Chapitre 1 : PROBLEMATIQUE
1.1. Contexte général de
l'étude
L'insertion professionnelle qui impulse le jeune à un
statut social remarquable est de plus en plus une préoccupation
principale de ce dernier, et ceci devient davantage sérieux dans un
contexte marqué par un ensemble de phénomènes, tels la
précarité de l'emploi, la segmentation du marché du
travail, le chômage, la crise économique etc.
Les transformations économiques actuelles ont pour leur
part conduit à la segmentation du travail et de l'emploi. Selon la
théorie de la segmentation, il n'existe plus un seul mais plusieurs
marchés du travail cloisonnés. On distingue ainsi selon Tanguy
(1986) le segment primaire dans lequel on retrouve des emplois
intéressants et mieux payés. Dans ce segment, Orivel et Eicher
(1975) catégorisent trois types de marchés.
- Le marché supérieur : c'est celui
dans lequel les emplois exigent une formation initiale élevée de
nature générale, une forte capacité de mobilité
d'un emploi à un autre et même d'une entreprise à une
autre.
- Le marché secondaire qui englobe les
salariés de plus en plus nombreux mais est celui des emplois mal
payés et exercés parfois dans des conditions déplorables.
Sur ce marché, Maruani (1997) pense que les travailleurs n'ont besoin
que de peu de formation.
- Le marché primaire, lui, nécessite une
formation initiale plutôt technique et assez réduite. Pour de
nombreux salariés, l'emploi est ainsi devenu précaire. Mais
Paugam (2000) observe que ce n'est pas que l'emploi qui est désormais
précaire. Le travail l'est devenu, lui aussi.
Maillard (1968) pense que l'entrée dans la vie active
se fait mal, en ce qui concerne les jeunes, dans le domaine de l'emploi. Cette
entrée dans la vie active est devenue une préoccupation pour
l'humanité peut être, selon Evola (1996), à cause du
chômage. Le phénomène du chômage peut s'expliquer par
la croissance de la population active. Cette dernière est la tranche en
age de travailler de la population totale et qui dispose d'un emploi ou est au
chômage. Dans le manuel des concepts et définitions
utilisés dans les publications statistiques officielles du Cameroun, la
population active comprend toutes les personnes qui fournissent durant une
période de référence spécifiée, la main
d'oeuvre disponible pour la production des biens et des services. Ainsi, durant
la période quinquennale 1996-2001, la population active camerounaise a
cru faisant passer le taux d'activité de 68,3% à 71,3%.
Rappelons que le taux d'activité désigne, dans
un pays donné, le niveau général de participation au monde
du travail de la population en age de travailler et l'importance relative de la
main d'oeuvre disponible pour la production des biens et services dans
l'économie. Cette croissance de la population active a pour corollaire
de nouvelles arrivées sur le marché du travail favorisées
par la croissance démographique.
A coté de la croissance de la population active, il y a
la crise économique qui a frappé les pays africains en
général et le Cameroun en particulier à la fin des
années 80. Elle a fait passer le marché du travail camerounais
d'une structure formelle de l'emploi salarié à une structure de
l'emploi fortement dominée par le secteur informel. Ceci s'explique par
le gel des recrutements dans la fonction publique qui alors était le
principal pourvoyeur d'emplois dans le secteur formel. On est ainsi
passé d'environ 136000 recrutements dans la fonction publique
camerounaise en 1996 à 119000 en 1999 d'après la Direction de la
Statistique et de la Comptabilité Nationale (DSCN) de février
2000.
