Chapitre XIII : Les relations militaires
D'après Danielle DOMERGUE-CLOAREC, la défense
fait parti, avec la culture et l'économie, des trois domaines
privilégiés par la diplomatie française en Afrique. La
notion de coopération militaire entre la France et l'Afrique est
ambiguë : quelle est sa limite et sur quoi repose repose-t-elle454
? Dans l'océan Indien, en particulier le sud-ouest, c'est la
Marine nationale française dite la « Royale » qui est
particulièrement présente. Les relations militaires ont une place
importante dans les relations diplomatiques : ce n'est pas pour rien qu'il
existe une diplomatie militaire. Dans le cas de l'océan Indien, ce
serait une diplomatie navale. D'après Arnaud de LA GRANGE, la «
Royale » joue parfaitement son rôle d'ambassadrice de la France dans
le sud-ouest de l'océan Indien, donc aux Seychelles, grâce
à ses relations particulières455. Jean-Marc
BALENCIE l'affirme en 1993 en soutenant sa thèse sur la diplomatie
navale de la France dans la région entre 1967 et 1992. À
première vue, les relations militaires franco-seychelloises semblent
souvent présentes dans les articles traitant de la France et des
Seychelles : on peut compter plus de trente articles dans notre corpus. Mais la
presse française accorde-t-elle autant d'importance ? Et comment cet
aspect des relations diplomatiques est-il présenté ?
454 DOMERGUE-CLOAREC Danielle, La France et l'Afrique
après les indépendances, Paris, Sedès, collection
Regards Sur L'histoire, 1995, p.28.
455 LA GRANGE Arnaud de, La France dans la
géopolitique du Sud-Ouest de l'océan Indien, Paris,
Paris4-Sorbonne, 1988.
456 Cf. Annexe n°5.
457 LEYMARIE Philippe, Océan Indien : le nouveau coeur
du monde, Paris, Éditions Karthala, 1981.
458 BOURGEOIS Claude, « Le président des Seychelles
à Paris », Le Dauphiné libéré, 13
septembre 1978.
A) Escales et visites diplomatiques
Dans le deuxième tome de son livre, le journaliste
Frank TENAILLE utilise une carte présentant les bases et les ports
d'attache militaire de l'armée française dans l'océan
Indien456. On peut voir l'île de Mahé, donc
Victoria, comme étant un port d'attache militaire. D'après
Philippe LEYMARIE de RFI, les Seychelles est un des points d'escale
privilégiés de la flotte française car celle-ci se sent
« chez elle »457. Claude BOURGEOIS, semble
être le seul journaliste français à avoir signalé
dans un de ses articles que les navires français faisant escale à
Victoria viennent de la garnison de Djibouti458. L'escale d'un
navire français revêtait d'une certaine importance aux Seychelles,
que ce soit politique ou économique. Aux Seychelles, tout comme dans les
pays de la région, cela permettait de nouer le contact avec les
occidentaux plutôt que d'être confronté sans cesse à
l'URSS. C'est aussi un moyen de garantir la stabilité politique et
l'indépendance de l'État. D'après BALENCIE, les visites de
« routine » seraient une sorte de visites d'amitié entre la
France et les Seychelles et permet le rapprochement entre les
deux pays. Voilà pourquoi l'escale d'un navire français a tant
d'importances aux Seychelles et dans les relations franco-seychelloises sous la
présidence de France-Albert RENÉ. Voyons à présent
comment la presse présente cet aspect des relations diplomatiques entre
la France et les Seychelles.
