Conclusion partielle
L'exécution des micro-projets dans la région de
l'Ouest ivoirien depuis le déclenchement de la crise a conduit à
définir ou à redéfinir les méthodologies
d'intervention des humanitaires sur le terrain. L'un des maillons essentiels de
cette méthodologie consiste en l'identification du groupe cible de
l'intervention envisagée. Parler de cibles ou de groupes cibles, c'est
aborder par ricochet le problème de l'identification et du choix des
bénéficiaires des activités menées sur le vaste
champ de l'action humanitaire. L'ONG CARE, à l'instar de divers
organismes, apporte son appui dans la zone de l'Ouest depuis 2004.
Arrive-t-elle à identifier et à sélectionner pleinement
les bénéficiaires de ses actions ? Comment s'y
prend-t-elle ? À ces préoccupations, les réponses
restent mitigées.
La politique de ciblage des bénéficiaires d'un
micro-projet est complexe dans un contexte d'assistance humanitaire d'urgence.
Cette complexité vient de ce que le ciblage embrasse plusieurs niveaux
de choix et rendent souvent compte d'intérêts divergents des
acteurs. Cibler, c'est identifier quelque chose et le choisir. Dans le cas
présent de cette étude, il s'agit d'identifier les
vulnérables d'une zone donnée.
La définition de ce concept ne pose plus de
problèmes qu'il n'en résout. En effet, d'emblée soulignons
que le concept de vulnérabilité est intimement lié
à celui de pauvreté. Ce qui fait que très souvent, on ne
peut parler de l'un sans invoquer l'autre. Or il est difficile de
définir avec aisance ces concepts du fait de leur
multi-dimensionnalité. Plusieurs débats, le plus souvent
complémentaires, entre les théoriciens de la pauvreté et
de la vulnérabilité ont montré qu'il y a une contrainte
même à avoir un consensus autour des outils de mesure de ces
concepts.
Invoqués dans le champ de l'action humanitaire, surtout
dans le cadre des interventions de CARE, ces concepts sont pareillement au
centre de nombreux commentaires entre les populations et les humanitaires. Eu
égard à tout ce qui précède, il ressort que le
ciblage des bénéficiaires des projets donne lieu à des
confrontations de logiques et de stratégies de ces différents
acteurs engagés dans l'action humanitaire.
En ce qui concerne l'ONG CARE, l'assistance humanitaire
sous-tend toute sa philosophie d'action. Pour y arriver, elle utilise le
concept de vulnérabilité mais aussi de l'approche dite
participative comme ressource exploitable pour la captation de financement de
projets. En plus, au-delà d'aider des populations rendues
vulnérables par la crise à sortir de leur situation de
pauvreté, le plaidoyer qu'elle déploie vise entre autre à
pérenniser les emplois de son personnel. Car s'il n'y a pas de projets
à exécuter les financements s'arrêtent et ainsi, on court
à la réduction de l'effectif d'agents en postes voire de
représentation sur le terrain. Le bureau de CARE à
Duékoué était par exemple en cour de fermeture lors de
notre enquête de terrain en Juillet 2009.
Quant aux populations des sites visitées
particulièrement et celles de l'Ouest de la Côte d'Ivoire en
générale, elles ont développé des stratégies
multiples pour capter et ou bénéficier des différents
interventions passées ou en cours dans la région. En effet, la
situation d'urgence humanitaire a induit d'importantes actions des ONG
auprès des populations. Ces interventions ont développé
chez celles-ci une forte logique d'assistanat. Ces populations ont construit
par ailleurs au fil du temps, un discours beaucoup misérabiliste proche
du plaidoyer pour une assistance humanitaire continuelle. La logique de
victimisation est ainsi brandie à tous les humanitaires qui parcours la
région. Cette logique vise à peindre davantage leur situation de
vulnérabilité, pourtant très visible, pour espérer
être retenu sur les interventions envisagées dans la zone.
Pour ce qui est de la méthodologie d'identification et
de sélection des bénéficiaires des interventions, il se
trouve que l'ONG CARE revendique dans sa mise en oeuvre l'approche
participative et communautaire. Le processus guidant cette posture passe par la
mise en place de comités chargés au niveau local d'identifier et
de choisir au sein de leurs propres communautés des individus
jugés `'plus vulnérables'' et donc susceptibles d'être
soutenus. Cependant, dans la pratique, cette méthode bien que pouvant
être porteuse de satisfaction pour les communautés, se trouve
être très vite une source de discorde. En effet, les pratiques
concrètes mettent en évidence des attitudes clientélistes
des membres des comités voire de CARE. Selon des informateurs des
localités visitées, les bénéficiaires des
micro-projets sont le plus souvent les mêmes. Les accusations portent sur
le fait que très souvent, ce sont les anciens fonctionnaires du village
qui jouissent des avantages des interventions des organismes. Or ceux-ci
malgré tout peuvent avoir encore accès à des pensions de
retraite. Cette situation génère parfois des contestations et des
tensions sujettes à un déséquilibre au sein des
populations.
Nous envisageons approfondir les résultats de la
présente étude dans le cadre de la thèse. Ainsi, dans le
travail de thèse à venir, nous souhaitons élargir ce sujet
à tous les acteurs en interactions dans la problématique du
ciblage au niveau des projets post-crise en cours. Il tentera de faire une
analyse comparative entre les politiques de ciblage déployées par
plusieurs ONG afin de faire ressortir les points de similitudes et les points
de divergences dans ces politiques. Ce sera l'occasion pour nous de croiser
davantage les informations recueillies auprès de tous les acteurs de
terrain. Car dans le cadre d u présent document, nous avons très
peu satisfait à cette exigence. Partant, le sujet de thèse
s'intitulera comme suit : `'Normes et pratiques du ciblage dans les
projets de lutte contre la pauvreté exécutés de la crise
ivoirienne à la période post-conflit : cas des ONG CARE,
IRC, CARITAS et IDEA dans la région de l'Ouest de la Côte
d'Ivoire''.
Conclusion
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