Le secteur formel, qu'il soit public ou privé,
concentre selon l'INS (2005) moins de 10% des emplois repartis de façon
quasi égale entre le privé et le public avec respectivement des
taux de 4,7% (pour le privé) et 4,9% (pour le secteur public). Face
à la baisse des recrutements dans le secteur public, les statisticiens
de l'INS ont pensé que le secteur privé prendrait pour
pérenniser les embauches dans l'économie formelle. Mais l'on a
constaté que la majorité des nouveaux arrivants sur le
marché de l'emploi s'orientait vers le secteur informel. En terme de
création d'emplois, l'économie informelle représente, au
Cameroun, le plus grand pourvoyeur d'emplois avec près de 86% de la
population active occupée en 2001 selon l'INS (op. cit.). La
pauvreté et le peu d'emplois générés par le gel des
recrutements dans le secteur « moderne » obligent les
individus à s'orienter vers les segments précaires de l'emploi,
tant en milieu rural dans l'agriculture de subsistance qu'en milieu urbain dans
le petit commerce et les services comme le relève l'EESI (2005).
Malgré cet intérêt pour le secteur informel, celui-ci
présente des inconvénients. Il se caractérise par une
très grande précarité car l'EESI (op. cit.) stipule que
seulement 17,3% des unités de productions informelles disposent d'un
local spécifique d'activité par exemple. Ce qui a pour
conséquence de les priver d'accès aux principaux services publics
que sont l'eau, l'électricité, le téléphone. La
montée en puissance du secteur informel comme mode d'insertion
privilégié de la main d'oeuvre se traduit par la multiplication
de la création des
unités de production informelle. Bien qu'il permette
dans une certaine mesure, de soulager l'Etat face à l'épineux
problème du chômage, il s'accompagne en même temps d'une
précarisation croissante des activités et des emplois.
Les statistiques du chômage font montre de la
difficulté qu'ont les jeunes à trouver un emploi. L'insertion
professionnelle est ainsi, comme nous l'avons relevé
précédemment, une question préoccupante pour les
politiques et principalement le gouvernement. L'investigation menée par
le FNE sur l'évolution annuelle des résultats dans l'Annuaire
Statistique de Cameroun révèle que le taux de chômage entre
1991 et 1999 atteindrait 71,5%, conséquence d'un taux de placement
(insertion) en emplois salariés de 28,5% durant la même
période.
L'Enquête Camerounaise Auprès des Ménages
(ECAM) dans une étude sur l'ampleur et les caractéristiques du
chômage au Cameroun en 1996 disait de ce dernier qu'il est principalement
urbain. A cette période, ce taux est fixé à 8,1% sur
l'échiquier national. Dans une étude plus récente, l'ECAM
(2005) définit au plan national un taux de chômage de 4,4% en
fonction des normes du Bureau International de Travail (BIT). Ce taux au niveau
urbain s'élève 10,7%. Yaoundé et Douala affichant les
valeurs les plus élevées avec respectivement 14,7% et 12,5%. Ces
chiffres résultent dans de nombreux cas d'un chômage longue
durée et selon l'ECAM (op. cit.) 47,3% des chômeurs sont des primo
demandeurs d'emploi, 60% recherchent de préférence un emploi
salarié, 22% un emploi indépendant et 18% sont
indifférents.
Au sens du chômage élargi (chômeurs BIT +
chômeurs découragés) le taux national est 6,2%, soit un
écart de 1,8% par rapport au taux du BIT. Les chômeurs
découragés sont en majorité des femmes.
