Chapitre V : Les visites diplomatiques
Les visites diplomatiques ont une place très importante
dans nos échantillons, mais aussi dans le fonctionnement de la
diplomatie ou de la politique étrangère141.
C'est l'un des thèmes les plus traités par la presse
française. Il faut savoir que les déplacements d'une
personnalité politique font partie du cérémonial
politique. Elles reflètent la qualité des relations entre deux
pays, surtout entre la France et les pays africains. Il existe trois types de
déplacements : la visite officielle, très prisée en
Afrique et beaucoup médiatisée car c'est la plus importante ; la
visite de travail ou d'entretien ; et les visites privées. Le chef de
l'État peut se déplacer avec des ministres ou des conseillers,
avec ou sans sa famille. Les ministres peuvent également se
déplacer après invitation par leurs homologues. Ces
déplacements permettent de mesurer l'étroitesse des liens
existants entre les deux pays, pour faire connaître leur position sur
telle situation, pour résoudre des problèmes ou encore
préparer des accords142. Nous allons maintenant voir
comment les visites françaises et seychelloises sont
présentées par les articles de presse publiés en
France.
141 Ces deux notions sont distinctes mais extrêmement
liées.
142 DOMERGUE-CLOAREC Danielle, La France et l'Afrique
après les indépendances, Paris, Sedès, collection
Regards Sur L'histoire, 1995, p.34-36.
143 Comme le sujet est trop récent, il est pratiquement
impossible de vérifier le nombre exact de visite française aux
archives des Affaires étrangères à la Courneuve
après 1983.
A) Les visites françaises
La presse française semble avoir assez bien suivi les
déplacements effectués par les personnalités politiques
françaises. Néanmoins, nous savons pertinemment que ces visites
évoquées ne représentent qu'une partie du nombre de
visites réellement effectuées par le président de la
République, le Premier ministre, un ministre, un conseiller ou une autre
personnalité politique française143.
1. La visite de François MITTERRAND
La visite française la plus importante est sans aucun
doute celle du président MITTERRAND lors de sa tournée dans le
sud-ouest de l'océan Indien. Il n'a effectué qu'une seule visite
aux Seychelles. Comment la presse française présente-elle cette
visite et ses préparatifs ?
Pour l'édition du 13 mars 1982, la LOI
interview le secrétaire général du MMM, Paul
BERENGER, de retour des Seychelles. D'après lui, il aurait
discuté avec le président RENÉ d'une visite prochaine du
président MITTERRAND dans l'océan Indien - elle constitue une des
phrases clés de l'article, d'où le titre de ce dernier, «
Une visite de MITTERRAND ? ». D'après l'homme politique mauricien,
le régime seychellois et un éventuel gouvernement MMM-PSM issu
des élections mauriciennes allaient organiser une tournée du
président français dans la région si elle n'était
pas concrétisée avant ces élections144.
Pourtant, nous savons que si cette coalition a vu le jour après les
législatives du 11 juin 1982, la tournée de MITTERRAND n'a jamais
eu lieu.
144 « Une visite de Mitterrand ? », La Lettre de
l'Océan Indien, 13 mars 1982.
145 « Tournée prochaine de François MITTERRAND
», La Lettre de l'Océan Indien, 15 octobre 1988.
146 « Le retour en force du président René
», La Lettre de l'Océan Indien, 23 juin 1990.
147 AMALRIC Jacques, « M. Mitterrand réaffirme que
Paris reste à l'écoute du tiers-monde », Le Monde,
13 juin 1990.
148 D'après nos calculs, sachant qu'une roupie
seychelloise coûtait 1,26 franc et 0,19 euro.
Ce n'est que fin 1988 qu'une tournée du
président français dans le sud-ouest de l'océan Indien est
prévue. C'est la LOI qui l'a annoncée le 15 octobre 1988
en se basant de sources décrites comme bien informées.
D'après l'hebdomadaire, cette tournée serait prévue pour
1989, même si aucune date n'a été retenue. L'hebdomadaire
fait remarquer que c'est la première fois que le président
français allait se rendre dans cette région145.
Cette tournée n'a pas eu lieu en 1989 : elle a été
reportée à l'année suivante.
Elle a eu lieu du 11 au 15 juin 1990. D'après Jacques
AMALRIC, envoyé spécial du Monde à Victoria,
l'itinéraire fut le suivant : les Seychelles sont le premier pays
visité (11 juin), suivis ensuite de Maurice (12 juin), des Comores (13
juin) et de Madagascar (14-15 juin). D'après la LOI du 23 juin,
le régime affiche son unité, après avoir traversé
une crise politique, la veille de l'arrivé du chef de l'État
français146. AMALRIC traite de la visite de MITTERRAND
aux Seychelles dans un article non négligeable de 808 mots publié
le 12 juin147. MITTERRAND serait arrivé aux Seychelles
dans l'après-midi et participé à un dîner en son
honneur. D'après le journaliste, il se serait entretenu avec le
président RENÉ sur la « précieuse »
collaboration entre la France et les Seychelles. Dans son discours, ce dernier
a présenté deux demandes concernant les Jeux de l'océan
Indien prévus pour 1993 et la construction d'une bibliothèque
nationale à Victoria. L'envoyé spécial remarque qu'il
n'utilise plus ses « discours tiers-mondistes purs et durs de jadis
» en raison de la chute du bloc communiste. Le climat entourant la
visite de MITTERRAND devait être serein puisque les temps paraissaient
bien loin, pour AMALRIC, du temps où la France et les Seychelles
s'opposaient sur la Réunion. Les réponses aux demandes de
RENÉ sont jugées positives sans être trop précises
par AMALRIC : le journaliste a compris, et il l'écrit, qu'il ne fallait
pas s'attendre à des « miracles » de la part de MITTERRAND. La
question de la dette considérable des Seychelles d'1,2 milliard de
francs de l'époque - environ 800 millions d'euros, soit plus de 42
millions de roupies seychelloises148 - a été
abordé par RENÉ.
MITTERRAND aurait alors présenté les grandes
lignes de son futur discours de La Baule où il lie développement
et démocratie. AMALRIC sent que des individus allaient être
déçus de ce discours puisqu'il ne met pas en garde RENÉ
contre l'accroissement de la dette et
ne fait aucune allusion à son régime dictatorial
(cf. chapitre VIII « La diplomatie des droits de l'Homme et de la
démocratie aux Seychelles de la France », p.). Cette
déception semble être prouvée une semaine plus tard comme
le présente la LOI du 30 juin. Une maison coloniale
traditionnelle située à Anse-aux-Pins, restaurée par les
fonds d'aide française, a été incendiée.
L'hebdomadaire rapporte que selon certains observateurs et l'opposition,
c'était probablement la manifestation d'un geste de protestation
anti-français lié au silence de MITTERRAND sur le thème du
multipartisme seychellois149.
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