Les anciennes puissances coloniales et la résolution des conflits en Afrique( Télécharger le fichier original )par Netton Prince TAWA Université de Cocody - DEA Droit Public 2006 |
PARAGRAPHE II : L'appel des organisations continentalesSur le plan continental, deux sortes d'organisation interviennent, dans la perspective de résolution des conflits en Afrique. Ce sont les organisations sous-régionales (A) et l'organisation continentale ou l'Union Africaine (B). A : Les organisations sous-régionales La politique d'engagement des organisations sous-régionales africaines dans les conflits internes aux Etats membres a été amorcée par la CEDEAO, à l'occasion des différents conflits qui ont ravagé la partie occidentale de l'Afrique. Cet engagement a été suscité par le désengagement des grandes puissances eu égard à la fin de la guerre froide ; les Africains s'étant trouvés face à leur responsabilité. La CEDEAO, donnant le ton en 1990 lors du conflit libérien, ouvrait ainsi le cycle à une série d'interventions77(*), créant un précédent. Cette initiative de la CEDEAO fera écho dans toutes les sous régions africaines. Ainsi en Afrique centrale, face au conflit interne en République centrafricaine, la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale) envoya des troupes en novembre 2002 pour aider à résoudre le conflit. En Afrique de l'est, l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) a connu une évolution semblable à celle de la CEDEAO. Au début des années 1990, ce groupement de sept pays qui se consacrait au départ presqu'exclusivement au développement économique et à la lutte contre la sécheresse s'est de plus en plus investi dans le règlement du conflit. Au Soudan par exemple, l'IGAD a pris l'initiative d'intervenir auprès du gouvernement et des forces rebelles du sud du pays. Le conflit en République démocratique du Congo a également mis en scène la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC). Malgré cet élan interventionniste africain, force est de constater que les différentes organisations sous régionales ont toujours sollicité le soutien des anciennes puissances coloniales, pour s'assurer de pouvoir réussir. La CEDEAO, par exemple, eu égard aux divergences internes quant à la régularité de la décision du comité permanent de créer l'ECOMOG78(*) et à l'envoyer au Libéria, a dû faire appel aux Etats-Unis d'Amérique dont l'arbitrage a permis la validation de la décision du comité permanent de médiation au sommet extraordinaire de Bamako les 27 et 28 novembre 1990. Le différend lié à la décision du Standing Mediation Committee résolu, la CEDEAO a dû à nouveau faire appel à Washington pour une assistance financière à l'ECOMOG sur le terrain militaire79(*). En Sierra Leone, l'engagement de la CEDEAO et le rétablissement de Ahmad Tejan KABBAH le 10 mars 1998 a eu le soutien indéfectible de la Grande-Bretagne, l'ancienne puissance tutélaire80(*). Du côté de la région des Grands Lacs africains, les différentes médiations africaines ont sollicité l'intervention des Etats-Unis. Ainsi en 1995, les présidents MUSEVENI de l'Ouganda, MWINYI de la Tanzanie et MOBUTU du Zaïre ont invité l'ancien président américain Jimmy Carter à entreprendre une mission exploratoire pour apaiser et éventuellement régler la crise des Grands Lacs. Au total, on retiendra que les organisations sous-régionales africaines, dans leur tentative de résolution des conflits en Afrique, sollicitent l'ingérence des anciennes puissances tutélaires. Cet appel est relayé par l'organisation continentale. B : L'Organisation continentale Créée au lendemain des indépendances de l'Afrique, la défunte OUA- qui a fait place à l'Union africaine- s'est donnée pour mission de réaliser l'indépendance de toute l'Afrique et de veiller à la cohésion et à la stabilité entre ses membres. A l'occasion du conflit tchadien, l'OUA s'est prêtée au maintien de la paix et depuis a entrepris des actions dans ce sens jusqu'à sa dissolution en 2001. L'Union africaine dont le traité constitutif est entré en vigueur depuis le 26 mai 2001 ne s'est pas dérobée de la pratique instituée par l'organisation à laquelle elle succède. Ainsi lors du conflit ivoirien, l'UA a-t-elle oeuvré au rapprochement des protagonistes. Au Soudan, elle manoeuvra pour l'envoi des forces africaines au secours du peuple soudanais, notamment au Darfour. Pourtant, l'UA face aux difficultés qu'elle rencontre ne trouve aucun complexe à solliciter le soutien des anciennes puissances coloniales afin de circonscrire ces conflits et y apporter solution ; allant parfois à s'abandonner à ces dernières. Le conflit ivoirien et l'organisation des pourparlers entre les protagonistes du conflit à Linas Marcoussis en est une belle illustration. En effet, face à l'échec des négociations de Lomé, Thabo MBEKI a pu affirmer le 31 janvier 2003 en France que :"en tant qu'Africains, nous devons admettre ouvertement que nous n'avons pas réussi à aider les Ivoiriens à mettre un terme à la crise dans leur pays", et a-t-il soutenu ajoutant : "c'est précisément à cause de cet échec africain que la France est intervenue militairement, politiquement et diplomatiquement pour aider la Côte d'Ivoire vers la paix. Et, pourtant, cette crise est précisément le type de défi qui requiert des solutions africaines81(*)" Il y a là de façon toute nette un abandon africain à la France, ancienne puissance coloniale qu devra décider des mesures idoines pour régler le conflit en question. En définitive, ce chapitre a pu démontrer que les anciennes coloniales, dans leur politique interventionniste en Afrique trouvent un terrain favorable. Le passé colonial du terrain d'intervention et le consentement à cette intervention se résument en la « maîtrise de l'espace », doctrine qui précède toute politique d'ingérence82(*). C'est le premier atout dont bénéficient les anciennes puissances coloniales dans la résolution des conflits en Afrique. Au-delà de cet atout existe un second, c'est leur influence diplomatique internationale. * 77 Outre le Libéria, la CEDEAO est intervenue en Sierra Leone, en Guinéen Bissau et ... en Côte d'Ivoire. Voir sur ce point, l'étude de Niagalé BAGAYOKO-PENONE, « Le rôle de la CEDEAO dans la gestion des conflits en Afrique de l'ouest », in Jocelyn COULON (sous la dir.), Guide du maintien de la paix, Athéna Editions, Canada, 2007, pp. 126-147 * 78 L'ECOMOG est la force de la CEDEAO chargée de surveiller le cessez-le feu au Libéria. Il a été mis en place par le comité permanent de médiation le 7 août 1990 à Banjul, en Gambie. * 79 Voir Mamadou Aliou BARRY, op. cit., p. 45 * 80 L'étude de Paul WILLIAMS précitée détaille la politique britannique face au conflit sierra léonais et souligne ce soutien. * 81 Ces propos du président sud africain sont rapportés par Stephen SMITH, «La politique d'engagement de la France à l'épreuve de la Côte d'Ivoire », Politique africaine, n°89, mars 2003, P. 21 * 82 Cette doctrine a fait l'objet d'un large développement par Niagalé BAGAYOKO-PENONE. Voir son article : « La France et la gestion militaire des crises africaines », Géopolitique africaine, 2003, 10 automne, n°12, pp.226-241. |
|