La consommation d'alcool en milieu scolaire : cas de la ville de Yaoundé( Télécharger le fichier original )par Ulrick Lilyan MVE ONA Institut Sous-régional des Statistiques et d'Economie Appliquée (ISSEA) - Ingénieur 2006 |
CHAPITRE I : L'ÉCONOMIE DE LA SANTÉ, L'ÉDUCATION ET LA CONSOMMATION D'ALCOOL« Si l'on décide de dispenser des services à tout le monde, il n'est pas question de dispenser tous les services : on commencera par les plus rentables ». Gro BRUNDTLAND, responsable de l'OMS12(*) La consommation d'alcool est un fléau social qui interpelle aussi les économistes. En effet, la spécialisation de la science économique dans le domaine de la santé paraît assez récente (environ 40 ans13(*)). Or, un état sanitaire précaire affecte la capacité d'assimilation de l'individu ; ce qui nuit à son éducation. Au moment où la théorie du capital humain justifie le développement, certains économistes n'ont pas hésité à s'imprégner de la médecine pour aborder l'investissement-santé. Ainsi, il semble nécessaire d'avoir un aperçu général de l'économie de la santé, de comprendre les approches économiques de la santé et de l'éducation et de réfléchir sur des propositions de lutte contre l'alcoolisme.
SECTION 1 : L'ORIENTATION DE L'ÉCONOMIE VERS LA SANTÉ ET L'ÉDUCATIONLe domaine sanitaire intéresse de plus en plus les économistes. Nous verrons dans cette section l'évolution de l'économie de la santé, l'amélioration des modèles économiques et les facteurs clés du développement dans les pays en voie de développement (PVD).
1. L'essor de l'économie de la santé L'économie de la santé a été initiée par des théoriciens anglo-saxons dans le but d'appuyer certaines théories néoclassiques telles que la théorie de l'équilibre général. La mise en pratique de cette discipline par des économistes ne pouvait se faire sans difficulté, puisque la santé apparaissait au départ seulement comme une consommation. La santé n'étant pas un investissement, autrement dit la santé n'étant pas considérée comme un facteur de développement économique tel que le progrès technique ou l'éducation, par conséquent elle ne pouvait être source de production des biens rares (une des raisons d'être de la science économique). La santé devrait donc rester l'« affaire des médecins ». C'est l'économiste américain Kenneth J. ARROW (Nobel en 197214(*)) qui, en travaillant sur la théorie du bien-être, les choix collectifs et la théorie générale de l'équilibre, va propulser l'économie de la santé par ses diverses approches. ARROW présente d'abord les économistes de la santé comme des théoriciens du risque et de l'incertitude15(*), ensuite il montre que les modèles élaborés par ces économistes de la santé ont une portée scientifique. En effet, les approches des économistes de la santé sont purement des théories classiques de la rationalité et de l'optimisation. Cependant, ces économistes ont du mal à admettre qu'il faut allouer à la santé des ressources nouvelles ; car il s'agit d'un investissement risqué et la rentabilité est aléatoire. Enfin, ARROW conclut que le véritable problème de l'investissement-santé est ce cercle vicieux de cause à effet entre la santé et le développement économique d'un pays. Autrement dit, il n'est pas évident de savoir si c'est un bon état sanitaire des populations qui est à l'origine du développement ou bien c'est le fait qu'un pays soit développé qui explique le bonne situation sanitaire des individus. En outre, ARROW pose le problème de savoir s'il s'agit d'un « choix individuel ou d'un choix collectif ?»16(*). Auquel cas, c'est l'État qui devrait être le médiateur des problèmes sanitaires. Cependant, bien qu'ayant des approches différentes, la confusion persiste entre l'économie de la santé et l'économie publique. 2. L'apport irréfutable de la santé dans le capital humain Aujourd'hui, tous les économistes s'accordent à reconnaître la santé comme variable exogène du capital humain. Le capital humain est défini comme étant « l'accumulation des investissements en l'Homme, comme l'éducation et la formation professionnelle »17(*), aussi tout facteur explicatif du bien-être physique ou moral de l'Homme ne peut être qu'un déterminant du capital humain. La santé est « un état complet de bien-être physique, mental et social, assurant en l'absence de maladie ou d'infirmité un droit fondamental de l'être humain à accéder au niveau de santé le plus élevé possible »18(*), par conséquent la santé est un déterminant du capital humain. De nombreuses théories ont été avancées à ce sujet. Jean François Nys déclare que « la santé conditionne l'efficacité de l'éducation et celle du travail »19(*) ; cela voudrait dire que la santé permet à l'individu de disposer des capacités d'assimiler les connaissances et de les utiliser, par le biais du travail, dans le but d'accroître la productivité nationale. Cependant, si la santé est un bien accessible à tous au même titre que l'éducation, comment investir en capital-santé et quelle en est la rentabilité ? Peut-on optimiser l'offre et la demande de santé afin d'accéder à un niveau théorique d'équilibre économique ? Les écoles walfaristes ont montré que l'État répondrait à cette attente puisque la santé est l'exemple type d'un « bien public ou bien sous tutelle »20(*). Par ailleurs, en comparant les facteurs santé et éducation dans la formation du capital humain, il semblerait que c'est le critère « âge » qui diffère le plus. En effet, le capital-santé est inné et dépend de l'espérance de vie à la naissance. Et malgré l'assistance médicale apportée à un individu, la santé se détériore et ce capital