Section 2 : Le règlement juridictionnel des
différends frontaliers maritimes liés à l'exploitation
pétrolière
Le règlement juridictionnel d'un différend
correspond à celui qui s'opère par un organe ayant le pouvoir de
prendre une décision obligatoire, sentence arbitrale ou arrêt. Le
règlement juridictionnel des différends internationaux se compose
du règlement arbitral ( § 1) et du règlement judiciaire (
§ 2).
65 P. MARTIN-BIDOU, op. cit., p. 167.
§ 1. Le règlement arbitral
L'arbitrage constitue avec le règlement judiciaire un
mode juridictionnel de règlement des différends internationaux
auquel les parties ont recours après une négociation ou
après l'échec des modes diplomatiques.
Les modes juridictionnels présentent en plus des
caractéristiques différents des modes diplomatiques. Nous
soulignions déjà que le caractère juridiquement
obligatoire des sentences provenant du règlement juridictionnel
était un élément distinctif des deux modes de
règlement des différends. Outre ce fait, les modes
juridictionnels de règlement diffèrent des modes diplomatiques en
ce qu'ils tranchent un différend juridique, par l'application du
droit.
Tout comme les modes non juridictionnels, le recours au
règlement juridictionnel suppose toujours le consentement des
États parties au différend. De la sorte, la compétence de
l'organe juridictionnel, arbitral ou judiciaire repose sur le consentement des
États.
Deux étapes principales jalonnent le règlement
arbitral: la saisine de l'organe arbitral et la sentence arbitrale.
a)- La saisine de l'organe arbitral
L'arbitrage est un mode ancien de règlement des
différends internationaux66qui par sa souplesse conserve la
liberté des États. Il se développe à la fin du XIX
e siècle codifié par la convention de La Haye pour le
règlement pacifique des conflits en 1899. La convention de 1907
crée la Cour permanente d'arbitrage (CPA) qui est en
réalité une liste d'arbitres auxquels les parties à un
litige peuvent faire appel.
L'arbitrage est utilisé par les États pour
régler les différends entre eux, mais également pour
régler les différends qui opposent un État à une
entité qui n'en est pas un, comme c'est le cas des différends
relatifs aux investissements entre une entreprise et un État
hôte67.
Le fondement de l'arbitrage est le consentement des parties qui
peut être donné antérieurement ou ultérieurement
à l'éclosion du différend.
66 P. MARTIN-BIDOU, op. cit., p. 170.
67 Id. , p. 171.
1. Fondement de l'arbitrage: consentement des
parties donné avant ou après la naissance du
différend
Les parties peuvent prévoir le recours à
l'arbitrage pour des différends éventuels, à naître.
Ils manifestent de cette façon leur consentement dans une clause
compromissoire; clause finale d'un traité prévoyant qu'en cas de
litige relatif à ce traité particulier, concernant son
application ou son interprétation, les parties auront recours à
l'arbitrage68
Après la naissance du différend, les parties
peuvent décider ensemble de recourir à l'arbitrage pour
régler leur différend. Ainsi, elles concluent un compromis
d'arbitrage; c'est-à-dire un traité qui précise l'objet du
litige soumis aux arbitres, l'organisation de l'organe arbitral qu'il
crée; il désigne les arbitres, et les règles de
procédure et de fond que devront suivre les arbitres; par le compromis
les parties saisissent l'organe arbitral69
Ils manifestent également leur consentement dans un
traité d'arbitrage obligatoire dont l'objet est exclusivement le recours
à l'arbitrage en cas de différend entre États
parties70.
Lorsque les États donnent leur consentement avant la
naissance d'un différend, c'est un accord de principe sur le recours
à l'arbitrage. Il faudra, une fois le différend né, que
les États s'accordent sur les modalités de l'arbitrage, la
composition de l'organe, des règles de fonctionnement etc. Ils le feront
dans un nouveau traité aussi appelé compromis d'arbitrage qui
permettra l'effectivité de l'arbitrage dont le principe a
été accepté dans la clause compromissoire ou le
traité d'arbitrage.
