Chapitre XIV : Les relations économiques et
financières
La France porte de grands intérêts
économiques sur l'Afrique. Ce serait même un domaine
privilégié par la diplomatie française en Afrique. La
coopération économique avec l'Afrique est le plus souvent
présentée sous la forme d'aide aux États africains. On
confond aide et coopération. Celle-ci serait plutôt la
participation à la croissance d'un pays494. Dans
l'océan Indien, les relations économiques avec la France
étaient très importantes grâce à sa domination du
trafic maritime. Avec les pays du sud-ouest de l'océan Indien, la France
est la seule à avoir créé et entretenue « un
réseau de relations privilégiés non seulement commerciales
mais surtout financières » avec les pays de la région, le
plus souvent des anciennes colonies. Elle est devenue le premier client et le
premier fournisseur de la région495. Si les relations
économiques entre la France et les États insulaires du sud-ouest
de l'océan Indien, dont les Seychelles étaient importantes, elles
le sont moins par rapport aux liens culturels d'après
Hélène MAZERAN496. Entre 1976 et 1977,
c'était le Royaume-Uni qui accordait le plus son aide aux Seychelles. La
France l'a rattrapée en 1978. Depuis cette date, l'aide française
au développement de l'archipel est la plus importante. Elle est
même considérée par Hélène MAZERAN comme
l'une des plus importantes proportionnellement à ce que la France
apporte aux pays d'Afrique497. Pourtant, de tous les aspects
des relations franco-seychelloises sous France-Albert RENÉ,
l'économie et les finances tiennent une des places les plus importantes
dans la presse française, en particulier grâce à la
LOI. Mais que peut-on voir des relations économiques et
financières franco-seychelloises à travers ces articles ? Dans le
souci d'éviter de faire un développement démesuré
de cette étude, nous allons nous efforcer de vous présenter de
manière succincte l'information contenue dans chaque article de
façon chronologique plutôt que de les analyser minutieusement.
494 DOMERGUE-CLOAREC Danielle, La France et l'Afrique
après les indépendances, Paris, Sedès, collection
Regards Sur L'histoire, 1995, p.28.
495 MAURICE Pierre et GOHIN Olivier (dir.), Les relations
internationales dans l'Océan Indien, Saint-Denis, Université
de La Réunion, Faculté de droit et des sciences
économiques et politiques, 1993.
496 MAZERAN Hélène, Géopolitique de
l'Océan Indien, Paris, CHEAM, 1995.
497 MAZERAN Hélène, L'Océan Indien : un
enjeu pour l'Occident, Paris, PUF, 1987, p.54.
A) Les aspects économiques
En juin 1990, RENÉ a reconnu que la coopération
avec la France - économie incluse - était « précieuse
» et évoque les différents aspects des relations
économiques que nous étudierons dans la suite de notre
étude. Lorsque la France a adhéré à la COI en 1986,
le développement de sa coopération économique avec les
Seychelles s'est sensiblement développée498.
Dans cette partie,
nous pouvons distinguer trois aspects : l'aide financière,
les relations commerciales et la dette seychelloise.
1. L'aide financière
Les Seychelles dépendent très largement des
aides extérieures pour pouvoir financer ses ambitieux projets de
développement et d'équipement. Jean-Pierre LANGELLIER du
Monde a remarqué cela à travers son article
publié pour le 14 novembre 1978499. Différents
auteurs comme Charles CADOUX s'accordent à dire que la France est le
premier partenaire économique des Seychelles (près de 20 % de la
part du marché seychellois) et également le premier bailleur de
fonds de l'archipel devant le Royaume-Uni (en 1983, c'était près
de 800 000 euros, soit 27 % de l'aide octroyée aux Seychelles). Les
Missions d'Aide et de Coopération (MAC) créées en 1974
servent d'antennes locales du ministère de la Coopération. L'aide
au développement en Afrique regroupe 40 % de l'aide globale. Elle passe
par le Fond d'Aide et de Coopération (FAC) et la Caisse Centrale de
Coopération Économique (CCCE). La FAC accorde des crédits
aux projets des pays africains et la CCCE paie les
opérations500.
Quatre articles publiés entre le 21 juillet 1978 et le
21 novembre 1979 décrivent l'aide financière entre la France et
les Seychelles à cette époque. Nous constatons qu'effectivement
le FAC et la CCCE apportent au nom de la France son assistance
économique501. En 1979, la France était
déjà le premier pourvoyeur d'aide étrangère aux
Seychelles avec environ 5 millions d'euros. Les programmes d'aide
économique les plus importants ne devaient pas être remis en cause
pendant la crise diplomatique (1979-1981).
498 Idem.
499 LANGELLIER Jean-Pierre, « La constitution «
socialiste » va officialiser le système du parti unique »,
Le Monde, 14 novembre 1978.
