1. La crise diplomatique (1979-1981)
La crise diplomatique de 1979 à 1981 est sans nul doute
la forme de tension la plus grave ayant secouée la France et les
Seychelles de RENÉ. Quelle place a-t-elle tenu dans la presse
française et comment cette dernière l'a-t-elle abordé ?
C'est Jean-Pierre LANGELLIER qui est un des premiers à
aborder la crise le 21 novembre 1979. Le titre de son article d'assez bonne
taille annonce clairement un risque de mise à mal d'une
coopération jugée fructueuse219. Tout commence
par la troisième dénonciation d'un « complot » par
Victoria, rapporté dans Le Monde du 18-19 novembre. Entre
quatre-vingt et cent personnes seraient arrêtées, essentiellement
des opposants. Parmi ces personnes, un coopérant français,
Jacques CHEVALLEREAU (cf. chapitre IV). Son arrestation est suivie par
le débarquement forcé de douze marins instructeurs du Topaze
- ancien navire de guerre français appelé Croix du Sud
- pour cause de « liens personnels » entretenus avec lui. Si la
France est accusée par la radio seychelloise de complot, le gouvernement
seychellois ne met en cause que les
individus. L'ambassadeur de France a tenté
d'intervenir. LANGELLIER sent que l'affaire risque de jeter un froid sur les
relations franco-seychelloises. D'après une petite dépêche
du Monde du 18 décembre 1979, RENÉ présente
CHEVALLEREAU comme étant le cerveau du complot monté contre lui.
La thèse officielle seychelloise serait que ce complot a
échoué grâce à son arrestation, ainsi que celle de
plus de quatre-vingt personnes. Dans cette même dépêche, on
apprend que Paris a décidé, le 17 décembre, de
réduire sa coopération avec Victoria en rappelant six
coopérants. Libération du 18 août 1982
évoque l'expulsion de CHEVALLEREAU des Seychelles en janvier 1980.
Il existe pourtant quelques articles postérieurs
à cette crise l'évoquant succinctement. Cinq d'entre eux ont
été identifiés. Trois d'entre eux, publiés lors du
coup manqué des mercenaires en novembre 1981 et la mutinerie
d'août 1982, n'évoquent cette crise en évoquant simplement
que RENÉ a dénoncé un complot fomenté de
l'étranger, avec la participation de mercenaires qui attendaient
à Durban (Afrique du Sud) et qu'un coopérant français,
CHEVALLEREAU, a été arrêté pour complicité,
d'où la dégradation des relations220. Seul
Le Matin du 19 août 1982 évoque la restauration de la
confiance entre la France et les Seychelles depuis l'élection de
François MITTERRAND en mai 1981. La LOI du 11 décembre
1982, si elle évoque elle aussi l'incident diplomatique entre la France
et les Seychelles par l'arrestation de CHEVALLEREAU, elle apporte certaines
indications. Ainsi donc, des enregistrements détenus par le gouvernement
seychellois sur des discussions entre Gérard HOAREAU (MPR), principal
chef de l'opposition, et ses « complices », feraient état
d'une implication de la France dans « le coup d'État manqué
de novembre 1979 », et de contacts entre le MPR et le Quai d'Orsay par le
biais de CHEVALLEREAU. Dans une interview accordée à la LOI
le 28 août 1986, RENÉ présente toujours CHEVALLEREAU
comme étant toujours en liaison avec HOAREAU : l'ancien coopérant
français aurait averti HOAREAU - avant son assassinat en 1985 - que
l'opposition seychelloise en France est mise sur écoute par le
régime de RENÉ. Dans cette interview, la LOI rappelle
l'ancien statut de CHEVALLEREAU et son expulsion.
220 C. Ch., « La rébellion matée »,
Le Matin, 19 août 1982 ; C. Y., « Cent mercenaires font
vaciller le pouvoir », Le Matin, 27 novembre 1981 ; HASKI Pierre,
« Échec à un débarquement de mercenaires
sud-africains », Libération, 27 novembre 1981.
221 Centre de hautes études sur l'Afrique et l'Asie
modernes, La Réunion dans l'océan Indien, Paris, CHEAM,
1986.
222 WAUTHIER Claude, Quatre présidents et l'Afrique.
De Gaulle, Pompidou, Giscard d'Estaing, Mitterrand. Quarante ans de politique
africaine, Paris, Éditions du Seuil, 1995.
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