1.2. Problème de l'étude
Le chômage frappe durement les jeunes car le taux de
chômage chez ces derniers est près de trois fois plus
élevé que celui des adultes. Ce taux croit avec le niveau
d'instruction. L'ECAM (op. cit.) estime à moins de 10% le taux pour le
niveau du premier cycle du secondaire. Il oscille entre 10,7% et 11,8% pour le
second cycle du secondaire. Il est de 13,4% pour l'enseignement
supérieur. Ces jeunes chômeurs sont pour la plupart à la
recherche d'un premier emploi et ne sont pas, selon l'ECAM, détenteurs
d'une qualification professionnelle. Cet impact qu'ont les actants sociaux
(crise de l'emploi et économique,
chômage élevé) sur les plans de vie des
jeunes engendre chez ces derniers des comportements tels : la baisse de
l'enthousiasme et de l'ambition, le découragement, la
démotivation. Les plus jeunes, influencés par les situations
déplorables de leurs aînés qui, bien que possédant
des diplômes et parfois des qualifications professionnelles, se
retrouvent au chômage, sont déçus et
découragés ; certains tendent vers l'arrêt des
études. Obiang (2003 : 58) fixe le taux d'abandon de l'école
à 75-80%. C'est aussi l'avis de Malcoms (1990 : 16) quand il traite des
problèmes d'abandon d'école et des cours
d'alphabétisation. Ces cas d'abandon ont des raisons soit
économique, soit religieuse, soit culturelle. Mais audelà des
considérations sus évoquées, ce sont la pauvreté,
la faible création d'emplois et le système éducatif
inadéquat orienté beaucoup plus vers l'enseignement
général qui selon l'ECAM (op. cit.) seraient à l'origine
du chômage des jeunes.
Au Cameroun, la particularité du système
éducatif veut que ce soit après avoir dépassé
l'âge de la jeunesse (au-delà de 25 ans) tel que définit
par le BIT que les nouveaux demandeurs d'emplois diplômés font
leur première entrée sur le marché du travail. La
croissance démographique tendant à augmenter l'apport des jeunes
à la demande d'emploi, l'accroissement du taux de scolarisation a pour
effet de retarder l'entrée dans la vie active. Le système
éducatif du pays oblige donc les jeunes à allonger leur parcours
quitte à engranger de nombreux diplômes pour espérer
décrocher un emploi salarié dans le secteur public ou le secteur
privé formel. Levy-Leboyer (1971 : 187) pense que : « le niveau de
diplômes obtenus peut décider des aspirations des individus, la
qualité des compétences acquises et leur valeur dans la vie
active. Les titres et les diplômes que les jeunes reçoivent
à la fin de leurs études ne représentent pas seulement une
attestation de savoir ou de mérite. Ils impliquent aussi le fait
d'entrer dans un groupe social, large ou restreint, informel ou organisé
selon le cas. Les études ont donc une double utilité : donner des
aspirations élevées et fournir un moyen initial (une
stratégie, à notre sens) de les satisfaire. »
Mais une scolarisation prolongée est coûteuse
pour tous, même pour les familles moyennes qui ne sont pas
arrêtées par cette considération. Et si les revenus de la
famille sont modestes, il est quasi normal que les parents fassent pression sur
les enfants pour qu'ils deviennent le plutôt productifs. C'est ainsi que
celui qui sera rapidement détenteur du pouvoir financier sera
gratifié d'une plus grande reconnaissance au mépris parfois de sa
position dans la fratrie, voir dans la famille. La comparaison sociale qui peut
naître d'une
pareille situation se fonde uniquement sur l'es avoirs
matériels et financiers. Il y a comme une exaltation de l'argent au
mépris des valeurs morales et intellectuelles. Ainsi, certains jeunes,
étant donné l'incertitude qui plane sur leur avenir, se ruent sur
tout ce qui s'offre à lui en terme d'activités, n'hésitant
pas à saisir toutes les opportunités au mépris même
des règles éthiques et déontologiques. La
prolifération des sectes et mouvements ésotériques, la
vulgarisation de l'homosexualité etc. en sont les preuves flagrantes.
L'objectif étant d'obtenir un emploi, c'est-à-dire un gagne pain
leur permettant de subvenir à leurs besoins et parfois par snobisme.
C'est eu égard de ce qui précède que nous
avons défini notre travail de recherche. Nous pensons évaluer
l'incidence du besoin d'estime sociale sur les stratégies d'insertion
professionnelle.