L'un des premiers journaux français à
évoquer une escale française aux Seychelles de RENÉ, mais
également l'un des premiers à traiter des relations militaires
entre la France et le régime progressiste est Le Figaro. C'est
Jean-Marc KALFLECHE qui a abordé le sujet en faisant paraître en
deux parties séparées un article de taille moyenne
intitulé « L'ère des puritains » le 8 août 1977,
c'est-à-dire deux mois après l'arrivée au pouvoir de
RENÉ. D'après KALFLECHE, il n'y aurait eu aucune hostilité
du nouveau régime de la présence de la flotte française
dans l'océan Indien. Il justifie ces propos en affirmant que le nouveau
pouvoir voyait cette présence comme un « élément
d'équilibre, capable de tempérer les appétits
des « superpuissances » ». Pourtant, dans un article de
Libération datant du 13 septembre 1978, on peut constater qu'il
y a une remise en cause de la flotte française dans l'océan
Indien par le parti de RENÉ, ainsi que les autres partis progressistes
du sud-ouest de l'océan Indien réunis en avril
1978459. Cela fait parti de la volonté du régime
seychellois de démilitariser l'océan Indien pour créer une
« zone de paix » dans la région. Mais en 1982, nous retrouvons
la bonne estime du régime envers la flotte française pour son
rôle dissuasif à l'égard des opposants autant qu'aux
visées prétendues « déstabilisatrices » de
l'Afrique du Sud460. KALFLECHE signale la présence
avant le 8 août 1977 de l'escale du Tourville
considéré comme « l'un des plus beaux
bâtiments de la « force Saphir » qui patrouille sans
relâche dans l'océan Indien ». Le Tourville est
une frégate anti sous-marin de type F67 lancé en 1972. Le
Tourville aurait fait une escale de trois jours. Des centaines de
marins qu'on appelle les « pompons rouges » sont descendus à
terre. D'après le journaliste, leur présence à terre est
une aubaine pour le commerce seychellois puisqu'ils dépensent 600 000
roupies seychelloises, donc 400 000 F, soit plus de 60 000
euros461. Les Seychellois semblent apprécier la
présence des marins français d'après Le Matin
à travers la familiarité des habitants avec le pompon
rouge462. D'après KALFLECHE, Si les marins
français semblent heureux d'être aux Seychelles par son
côté paradisiaque, ils seraient frustrés car un ordre
puritain serait établi par le régime seychellois : les marins
auraient moins de plaisir, comme par exemple avec la bière ou les jeunes
filles ou femmes réputées pour n'être guère
farouches.
459 LAURENT Frédéric, « La route du
pétrole passe par les Seychelles », Libération, 13
septembre 1978.
460 C. Ch., « La rébellion matée »,
Le Matin, 19 août 1982.
461 D'après nos calculs.
462 Op. cit. C. Ch., « La rébellion
matée », Le Matin, 19 août 1982.
Le premier article entièrement consacré à
la présence de la « Royale » aux Seychelles a
été signé par Philippe DECRAENE en février 1978 :
il paraît dans Le Monde sous le titre évocateur de «
Dans le sillage de la « Royale »... » le 5 février 1978.
C'est un article de bonne taille évoquant la place de la Marine
française et de la France aux Seychelles depuis 1742, ainsi que des
escales comme celui du commandant COUSTEAU : de nombreux éléments
ne seront donc pas retenus dans notre étude. Le journaliste
évoque d'abord la présence à l'aéroport
international de Victoria d'un Breguet-Atlantic français - dans Le
Figaro du 8 août 1977, la
présence de deux Alizés de
l'aéronavale française ayant pour mission de
récupérer le courrier du Foch est évoquée
-, puis de trois navires au large de la capitale : le
porte-hélicoptère Jeanne d'Arc en train de quitter
l'archipel pour accomplir son tour du monde annuel, l'escorteur d'escadre
Forbin et l'aviso Commandant-Bory alors en pleines manoeuvres
et ayant fait descendre à terre ses marins. Le journaliste confirme
qu'il est fréquent que les bâtiments de la « Royale »
fréquentent la zone, voire, atteignent les côtes seychelloises (on
retrouve cette information dans Le Dauphiné
libéré). En revanche, il serait rare, d'après lui, de
voir un si grand nombre de « pompons rouges » - une centaine de
matelots - sur l'île de Mahé. DECRAENE a réussi à
interviewer l'ambassadeur de France, René de CHOISEUL-PRASLIN.
