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CADRE THEORIQUE DU TRAVAIL
En abordant ce sujet, nous avons parcouru la
littérature qui traite de l'urbanisation pour y tirer une théorie
de référence.
Nous allons adhérer, pour ce qui nous concerne, au
modèle théorique des divers auteurs dont principalement O.
MASSIAH et J. F TRIBILLON (1987, op. cit.) et I.P DIEHL
(1984).
« Dans la conception juridique bantou, la
propriété des terres n'est jamais individuelle, elle est toujours
collective » (CICIBA, 1989, p,21). Dans cette conception, la terre
appartient à la communauté, à la famille; et personne ne
dispose du pouvoir individuel sur la terre.
« Le décuplement, en moins de 100 ans, de la
population totale et donc de densités moyennes, implique un
bouleversement total de l'occupation de l'espace, des établissements
humains, des échanges, des relations entre I 'homme et l'environnement,
des structures sociales, etc. » (N. HARRIS, 1992).
De la propriété collective; non seulement
l'accroissement l'a modifiée avec le concours juridique, mais aussi a
fait évoluer deux mondes qui cohabitent avec des forces et atouts
différents, monde rural et urbain; on est arrivé à la
propriété individuelle.
Bien que ces deux mondes (rural et urbain) évoluent
en interdépendance, le rapport de force entre eux est différent
car, le monde urbain bénéficie de certains avantages que le monde
rural mais aussi, comme le souligne J. P. DIEHL (1984, op. cit.), «
hectare après hectare, la ville grignote le territoire qui l'entoure
», la ville ne cesse de s'étendre au détriment de la
campagne. La ville de Goma, quant à elle, cherche à valoriser ses
étendues en réduisant l'espace rural.
En faisant face aux changements que G. MASSIAH et al. (op.
cit.) appelle « révolution urbaine », la ville de Goma, comme
les autres villes du tiers monde connaît des conséquences
dramatiques qui vont de la transformation des relations entre la ville de Goma
et ses environs aux transformations de la vie de I 'homme.
En somme, le problème central auquel est
confrontée l'urbanisation est « la distorsion entre une croissance
très faible des activités et des emplois. La ville croît
plus vite que ne croît la majorité des infrastructures de base
». (G. MASSIAH et al., op. cit. ).
Dans ce cadre, la ville de Goma connaît une
prolifération des habitations qui ne cessent de combler tous les
interstices des quartiers populaires (constructions désordonnées)
et ne cesse de s'étendre sur des quartiers environnants pendant que les
équipements de base restent dans le statu quo.
L'urbanisation dans la ville de Goma,
matérialisée par le lotissement, amène avec elle des
conséquences qui pèsent sur l'environnement, la vie sociale et
économique, l'espace.
En effet, « c'est dans les zones urbaines que les
conséquences socio-économiques du peuplement sont les plus
visibles, criantes même... (Gilles FONTAINE, 1992).
Pour arriver à répondre à ces
conséquences, G. MASSIAH et al. (op. cit.) dit que « la
première dimension qui doit caractériser une politique urbaine,
est sa manière de prendre en compte les contradictions entre ville et
campagne » et il propose pour ce faire, la théorie de
maîtrise de l'urbanisation que J.P. DIEHL (op. cit) appelle
la maîtrise du développement. Cette
théorie préconise que les politiques urbaines commencent par des
politiques de développement rural.
Elle n'est pas le projet de contraindre le centre urbain
à inscrire son évolution dans un cadre
prédéterminé.
Elle suppose à toute évidence une connaissance
fine et expérimentale du phénomène, de ses acteurs et de
sa dynamique.
Nous trouvons que cette théorie est adaptée au
sujet que nous traitons d'autant plus que nous voulons proposer un
schéma qui tienne compte des réalités du milieu, des
acteurs du foncier et des divers changements d'activité à prendre
en compte. Elle doit aussi concerner les activités des milieux de
production (milieux ruraux) pour soutenir les actions de l'urbanisation.
L'applicabilité de cette théorie doit
obéir à cinq impératifs proposés par J.P. DIEHL
(1984, op. cit) :
- « tout problème de l'urbanisation doit
être abordé en terme d'espace, en termes économiques et
sociaux ;
- la primauté doit être donnée à
l'analyse des besoins en espace, en eau pure, en santé, en combustible,
en école, ect.;
- doit être libéré, le potentiel de
développement endogène (...);
- des normes d'environnement adéquates doivent
être dictées;
- aucune action ne doit être entreprise sans qu 'y
soient associées les formations sociales intéressées.
»
Dans la ville, elle doit poursuivre comme objectifs:
- « réduire l'accroissement des
inégalités entre quartiers ;
- réduire et rattraper, le cas échéant,
les trop grands écarts entre les quartiers ;
- pallier les difficultés nées des
transformations »C. LACOUR, 1992).
Cette théorie constitue un guide pour notre travail
qui se veut de proposer un schéma participatif de lotissement qui part
des problèmes réels sur terrain pour influencer les interventions
basées sur 1 'homme et faisant appel à divers acteurs. Ici, nous
nous référons à la théorie de l'espace
urbain de multipilotage (AMPS; 1985, p.66) où l'on se base
sur la multiplicité d'acteurs et la prise de conscience de ceux-ci selon
des objectifs et des moyens propres.
Pour son opérationnalisation, il faut une analyse
globale de la situation, agir en tenant compte des causes et
conséquences, traiter toutes les questions, agir en concertation avec
tous les acteurs urbains.
La théorie de multipilotage nous aidera à
faire interagir les acteurs du foncier de la ville de Goma à savoir
l'Etat (comme acteur dominant), les organisations sociales et
économiques (les secteurs) et la population locale (comme
concernés).
Elle se base sur les négociations entre acteurs et
l'arbitrage par l'acteur dominant qui passe par un réseau d'influence
des acteurs.
Cette approche de multipilotage qui se greffe à la
théorie de maîtrise de l'urbanisation font que nous puissions
considérer le lotissement comme un problème urbain
multidimensionnel.
La question urbaine ne doit plus être laissée aux
seules mains techniques (urbanistes, géomètres, architectes...)
car les actions de développement font appel à diverses
compétences qui impliquent la participation des divers acteurs. C'est ce
que souligne aussi G. FONTAINE (op. cit.) en notant que « le
phénomène urbain est devenu beaucoup plus sérieux pour le
laisser plus longtemps aux urbanistes ».
La ville, considérée comme un système
complexe, pose des problèmes complexes qui suscitent des actions
multiples avec de multiples acteurs.
Le lotissement de la ville de Goma doit donc se baser non
seulement sur l'espace mais aussi sur le social, l'économique avec
l'intervention de divers acteurs.
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