Les anciennes puissances coloniales et la résolution des conflits en Afrique( Télécharger le fichier original )par Netton Prince TAWA Université de Cocody - DEA Droit Public 2006 |
PARAGRAPHE II : La crainte de régionalisation des confitsCette crainte est à l'origine du recours aux mesures préventives (A) et à des interventions promptes (B) de la part des anciennes puissances coloniales. A : Le recours à des mesures préventives Le recours à des mesures préventives consiste pour les anciennes puissances coloniales à entreprendre des actions afin de prévenir l'avènement du conflit, l'anticiper. Il s'agit parfois d'encourager les dirigeants africains à conduire des politiques qui permettent à tous les citoyens de participer à la vie de la nation. C'est donc des incitations à la bonne gouvernance et au respect des droits de l'homme. Sur le plan politique, il est question d'encourager le pluralisme politique et souvent en faire une condition à l'aide publique bilatérale. Sous cet angle, le discours de la Baule155(*) est à retenir comme mesure préventive à l'endroit des Africains pour éviter le déclenchement des conflits. Sur le plan militaire, la prévention des conflits consiste pour ces puissances à assister les Etats africains dans la formation de leurs officiers afin de les rendre opérationnels pour parer à toute éventualité. Cette politique est expérimentée par la France à travers le RECAMP (Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de Paix), auquel est consacré un cinquième du budget militaire de coopération. Trois cycles de formation sur deux ans pour les armées d'Afrique de l'Ouest puis d'Afrique centrale et de l'Est et récemment d'Afrique de l'Est ont été organisés depuis 1996156(*), nous apprend Philippe LEYMARIE. Avec ce programme, il s'agit de former dans chaque région, un bataillon d'interposition et de le doter d'un matériel pré positionné à Dakar, Libreville et Djibouti. Ce dispositif est complété par des centres régionaux de formation spécialisée, comme à Zambakro, en Côte d'Ivoire. Quant aux Etats-Unis d'Amérique, le recours à des mesures de prévention des conflits les a conduits à amorcer depuis 2001, la formation d'un bataillon guinéen de Rangers spécialistes de la surveillance des frontières. L'armée française a pour sa part, contribué " à la formation de la dernière promotion des cadets de l'école d'officiers du camp Alfa YAYA et envisage de soutenir la création d'une école de sous-officiers dans la grande banlieue de Conakry157(*)", nous apprend Paul CHAMBERS. La Grande-Bretagne, elle, longtemps figée dans une posture de non-intervention, et limitant ses actions sur le continent à des formations bilatérales dispensées ponctuellement par les BMATTs (British Military Advisory and Training Team), s'est néanmoins impliquée, depuis la fin des années 1990 dans le soutien aux capacités africaines de maintien de la paix (African PeaceKeeping Support Programme), notamment grâce à l'appui accordé aux écoles africaines de formation militaire, particulièrement les Staff Colleges d'Harare et d'Accra.158(*) La crainte de la régionalisation des conflits comme facteur de réussite de la politique interventionniste, on l'a vu, conduit à recourir à des mesures préventives. Pourtant, il est des cas où le conflit advint cependant. La promptitude de l'intervention constitue donc l'ultime recours. B : La promptitude des interventions Alors que les mesures préventives se saisissent comme des actions menées a priori- pour éviter ou anticiper l'avènement du conflit-, les interventions promptes elles, s'analysent en des actions d'urgence entreprises a posteriori- avec l'intention de contenir le conflit pour finalement l'annihiler. C'est une sorte de "sérum" administré contre le conflit. Les modalités de telles interventions sont diverses mais la conflictualité en cours en Afrique permet d'affirmer que deux modalités principales sont usitées. Ce sont l'action militaire et/ou l'action diplomatique. L'action militaire consiste ici en une intervention brusque, brutale et violente. Dans cette hypothèse, l'ancienne métropole qui intervient, le fait en faveur de l'Etat en bute à une rébellion et l'objectif est de provoquer la défaite militaire de