D'après l'ambassadeur, « la France bénéficie
auprès des Seychellois d'un capital affectif exceptionnel »,
justifiant la fréquence aussi importante des escales françaises
dans l'archipel : un bâtiment par mois. Il affirme même que ces
escales sont aussi nombreuses que celles effectuées par la Marine
britannique ou soviétique. DECRAENE a également interviewé
un commandant français présent aux Seychelles sur les escales
effectuées par la « Royale » dans l'archipel. D'après
ce commandant, dont le nom n'est pas cité, les Seychelles ne servent pas
uniquement d'escale : il évoque la coopération militaire entre
les deux pays.
L'escale d'un bâtiment de la « Royale » aux
Seychelles la plus connue est sûrement celle effectuée par
l'aviso-escorteur Victor Schoelcher fin 1981. Comme nous l'avons vu
précédemment, le Victor Schoelcher a été
envoyé aux Seychelles après l'attaque des mercenaires qui ont
tenté de renverser le pouvoir de RENÉ (cf. chapitre VI
« État et qualité des relations franco-seychelloises »,
p.). Cette manifestation de diplomatie navale était, comme nous l'avons
vu, un gage de solidarité de Paris envers Victoria, et avait pour but de
dissuader les agresseurs potentiels ou officiels, et de s'en prendre à
un régime ami de la France. L'envoi et l'escale du Victor Schoelcher
ont été présentés par Le Monde les 3
et 8 décembre 1981, Libération le 4 décembre et
la LOI le 5 décembre. Après la tentative de coup
d'État des mercenaires, la présence militaire
étrangère et française s'est considérablement
renforcée aux Seychelles. D'après la LOI du 16 janvier
1982, trois navires français ont récemment mouillé :
l'aviso-escorteur Victor Schoelcher revenu aux Seychelles, le
Commandant Rivière, autre aviso-escorteur, et le navireatelier
Rhin dont l'escale était prévue depuis longtemps. La
présence de ces navires a été évoquée dans
le Matin du 19 août 1982. À ces bâtiments de la
« Royale » la France a rajouté deux avions de reconnaissances
Breguet-Atlantique habituellement basés à Djibouti, ainsi qu'un
avion de transport militaire Transall en provenance de la
Réunion463. On voit donc à travers ce
déploiement exceptionnel une véritable manifestation de
solidarité française envers le régime de RENÉ.
Libération, lui, affirme que la flotte française a
mouillée à plusieurs reprises aux
Seychelles464.
463 « Soldats et navires étrangers », La
Lettre de l'Océan Indien, 16 janvier 1982.
464 MOCKLER Anthony, « Mutinerie aux Seychelles »,
Libération, 18 août 1982.
La « Royale » est de nouveau intervenue aux
Seychelles après la mutinerie militaire du 17 août 1982,
près de neuf mois après le coup d'État manqué.
Cette intervention a été évoquée par Le
Monde, Le Matin, Libération et
L'Humanité. Ces journaux affirment tous avoir reçu la
confirmation de l'envoi d'un bâtiment de la Marine française dans
l'océan Indien en direction des Seychelles à la demande du
président RENÉ. Selon L'Humanité et Le Monde
du 20 août, le navire est arrivé le soir du 18 août.
D'après la LOI du 6 juin 1987, chaque
année, à l'occasion des célébrations du coup
d'État qui a porté au pouvoir France-Albert RENÉ, un
navire français faisait escale aux Seychelles. Le 5 juin 1986, fait
inhabituel, il n'y avait aucun bâtiment de la « Royale ». En
effet, à cause du « complot » réunissant les
États-Unis, le Royaume-Uni et la France, les navires français
étaient interdits d'escale à Victoria tandis que les
bâtiments soviétiques pouvaient y rester pendant des
mois465. Jacques de BARRIN, envoyé spécial du
Monde en décembre 1986, y a déjà fait allusion. En effet,
au moment où RENÉ a dénoncé un complot des
États-Unis, du Royaume-Uni et de la France à leurs dirigeants,
les trois pays ont déposé une demande d'escale pour des
bâtiments de leur flotte à la même date. D'après le
journaliste, c'est un hasard. Et à cause de ce hasard, le gouvernement
seychellois a opposé une fin de non recevoir : il voyait là un
complot d'invasion plutôt qu'un « rendez-vous naval trop bien
agencé »466. En plus de la
nomination d'un nouvel ambassadeur, Renaud VIGNAL, la présence du
patrouilleur L'Albatros le 6 juin 1987 devait calmer la paranoïa
de France-Albert RENÉ. D'après la LOI, L'Albatros
a été envoyé par la France à la demande de
l'ambassadeur français467. Les dernières escales
que nous trouvons dans la presse française sont celles du Le Var
- pétrolier ravitailleur - entre le 18 et le 21septembre
1986468 et du porte-hélicoptère et
également bateau-école Jeanne d'Arc le 27 avril 1988
avant d'arriver à Djibouti le 3 mai469.
