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Exploitation forestière et développement économique en milieu rural. Analyse du problème en territoire de Bagata, province de Bandundu (RDC)

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par P. Basile Sakata Selebay
Université Catholique de Louvain - Master complementaire en Développement, environnement et société 2011
  

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2.3.3. Les systèmes locaux d'exploitation des forêts

L'étude présentera d'abord les différentes utilisations des forêts par les communautés locales et les autres acteurs locaux. Elle permettra ainsi, en filigrane de saisir l'importance des forêts dans le quotidien des communautés villageoises.

Elle s'est ensuite intéressée aux procédures et modalités par lesquelles passe l'exploitation des forêts. L'exploitation des terres n'a jamais été collective, au sens où elle impliquerait plusieurs unités de production87(*)

De l'examen des résultats des enquêtes menées, il se dégage que différents acteurs exploitent la forêt pour en tirer les ressources ligneuses et non ligneuses.

La forêt leur sert également de terrain de chasse pour la faune sauvage. A également été mentionnée, l'utilisation de la forêt à des fins d'agriculture et de pêche.

A. le prélèvement des ressources ligneuses

a. Les villageois prélèvent dans la forêt le bois du feu et de carbonisation. L'absence d'électrification dans les milieux ruraux, son insuffisance dans les villes ainsi que l'accroissement démographique constituent aujourd'hui les facteurs de pression sur la ressource ligneuse.

b. Nous avons également noté le prélèvement du bois pour la fabrication des pirogues en vue de la pêche et du transport des personnes et des biens.

c. L'exploitation du bois d'oeuvre par les communautés a été signalée comme négligeable à Bagata.

d. Les bois prélevés dans la forêt servent également pour la construction.

En tout état de cause, quelles que soient les raisons du prélèvement des ressources ligneuses locales « bois d'oeuvre, bois de feu et ou de carbonisation ou encore bois de construction », l'accès à la ressource reste coutumièrement libre lorsque ce prélèvement est le fait des membres de la communauté intéressée. Ils n'ont pas signalé de cas où un tel prélèvement fut assujetti à des formalités particulières, coutumières ou administratives. Ce constat contraste avec les termes de l'arrêté relatif à l'exploitation forestière qui institue le système de permis de coupe artisanale pour le bois d'oeuvre, et de permis de coupe du bois de feu et de carbonisation pour la matière ligneuse prélevée pour des raisons énergétiques ; et ce, sans distinguer selon que l'exploitant coupe dans la forêt de sa communauté ou hors de celle-ci. C'est là une source des conflits. Nous y reviendrons.

Par contre, lorsque le prélèvement est le fait des membres des communautés allochtones, voisines ou lointaines, l'accès aux forêts locales répond aux usages et coutumes entre les communautés concernées. Dans certains endroits, cet accès est libre lorsqu'il ne vise que la cueillette ou le ramassage des produits forestiers non ligneux ou le prélèvement du bois de feu et de carbonisation, mais il devient assujetti au paiement de redevances coutumières, lorsqu'il vise d'autres types d'utilisation de la forêt, notamment lorsqu'il s'agit de la coupe artisanale, de la chasse, d'agriculture ou de pêche ou encore lorsqu'il s'agit de la coupe artisanale du bois exploitable. C'est la situation qui semble être prédominante dans le territoire de Bagata.

Lorsqu'il s'agit d'autoriser l'accès des exploitants artisanaux à leurs forêts88(*), l'attitude la plus prédominante dans le chef des ayants droits « chefs ethniques ou des lignagers, clans familles ou villages », est d'exiger, d'une part, le versement d'un droit d'accès, généralement constitué d'un ou de quelques sachets de sucre, de sel, de café et autre denrée semblable et, d'autre part, le partage du produit de la coupe autorisée89(*). Le défaut de réalisation de cette condition constitue également une source des conflits.

Les conditions de ce partage varient d'un clan à un autre. Mais d'un point de vue général, les ayants droit exigent un pourcentage sur le volume de grumes ou des planches résultant de la coupe. Dans certains villages de Bagata, les communautés ont reconnu avoir exigé le versement préalable du prix de l'arbre sur pied, variant entre 5.000 et 6.000 francs congolais (5 à 6 dollars).

Enfin, les communautés autorisent l'accès à leurs forêts aux exploitants artisanaux, dès qu'elles ont négocié le droit d'accès et le partage du produit de la coupe. Elles n'exigent nullement à ceux-là d'être, en outre, porteurs d'un permis ou d'un agrément comme le prévoient le code forestier et l'arrêté susmentionné sur l'exploitation forestière. C'est l'autre source de conflits.

L'accès des industriels aux forêts locales se passe presque de la même manière que lorsqu'il s'agit des exploitants artisanaux, à la seule différence que, lorsque le requérant est un exploitant industriel, en outre, porteur d'un permis ou d'un agrément comme le prévoient le code forestier et l'arrêté susmentionné sur l'exploitation forestière, il doit donner des garanties de constructions d'infrastructures socio-économiques. Ce sont, au fait, ces accords que le code forestier a formalisés, en exigeant qu'ils puissent figurer comme une des principales clauses du cahier des charges de l'exploitant industriel (article 89).

Le constat général dans le territoire de Barata, c'est que les communautés se plaignent du non-respect des engagements pris ou de la mauvaise exécution des dits engagements par les exploitants forestiers. Elles se plaignent de n'être pas assistées ni techniquement accompagnées dans la négociation des accords et dans le suivi de l'exécution des dits accords. De même, les exploitants se plaignent aussi de n'avoir pas d'interlocuteur attitré et de se retrouver souvent devant une multiplicité de personnes, toutes se réclamant de la même communauté. C'est aussi une des sources de conflits.

Notre hypothèse de travail trouve à se justifier sur ce point parce que les autorités coutumières se considérant comme vrais propriétaires se passent du prescrit légal qui oblige tout exploitant de solliciter un permis avant toute exploitation. L'exemple le plus récent dans le territoire de Bagata date de 2005-2007. En 2005, Monsieur KIBU, Chef coutumier de NDANA a accordé aux exploitants artisanaux (Towamba Gédéon et Tamfutu Ludovic) l'autorisation de couper des arbres pour le fonctionnement de la scierie du village NDANA Mbim. Au bout de deux années, l'administrateur du territoire de Bagata (bourgmestre de la commune rurale) a ordonné l'arrestation de ces deux exploitants estimant qu'ils coupaient les arbres sans droit ni titre. Il s'en était suivi une bagarre entre les policiers venus exécuter l'ordre du commissaire et la communauté locale. L'ordre public a été largement troublé. Les agents de l'ordre sont répartis en catastrophe sans réaliser la mission pour laquelle ils avaient été envoyés.

* 87 Tiffen, cité par Lavigne Delville Ph et consorts op, cit p220

* 88 On a pu observer que ceux qui font profession d'exploitants artisanaux viennent généralement des centres urbains, d'où ils se dotent du matériel d'exploitation artisanale (tronçonneuse mécanique, une scie en long ou une scierie mobile) et vont par la suite négocier l'accès aux forêts coutumières auprès des ayant droits.

* 89 Ces accords ou conventions entre exploitants artisanaux et ayant droits sont écrits (le cas de bas Congo) soit verbaux dans la plupart des contrées.

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