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L'héritage leibnizien dans la cosmologie d'A.N. Whitehead

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par Siham EL Fettahi
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master de Philosophie 2011
  

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1.1.2 De la Characteristica Universalis au Principia Mathematica

Leibniz eut une certaine influence sur la logique contemporaine, c'est avec lui que débute la logique mathématique. Il développe l'art combinatoire (ars combinatore) mis en place par ses prédécesseurs (Raymond Lulle, Giordano Bruno etc.) et fonde une langue caractéristique universelle (lingua characteristica universalis) et un calcul rationnel (calculus ratiocinator).7(*)

Effectivement, Leibniz souhaite appliquer le mode opératoire de réflexion qu'il imagine en Dieu aux hommes. Il étend le mode de raisonnement divin à l'homme. D'après Leibniz, Dieu calcule, mesure, évalue à partir de vérités qui se trouvent dans son entendement. Dieu est un immense mathématicien. Dès lors, pour redécouvrir la structure du monde (la réalité est écrite en langage mathématique), il faut procéder en imitant le mode de raisonnement divin. Et c'est parce que Leibniz considère que nous avons la même logique que celle de Dieu qu'il nous est possible de saisir le monde actuel. Cela dit, la logique divine est infiniment étendue (la raison humaine est une goutte d'eau dans l'océan que représente la raison universelle divine). Il y a donc une différence de degré entre la logique divine et humaine mais pas une différence de nature. Alors, il faut imiter Dieu : symboliser le langage courant en concepts simples et ensuite calculer, faire des combinaisons pour étendre notre connaissance. Il faut établir une lingua characteristica puis utiliser le calcul racionator : c'est l'art combinatoire.

«  Par là toutes les notions composées de l'univers entier sont réduites en peu de notions simples qui en sont comme l'alphabet et, inversement, il est possible de trouver avec le temps, par une méthode ordonnée, par une combinaison de cet alphabet, toutes les choses avec tous leurs théorèmes et ce qu'on n'en pourra jamais trouver. Je considère que cette invention, pour autant que si Dieu le veut, elle est réalisée, est comme mère de toutes les inventions... »8(*)

On voit clairement que la théorie leibnizienne de l'art combinatoire découle directement de sa métaphysique. L'intellect humain doit fonctionner comme l'intellect divin, cela nous permettrait d'avoir des capacités quasi-divines, en imitant l'intellect divin, nous étendons notre savoir vers l'infini, les capacités de l'esprit humain se rapproche en se perfectionnant de celle de Dieu. Remarquons que Leibniz repose ses assertions sur l'idée que l'homme est à l'image de Dieu mais en réalité, ne fait-il pas plutôt de l'anthropomorphisme ? Il attribue à Dieu notre manière de raisonner, c'est-à-dire la faculté de combiner des concepts à partir de règles d'inférences.

Le rêve de Leibniz, c'est l'invention d'un outil, le langage formel capable grâce à un mécanisme de calcul de résoudre tous les problèmes. Cette langue et ce mode opératoire de réflexion permettrait de se surpasser et d'accéder à des modes de raisonnement nouveaux, inédits, capables d'étendre à l'infini les capacités humaines :

« Quel grand bonheur ce serait, croyez moi, si un tel langage s'était déjà établi il y a cent ans ! 
Car les arts se seraient développés avec une rapidité miraculeuse et, du fait que les capacités de l'esprit humain auraient été étendues à l'infini, les années seraient devenues des siècles. (...) Je méditai donc sur mon vieux projet d'un langage ou d'une écriture rationnelle (...) Car si nous en disposions sous la forme que je me représente, nous pourrions alors argumenter en métaphysique et en morale de la même façon que nous le faisons en géométrie et en analyse car les caractères donneraient un coup d'arrêt aux pensées par trop vagues et par trop fugaces que nous avons en ces matières; l'imagination ne nous y est en effet d'aucun secours, si ce n'est au moyen de tels caractères. Voici ce à quoi il faut arriver: que chaque paralogisme ne soit rien d'autre qu'une erreur de calcul et que chaque sophisme, exprimé dans cette sorte de nouvelle écriture, ne soit en vérité rien d'autre qu'un solécisme ou un barbarisme, que l'on puisse corriger aisément par les seules lois de cette grammaire philosophique.  Alors, il ne sera plus besoin entre deux philosophes de discussions plus longues qu'entre deux mathématiciens, puisqu'il suffira qu'ils saisissent leur plume, qu'ils s'asseyent à leur table de calcul (en faisant appel, s'ils le souhaitent, à un ami) et qu'ils se disent l'un à l'autre : "Calculons !" J'aurais souhaité pouvoir proposer une sorte de caractéristique universelle dans laquelle toutes les vérités de raison puissent être ramenées à une sorte de calcul. Il pourrait s'agir en même temps d'une sorte de langage ou d'écriture universels mais qui seraient infiniment différents de tous ceux que l'on a projetés jusqu'à maintenant. Car en eux les caractères et les mots guideraient d'emblée la raison et les fautes (mises à part les erreurs matérielles) n'y seraient que des erreurs de calcul. Il serait très difficile de constituer ou d'inventer cette langue ou cette caractéristique mais en revanche fort aisé de l'apprendre sans aucun dictionnaire.»9(*)

