La protection de l'environnement marin au Cameroun: contribution à l'étude de la mise en oeuvre des conventions internationales( Télécharger le fichier original )par Antoine NGAMALIEU NJIADEU Université de Douala - DEA Droit public 2005 |
Section 2 : UNE FAIBLE PROTECTION INHERENTE A LA DIFFICILEMISE EN OEUVRE DES NORMES INTERNATIONALES RELATIVES A L'ENVIRONNEMENT MARIN AU CAMEROUN De manière générale, les normes internationales élaborées à travers les instruments conventionnels sont rendues effectives sur le plan interne par la mise en place d'instruments juridiques nationaux d'intégration. Or, au Cameroun, la faible protection de l'environnement marin peut être la conséquence de la complexité des efforts de mise en oeuvre des normes internationales. Cela suppose que les mesures juridiques contenues dans les conventions ne sont pas suffisamment mises en oeuvre. En effet, c'est aux institutions internationales et nationales qu'il incombe la tâche de mettre en oeuvre les normes internationales. En d'autres termes, leur efficacité est le gage de l'effectivité des mesures prises à l'échelle internationale. Ainsi, la complexité de mise en oeuvre des normes internationales relatives à l'environnement marin sous entend que, soit les institutions sont confrontées à certaines difficultés (Paragraphe 1), soit les normes qu'elles s'efforcent de mettre en oeuvre rencontrent elles aussi des difficultés (Paragraphe 2). Et c'est d'ailleurs le cas au Cameroun. Paragraphe 1 : LES DIFFICULTES LIEES A L'ACTION DES INSTITUTIONSLes institutions jouent un rôle capital dans la mise en oeuvre des normes juridiques. En matière environnementale, elles veillent à l'application effective des dispositions juridiques relatives à la protection de l'environnement. Toutefois, leur rôle est fragilisé par l'existence des difficultés qu'elles rencontrent. Ces difficultés sont d'une part, propres (A) et d'autre part extérieures (B) à elles. A- LES DIFFICULTES ORGANIQUES INHERENTES AUX INSTITUTIONS Les difficultés propres aux institutions se résument aux problèmes liés à la limite des pouvoirs des institutions internationales (1) et à l'incapacité des institutions nationales (2) à faire appliquer les textes juridiques relatifs à la protection de l'environnement. 1- Les problèmes liés à la limite des pouvoirs des institutions internationales à faire appliquer les textes Les institutions internationales sont en général dotées d'un pouvoir de contrôle de la mise en oeuvre des normes juridiques internationales. Cependant, l'exercice de ce pouvoir est limité du fait des difficultés propres à l'ordre juridique international. Le concept de souveraineté des Etats et celui de non ingérence constituent d'une certaine manière des obstacles à l'action menée par les organisations internationales. Ces dernières exercent certes un contrôle de la mise en oeuvre par les entités étatiques de la règle juridique internationale, mais ne disposent pas réellement des pouvoirs de sanction à leur égard. Cela s'explique par le fait que les organisations internationales restent, dans la plupart des cas, des structures de coopération au fonctionnement desquels chaque Etats participe, sans pour autant renoncer à exercer ses compétences propres dans le même domaine. En effet, dans le domaine de l'environnement, il est évident que la mise en oeuvre des règles est rendue difficile par le caractère mou et parfois trop général de la norme juridique internationale. Dans cette condition, il est difficile qu'une organisation internationale exerce un véritable contrôle de l'effectivité sur la norme internationale, dans la mesure où ce pouvoir est fragilisé par l'ambiguïté de la norme établie320(*). Ainsi, il est impossible de parler de sanction à l'encontre de tout Etat qui aura violé cette norme. Dans le cadre juridique de la protection de l'environnement marin, les limites au pouvoir de contrôle exercé par les institutions internationales dans la mise en oeuvre des règles établies par les conventions se remarquent de manière assez flagrante321(*). A titre illustratif, le non respect par les Etats des obligations qui leur sont imposées par les textes d'Abidjan en est la preuve. Certes les Parties s'efforcent d'oeuvrer dans le sens du respect des obligations faites par ces textes, mais il ne s'agit que d'un respect très limité. Dans cet ordre de chose, le rôle des institutions de veiller à l'effectivité des règles internationales existantes apparaît aussi inadéquat et limité eu égard aux efforts consentis. En somme, l'échec de mise en oeuvre des normes internationales par les institutions internationales ne peut avoir pour reflet qu'une faible protection de l'environnement marin dans les entités étatiques à l'exemple du Cameroun. Cela est évident dans la mesure où l'Etat ne reçoit véritablement aucune pression relative à la mise en oeuvre effective des normes internationales auxquelles il a consenti. Cette difficulté rencontrée par les organisations internationales n'épargne pas les institutions nationales. Ces dernières connaissent des problèmes liés à leur capacité à faire appliquer les textes. 2-Les problèmes liés à la capacité des institutions nationales à faire appliquer les textes relatifs à la protection de l'environnement Tout comme les institutions internationales, les institutions nationales rencontrent des difficultés. Celles-ci sont plutôt liées à leur capacité à faire appliquer des textes. Les plus graves sont relatives à l'existence des dysfonctionnements au sein de ces institutions et l'absence de coordination entre elles. Au Cameroun, le premier problème concerne exclusivement les organisations publiques dans toutes ses formes. En effet, plusieurs facteurs sont à l'origine du dysfonctionnement dans une institution publique. Cela peut être l'ignorance de certains agents en matière environnementale ; l'existence de conflit de compétence entre les institutions322(*) et aussi entre les agents d'un même service. Dans ce dernier cas, la recherche exagérée de privilèges et de bonnes grâces poussent certains agents de l'administration publique à empêcher leurs collègues dotés de compétences dans le domaine, de fonctionner dans les conditions requises. Le deuxième problème quant à lui, peut confronter les organes publics entre eux ou avec les organes privés. A cause de la décentralisation inachevée des compétences en matière environnementale au Cameroun, il est évident qu'un cas de difficulté relatif au partage de compétence naisse entre les institutions publiques nationales. En dehors de ces problèmes d'ordre interne, les institutions sont confrontées à d'autres contraintes qui sont d'ordre externe. B- LES DIFFICULTES MATERIELLES INHERENTES AUX INSTITUTIONS NATIONALES Les problèmes d'ordre externe que rencontrent les institutions en matière de protection de l'environnement marin ne concernent que les institutions nationales. Ces dernières subissent l'influence négative des facteurs techniques (1) et des facteurs financiers (2).
