4.2.5. Enjeux sociaux
La mise en valeur des sables bitumineux a
été le déclencheur d'un développement
économique sans précédent dans la région de Fort
McMurray. La croissance extrêmement rapide des projets de
développement a permis d'atteindre en 2004 l'objectif de production d'un
million de barils par jour, censé être atteint en 2020. Cette
industrie injecte dans l'économie plusieurs milliards et
représentait, en 2007, 5.6% du PIB canadien. L'exploitation
créé également 372'000 emplois, soit 2.2% de la population
active (Talbot, 2009). Cependant, si le niveau élevé de
production a généré un impact économique majeur
pour la région et le Canada, il s'est traduit également par des
bouleversements tout aussi importants sur le plan municipal et
social.
(a) Répercussions sur les Premières
Nations
La Municipalité régionale de Wood
Buffalo qui héberge en grande partie les aires d'exploitation des sables
bitumineux s'avère être un lieu de résidence important des
populations autochtones ou Premières Nations59. Certaines
sociétés comme Syncrude font un effort
délibéré pour les prendre en considération et
soutenir leur participation à l'industrie des sables bitumineux. Mais
même si les Premières Nations ont réussi dans une certaine
mesure à tirer profit de cette activité, notamment grâce
aux nouvelles occasions d'emploi et d'affaires qui s'offrent, de nombreux
résidents des ces collectivités continuent de vivre dans la
pauvreté en dépit de la richesse considérable de la
région. En outre, le développement de l'industrie des sables
bitumineux occupent des segments de plus en plus vastes des territoires
traditionnels des Premières Nations et endommagent les terrains et les
écosystèmes dont ils tirent depuis toujours leur subsistance. La
région est de plus en plus polluée et les habitants craignent les
aliments issus de la chasse et de la pêche et l'eau de la rivière
qu'ils avaient l'habitude de consommer (Comité permanent des ressources
naturelles, 2007). Certains habitants de Fort Chipewyan, soutenus par des
médecins, prétendent que le taux d'incidence de cancers est plus
élevé dans le village, que de nouvelles formes de cancers rares
sont diagnostiquées, et accusent la pollution déversée par
les sociétés pétrolières d'en être
responsable (Harkinson, 2008). Après des années de déni,
les experts gouvernementaux ont reconnu, en 2009, le taux anormalement
élevé de cancer. Ils tempèrent, toutefois, les
résultats « fondés sur un petit nombre de cas » et
concluent qu'un lien entre la pollution potentielle et des effets sur la
santé ne peut pas encore être confirmé (Chen,
2009).
(b) Impacts sur le plan social
Le développement accéléré
des sables bitumineux et l'arrivée massive d'ouvriers du pétrole
ont eu un impact considérable sur la région et ont radicalement
transformé la ville de Fort McMurray. L'agglomération a
doublé de taille en quelques années. Le plan de
développement municipal reste toutefois basé sur des
prévisions qui ne tiennent pas compte du taux de croissance
démographique actuel. Cette croissance trop rapide a engendré de
nombreux problèmes sociaux et locaux. Sur 72 critères de mesure
de la qualité de vie, 70 sont insuffisants (Woynillowicz, 2007). Les
infrastructures locales et les services publics sont débordés et
rien n'indique que la situation est en train de changer (Office national de
l'énergie, 2006).
Le coût des loyers à Fort McMurray est le
plus élevé du Canada et ceux de l'immobilier sont les plus hauts
en Alberta. L'offre de nouveaux logements est considérablement ralentie
par le manque de terrains et la pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur
de la construction. Le nombre de sansabri, gonflé par le coût
exorbitant du logement est le plus élevé en Alberta
(Comité permanent des ressources naturelles, 2007).
59 Terme utilisé par les populations
autochtones ou indigènes canadiennes pour désigner les «
Amérindiens ».
Le système de soins de santé est
saturé et nécessite une augmentation du personnel, une nouvelle
formule de financement et de nouvelles installations de soins. Par ailleurs la
municipalité manque d'écoles, d'enseignants et de ressources
pédagogiques, et les programmes, services et installations à
vocation sociale ne répondent plus aux besoins actuels. La
capacité de la municipalité à répondre aux besoins
de base en infrastructures est depuis longtemps dépassée. Si
aucune solution adéquate n'est proposée, cette situation pourrait
mettre en péril la durabilité de l'exploitation des sables
bitumineux (Comité permanent des ressources naturelles,
2007).
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