500 Op. Cit. DOMERGUE-CLOAREC Danielle, La France
et l'Afrique après les indépendances, Paris, Sedès,
collection Regards Sur L'histoire, 1995, p.28.
501 Op. Cit. DECRAENE Philippe, « Les dirigeants
de Mahé redoutent un éventuel « scénario à la
comorienne » », Le Monde, 21 juillet 1978; ANONYME, «
Les Seychelles: clés de l'océan Indien », Le
Figaro, 12 septembre 1978; LANGELLIER Jean-Pierre, « La constitution
« socialiste » va officialiser le parti unique », Le
Monde, 14 novembre 1978; LANGELLIER Jean-Pierre, « L'arrestation d'un
assistant technique français risque de jeter la suspicion sur une
coopération fructueuse », Le Monde, 21 novembre 1979.
Que dire des années 80 ? Nous constatons qu'entre 1981
et 1984 l'aide financière de la France aux Seychelles a augmenté.
Par exemple, la CCCE est passée près de 400 000 euros à
moins de 10 millions d'euros502. En février 1982, dans
l'esprit d'une « nouvelle ère de coopération »,
Jean-Pierre COT, a annoncé l'octroi « d'une enveloppe
financière globale » destinée aux projets de
développement503. En mai 1982, l'ONU débloque un
fonds spécial pour réparer les dégâts
causés par les mercenaires pendant leur attaque le 25
novembre 1981. D'après la LOI, la France pouvait proposer ses
services pour coordonner les activités de cefonds504.
Pendant sa visite aux Seychelles en juillet 1982, Guy PENNE a discuté
avec les dirigeants seychellois de l'aide financière dépassant
les 10 millions d'euros de la France pour plusieurs
projets505. Vers mai 1983, la CCCE accorde aux Seychelles un
prêt d'environ 2 millions d'euros pour développer l'île
Silhouette506. D'après la LOI du 25 juin 1983,
la CCCE s'apprête à cofinancer avec le Fonds Koweïtien, la
BADEA et la Banque mondiale un programme de développement structurel de
25 millions de dollars destinés aux Seychelles507. Cela
a été démenti par l'édition du 14 juillet: en
effet, la CCCE n'aurait pas été contactée par Victoria et
le programme ne serait que seulement à
l'étude508. En août 1983, l'ambassadeur de France
a signé des accords pour financer la construction d'un chantier naval
d'un montant d'environ 230 000 euros et d'une école
hôtelière pour plus d'un million d'euros509. En
février 1984, la CCCE a accordé des prêts à
plusieurs pays riverains de l'océan Indien, dont près d'1,5
millions d'euros aux Seychelles pour l'électrification de l'île de
Digue510. Deux articles de la LOI évoquent la
participation de la France à travers le CCCE à une
conférence de banques mondiales à Victoria le 13 mars 1984 pour
discuter sur le financement de la côte Est de Mahé. Victoria
espérait obtenir entre 4,5 et 5,5 millions d'euros511.
Le 6 avril 1985, la LOI évoque qu'une série de
prêts a été accordée à Victoria par Paris en
mars, parmi lesquels la signature le 28 mars de deux conventions sur le
financement du développement agricole et de l'exploitation du phosphate
pour un montant de plus de 500 000 euros512. En octobre 1985,
la CCCE accorde un prêt d'environ 800 000 euros pour le
développement agricole des Seychelles513, puis
près de 5,5 millions d'euros en décembre 1985, avec le Fonds
africain de développement et le gouvernement seychellois qui ont
débloqué près de 13 millions d'euros pour l'assainissement
de Victoria514. Dès 1985, cette aide a diminué
avec plus de 7 millions d'euros au lieu de 10 millions en
1984515. Début septembre 1986, la CCCE accorde un
prêt de 3,8 millions de dollars pour la création d'une
conserverie516. Le 14 février 1987, on apprend que la
BNP a financé les travaux de réfection de l'hôtel
Mahé Beach sans en préciser le
montant517.
502 « René en visite en France », La Lettre
de l'Océan Indien, 30 août 1986.
503 « Coopération renforcée avec Paris »,
La Lettre de l'Océan Indien, 27 février 1982.
502 « René en visite en France », La Lettre
de l'Océan Indien, 30 août 1986.
503 « Coopération renforcée avec Paris »,
La Lettre de l'Océan Indien, 27 février 1982.
504 « Fonds spécial de l'ONU », La Lettre de
l'Océan Indien, 22 mai 1982.
505 « Coopération française », La
Lettre de l'Océan Indien, 10-17 juillet 1982.
506 « Seychelles », La Lettre de l'Océan
Indien, 28 mai 1983.
