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Les contradictions des politiques de ciblage dans les projets de lutte contre la pauvreté dans l'ouest montagneux ivoirien

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par Alexis KOFFI
Université de Bouaké - DEA 2009
  

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5.2.2.2 L'analyse stratégique

L'approche stratégique '(Crozier 1977) peut servir de cadre théorique d'analyse des politiques de ciblage dans les projets de lutte contre la pauvreté. Elle permet de comprendre d'une part les normes, le jeu des acteurs et d'autre part, les stratégies, le point de vue des acteurs, leurs pratiques concrètes, leur position dans l'arène social de façon générale et les zones d'incertitudes, dans la mesure où elle s'étend à toutes les formes d'action collective. Ce cadre d'analyse est comme le souligne Jean Pierre Chauveau '(Chauveau 1996), celui qui privilégie le point de vue des acteurs.

L'approche stratégique part du principe que l'homme est doté d'une rationalité limitée du fait que les informations qu'il reçoit sont incomplètes, qu'il ne peut explorer toutes les possibilités. Aussi, l'homme ne cherche pas à atteindre nécessairement la solution optimale, mais tend à se satisfaire d'une solution capable de procurer une satisfaction en rapport avec son niveau d'information du moment. L'analyse du processus de décision montre que l'individu est limité à travers les moyens qu'il met lui-même en place, que les informations toujours incomplètes lui parviennent de manière séquentielle et que la décision vient des incertitudes.

Ainsi, l'étude des stratégies de ciblage dans les projets de lutte contre la pauvreté revêt une importance pour la compréhension de l'action des organismes de soutien sur la réduction de la pauvreté en Côte d'Ivoire. Car toute structure d'appui engagée dans les relations avec les bailleurs de fonds dispose d'un `'cerveau'' et d'une marge de liberté (servir les populations vulnérables ou non) qui la rendent capable de choisir la stratégie à ses yeux la plus apte à servir son projet (obtenir un financement). Subséquemment, il est rationnel de servir les populations bénéficiaires lorsque cette activité (ciblage) conditionne l'obtention du financement et il est également rationnel de ne pas servir les populations bénéficiaires si la politique de ciblage à exécuter n'améliore en rien les chances d'obtenir un financement.

Une telle décision est rationnelle en ce sens qu'elle est basée sur le calcul des chances de gain (obtention de financement) en fonction des atouts (aptitudes à réduire la pauvreté), des règles du jeu (domaines et critères de financement des bailleurs de fonds) et de l'intérêt porté à l'enjeu (Campenhoudt and Quivy 2006).

L'approche stratégique des acteurs se fonde par ailleurs sur la notion de « champ » '(Bourdieu 1994) entendu comme arène de confrontation de logique d'acteurs et d'institutions. Pour Moore S.F le champ social est un champ semi-autonome dans la mesure où le fait social est à la fois le produit de règles, coutumes et normes internes à un champ bien délimité et des règles, normes ou décisions politiques au niveau national et international. Elle disait à propos : «The semi-autonomous social field has rule making capacities, and the means to induce and coerce compliance, but it is simultaneously set in a larger social matrix which can, and does effect and invalid it » (Moore 2000). L'approche de Moore permet d'analyser les politiques de ciblage dans les projets de lutte contre la pauvreté non pas comme une entité isolée mais faisant partie d'un ensemble complexe de décision d'acteurs, d'institutions en interaction permanente. Les politiques de ciblage apparaissent donc comme un champ de force où les acteurs expriment des logiques et des intérêts contradictoires mais aussi où différentes instances se retrouvent et interagissent. Cette analyse a permis de percevoir les normes et principes qui devraient prévaloir dans les politiques de ciblage. Normes qui sont très souvent fluctuantes faces aux différentes variations des données du terrain.

L'analyse stratégique a permis également d'identifier dans la conduite du ciblage, les éléments susceptibles d'expliquer le déphasage entre le recours accru aux politiques de ciblage et les écarts constatés dans leur mise en oeuvre effective. Les politiques de ciblage apparaissent comme l'expression d'un ensemble de stratégies rationnelles qui concourent, outre la réduction des risques, à l'accroissement des chances de succès des projets de réduction de la pauvreté en Côte d'Ivoire. Par conséquent, les conduites des acteurs doivent être comprises comme des tentatives d'ajustement entre objectifs organisationnels et visés propres dans l'optique d'un changement.

Par ailleurs, la sociologie de l'expérience proposée par Dubet pourrait constituer un cadre d'analyse pour l'action sociale (Dubet 1994). Pour cette théorie, les acteurs sont déterminés par plusieurs logiques d'action et composent leur expérience en articulant ces logiques en fonction de situations définies comme autant d'épreuves leur permettant de construire une identité et une action maîtrisées. Dans cette théorie, une priorité est accordée aux points de vue des acteurs car il n'est de conduite sociale qu'interpréter par les acteurs eux-mêmes. Ceux-ci ne cessent de s'expliquer, de se justifier étant donné qu'elle (la théorie) a pour objet de rendre compte de la subjectivité des acteurs ; c'est-à-dire révéler la conscience qu'ils ont du monde et d'eux-mêmes. L'approche de la sociologie de l'expérience de l'action humanitaire dans le cadre de ce mémoire prend ainsi en considération le point de vue des acteurs dans l'analyse des situations investiguées. Ces situations sont traitées comme des moments de l'évolution des politiques de ciblage dans l'action humanitaire de CARE. Dans cette perspective, l'objet de notre travail sociologique est d'expliquer et de comprendre comment s'organisent les expériences des gestionnaires et des bénéficiaires des projets CARE. Comment se présentent les situations d'écart. Comment se résolvent concrètement les contraintes qui se posent aux acteurs lors de la mise en oeuvre des politiques de ciblage : en d'autres termes, comment les acteurs s'y prennent pour conduire l'identification et la sélection des bénéficiaires des projets.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand