4.4. La synthèse
Je vais dans un premier temps donner la
synthèse des entretiens avec les cadres de santé. Dans un
deuxième temps ce sera la synthèse des questionnaires avec tout
le personnel des EHPAD.
4.4.1. Les entretiens avec les cadres de
santé
Comme je l'ai déjà écrit, ces
entretiens au nombre de 3, se sont déroulés suite à des
rendez-vous prévus. Ils allaient se passer normalement au calme. Dans
deux cas, des bruits extérieurs sont venus gêner la conversation :
tra-
vaux, musique. Les cadres ont été
dérangés lors de l'entretien, ce qui m'a nécessité
de relancer l'échange.
Chaque entretien a duré environ 30 minutes en
moyenne. Leur retranscription se trouve en annexe 3. Je me suis munie d'un
enregistreur, chaque cadre l'a bien accepté. Je leur ai assuré
l'anonymat sur ces entretiens. J'ai nommé arbitrairement ces EHPAD A, B
et C :
- A correspondant à un EHPAD public
autonome
- B à un EHPAD privé lucratif
- C à un EHPAD public attaché à un
hôpital
1) Le projet de vie est-il synonyme de qualité de
vie pour vous ?
Pour les trois cadres de santé, un oui franc m'a
été répondu en première intention.
> Pour le cadre de santé de l'EHPAD A
:
Il faut « faire attention à ce que
l'on nomme qualité », elle me nomme les diverses faces du
projet de vie : projet de soins, projet d'animation...ainsi que l'importance de
« l'environnement », d'une « meilleure connaissance
du résident ».
L'EHPAD a été auto évalué
en 2009 par le référentiel ANGELIQUE. Le cadre me signale que
l'on peut ainsi « améliorer la vie des résidents
» mais aussi « le travail des soignants ».
> Pour le cadre de santé de l'EHPAD B
:
Le cadre de santé ne s'est pas occupé de
la mise en place du projet, ni de son évaluation, « c'est le
directeur avec le médecin coordonnateur qui s'en sont
chargés ». Le même référentiel ANGELIQUE a
été utilisé pour l'évaluation de la
qualité.
Par contre, il utilise aussi la notion «
d'améliorer le suivi des résidents », avec une
« mise en place de référents ». Elle dit
plusieurs fois que ce « projet est écrit sur une base papier
», car l'informatique n'est pas encore présent dans les soins,
et que « l'architecture des locaux peut être une
difficulté à sa mise en oeuvre ».
> Pour le cadre de santé de l'EHPAD C
:
Du fait de l'attachement de l'établissement
à l'hôpital, le cadre de santé m'explique que «
pour leur bonheur et leur malheur, l'EHPAD se calque sur l'hôpital
pour son évaluation et donc rentre dans la certification».
« L'ARS le leur reproche » continue elle, et «
d'avoir une organisation hospitalière ».
Le projet de vie selon ce cadre « donne du sens,
permet de ne pas être centré sur nos organisations
».
2) Comment l'équipe pluri professionnelle
s'est-elle impliquée dans le projet de vie ?
Pour les trois cadres de santé, l'implication des
équipes dans ce projet de vie est assez difficile pour des raisons
multiples :
> Des absences à gérer
régulièrement, ce qui fait dire au cadre de l'EHPAD C qu'il
s'agit d'un « voeu pieu »,
> Un changement de cultures, des pratiques
professionnelles, « elles savent ce que c'est, mais la
déclinaison individualisée ne se fait pas
»,
> Un manque d'outils : « on n'a pas
forcément tous les outils », je n'ai pas trouvé de solutions
pour le moment »,
> Il faut « donner plus d'informations
» dit le cadre de l'EHPAD A, « dialoguer, des
échanges »pour celui de l'EHPAD B mais « il n'y
a pas de temps pour les travaux de groupe » dit celui de l'EHPAD
C.