cette rébellion. Contre les accusations d'ingérence face à ce genre d'intervention, l'Etat interventionniste brandit plusieurs arguments dont notamment la demande- expresse ou même tacite- de l'Etat secouru ou même les accords de défense en vertu desquels obligation ( ?) lui est faite de porter secours à cet Etat en cas de trouble...interne. Plusieurs exemples sont à retenir sous ce chapitre ; notamment les différentes interventions françaises dans l'ancien pré carré francophone et qui ont le plus souvent débouché sur des actions en faveur de régimes alliés, "dans des conditions contestables", selon Philippe LEYMARIE : le brutal « nettoyage » du pays Bamiléké au Cameroun au début des années 1960, les interventions répétées au Tchad pour contenir les offensives des rebelles du Nord...et l'intervention au Gabon en 1990159(*), pour ne citer que ces cas anciens ; car la pratique- mise en veilleuse à partir de 1997 jusqu'en 1999 eu égard à la cohabitation entre le Président CHIRAC et Premier ministre Lionel JOSPIN- va ressurgir de fort belle manière à partir de 2006160(*) pour s'épanouir davantage sous Nicolas SARKOZY161(*). L'action diplomatique, cette autre modalité d'intervention prompte, consiste en l'implication des anciennes métropoles dans des médiations entre différents protagonistes au lendemain du déclenchement du conflit, pour amoindrir ses conséquences. Sous cet angle, l'exemple centrafricain est à retenir. En effet, après les différentes mutineries auxquelles Bangui a été confronté en 1996, Paris a saisi la demande des autorités centrafricaines de secours pour engager les chefs d'Etats africains dans la négociation des accords de Bangui dont la surveillance a suscité la mise en place de la MISAB162(*). On le voit, ces nombreux facteurs jouent sur les médiations en vue de la résolution des conflits en cours. De la sorte, il apparait légitime de se demander, si finalement, l'issue de la résolution ne résulterait pas d'une initiative commune. C'est cette interrogation qui fera l'objet du chapitre suivant. * 155 Le 20 juin 1990, au sommet France-Afrique organisé à la Baule en France, François MITTERAND fait de la démocratisation des régimes africains la condition de l'aide française au continent. * 156 Philippe LEYMARIE, « L'eternel retour des militaires français en Afrique », Le monde diplomatique, novembre 2002. * 157 Sur cet aspect de la politique de coopération militaire de la Guinée, lire l'article de Paul CHAMBERS, « Guinée : le prix d'une stabilité à court terme », Politique africaine, n°94, juin 2004, pp.128-148 * 158 Sur cet aspect de la coopération militaire de l'Angleterre, lire Niagalé BAGAYOKO-PENONE, « Les politiques européennes de prévention et de gestion des conflits en Afrique subsaharienne », Les Champs de Mars, mars 2005. Lire également G.E.BERMAN, « the Provision of Lethal military Equipment : French, UK and US PeaceKeeping Policies towards Africa », Security Dialogue, vol. 34, n°2, 2003, pp. 199-214. * 159 En 1990, Paris était intervenu pour soutenir le régime du Président Omar BONGO trois mois à peine après la Conférence nationale. * 160 En octobre 2006, l'armée française intervient contre les rebelles centrafricains au régime du Général BOZIZE qui s'était emparé de deux villes au Nord -est du pays. Les 3et 4 mars 2007, avec la reprise des hostilités, la France est une fois encore intervenue en faveur de BOZIZE pour freiner la marche des rebelles, leur reprenant les villes occupées au Nord-est du pays. * 161 La rupture d'avec l'ordre ancien dans les relations entre la France et l'Afrique annoncée par le Président SARKOZY a été mise à rude épreuve quand les rebelles du Front Uni pour le Changement (mouvement rebelle tchadien) ont mené une offensive sur N'djaména. Là aussi, Paris est intervenue pour sauver le régime d'Idris DEBY le 27 février dernier. Mais cette intervention française, n'est pas sans lien avec l'actualité du moment relative à l'affaire "Arche de Zoé". D'ailleurs, le parallèle se confirmera quand le 31 mars 2008, le Président Idris DEBY accorda la grâce aux prisonniers de la dite ONG. * 162 La mission pour la surveillance des accords de Bangui. |
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