465 « Les dix ans du régime », La Lettre de
l'Océan Indien, 6 juin 1987.
466 BARRIN Jacques de, « Victoria et le « coup
d'État permanent » », Le Monde, 27 décembre
1986.
467 Op. cit. « Les dix ans du régime »,
La Lettre de l'Océan Indien, 6 juin 1987.
468 « Le chef des forces françaises à Victoria
», La Lettre de l'Océan Indien, 20 septembre 1986.
469 « Seychelles », La Lettre de l'Océan
Indien, 7 mai 1988.
470 Op. cit. « Le chef des forces françaises
à Victoria », La Lettre de l'Océan Indien, 20
septembre 1986.
471 Op. cit. « Seychelles », La Lettre de
l'Océan Indien, 7 mai 1988.
Une première mission diplomatique effectuée par
des militaires peut être évoquée dans Le Matin du
19 août 1982. D'après l'article, « il y a deux mois »,
donc en juin 1982, trois officiers français se sont rendus à
Victoria pour effectuer leur mission. Dans un article de courte taille paru
dans la LOI, nous avons la visite aux Seychelles du contre-amiral des
forces maritimes françaises de l'océan Indien, Jacques LANXADE,
le 18 septembre 1986. Arrivé à bord du Le Var le 18
septembre 1986 et en visite pendant quatre jours, il aurait été
reçu par le ministre James MICHEL qui était également chef
d'État major de l'armée seychelloise - Seychelles Defense
Forces - huit jours après la « démission » de son
prédécesseur, Ogilvy BERLOUIS470. Ensuite, dans
une note de l'hebdomadaire, ce fut le capitaine Christian GIRAND qui fut
reçu par MICHEL le 27 avril 1988471. Enfin, nous avons
la visite en France du chef d'État major des forces seychelloises, le
colonel Léopold PAYET, avant le 2 juillet 1994. D'après la une de
la LOI du 2 juillet 1994, cette visite pouvait être liée
à un scandale sur la vente d'armes par le régime de RENÉ
à la ville de Goma dans l'actuelle République démocratique
du Congo, ce qui alimente des spéculations sur le rôle des
personnalités politiques françaises dans cette
affaire472.
472 « Marchand d'armes », La Lettre de
l'Océan Indien, 2 juillet 1994.
473 Cf. Annexe n°6.
474 MAZERAN Hélène, Géopolitique de
l'Océan Indien, Paris, PUF, 1987.
475 MAZERAN Hélène, L'Océan Indien : un
enjeu pour l'Occident, Paris, PUF, 1987, p. 54.
476 DECRAENE Philippe, « Dans le sillage de la « Royale
»... », Le Monde, 6 février 1978.
477 BALENCIE Jean-Marc, La Diplomatie navale française
en Océan Indien (1967-1992), Lille, Atelier national de
reproduction de thèses, 1992.
B) La coopération bilatérale
Naturellement, il existe une coopération
bilatérale dans le domaine militaire en dehors des simples escales ou
des visites diplomatiques effectuées par des officiers. Cela provient du
soutien technique et logistique aux accords de coopération et/ou de
défense militaires. Qu'en est-il de la coopération
franco-seychelloise dans le domaine militaire sous France-Albert RENÉ ?
Que peut nous apprendre la presse française sur ce point?