1.3. Orientation théorique de
l'étude
Les théories du capital humain représentent un
corpus d'énoncés généraux servant à
expliquer le processus par lequel les individus à la réalisation
de leur insertion professionnelle. On retrouve parmi ces théories un
ensemble d'approches qui appréhende l'insertion sur la base d'un certain
nombre de déterminants. Les théories du choix professionnel
s'intègrent dans cette optique en tant qu'approches. On les assimile
à des modèles explicatifs. Elles procèdent par
l'explication et la compréhension du processus de choix professionnel,
utile pour l'insertion professionnelle qui assure la transition sociale. Les
théories du choix professionnel s'inscrivent comme des approches
théoriques (micro théories) de la théorie du capital
humain. On distingue entre autres théories, l'approche du
développement vocationnel de Ginsberg (1951), l'approche du
développement de l'image de soi de Super (1985), l'approche de la carte
cognitive commune des professions de Gottfredson (1981).
Ces différentes approches théoriques
procèdent par la construction de l'identité personnelle et
professionnelle. Cette construction de l'identité personnelle et
professionnelle est inhérente au développement vocationnel et
passe, selon Ginsberg, par l'école, par l'image de soi pour Super et par
l'établissement d'une carte cognitive commune des professions au sens de
Gottfredson. Le modèle théorique du capital humain sur lequel
nous
fondons notre travail de recherche est l'approche du
développement vocationnel de Ginsberg.
La théorie du développement vocationnel
appréhende le processus d'insertion par le choix professionnel. Ce choix
résulte d'une évolution progressive en étapes et se
définit par la scolarisation. La théorie du développement
vocationnel est, d'après Ginsberg et al, un processus continu qui prend
sa source dans l'enfance et s'étend sur toute la vie d'un individu. Il
s'élabore à travers trois périodes successives et
irréversibles en ce qui concerne le choix et surtout la
spécification professionnelle. Elle comprend les périodes du
choix fantaisisme, de l'essayisme et celle du réalisme.
La période de choix fantaisistes constitue
l'étape pendant laquelle l'individu fait des choix ne correspondant ni
aux caractéristiques personnelles, ni à celles professionnelles.
Elles correspondent uniquement à la petite enfance où l'enfant
à tendance à imiter les personnages qui lui sont familiers : ce
sont les parents, les vedettes, les héros, etc.
Les travaux de Wallon (1942) sur le développement de
l'enfant ont permis à Ginsberg et al de postuler que c'est une
période pendant laquelle il se constitue chez l'enfant des blocs
syncrétiques d'impression et de réaction, qui lui font à
l'occasion, revêtir des personnages ou des fragments de personnages
distincts, suivant les situations par lesquelles il est passé et par
où il repasse. De plus, la formulation du choix met en évidence
le fait qu'il faille également, à un moment donné, tenir
compte du facteur de réalité.
Dans la période des choix essayistes, Ginsberg
identifie quatre stades. Les trois premiers sont ceux où l'enfant, loin
d'être lui-même une source immédiate et primitive de
connaissances d'où il tirerait des intuitions applicables à la
réalité externe, commence par se confondre par sa
sensibilité avec toute son ambiance. L'imitation de la première
période cesse peu à peu et l'enfant cherche à
extérioriser par l'expression de ses besoins, désirs
intérêts et attitudes.
La période du réalisme s'exprime par la
maturité professionnelle. Il s'agit de la réalisation du choix
professionnel qui caractérise un projet réel. Et Evola (1996)
pense, à ce sujet, que certaines personnes pour des raisons qu'elles
jugent nécessaires, peuvent décider d'acquérir une
formation très élevée pour accéder à une
profession donnée, d'autres peuvent décider d'acquérir une
formation moins élevée ou d'entrer dans la vie active en
poursuivant leur formation ou y revenir plus tard. Certains peuvent tout
simplement changer de choix
professionnel et par ricochet de stratégie d'insertion
dans le cas d'une impossibilité majeure. Les stades ginsbergiens peuvent
fournir des idées sur des facteurs qui, à certains moments
donnés (ou à certaines périodes) doivent être
considérés lors des choix professionnels ou pour connaître
des stratégies devant être déployées au cours de ce
processus.
