« La préoccupation des pouvoirs publics et
des adultes est généralement concentrée sur l'inscription
de représentants des jeunes dans les organismes dont les adultes
contrôlent le fonctionnement, sans se préoccuper d'abord de la
formation d'une parole collective dont les délégués
seraient porteurs »172. Ce constat, qui corrobore des
éléments relevés dans l'enquête auprès des
FJT, est a rapprocher d'un des points fondamentaux de l'agora grecque : il faut
une concitoyenneté pour créer la vie publique commune, or
l'octroi de la parole par un mouvement descendant met à mal l'un des
piliers de la citoyenneté, l'iségoria. Le manque
d'égalité dans la proposition et la prise de décision
collective entraîne que nous ne sommes pas réellement dans une vie
publique commune, mais plutôt dans une vie publique avec des «
titulaires » et des « suppléants » invités des
premiers. C'est ici que nous retrouvons toute l'ambiguïté de la
participation, qui d'une contribution active lorsque la parole est « prise
» dans un mouvement ascendant, peut devenir simple caution lorsque la
parole est « donnée » dans un mouvement descendant.
La prise de décision collective est un aspect majeur
de la citoyenneté, c'est aussi ce qui crée un hiatus dès
le départ dans les instances destinées à favoriser la
participation. Ces instances sont des lieux d'énonciation mais pas des
lieux de décision. Elles contribuent au dialogue, permettent de
créer du lien entre les participants et sont sans nul doute
constitutives d'une éducation à la citoyenneté. Mais ce ne
sont pas des assemblées où la communauté des citoyens
élabore la loi, or « Si on ne donne pas d'influence aux
personnes qui participent à un processus d'implication, on ne voit pas
pourquoi ils trouveraient un intérêt à participer aux
démarches qu'on leur propose »173.
L'écueil que l'étude dans les FJT montre
clairement, c'est le passage de ces instances « pré-citoyennes
» aux lieux de décision. Le Conseil de la vie sociale, pour
reprendre le terme générique, est un lieu destiné à
la parole de l'usager. La décision, elle, est du ressort du Conseil
d'administration de l'organisme. Les efforts et la réflexion doivent
porter sur le passage, ou du moins sur l'articulation, sur le dialogue de l'un
à l'autre. Pour cela, il faut intervenir à deux niveaux. D'abord
au niveau de l'explication, c'est à dire de la pédagogie qui est
développée pour que le public puisse comprendre le rôle et
la spécificité de chaque instance, puis s'en saisir. C'est
là lui permettre d'accéder au niveau de l'auto-nomos, de
la règle qu'il a faite sienne et donc qu'il pourra utiliser. Ensuite, au
niveau pratique, en rapprochant et coordonnant les différents
acteurs.
Au niveau des écueils concernant la mise en place de
la participation et des interrogations sur l'accès à la
citoyenneté qu'elle permet, les constats ne sont pas différents
qu'il s'agisse de FJT, de conseil de quartier ou de toute autre instance.
Toutefois, il faut dépasser ces écueils et poursuivre l'effort,
« Pour impliquer, mobiliser des personnes, généralement
en situation d'exclusion, autour d'initiatives culturelles ou sociales, il faut
porter et réaliser des projets qui les concernent. Ces personnes ont des
choses à dire, il convient de leur donner la parole et de leur permettre
de faire savoir ce qu'elles sont au-delà des portes du foyer
»174. Les FJT ont deux atouts qu'il faut utiliser.
172 Institut de l'enfant et de la famille in «
Problèmes politiques et sociaux » n°862, p.66
173 Francis RATIER, compte rendu de la journée «
Participation des habitants du 31 janvier 2002 » organisée par
RésO Villes (centre de ressources politiques de la ville
Bretagne/Pays-de-Loire), disponible sur
www.resoville.com
174 Extrait du journal de l'Unafo (Union des professionnels de
l'hébergement social), Action habitat n°12,
été 2005, disponible sur
www.unafo.org
Tout d'abord le taux de participation y est plutôt
important. Ensuite, notre expérience intime des FJT nous fait affirmer
qu'il y demeure un élément tout à fait spécifique,
celui du brassage social et culturel. Cet élément, pourtant
très utopique, fonctionne. C'est un atout majeur par rapport à
d'autres lieux, d'autre contextes participatifs où le capital social et
culturel contribue à la confiscation de la parole.