L'Express du 22-28 janvier 1979 a publié une
carte montrant la répartition des forces françaises en
Afrique473. On peut constater qu'en 1979, il y avait vingt
assistants militaires techniques présents aux Seychelles avant la crise
diplomatique (cf. Chapitre VI « État des relations
»). Toutefois, d'après Hélène MAZERAN, la
coopération militaire entre la France et les Seychelles se limitait
à cette fourniture de coopérants militaires et aux
fréquentes escales474. Elle rajoute même que les
Seychelles poursuivent une véritable coopération militaire
qu'avec la Tanzanie et Madagascar socialistes dans les années
80475.
Interviewé par Philippe DECRAENE avant le 5
février 1978, un commandant de bâtiment de la « Royale »
évoque plusieurs aspects de la coopération franco-seychelloise.
Là où le gouvernement veut construire des pistes d'atterrissages
pour relier les différentes îles isolées de l'archipel et
Mahé, la « Royale » apporte des bulldozers et des
équipements de travaux publics. La Marine française a permis au
ministre seychellois de l'agriculture de reconnaître par
hélicoptère l'état des forêts de Mahé. Enfin,
la seule présence de la « Royale » a permis la fuite de
plusieurs navires-usines « formosans » - taïwanais - qui
pêchaient clandestinement dans les eaux
seychelloises476. Il faut savoir que les îles composant
l'archipel des Seychelles sont très isolées. Les Seychelles sont
donc très dépendantes du transport. C'est pour cette raison que
la « Royale » apporte son concours auprès du gouvernement de
Victoria dans le transport de matériels ou de dirigeants aux
différentes îles. Enfin, la dissuasion fait partie des missions de
la « Royale ». À la demande de pays amis, comme les
Seychelles, la Marine française effectue des patrouilles de surveillance
de plus en plus ponctuelles des Zones Économiques Exclusives (ZEE). En
effet, la marine seychelloise est insuffisante pour couvrir une zone aussi
large (c'est l'une des plus grande ZEE de la
région)477.
Les 7 décembre 1996 et 10 avril 1998, Le Monde
présente succinctement les accords de défense et de
coopération militaire entre la France et les pays africains, les
Seychelles incluses. Ainsi, le journal annonce publiquement que la France et
les Seychelles ont signé un
accord de coopération ou d'assistance militaire
technique en 1979. Les Seychelles seraient l'un des vingt-trois pays africains
à avoir signé avec la France ce type d'accord
militaire478. Selon le quotidien, ces accords de
coopération et d'assistance militaire technique entre ces pays peuvent
être suspendus479. Cela a été le cas des
Seychelles pendant la crise de 1979 à 1981, confirmé par la
LOI du 16 janvier 1982480. D'après
l'hebdomadaire, il n'y a plus eu aucun obstacle au resserrement des liens dans
le domaine militaire entre la France et les Seychelles depuis l'arrivée
au pouvoir de François MITTERRAND. Selon Le Monde, certains des
accords passés avec ces pays ont paru dans le Journal officiel
puisque le gouvernement français veut garder secret plusieurs
aspects de ses relations militaires avec les États
africains481.
Dans son article consacré à la crise
franco-seychelloise, Jean-Pierre LANGELLIER fait allusion à la
présence de marins français travaillant comme coopérants
aux Seychelles. Parmi ces marins, il y a des instructeurs comme ceux du
Topaze482. À propos du Topaze, ancien
patrouilleur français appelé Croix du Sud, il existe un
accord scellant sa cession aux Seychelles pour surveiller sa ZEE. Toutefois,
aucun article de presse française ne semble l'évoquer.
478 D'après Le Monde, ces pays sont : le
Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, la République
centrafricaine, les Comores, le Congo, la République démocratique
du Congo, la Côted'Ivoire, Djibouti, le Gabon, la Guinée
équatoriale, la Guinée, Madagascar, le Mali, Maurice, la
Mauritanie, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, le Tchad et le
Togo.
479 ANONYME, « La présence militaire française
», Le Monde, 7 décembre 1996.