Tous les trois ont une même réponse sur le
fait de bien réussir à le for-maliser.
3) Les familles des résidents se sont-elles
jointes à ce projet de vie ?
> Pour un seul cadre, celui de l'EHPAD A, le mot
projet de vie est prononcé lors de la visite de pré-admission :
« la famille est informée des différents projets de
l'établissement ».
Ce cadre me dit « pour moi, le projet
de vie commence par le pro-jet d'accueil ».
Depuis qu'elle est en poste en 2009, elle a
essayé de relancer le projet de vie et « les familles qui ont
été sollicitées pour ce dernier y ont montré
beaucoup d'intérêts ».
> Le cadre de l'EHPAD B me dit lui « les
familles ne sont pas systématiquement prévenues pour le projet de
vie, seules celles qui viennent régulièrement
».
De plus le nom de projet de vie n'est pas «
formalisé le jour de la visite de pré-admission ».
Par contre les familles sont entendues et leurs requêtes sont
appliquées en ce qui concerne le résident. Mais «
lors de sorties organisées, les familles sont impliquées
». Dans la conversation, elle montre un temps d'arrêt, et
m'annonce qu'en fait les résidents les plus valides (GIR 5 à 6)
sont peu présents lors des animations internes.
> Le cadre de l'EHPAD C me dit « je ne
parle pas du projet de vie aux familles lors de la visite de
pré-admission ». Plusieurs fois dans la réponse
à cette question elle articule le mot projet de vie comme ne faisant pas
parti du vocabulaire usité.
Par contre, son équipe a un « objectif
de prise en charge » vis-à-vis du résident. «
Des temps de paroles sont donnés aux familles et organisés par
les professionnels : les familles voudraient qu'il y en ait plus
».
Dans ses paroles elle me fait remarquer que
l'équipe se trouve « démunie face à des
résidents très dépendants en matière
d'accompagnement et d'animation ».
4) « Faire vivre » un projet de vie est-il
mobilisateur d'une équipe ?
Dans la réponse à cette question, les
trois cadres de santé interrogés sont d'accord pour dire qu'il y
a un « manque de moyens » alloués, que ce soit en
termes d'effectifs ou de matériel. La législation sur les EHPAD
et notamment la convention tripartite demande à une mise en place
effective du projet de vie, mais « il faut que les tutelles nous
donnent les moyens » selon les paroles du cadre de l'EHPAD
C.
Le cadre de l'EHPAD A indique que « les
effectifs actuels ne permettent pas de l'optimiser selon les textes
législatifs », et « qu'une gran-de pression est
exercée sur les EHPAD par l'ARS ».
Celui de l'EHPAD B considère qu'il y a
« une évolution à prévoir », qu'il faut
« faire vivre réellement le projet de vie » selon le
cadre de l'EHPAD C.
Dans ces conditions, « faire vivre » ce
projet de vie est « faire des piqûres de rappel »,
« être en perpétuel mouvement », «
faire de jolies vi-trines ».
Le cadre de l'EHPAD B parle de « changement
de culture », et celui de l'EHPAD C me dit textuellement : «
ce n'est pas si simple de se dire pour les soignants qu'on est dans un
projet de vie ».
Sur la mobilisation d'une équipe pour faire
vivre ce projet de vie, la réponse n'est pas si simple au vue des
diverses difficultés qui jaillissent, et que les trois cadres de
santé rapportent. Le dernier cadre m'a parlé «
d'euphémisme ».
Au regard de mon questionnement et de la
synthèse des entretiens, le projet de vie semble difficile à
mettre en oeuvre. Les familles ne sont pas impliquées et les
professionnels n'ont pas suffisamment d'informations. Des moyens et des outils
semblent manquer. La qualité est pour tous une notion essentielle du
projet de vie. Elle permet aux professionnels d'évaluer leurs pratiques
et aux résidents d'être dans un processus de continuité
satisfaisante de vie.
|