L'idée centrale dans cette théorie est que le
choix professionnel, déterminant de la stratégie d'insertion
professionnelle, est le résultat d'un long processus de maturation. Pour
Ginsberg, le développement de la personne se fait pendant toute sa vie
à travers les périodes de l'enfance, de l'adolescence, d'adulte
et de vieillissement et le développement vocationnel épouse le
développement de la personne à travers les phases
préalables de choix professionnels, d'activité professionnelle et
de la retraite.
C'est ainsi la phase du modèle professionnel
structuré se traduisant par l'élaboration d'un projet
professionnel utilisé comme moyen ou mieux comme stratégie
d'insertion professionnelle. Il s'agit pour le jeune, selon Ginsberg, de
parvenir à ce stade par le biais d'une scolarisation
généralement élevée. C'est donc dans la
période du réalisme que le jeune va spécifier et son
choix, et la méthode par laquelle il s'emploiera pour parvenir à
une insertion qui constitue la finalité du processus de choix. C'est
ainsi que Ginsberg et al conçoivent la stratégie d'insertion
à travers la spécification professionnelle que confèrent
l'école et les études. La spécification professionnelle
est fondamentale pour la construction du projet et c'est ce projet
professionnel qui est le principal outil utilisé dans le processus
d'insertion.
Pour Ginsberg et al, l'insertion professionnelle est la
résultante d'une construction identitaire qui est à la fois
personnelle et professionnelle et passe par l'école et les études
dans lesquelles sont engagés les jeunes.
Le modèle théorique de Ginsberg et al ne tient
pas compte des multiples changements qui ont touché le domaine du
travail et de l'emploi. Cette approche s'inscrit dans une perspective qui ne
prend pas en considération la segmentation du marché tant du
travail que de l'emploi, l'augmentation de la demande de travail
inhérente à la croissance démographique ou encore la
pauvreté ambiante corollaire du chômage dont les statistiques sont
assez expressives. Nous n'ignorons pas que la paupérisation des
populations, la rareté de l'emploi et même la corruption sont
à considérer dans un contexte où, il faut le souligner,
l'école seule n'est plus garante de l'évidence de l'insertion.
Ainsi avons nous pensé qu'il était utile de
vérifier l'impact du concept de besoin d'estime sociale sur le choix
d'une stratégie plus qu'une autre dans le processus d'insertion
professionnelle. Le besoin d'estime sociale s'inscrit dans un environnement
empreint d'un malaise profond causé par le chômage en
général et du chômage des jeunes dont la population est en
nette augmentation en particulier. Cet environnement est celui dans lequel
sévissent dans la jeunesse les fléaux sociaux tels la
prostitution, l'alcoolisme, la délinquance, la promiscuité, la
toxicomanie etc. ; et, par l'adoption de ces comportements, les jeunes
témoignent de leur révolte à l'endroit de la
société et du pouvoir politique. Ils sont, par conséquent,
hostiles à toute autorité parce qu'ils se sentent
abandonnés à euxmêmes, laissés pour compte. La
conséquence est, à n'en point douter, le problème actuel
constaté dans notre société dans une frange de la
population à savoir l'inertie de la jeunesse. On peut en déduire
que l'environnement social joue un rôle important dans les comportements
individuels ; comportement que Fortin et Poirier (1979 : 18) considèrent
comme : « la résultante des facteurs psychologiques qui regroupent
à la fois la combinaison des facteurs psychiques, biologiques et
sociaux». C'est la raison pour laquelle notre choix théorique en
terme explicatif se base sur la théorie des besoins d'Abraham Maslow.
Cette théorie postule que les besoins s'expriment dans un ordre
croissant, partant de ceux physiologiques aux besoins de réalisation de
soi qui constitue le dernier stade. L'avant dernier stade étant celui
d'estime sociale qui nous intéresse. C'est ainsi la théorie des
besoins qui constitue le corpus d'énoncés généraux
ayant valeur prédictive et explicative d'un certain nombre de
comportements que nous comptons utiliser pour appréhender notre sujet
dont la précision de l'interrogation centrale est nécessaire.
