La complémentarité de la justice pénale internationale à la justice nationale des états dans le cas de la cour pénale internationale( Télécharger le fichier original )par Emery NUKURI Université du Burundi - Licence en Droit 2010 |
§3 : La saisine de la CPI par le Procureur agissant proprio motu.Limiter ou encadrer la capacité du Procureur de la CPI de saisir la Cour d'une affaire revient à brider son action en sélectionnant les affaires pour lesquelles il est habilité à investiguer puis, le cas échéant à poursuivre. Le pouvoir attribué par le Statut de la CPI au Procureur de s'autosaisir et d'engager de sa propre initiative des enquêtes et poursuites restait un des points les plus controversés et essentiels de la Conférence de Rome. Les participants à cette Conférence se sont convenus que le Procureur est habilité à ouvrir proprio motu des enquêtes au sujet des quatre crimes les plus graves prévus par le Statut de Rome203(*). Nous allons essayer d'analyser dans cette section la faculté du Procureur de la CPI de déférer une situation devant la CPI, la procédure suivie par le Procureur, l'applicabilité rigoureuse du principe de complémentarité en vertu de cette saisine ainsi que les raisons de la prévision de ce pouvoir de saisine. I. La faculté de déférer une situation devant la CPI.L'article 13 du Statut de Rome dispose en son littera c que la Cour peut exercer sa compétence à l'égard des crimes visés à l'article 5, conformément au présent Statut : « b) Si le Procureur a ouvert une enquête sur un ou plusieurs de ces crimes en vertu de l'article 15 »204(*). Et l'article 15 §1 dispose : « Le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu des renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour »205(*). Il ressort donc de l'article 13 §a et 15 §1 que le Procureur de la CPI a la capacité d'ouvrir une enquête de sa propre initiative en l'absence d'un renvoi par un Etat partie ou par le Conseil de sécurité des Nations Unies à l'encontre d'un ressortissant d'un Etat partie.
Cependant, si on a accepté de doter le Procureur de cette compétence de s'autosaisir proprio motu, cela n'a pas été sans conditions et restrictions. Il paraissait inconcevable en effet pour nombre de pays de confier à une seule personne physique des prérogatives aussi étendues. C'est pourquoi les Etats signataires ont décidé de soumettre la décision de l'ouverture d'une enquête du Procureur à un examen a priori, une sorte de validation avant la poursuite de la procédure. C'est ainsi que si le Procureur décide d'ouvrir une enquête, il devra obtenir au préalable l'autorisation de la Chambre préliminaire de la CPI206(*). II. La Procédure de saisine.Comme les participants à la Conférence de Rome pour l'élaboration et la signature du Statut de la CPI ont décidé que l'indépendance et l'action du Procureur de la CPI soient contrôlées par la Chambre préliminaire de la CPI, si le Procureur ouvre une enquête de sa propre initiative, il procède en deux temps. En premier temps, il procède à la vérification du sérieux des renseignements reçus. Ainsi l'article 15 §2 dispose que : « Le Procureur vérifie le sérieux des renseignements reçus. A cette fin, il peut rechercher des renseignements supplémentaires auprès d'Etats, d'organes de l'organisation des Nations Unies, d'organisations intergouvernementales et non gouvernementales ou d'autres sources dignes de foi qu'il juge appropriées, et recueillir des dépositions écrites ou orales au siège de la Cour »207(*). S'il conclut en l'absence d'éléments justificatifs, il en informera la source mais il lui est permis d'examiner, à la lumière des faits ou d'éléments de preuve nouveaux, les autres renseignements qui pourraient lui être communiqués au sujet de l'affaire208(*). En deuxième temps, s'il conclut qu'il y a une base raisonnable pour ouvrir une enquête, le Procureur présente à la Chambre préliminaire une demande d'autorisation209(*) en ce sens, accompagnée de tout élément justificatif recueilli210(*). Si la Chambre préliminaire estime que l'ouverture d'une enquête se justifie et que l'affaire semble relever de la compétence de la Cour, elle donne son autorisation, sans préjudice des décisions que la Cour prendra ultérieurement en matière de compétence et de recevabilité211(*). Néanmoins, si la Chambre préliminaire n'autorise pas l'ouverture d'une enquête, le Procureur peut par la suite présenter une nouvelle demande en se fondant sur des faits et des éléments de preuve nouveaux212(*). * 203 Article 15 du Statut de la CPI * 204 Article 13 b du Statut de la CPI * 205 Article 15§1 du Statut de la CPI * 206 Article 15§3 du Statut de la CPI : « 3. S'il conclut qu'il y a une base raisonnable pour ouvrir une enquête, le Procureur présente à la Chambre préliminaire une demande d'autorisation en ce sens, accompagnée de tout élément justificatif recueilli. Les victimes peuvent adresser des représentations à la Chambre préliminaire, conformément au Règlement de procédure et de preuve. » * 207 Article 15§2 du Statut de la CPI * 208 Article 15§6 du Statut de la CPI : « Si, après l'examen préliminaire visé aux paragraphes 1 et 2, le Procureur conclut que les renseignements qui lui ont été soumis ne constituent pas une base raisonnable pour l'ouverture d'une enquête, il en avise ceux qui les lui ont fournis. Il ne lui est pas pour autant interdit d'examiner, à la lumière de faits ou d'éléments de preuve nouveaux, les autres renseignements qui pourraient lui être communiqués au sujet de la même affaire». * 209 Article 15 § 3du Statut de la CPI * 210 Article 15§2 du Statut de la CPI * 211 Article 15 § 3du Statut de la CPI * 212 Article 15 §6 du Statut de la CPI |
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