Evaluation de la participation des populations au débat foncier dans le département de Padéma( Télécharger le fichier original )par Inoussa MAIGA Université de Ouagadougou - Maitrise en scientes et techniques de l'information et de la communication 2010 |
II. 5. Le cadre conceptuelCette partie est consacrée à la définition des concepts-clés de la présente recherche. Les concepts sont répartis dans deux groupes. Dans le premier groupe, il y a les concepts de foncier, de conflit foncier, de gestion alternative des conflits et de sécurisation foncière. · Le foncier De son étymologie latine fundus, qui signifie fonds de terre, le terme foncier désigne de façon générale ce qui est relatif au fonds de terre. M. MAUSS44(*) définit le foncier comme « un fait social total » qui met en branle, toutes les composantes de la société et donne à voir sur toutes ses facettes sociale, économique, agro écologique et politique. Nous percevons le concept de foncier de façon globale, c'est-à-dire aussi bien sous son aspect matériel (la terre et l'ensemble des ressources qui s'y rattachent : ressources hydrauliques, forestières, fauniques, halieutiques) qu'immatériel (l'ensemble des relations qui s'instaurent entre individus pour le contrôle et la gestion des ressources). · Le conflit foncier Le terme conflit désigne une situation dans laquelle des intérêts individuels ou collectifs s'opposent. Les parties dont les intérêts sont compromis par certaines actions peuvent réagir de différentes façons et élaborer diverses stratégies pour les protéger. Dans le conflit foncier, l'enjeu est l'accès et le contrôle des ressources naturelles. Nous entendons alors par conflit foncier, un différend relatif à la terre et aux ressources naturelles rattachées qui se manifeste lorsque des intérêts individuels ou collectifs sont divergents. Ce différend peut s'expliquer autant par la dynamique générale des rapports de voisinage que par des problèmes fonciers concrets. · La gestion alternative des conflits I. W. ZARTMAN fait une distinction entre résolution et gestion de conflit. Pour lui, la résolution « s'applique à l'élimination des causes du conflit sous-jacent ; le plus souvent avec l'accord des acteurs. Elle s'accomplit rarement par une action directe et nécessite généralement, un laps de temps prolongé, même si les aspects les plus immédiats du conflit peuvent parfois être supprimés par une entente entre les principaux intéressés».45(*) Par contre, la gestion se réfère, selon lui, à l'élimination, à la neutralisation ou au contrôle des moyens d'entretenir un conflit. La gestion des conflits fait appel « à des mesures comme refuser aux deux côtés, les moyens de se battre, neutraliser les moyens d'un camp en augmentant légèrement ceux de l'autre, séparer les combattants dans l'espace ou le temps, remplacer les affrontements par des rencontres autour d'une table de négociation, etc. ».46(*) Dans le cadre de cette recherche, nous utiliserons indifféremment les termes gestion et résolution alternatives des conflits fonciers pour désigner le « processus de recherche d'un consensus en vue de la gestion des conflits liés aux droits fonciers, à la sécurité de tenure et à l'accès à la terre. Elle consiste en la mise en oeuvre de mécanismes alternatifs pour gérer efficacement ces différends. Elle se caractérise par une forte interaction entre les parties en présence et vise le consensus aussi bien sur les causes des conflits que sur les solutions possibles. Les parties sont libres de leurs décisions et déterminent ensemble comment gérer le conflit. La validité de la décision repose essentiellement sur la procédure choisie ».47(*) · La sécurisation foncière Pour DELVILLE LAVIGNE, la sécurisation foncière renvoie à l'idée que « les producteurs ruraux ne peuvent accomplir leurs tâches et investir du travail et/ou du capital dans la terre que s'ils ont une garantie suffisante de pouvoir bénéficier du fruit de leurs investissements : récolte à court terme, garantie du droit d'usage à plus long terme et droit de transmission pour des investissements d'améliorations foncières ».48(*) LE ROY quant à lui, entend par sécurisation foncière « le processus de mise en sécurité des acteurs relativement au droit foncier ».49(*) Pour ce faire, il faut des règles de gestion foncière appropriées et légitimes. Le terme « sécurisation » contient l'idée que la sécurité n'est pas un état stable. Elle résulte d'un ensemble de facteurs, s'inscrivant dans le temps et dans l'espace, à prendre en considération au cas par cas. La sécurité n'étant donc pas donnée une fois pour toutes, l'essentiel pour les acteurs ruraux c'est d'être dans la dynamique de sécurisation, définie par BRUCE et MIGOT-ADHOLLA comme « le processus par le quel les droits sont reconnus et garantis ».50(*) Mais, la définition que nous retiendrons dans le cadre de notre étude est celle proposée dans la PNSFMR. La sécurisation foncière rurale est entendue de manière large comme, « l'ensemble des processus, actions et mesures de toutes natures visant à permettre à l'utilisateur et au détenteur de terres rurales de mener efficacement leurs activités productives, en les protégeant contre toute contestation