1.4. Question de recherche et hypothèse
générale
Les données établies sur le chômage par
l'ECAM (2005) dénotent d'un pour assez significatif pour ce qui est du
niveau d'instruction du supérieur. Ces statistiques témoignent du
malaise des jeunes sur l'étendue du territoire tant au plan du BIT que
du chômage élargi. Le chômage affecte trois fois plus les
jeunes et concerne en grande partie les métropoles urbaines de Douala et
de Yaoundé qui sont les plus touchées. La forte demande de
scolarisation est une des conséquences de ce chômage. Il y a
à prendre en compte aussi la précarité de l'emploi et
surtout la baisse de l'embauche dans le secteur formel tant privé que
public. Le souci du demandeur d'emploi plus tant le prestige
ou le statut inhérent à l'exercice d'un métier mais
plutôt la volonté d'être productif. Au regard de la
pauvreté ambiante et de la misère rampante, il n'est plus
question de rechercher des métiers déterminés à
partir de la construction de notre identité personnelle et
professionnelle par le moyen de l'école au sens de Ginsberg et Al
(op.cit.). C'est la raison pour laquelle l'EESI (2005) ressort que 86,8% de
chômeurs sont disposés à réviser leurs
prétentions salariales à la baisse.
En considérant ce qui précède,
l'interrogation qui nous guide dans cette étude est ainsi
formulée : Existe-t-il un lien entre le niveau du besoin d'estime
sociale et la stratégie d'insertion professionnelle des jeunes ?
La réponse à cette interrogation d'ordre holistique
constitue notre hypothèse générale. En tant que
réponse provisoire et anticipée à la question de
recherche, cette hypothèse générale sera
éprouvée par les résultats de l'enquête de terrain.
Nous l'avons libellée ainsi que suit : Il existe un lien entre le
niveau du besoin d'estime sociale détermine la stratégie
d'insertion professionnelle des jeunes.
La présente hypothèse générale nous
donne l'opportunité de dire ce qui nous a conduit à cette
étude et les objectifs que nous entendons poursuivre.
1.5. Objectifs et buts de l'étude
Parler de l'objectif de cette étude revient à
donner le bien fondé de celle-ci, c'est-àdire ce que l'on
espère atteindre en le réalisant. C'est ainsi que principalement,
cette analyse vise à apporter une contribution à la gestion des
questions portant sur l'insertion professionnelle au travers des
stratégies qu'utilisent les jeunes pour sortir d'une situation de
chômage plus que pénible. Nous ambitionnons de relever la part du
besoin d'estime sociale sur le choix desdites stratégies dans la
perspective d'une insertion professionnelle qui se traduit par l'obtention d'un
emploi.
De façon spécifique nous voulons, par ce
travail, démontrer que les modalités du besoin d'estime sociale
que nous avons répertorié ont une incidence sur les
stratégies adoptées par les jeunes demandeurs d'emploi. Ainsi
avons-nous postulé que :
- Il existe un lien entre le fort besoin d'estime sociale et la
stratégie d'insertion professionnelle. Par ce facteur, nous voulons
montrer que, selon que le niveau du besoin
d'estime sociale du jeune demandeur inscrit au FNE est
élevé, la stratégie dudit jeune prendra en
considération ce facteur dans sa tentative d'insertion.
- Il existe un lien entre le moyen besoin d'estime sociale et
la stratégie d'insertion professionnelle dans la mesure où eu
égard à ce niveau du besoin, la stratégie va subir des
modifications dans le processus d'insertion.
- Il existe un lien entre le faible besoin d'estime sociale et
la stratégie d'insertion professionnelle que pourra adopter un jeune
diplômé du supérieur en quête d'emploi. Selon que son
niveau d'aspiration sera bas, ce dernier adoptera une stratégie
précise.