2. L'organe arbitral
L'arbitrage peut être rendu par un arbitre unique.
L'arbitrage, autrefois composé de chefs d'État est le plus
souvent aujourd'hui constitué d'experts, de jurisconsultes auxquels les
parties font appel en raison de leur compétence et de leur
impartialité71.
68 Ibid..
69 Ibid..
70 Ibid..
71 Ibid..
Lorsqu'il est désigné, le tribunal arbitral est
juge de sa propre compétence, et en cas de doute de celle-ci, il
tranche; néanmoins, il ne doit pas statuer ultra petita
c'est-à-dire au delà de ce qui lui est demandé. Le
pouvoir du tribunal arbitral est encadré par le compromis qui peut
l'autoriser à statuer en amiable compositeur et à proposer une
solution de transaction. Aussi, la procédure devant le tribunal arbitral
est elle toujours écrite, le débat oral n'étant pas
obligatoire mais souvent retenu en pratique.
b)- La sentence arbitrale
La dite sentence est rendue à la majorité des
membres du tribunal. L'obligatoriété, le caractère
définitif et l'absence d'exécutoriété sont les
caractéristiques de la sentence arbitrale.
1. l'obligatoriété de la sentence
arbitrale
La sentence arbitrale est revêtue de l'autorité
de la chose jugée. Elle s'impose aux parties sans qu'un acte
supplémentaire soit nécessaire en raison de l'acceptation
desdites parties. De fait, elles sont appelées à
l'exécuter en tâchant de mettre en oeuvre tous les moyens pour la
rendre effective. Elle est obligatoire pour les seules parties au
différend et pour la seule affaire en cause (autorité relative de
la chose jugée).
C'est par ailleurs ce qui ressort de l'article 81 de la
convention de La Haye 1907 qui donne à savoir que la sentence «
décide définitivement »72la
contestation. Certaines sentences ont ainsi eu une influence
déterminante dans un domaine précis comme ce fut le cas de la
sentence arbitrale du 14 février 1985 sur la délimitation de la
frontière maritime entre la Guinée et la Guinée
Bissau73.
2. Le caractère définitif de la
sentence arbitrale
Le caractère définitif de la sentence arbitrale
signifie que cette dernière est en principe insusceptible d'appel.
Néanmoins, il existe certaines voies de recours contre les
sentences. Notamment lorsqu'il y a un désaccord sur le sens d'une
sentence, un recours en interprétation74 est possible.
72 Convention de la Haye, 1907, art 81.
73 Sentence arbitrale, aff de la délimitation
de la frontière maritime Guinée-Guinée-Bissau, 14
févr 1985.
74 P. MARTIN-BIDOU, op. cit., p. 172.
Ainsi, dans l'affaire de la délimitation du plateau
continental de la mer d'Iroise du 30 juin 1977 entre la France et la Grande
Bretagne, le Royaume-Uni a usé de la possibilité prévue
par le compromis de demander l'interprétation de la sentence rendue en
matière de délimitation maritime, si bien qu'une nouvelle
sentence interprétative cette fois, fut rendue par le tribunal arbitral
le 14 mars 197875.
Un recours en réformation76 est concevable
en cas d'erreur de fait ou de droit commise par l'arbitre. Enfin, un recours en
révision77peut être exercé en cas de
découverte d'un fait nouveau qui aurait eu une incidence sur la
décision si l'arbitre en avait la connaissance.
3. L'absence d'exécutoriété de
la sentence arbitrale
La sentence arbitrale n'est pas exécutoire. Cela
signifie qu'il n'est pas possible de recourir à la force pour obliger
son exécution. Les parties doivent par conséquent
l'exécuter de manière volontaire en application au principe de la
bonne foi. Les sentences arbitrales sont dans les faits respectées et
rarement contestées. Une fois la sentence rendue, le tribunal arbitral
disparaît. En est-il de même pour l'organe judiciaire ?
L'arbitrage s'est montrée particulièrement
efficace en 2006 dans le différend frontalier opposant le Nigeria au
Cameroun sur la péninsule de Bakassi78.
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