La contribution de Leibniz à la logique contemporaine repose sur deux innovations majeures : 1) La vision d'une logique qui permet de réaliser la synthèse et l'élaboration de toutes les connaissances et de définir toutes les méthodes de rationalité. 2) Les outils : Le langage formel, la combinatoire et l'exigence d'une démonstration rigoureuse. 10(*)

On comprend donc l'influence indirecte de Leibniz sur l'histoire de la logique mathématique : recours à un symbolisme opératoire dérivé de l'usage mathématique et qui présente tous les éléments du formalisme moderne axiomatico-déductive du métalangage. Effectivement, le point de départ est la considération du langage ordinaire comme un langage universel. Cette tradition se poursuit avec le développement de la logique formelle de Frege à Russell et les travaux entrepris par Wittgenstein, Quine, le Cercle de Vienne etc.

A titre d'exemple, Frege avec le Begriffsschrift réalise le rêve leibnizien d'une lingua charasteristica universalis mais il le fit pour d'autres raisons : dans un but logiciste consistant à ramener l'arithmétique à la logique.

Ce livre vise essentiellement la production d'une langue idéographique en tant que langue universelle de la pensée. Tous les concepts complexes peuvent se réduire à des concepts simples. Rappelons que chez Leibniz, toute pensée est constituée des concepts simples. Leur combinaison fournit l'Ars combinatoria. Elle est en somme l'établissement de la liste des concepts simples, leur représentation par des signes élémentaires et leur reconstruction par combinaison en vue d'obtenir des concepts complexes, représentés par des combinaisons correspondantes de signes. C'est cette combinatoire qui constitue une lingua characteristica universalis entendue comme une copie des différentes langues naturelles génératrices des infirmités de la raison. La méthodologie productrice de cette langue est déductive, si bien que la science doit devenir un calcul rationnel, susceptible d'exprimer clairement le raisonnement.11(*)

Russell poursuit le projet logiciste qui vise essentiellement à fournir un fondement pour les mathématiques, en les réduisant à la logique. Cela concerne surtout Principia mathematica, où la logique mathématique est d'abord présentée comme une chaîne déductive dépendant des propositions primitives, sous forme d'un système axiomatique et ensuite comme un calcul formel. Ce projet  de B. Russell et A.N. Whitehead naquit en réponse aux objectifs initiaux du Treatise de Whitehead et des Principles de Russell. L'ouvrage devait assurer le fondement de toutes les sciences formelles (réduction des mathématiques, arithmétiques, algèbres, géométries à la logique). S'il faut reconnaître que la logique contemporaine s'est construite à partir d'une visée différente de celle de Leibniz, elle repose tout de même sur la foi en une logique capable de synthétiser les connaissances et qui s'élabore sous la forme d'un langage formel, d'une combinatoire et de démonstration rigoureuse. L'influence de Leibniz est claire. Denis Vernant dans son article Russel et Whitehead 12(*) écrit :

« Pour que le grandiose projet de réduction logiste des mathématiques pures, qui d'une certaine façon réalisait enfin le rêve leibnizien fut achevé, il restait à opérer la définition des géométries euclidiennes et non-euclidiennes, ainsi que la physique théorique. »

* 7 Marc-Polycarpe Mutombo, Logique comme langage, logique comme calcul : deux perspectives non disjointe. http://www.lofs.ucl.ac.be/recherche/seminaires/mutombo.html

* 8 Note 21 du £5 au Duc Johann Friedrich, octobre 1671, GP I, 57 ; Ak II, I 160

* 9 G W Leibniz : "Scientia generalis" (Philosophische Schriften, Voll VII, p 14 sq)

* 10 Cf Herbert Knecht, la logique de Leibniz ; l'âge de l'homme. 1981 Lausanne

* 11 Marc-Polycarpe Mutombo, Logique comme langage, logique comme calcul : deux perspectives non disjointe. http://www.lofs.ucl.ac.be/recherche/seminaires/mutombo.html

* 12 Article Denis Vernant, Russel et Whitehead. (Voir réf exacte dans la bibliographie.)

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