Ces articulations nous permettent d'évaluer l'incidence
des modalités sus évoquées du concept d'estime sociale sur
les stratégies des jeunes en quête d'emploi. Mais avant, il sera
question de mener une analyse explicative du concept d'estime sociale. Ces
objectifs s'inscrivent dans les buts que nous nous sommes assignés en
décidant de mener cette investigation.
Le but de cette recherche est d'interpeller les pouvoirs
publics, au cas où ils le consulteraient, sur la situation des jeunes
dans le monde impitoyable du travail et de la demande d'emploi. Les nombreux
problèmes auxquels ils font face méritent, un temps soit peu, de
retenir l'attention. Nous comptons aussi, à travers ce travail de
recherche, présenter aux décideurs, la nécessité
d'oeuvrer davantage dans la lutte contre la pauvreté en dotant les
jeunes d'un minimum vital leur permettant de mieux se prendre en charge. Il
s'agit en outre de présenter à l'Etat la souffrance des
diplômés en général et de ceux de l'enseignement
supérieur en particulier. Il peut être question de voir dans
quelle mesure recentrer le débat sur la valeur intellectuelle. Cette
dernière qui est tributaire à la fois du bagage
génétique et des apports sociaux, est garante du
développement national et les politiques n'ont jamais cessé de le
noter. Il est aussi question pour l'Etat d'entreprendre une structuration de ce
nouveau secteur d'activité qu'est le secteur informel dont la
capacité d'embauche concerne plus de 85% de ces nouveaux venus sur le
marché de l'emploi, contribuant de ce fait à résorber
l'épineuse question du chômage.
Enfin, nous n'ignorons pas la finalité première
de cette étude qui est d'ordre académique. Il s'agit ainsi pour
nous d'apporter notre contribution, aussi modeste soit-elle, au vaste domaine
de la recherche en psychologie sociale en général et en
psychologie de l'orientation surtout dans sa dimension portant sur l'insertion
en particulier.
1.6. Intérêts et pertinence de
l'étude
Le champ de la psychologie est si vaste et les rôles du
psychologue si variés que les mêmes qualités ne sont pas
requises partout. Ce qui nous amène à penser que cette
étude pourrait intéresser les chercheurs évoluant dans le
domaine de la psychologie du travail et des organisations. Cet outil,
auprès des employeurs, permettant à ceux-ci de mieux
insérer les jeunes au monde professionnel, en tenant compte de leurs
formations, leurs aspirations et des besoins de l'économie.
Les caractéristiques du marché du travail
influencent considérablement les comportements des jeunes face à
l'insertion. Ainsi, cette étude se propose d'apporter un
éclairage particulier aux psychologues exerçant dans
l'entreprise, non seulement sur les variables significatives qui pourraient
permettre de gérer les comportements des jeunes mais aussi sur des
questions relatives à la compréhension des jeunes afin
d'amoindrir l'inefficacité professionnelle dont ils font l'objet.
Ce travail ne devrait laisser indifférents les
scientifiques et chercheurs qui oeuvrent dans le domaine de la
compatibilité de l'homme avec les exigences des activités
sociales, c'est-à-dire de ceux qui accordent une attention
particulière à la réussite de le transition sociale chez
les jeunes. Dans le but de la réalisation de l'insertion, les
opérations mentales sont indissociables de l'action et comme le pense
Dumora (1990), la pensée définit les objectifs, développe
le processus pour les atteindre, permet d'analyser les situations
réelles, d'anticiper sur les actions possibles, de faire des
hypothèses, de choisir une action et d'en contrôler le
déroulement. De ce point de vue, notre travail pense pouvoir fournir des
informations susceptibles de générer des modifications favorables
à l'aboutissement de l'insertion professionnelle d'un jeune. De
même, de façon générale, l'éducateur peut s'y
inspirer pour comprendre les véritables mobiles qui orientent le choix
des stratégies d'insertion professionnelle des jeunes demandeurs
d'emploi et peaufiner ainsi efficacement la méthode d'aide,
d'orientation professionnelle.