507 « Seychelles », La Lettre de l'Océan
Indien, 25 juin 1983.
508 « Seychelles », 14 juillet 1983.
509 « Chantier naval et école hôtelière
», La Lettre de l'Océan Indien, 20 août 1983.
510 « Prêts de la CCCE », La Lettre de
l'Océan Indien, 25 février 1984.
511 « Financement pour la côte Est », La
Lettre de l'Océan Indien, 17 mars 1984 ; « Financement acquis
pour la côte Est », La Lettre de l'Océan Indien, 24
mars 1984.
512 « Aides française et américaine »,
La Lettre de l'Océan Indien, 6 avril 1985.
513 « Diversification agricole », La Lettre de
l'Océan Indien, 26 octobre 1985.
514 « Aide française », La Lettre de
l'Océan Indien, 7 décembre 1985.
515 Op. Cit. « René en visite en France
», La Lettre de l'Océan Indien, 30 août 1986.
516 « Conserverie », La Lettre de l'Océan
Indien, 6 septembre 1986.
517 « Un Sheraton en juillet », La Lettre de
l'Océan Indien, 14 février 1987.
Dès 1990, la France est toujours le premier pourvoyeur
de fonds dans l'archipel. En mars 1990, la France devait se prononcer sur le
montant de l'aide financière de la France. La LOI s'attendait
à plus de 3,5 millions d'euros provenant du Ministère de la
Coopération et moins de 15 millions d'euros accordés par la
CCCE518. Le 17 septembre 1990, Jacques PELLETIER affirme que
la CCCE « comporte dorénavant une composante prêts,
supérieure aux dons » et qu'elle privilégie des
secteurs précis519. Fin avril 1991, la CCCE accorde
environ 2 millions d'euros à la National Development
Bank520. LANGELLIER réaffirme à son tour
que la France est le premier bailleur de fonds de l'archipel en
précisant dans une note que l'aide française annuelle
était de près de 4 millions d'euros de dons et plus de 6 millions
d'euros de prêts à la CCCE521. Du 13 au 15
octobre 1993, le directeur de la Caisse Française de
développement (CFD), Philippe JURGENSEN, devait se rendre aux Seychelles
suite à la visite de RENÉ en septembre 1992. On supposait que
c'était pour discuter sur le financement de projets de pêche
industrielle ou d'investissements dans le secteur privé
évoqués à cette époque522.
Ensuite, début octobre 1995, Danielle de SAINT-JORRE et Michel DUPUCH
ont discuté de la réforme de l'aide publique française au
développement engagée cette année523.
Le 4 février 1998, le Ministère de la
Coopération disparaît. D'après le Premier ministre Lionel
JOSPIN, sa disparition ne se traduirait par la réduction de l'aide au
développement. Une zone de solidarité prioritaire (ZSP)
comprenant les pays moins développés en termes de revenus et
n'ayant pas accès au marché des capitaux est crée. Les
Seychelles ont été intégrées dans cette
zone524. Au moment de l'annonce le 15 février 2002, par
JOSPIN de la stabilisation de l'aide française au développement,
on apprend que les Seychelles sont sorties de la liste de la ZSP grâce
à l'amélioration de sa situation économique. Toutefois,
elles devaient entrer dans le cadre de la coopération régionale
depuis la Réunion et du soutien financier de
l'AFD525.
518 « La francophonie au coeur de la commission mixte
», La Lettre de l'Océan Indien, 3 mars 1990.
519 « La coopération française en 1989 »,
La Lettre de l'Océan Indien, 22 septembre 1989.
520 « Prêt de la CCCE à la
National Development Bank », La Lettre de l'Océan
Indien, 4 mai 1991 ; « Sept mois de prêts de la CCCE en 1991,
La Lettre de l'Océan Indien, 28 septembre 1991.
521 LANGELLIER Jean-Pierre, « Vent de démocratie aux
Seychelles. Après quatorze années de socialisme autoritaire, cet
archipel de l'océan Indien se convertit au multipartisme et
libéralise son économie », Le Monde, 7 janvier
1992.
522 « Philippe Jurgensen », La Lettre de
l'Océan Indien, 28 août 1993.
523 « Axes de coopération française »,
La Lettre de l'Océan Indien, 21 octobre 1995.
524 DUPONT Stéphane, « Jospin - la disparition du
ministère de la Coopération préservera l'aide
française », Les Echos, 5 février 1998.
525 HAREL Xavier, « Jospin veut accroître l'aide au
développement », La Tribune, 15 février 2002;
LEON-DUFOUR Sixtine, « Querelle sur l'aide au développement »,
Le Figaro, 18 février 2002; TOVI Laurence, « Jospin se
flatte d'avoir enrayé la baisse de l'aide française »,
Les Échos, 15 février 2002.
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