ou trouble de jouissance de leurs droits »51(*). Dans le second groupe de concepts, il y a : la participation locale, la communication participative et le dialogue. · La participation locale Le concept de participation locale désigne un engagement libre dans l'espace public local qui permet à chaque individu de partager avec d'autres des connaissances, des idées, des savoirs, dans un objectif de changement social et de construction de la vie communautaire. La participation locale se présente comme la confirmation de la place prépondérante que jouent les communautés locales et de leur rôle dans la réalisation de leurs aspirations collectives, ceci avec ou sans appui extérieur. Elle constitue un moyen de réajustement du rôle des communautés locales, valorise et canalise les dynamiques et les initiatives locales en vue de leur organisation autonome pour la prise en charge de leur développement. Ainsi, nous parlerons de participation locale pour désigner le mécanisme à travers lequel les populations locales prennent en main leur destin en cherchant elles-mêmes des réponses aux problèmes de terre auxquels elles sont confrontées. La participation locale appliquée à la sécurisation foncière se présente comme un moyen de favoriser la prise en charge effective, par l'ensemble de la population locale, des actions de pacification et de développement de leur terroir. Elle assure la mise en place d'un partenariat dans la gestion du foncier au niveau du terroir. L'enclenchement d'une dynamique de participation locale suppose nécessairement l'utilisation de la communication. D'où l'intérêt de nous arrêter sur le concept de communication participative. · La communication participative La communication peut être définie comme un processus d'échange d'informations et de connaissances entre deux entités, qui interagissent et s'influencent mutuellement. Pour D. WOLTON, il ne suffit pas que les messages et les informations circulent vite pour que les hommes se comprennent mieux. La cohabitation des hommes est pour lui, le défi majeur de la communication. « L'essentiel de la communication n'est pas du côté des techniques, mais du côté des hommes et des sociétés ». 52(*) La communication est un instrument déterminant dans la participation locale en ce qu'elle permet « l'instauration d'un véritable climat de confiance entre les partenaires et un travail en profondeur au niveau du terroir, en offrant à chacun la possibilité de participer activement et d'exprimer son point de vue ».53(*)Les interventions de la communication se situent au niveau de l'accès à l'information, de l'instauration d'un dialogue entre les différents acteurs en présence et des échanges d'expériences, de savoirs et de techniques. Pour nous, la communication participative est comme le dit BESSETTE, « un outil de travail efficace qui peut faciliter les processus de développement communautaire et de recherche pour le développement. Elle vise à faciliter la participation de la communauté à ses propres initiatives de développement grâce à l'utilisation de diverses stratégies de communication ».54(*) · Le dialogue Le dialogue peut être défini comme une communication entre deux ou plusieurs personnes ou groupes de personnes visant à produire un accord. A. HERRERA et M. G. DA PASSANO conçoivent le dialogue comme la « phase de la médiation qui suit la présentation initiale des différents points de vue et les déclarations relatives aux intérêts en jeu et aux besoins respectifs».55(*) Pour P. FREIRE, le dialogue est cette rencontre des hommes, par l'intermédiaire du monde, pour l'exprimer. Il ne se limite donc pas à une relation « je-tu ». Le dialogue ne peut pas s'instaurer entre ceux qui veulent « dire » le monde et ceux qui s'y refusent, entre ceux qui dénient aux autres, le droit de prononcer une parole et ceux qui sont privés de ce droit non plus. C'est pourquoi il faut d'abord que ceux qui sont privés du droit primordial à la parole reconquièrent leur droit et que cesse cette agression déshumanisante.56(*) Nous définissons le dialogue comme le processus par lequel des individus engagent une discussion d'égalité en vue de produire un consensus. De ce fait, le dialogue suppose une véritable réciprocité et ne peut être mis en oeuvre qu'au terme d'un travail réflexif opéré par chacune des parties en présence. * 44 Marcel MAUSS cité par LE ROY, E. La sécurisation foncière en Afrique : pour une gestion viable des ressources renouvelables. 1996, p. 24 * 45 ZARTMAN, I. W. La gestion des conflits en Afrique. 1990, p. 12 * 46 Ibidem * 47 HERRERA, A.; DA PASSANO, M. G. Gestion alternative des conflits fonciers. 2007, p. 13 * 48 Op. Cit. p. 76 * 49 LE ROY, E. cité par OUATTARA, Siaka. Op. Cit. p. 47 * 50 BRUCE et MIGOT-ADHOLLA cités par DELVILLE LAVIGNE, Op. Cit. 1998, P.21 * 51 Cf. Decret N° 2007 - 610/PRES/PM/MAHRH portant adoption de la politique nationale de sécurisation foncière en milieu rural du 04 octobre 2007. * 52 Cf. www.wolton.cnrst.fr * 53 BALIMA, S. Th. 1999, p.12 * 54 BESSETTE, G. Op. Cit. p. 9 * 55 A. HERRERA, A. ; DA PASSANO, M. G. Op. Cit. p. 8 * 56 FREIRE, P. Pédagogie des opprimés. 1976, p. 9 |
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