La pertinence de ce travail s'établit au double plan
scientifique et social.
Au plan scientifique, l'application du besoin d'estime sociale
au processus d'insertion peut, si les hypothèses sont confirmées,
permettre de recenser un nouveau déterminant des stratégies
utilisées aux fins d'atteintes d'un objectif.
Au plan social, il est question d'apporter une explication
conceptuelle, à la fois, sur les concepts de besoin d'estime sociale et
de stratégies d'insertion professionnelle, à l'endroit d'un
lecteur pas toujours avisé. Ce travail peut aussi servir au conseiller
d'orientation professionnelle en terme d'apports nouveaux dans le cadre de
l'exercice de sa profession.
1.7. Type d'étude
Cette investigation est à considérer sous un angle
expérimental du fait de l'application de la démarche
expérimentale. Elle est de type descriptif et corrélationnel.
- Descriptif, dans la mesure où elle décrit les
facteurs qui soutendent le concept de besoin d'estime sociale de Maslow
appliqué à notre contexte. Elle présente aussi les
différentes stratégies d'insertion professionnelles par
lesquelles les jeunes procèdent pour parvenir à une insertion
réussie.
- Corrélationnel car elle fait référence
à la relation qui existe entre les variables et veut voir la relation de
dépendance ou d'indépendance qui peut s'établir entre le
besoin d'estime sociale appréhendé à travers ses
modalités et les stratégies d'insertion professionnelle des
jeunes.
1.8. Délimitation de l'étude
Pour parler du cadre dans lequel notre investigation demeure
fondamentale, nous l'avons délimitée au triple plan conceptuel,
géographique et temporel.
Au plan temporel, notre étude est menée pour le
compte de l'année académique 2006-2007, eu égard aux
exigences de notre inscription. Elle est fixée dans le cadre de
l'obtention du diplôme de Master II ou du Diplôme d'Etudes
Approfondies (DEA).
Notre étude se déroule dans la zone
géographique de la province du Littoral, département du Wouri et
principalement au sein du Fonds National de l'Emploi situé dans
l'arrondissement de Douala Ier. Nous avons choisi de travailler avec des jeunes
chercheurs d'emploi titulaires d'un diplôme de l'enseignement
supérieur. Ce choix se fonde sur le fait que la ville de Douala est une
métropole urbaine cosmopolite au sein de laquelle toutes les tendances
ethniques du pays se trouvent représentées. Ce milieu est, de ce
fait, le lieu d'un brassage culturel fort intéressant pouvant donner une
vision holistique de ce que pourrait
être l'objet de notre préoccupation auprès de
la population générale des chercheurs d'emploi sur
l'étendue du territoire national.
Par ailleurs, la plupart des études ayant porté
sur les jeunes tablent beaucoup plus sur les processus de choix ou de
représentations professionnelles. Il nous est apparu intéressant
de jeter un fondement en terme d'orientation sur la part des stratégies
utilisées pour décrocher un emploi.
Du point de vue conceptuel, notre étude se propose
d'appréhender la notion de besoin d'estime sociale,
considérée selon Maslow comme étape importante dans la
théorie des besoins pour parvenir à une auto reconnaissance
(reconnaissance de soi) qu'à une reconnaissance par autrui. Il s'agit,
en outre de voir le lien qu'il peut entretenir avec les différentes
stratégies identifiées de l'insertion professionnelle. Il faut
dire par ailleurs que ce développement conceptuel s'inscrit dans le
cadre de la psychologie sociale en général.
C'est donc dans le cadre du Fonds National de l'Emploi que va
se dérouler notre étude, dont le fondement théorique s'est
inspiré d'une abondante littérature ayant abordée le
phénomène qui fait l'objet de notre préoccupation.
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