meurt à la fin de vie. Cette dernière étant généralement : la mort, la vieillesse ou une infirmité causant l'incapacité à produire un surplus de biens économiques. Le capital-éducation, quant à lui, est nul aux premiers âges. Il se forme durant l'instruction et la formation, se déprécie pendant la vie active et meurt lorsque l'agent économique devient inactif. Nous allons expliciter les évolutions des dépenses en santé et éducation à l'aide du graphique 1. Graphique 1 : Évolution des dépenses investissement-santé et investissement-éducation au cours d'une durée de vie Dépenses Source : D-C Lambert, op. cit, page 79 Ce graphique met en évidence des intervalles de rendements décroissants, croissants et stables. En effet, les dépenses d'investissement-santé ont l'allure d'une « courbe en J » alors que celles de l'investissement-éducation ressemblent à une « courbe de Gauss ». Ainsi, tout agent économique dispose d'un capital-santé à la naissance et qui est quasiment constant pendant la période de grande vulnérabilité aux maladies (0 - 1 an). Ensuite, les coûts sanitaires diminuent sur la zone (1 - 25 ans) où l'agent acquiert progressivement un système immunitaire efficient naturel. Sous l'effet accru du travail et l'arrêt physique du corps humain à remplacer les cellules mortes (les prémices de la vieillesse), l'investissement-santé croît de manière exponentielle (50 - 60 ans) par rapport à celui du bas âge. Les raisons de cette croissance sont simples : l'agent disposant de plus de ressources financières et s'opposant radicalement à la « tragédie de vieillesse » opte pour des traitements médicaux plus onéreux et plus marginaux (cures de désintoxication, suivis médicaux, chirurgies esthétiques, thérapies...). Concernant l'éducation, le processus d'investissement parait être l'opposé de celui de la santé, voire compensatoire. L'investissement-éducation est négligeable avant l'âge d'un an, ensuite croît progressivement durant les années d'études (primaires, secondaires et supérieures) du fait du coût croissant de l'offre d'éducation. Lorsque l'agent entre dans la vie active, il est dans une phase de mise en pratique c'est-à-dire qu'il produit des biens. L'investissement-éducation s'érode et donne place à l'expérience professionnelle (25 - 60 ans) ; il devient quasiment nul lorsque l'agent rentre en phase d'inactivité (qui correspond ici à la retraite professionnelle).
3. La corrélation entre santé et éducation dans les pays en voie de développement La corrélation entre des conditions sanitaires viables et une scolarisation avancée ne peut être mise en doute dans « les pays les moins avancés ». Les différents indicateurs de mesure de développement tels que l'indice de développement humain (IDH), le taux de mortalité, le taux de scolarisation, l'espérance de vie à la naissance, l'indice de pauvreté humaine (IPH)... montrent que les composantes déterminantes du développement dans les pays du « sud » sont la santé et l'éducation. C'est dans cette optique que D-C Lambert dit que « la correspondance entre l'état de santé des populations du tiers monde et leur niveau d'instruction est très nette »21(*). En effet, les problèmes sanitaires dans ces pays sont souvent liés à l'inaptitude à prévenir certaines maladies dues à l'analphabétisme. D'autant plus qu'avec les progrès techniques et technologiques, les informations sanitaires (hygiène et propreté) sont disponibles et quasiment accessibles à tous. Comment expliquer les coûts sociaux élevés pour les grandes endémies et pandémies dans de nombreux pays d'Afrique, d'Amérique latine ou d'Asie alors que les mesures de prévention sont simples et de moins en moins coûteuses : * consommation saine et modérée des boissons alcoolisées pour éviter l'alcoolisme * utilisation de préservatif (25 FCFA22(*)), fidélité ou abstinence pour le cas du sida ; * achat d'une moustiquaire imprégnée (5000 FCFA) pour se prémunir du paludisme ; * vaccination (gratuite) des enfants de moins de cinq (5) ans contre la poliomyélite ; * consommation d'eau potable ou javellisée, cuisson complète des aliments, bain quotidien ; vêtements propres... pour ne pas être en contact avec d'autres attaques microbiennes. Des mesures simples ; au point que les organisations internationales sanitaires croient réduire considérablement la mortalité et la morbidité dans ces régions. C'est le cas de l'OMS qui s'était empressée de proclamer la « santé pour tous en l'an 2000 »23(*).
Les programmes de préventions des maladies butent souvent sur les us et coutumes des populations. Malgré les avancées de la médecine formelle, ces populations tiennent parfois à enraciner leurs caractères primitifs ou à perpétuer leurs doctrines ancestrales (médecine traditionnelle, rituel, etc.) ou religieuses (rite, interdit, etc.). * 12 Organisation Mondiale de la Santé, « Rapport sur la santé dans le monde », 1999, page XVI * 13 D-C Lambert, op. cit, page 15 * 14 Prix Nobel d'économie partagé avec l'économiste britannique Sir J. Hicks * 15 K. J. Arrow, « Incertitude et économie du bien-être des soins médicaux », traduction en français par la revue Risques 1996 n° 26, page 141 * 16 D-C. Lambert, « Lexique d'économie de la santé », L'Harmattan, 1985, page 52 * 17 N. G. Mankiw, « Principe de l'Économie », page 956 * 18 OMS, op. cit. * 19 J. F. Nys, « La santé : consommation ou investissement », Economica, 1980 * 20 D.-C. Lambert, op. cit, page 79 * 21 D-C Lambert, page 294, op. cit. * 22 Prix en vigueur au Cameroun * 23 OMS, « Déclaration d'Alma Ata : Prévenir », 1986, page 67 |
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