480 « Soldats et navires étrangers », La
Lettre de l'Océan Indien, 16 janvier 1982.
481 ANONYME, « Accords de défense et de
coopération militaire », Le Monde, 10 avril 1998.
482 LANGELLIER Jean-Pierre, « L'arrestation d'un assistant
technique français risque de jeter la suspicion sur une
coopération fructueuse », Le Monde, 21 novembre 1979.
L'attaque des mercenaires a, semble-t-il, permis un
renforcement sensible de la coopération militaire entre la France et les
Seychelles. Plusieurs articles sur ce thème sont parus dans la presse
française entre 1981 et 1982. D'après Pierre HASKI, la France a
proposé, tout comme la Tanzanie, Madagascar et l'Inde une aide militaire
à la République des Seychelles483. Aux dires du
président RENÉ, tous les efforts de son gouvernement ont
été entièrement consacrés à
l'indépendance nationale à travers le développement
économique et la création d'une société plus juste.
Donc, le régime socialiste n'aurait « jamais dépensé
un sou pour une arme » : la France, comme certains pays, en aurait
offert484. Cette affirmation est reprise par la LOI
dans son dossier consacré aux Seychelles le 5 décembre 1981.
Donc, le régime de RENÉ chercherait dorénavant à
avoir les moyens pour défendre l'indépendance nationale. Le 10
décembre 1981, Maxime FERRARI, ministre seychellois de
l'Économie, affirme devant Philippe FLANDRIN de La Croix que la
France pouvait se charger de former le personnel de sécurité
seychellois485. La coopération militaire entre la
France et les Seychelles a été renforcée après la
visite du président RENÉ à Paris en février 1982.
En effet, le dictateur a proclamé l'ouverture d'une « nouvelle
ère de coopération » entre les deux pays. Pendant sa visite,
RENÉ se serait entretenu avec le ministre de la Défense, Charles
HERNU.
Cela est confirmé par Le Matin du 19
août 1982. Le chef de l'État seychellois a alors
réclamé des conseils d'experts en matière de formation et
d'équipement pour permettre aux Seychelles de se défendre contre
ses agresseurs, et pour discuter sur les moyens de renforcer la
coopération militaire entre les deux pays. À cela s'ajoute la
volonté de renforcer la défense des côtes et de la
sécurité des aérodromes486. Cette
tentative de développement de la coopération militaire avec la
France est évoquée par Libération le 18
août 1982. Le journal affirme même que des coopérants
militaires ont été envoyés aux Seychelles, mais il affirme
ignorer si des soldats français étaient présents pendant
la mutinerie d'août 1982487. D'après Le Matin,
aucun soldat français n'est stationné aux Seychelles et qu'aucun
Seychellois ne suit de formation dans les écoles militaires
françaises488. Le 12 juin 1982, la LOI publie
un petit article sur la livraison d'équipement militaire français
aux Seychelles. D'après l'hebdomadaire, le matériel, surtout des
armes et des camions, ont été présentés au cours du
défilé militaire du 5 juin célébrant l'anniversaire
du coup d'État des partisans de RENÉ489. Cette
livraison est rappelée par l'hebdomadaire dans un article paru le 21
août 1982 sous le titre suivant : « D'importantes relations
militaires extérieures ». Six ans plus tard, un article parait dans
la LOI le 3 décembre 1988. Cet article évoque le
renforcement de l'armée seychelloise grâce à l'aide
militaire de plusieurs États depuis la tentative de coup d'État
de 1981. La LOI évoque la volonté du gouvernement
seychellois de poursuivre sa coopération militaire, en 1988, avec la
France. D'après l'article, deux pilotes seychellois allaient être
bientôt formés à la Réunion490 (la
principale base française dans l'océan Indien après
Djibouti). S'il n'y a aucun article d'identifié entre 1982 et 1988, cet
article nous indique que durant cette période, il y a eu une
coopération active entre la France et les Seychelles. Entre 1982 et
1988, voir 1989, la France, avec d'autres pays, ont aidé les Seychelles
à développer son armée en livrant du matériel
d'équipement et en formant les soldats. La presse française nous
présente donc une des trois principales lignes de la coopération
militaire en Afrique et qui s'applique aux Seychelles : l'assistance militaire
technique (AMT)491. Cette assistance permet la fourniture de
personnel qualifié, une aide à la formation et un soutien
logistique492. Le 14 mars 1987, le magazine Cols bleus
nous donne « un exemple de coopération aux Seychelles
»493. En 1986, un accord a été signé
entre la France et les Seychelles. La France devait envoyer une équipe
de techniciens militaires pour des opérations de déroctages pour
aider le gouvernement progressiste à réaliser ses travaux
entrepris dès 1985 de dragage d'un chenal d'accès d'un nouveau
port en construction. En octobre 1986, on donna l'ordre au Rhin de
faire route vers l'archipel. Le navire a veillé à son
équipement avant son départ. Il atteint le port de Victoria le 19
novembre 1986 et commence sa mission le lendemain. Elle prend fin le 26. Le
Rhin quitte l'archipel le lendemain.