L'une des causes de la faible protection de l'environnement marin au Cameroun est bien l'absence des compétences techniques et scientifiques tant du personnel que des institutions nationales. Le problème relatif au manque de personnel qualifié dans le domaine de l'environnement marin est actuel dans ce pays. Les raisons en sont simples : le droit de l'environnement est jeune de quelques années seulement. Cette jeunesse est la résultante de l'insuffisante formation technique et scientifique du personnel compétent en matière environnementale. Cette formation lacunaire du personnel le rend inapte à oeuvrer dans le sens de l'application des règles de protection de l'environnement. Dans cette condition, il est impropre de parler de l'effectivité des règles car les institutions chargées de veiller à l'application des dites règles sont remplies de personnels moins qualifiés ; donc incompétents. A côté de ce premier facteur existe celui relatif à l'absence ou à l'insuffisance des données scientifiques sur l'environnement marin dans ce pays. En dehors des centres de recherche323(*) placés sous la tutelle du Ministère de la Recherche Scientifique et de l'Innovation (MINRESI), il n'est plus possible de trouver un autre centre spécialisé de recherche dans le domaine de l'environnement marin. D'ailleurs, l'on regrettait ci-dessus l'absence d'un centre charge du suivi écologique, capable de fournir des informations scientifiques fiables sur les milieux marin et côtier au Cameroun. Pourtant, beaucoup reste à faire dans ce domaine. Aucune étude relative à l'inventaire des espèces marines menacées d'extinction et des habitats côtiers et marins vitaux n'a encore été sérieusement menée ; ce qui pose le problème de l'opérationnalité des zones protégées marines. Cependant, il n'y a pas à désespérer. Il suffit simplement pour les institutions nationales de créer et maintenir des bases de données pour l'évaluation et la gestion des zones côtières, des mers et de leurs ressources, de définir les indicateurs socio-économiques et écologiques et de procéder à des évaluations périodiques de l'environnement marin et des zones côtières324(*). Seulement pour franchir cette étape, des ressources financières considérables doivent être mobilisées ; alors même qu'elles constituent l'autre difficulté à laquelle sont confrontées ces institutions nationales.
Au Cameroun, le manque de ressources financières et surtout la pauvreté sont à la base de tout problème environnemental. Les efforts déployés par cet Etat en faveur de l'application des règles juridiques de protection sont limités par le problème de disponibilité des ressources financières. En effet, le lien à établir entre facteur financier et mise en oeuvre des règles juridiques est assez simple. La disponibilité des ressources financières facilité en principe la multiplication des actions de terrain qui sont dans la plupart de cas effectuées dans le cadre de la mise en application des règles juridiques relatives à l'environnement. Dans le même ordre d'idée, la multiplication des documents à destination des demandeurs d'informations, les déplacements sur le terrain pour sensibiliser les différents acteurs concernés par la protection de l'environnement, l'accès aux meilleures technologies facilitant les études scientifiques concernant spécifiquement le milieu marin, nécessitent une disponibilité des fonds. En somme, la pauvreté constitue un véritable frein à la volonté politique que démontre l'Etat du Cameroun pour rendre effectives les règles juridiques relatives à la protection et à la mise en valeur de l'environnement marin. Eu égard à cela, certaines normes environnementales mises en oeuvre sont en train d'être effectives bien qu'elles rencontrent elles aussi des difficultés. * 320 Cf., ASSEMBONI - OGUNJIMI (A, N), op. cit. p. 382. * 321 Voir Idem. * 322 Ce cas de dysfonctionnement est fréquent au Cameroun car les compétences en matière environnementale sont encore mal définies par le pouvoir politique. * 323 Il s'agit du CERECOMA entendu Centre spécialisé de Recherche sur les Ecosystèmes marin ; et de la station spécialisée de Recherches Halieutiques ; situés respectivement à Kribi et à Limbé. * 324 Voir agenda 21 chapitre 17 point 7 et 8. |
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