Les contradictions des politiques de ciblage dans les projets de lutte contre la pauvreté dans l'ouest montagneux ivoirien( Télécharger le fichier original )par Alexis KOFFI Université de Bouaké - DEA 2009 |
I.2.2- La logique de victimisation des communautés de l'Ouest : une stratégie de captation d'interventionsPour favoriser la reprise de l'activité humaine dans les localités abandonnées de l'ouest ivoirien et soutenir ses populations en détresse, de nombreux organismes y travaillent à cette fin. Ainsi, divers projets ont été initiés çà et là pour faciliter le retour volontaire des personnes déplacées internes dans la sérénité et la dignité dans leurs villages. Les angles d'approche utilisés par le panel de partenaires sont assez diversifiés. La vulnérabilité de la population visée est souvent mise en avant pour justifier les activités de terrain de ces organismes. Parmi les facteurs de vulnérabilité les plus évoqués, nous retenons : le fait de se trouver dans les zones rurales théâtre des affrontements, le fait d'avoir des infrastructures économiques endommagées par les attaques, le fait d'être soit un jeune, soit une femme, soit encore une personne âgée ou un handicapé sans soutien ni moyens financiers et enfin le fait de disposer de revenus très limités. «... Les femmes ayant perdu ou ayant été abandonnées par leur mari se retrouvent dans une situation particulièrement vulnérable. On a pu observer qu'elles n'ont pas facilement accès à la terre et ne disposent pas de moyens pour assurer leur quotidien. Elles font dès lors face à une panoplie de difficultés. Pour les jeunes sans terre, la situation est au moins également précaire. Aucune politique n'existe pour attribuer des terres aux jeunes qui restent dépendants de leurs familles. Ils mettent en place des stratégies diverses pour obtenir un capital de travail minimum permettant de développer des activités non agricoles. » (Extrait entretien avec T.M, A.S CARE Man) Dans ces conditions, la zone connait une affluence de projets exécutés par diverses ONG. En effet, pour pallier la crise alimentaire dans la région- soulignée dans les rapports de OCHA- le PAM a mis à la disposition de la majorité des intervenants de la zone des vivres26(*) à distribuer aux communautés aussi bien rurales qu'urbaines. C'est dans ce cadre de collaboration que les ONG comme IRC CARITAS, IDE, ODARHOM etc. ont pu bénéficier à maintes reprises du soutien du PAM ses projets. D'autres actions similaires ont été conduites par la FAO en matière de distribution de semences aux paysans et aux coopératives de maraîchers dans la zone couverte par la présente étude. En plus, pour soutenir la scolarisation, plusieurs écoles ont été réhabilitées (voir annexe photos 3, 4, 5 et 6) par CARE et ses partenaires financiers. L'UNICEF avait également offert des kits scolaires à CARE pour une distribution aux victimes démunies dans leurs zones d'interventions. Les communautés, au départ, ignoraient la logique d'intervention de l'action humanitaire. Mais rapidement, elles se sont appropriées des logiques d'intervention des différents organismes. Nous entendons ici logique d'intervention tout le processus de l'action humanitaire. En d'autres termes, il s'agit du vocabulaire utilisé, de la méthodologie globale. C'est pourquoi, au vu de l'expérience capitalisée, dès qu'une nouvelle structure arrive dans leur localité, elles travaillent à capter les programmes annoncés. Cela passe par la présentation générale du site en tenant compte des standards de vulnérabilités internationaux sans évoquer les efforts consentis par d'autres structures d'appui dans leur milieu. «... Vous voyez, nous tous là, on a tout perdu...Si vous pouvez nous aider ça sera bien. C'est CARE même qui a fait qu'on vit un peu... » (Extrait d'entretien F.G Irozon) Ainsi, c'est dans une certaine logique d'éternel assisté que les populations s'inscrivent pour bénéficier d'apports extérieurs. D'ailleurs, certains membres de la communauté perçoivent ces appuis d'ONG comme un droit ; c'est la raison pour laquelle ils ne voudraient point s'en priver. En témoigne les propos de cet enquêté : «... ceux là même, ils pensent que quoi ? C'est pour nous qu'ils sont là...et puis ils ne veulent pas aider tout le monde...» (Extrait d'un entretien individuel avec Z.D à Fengolo) * 26 Ces vivres étaient généralement composés de denrées suivantes : du riz, du maïs, du haricot, de l'huile et du sel. Au début de la crise, les distributions de vivres ciblaient les déplacés internes et quelquefois les tuteurs de déplacés qui se présentaient aux organismes sur le terrain dont CARE. Mais au fil du temps, les travailleurs communautaires étaient devenus les principaux bénéficiaires de l'aide alimentaire. |
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