483 HASKI Pierre, « SOS contre les mercenaires »,
Libération, 4 décembre 1981.
484 Op. cit. HASKI Pierre, « SOS contre les
mercenaires », Libération, 4 décembre 1981.
485 FLANDRIN Philippe, « « Nous voulons la paix dans
l'océan Indien » », La Croix, 10 décembre
1981.
486 « Coopération renforcée avec Paris »,
La Lettre de l'Océan Indien, 27 février 1982 ; «
Coopération militaire », La Lettre de l'Océan
Indien, 6 mars 1982.
487 Op. cit. MOCKLER Anthony, « Mutinerie aux
Seychelles », Libération, 18 août 1982.
488 Op. cit. C. Ch., « La rébellion
matée », Le Matin, 19 août 1982.
489 « Équipement français », La
Lettre de l'Océan Indien, 12 juin 1982.
490 « Coopération militaire tous azimuts »,
La Lettre de l'Océan Indien, 3 décembre 1988.
491 Les deux autres lignes sont les accords de Défense
et la Force d'Action Rapide (FAR). SOURCE : DOMERGUE-CLOAREC Danielle, La
France et l'Afrique après les indépendances, Paris,
Sedès, collection Regards Sur L'histoire, 1995, p.70.
492 DOMERGUE-CLOAREC Danielle, La France et l'Afrique
après les indépendances, Paris, Sedès, collection
Regards Sur L'histoire, 1995, p.72-74.
493 MARTIN C. F., « Un exemple de coopération aux
Seychelles », Cols bleus, 17 mars 1987.
Aucun autre article sur la coopération militaire entre la
France et les Seychelles de RENÉ après 1989 n'a été
identifié.
Nous nous rendons compte que c'est l'un des thèmes les
plus traités par la presse française avec les relations
politiques et économiques. Même si la coopération
culturelle est censée être beaucoup importante que les relations
militaires, ces dernières ont été
préférées aux premières par les journalistes qui
ont couvert les Seychelles et ses relations avec la France. La quantité
d'articles et d'informations sur les relations militaires rendent ces derniers
importants. Nous avons pu voir que les relations étaient - et sont
encore - essentiellement navales. Nous nous rendons compte à quel point
les relations militaires, en particulier les escales françaises, si
nombreuses, sont importantes pour l'archipel et le régime de
RENÉ. Sur la coopération, on a pu voir que la France a
apporté un important soutien technique et logistique, ainsi qu'une
assistance militaire dans l'objectif d'aider le gouvernement seychellois
à développer son armée naissante et défendre sa
souveraineté contre ses agresseurs. Si la coopération militaire
est surtout évoquée entre 1981 et 1982, elle est pratiquement
absente en dehors de ses dates. On regrette également que la presse
française n'ait pas suffisamment présentée l'entretien des
relations militaires franco-seychelloises dans les années 90 et 2000. On
a donc une assez bonne idée sur le déroulement des relations
militaires entre la France et les Seychelles sous le président
RENÉ, mais il faudra également combler certaines lacunes.
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