Valérie Niquet estime que, contrairement au discours tiers-mondiste que les chinois tiennent à l'endroit des africains, leurs actions ne visent que leurs intérêts. Il constate à ce propos que la Chine favorise la coopération universitaire, mais « sans réel transfert de richesse ou de savoir faire vers les populations locales »205(*). Cette observation est d'ailleurs nuancée par Charles Ateba Eyene qui pense que « ceux qui distillent les thèses péjoratives sur la Chine(...) veulent limiter les chances du Cameroun en matière de développement et dont la coopération doit s'intensifier dans tous les domaines »206(*). Aussi, poursuit-il, pour magnifier la coopération sino-camerounaise, que « le Cameroun qui veut prendre une nouvelle trajectoire en matière de développement ne peut être crédible en continuant à marquer le pas au rythme de l'occident »207(*). De fait, l'investissement de plus en plus massif des entreprises chinoises au Cameroun est un puissant facteur de motivation pour les étudiants camerounais. En effet, celles-ci pourraient accorder une priorité aux camerounais formés en Chine, ayant acquis l'expertise chinoise, maitrisant la langue pour servir d'interprète et de traducteur entre les parties camerounaise et chinoise. Ebenezer Djetabe, diplômé de génie civil en chine, estime que le fait d'être inscrit à l'Institut Confucius, est « une opportunité d'emploi réelle pour les jeunes »208(*). Fort de ce qui précède, le constat qui se dégage est que les bourses octroyées concernent de prés ou de loin les intérêts chinois en Afrique centrale. * 193 S. Huntington, op. cit., p.111. * 194 L. Sindjoun, loc. cit., p.22. * 195 Voir : www.ciuy2.org, (consulté le 30/03/2011). * 196Nous tenons ces propos d'un entretien que nous avons eu avec l'intéressé. * 197 L Sindjoun, loc. cit., p.23. * 198 Entretien réalisé le 21 février 2011 à l'Institut Confucius. * 199 G. Gweth, « Que cherchent les chinois au Cameroun ? », publié sur : http://cameroun.en24heures.com/intelligence-economique-et-strategique-ce-que-la-chine-cherche-au-cameroun-partie-v, (consulté le 04/06/2011). * 200 E. Elouga, Cameroon Tribune, le 12/01/2011. * 201 G. Gweth, loc. cit., p.42. * 202 M. Houmfa, « Ruée sur l'apprentissage du chinois », IPS, 2010. * 203 Discours au Cap, le 22/06/2006. * 204S. Bo, Trente-six stratagèmes chinois : comment vivre invincible, paris, Ed. Quimétao, 1999, p.37. * 205 V. Niquet, « La stratégie africaine de la Chine », Politique étrangère N°2, 2006. * 206 C. Ateba Eyene, La pénétration de la Chine en Afrique..., Yaoundé, Ed. Saint-Paul, 2010, p.115. * 207 Ibid., p.117. * 208 M. Houmfa, loc. cit., p.43. |
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