Abréviations p. 2
Introduction p. 3
I. Présentation du stage .p. 4
L'IEFE p. 4
a) Le contexte p. 5
b) L'enseignante p. 5
c) Les apprenants .p. 6
d) La leçon p. 6
L'IMEF p. 7
a) Le contexte p. 7
b) L'enseignante p. 8
c) Les apprenants .p. 8
d) La leçon p. 9
II. Théories de l'apprentissage p. 10
Qu'est-ce qu'apprendre ? ..p. 10
Les processus psycholinguistiques p. 10
L'apprenant p. 11
Les stratégies d'apprentissage p. 12
III. Théories de l'interaction en classe de langue
p. 14
Les différents courants p. 14
La communication p. 15
IV. Etude de trois stratégies d'enseignement p
17
1) La répétition p. 18
2) La reformulation p. 19
3) Le traitement de l'erreur p. 22
Conclusion p. 25
Bibliographie p. 26
Abréviations
A. C. : approches communicatives
F. L. E. : français langue étrangère
F. L. S. : français langue seconde
I. E. F. E. : institut européen de français pour
étrangers
I. M. E. F : institut montpelliérain d'études
françaises
J. D. R. : jeux de rôles
L. E. : langue étrangère
L. M : langue maternelle
Introduction
Comment apprendre une langue étrangère quand on
ignore tout de sa phonologie, de sa syntaxe, de son lexique et de sa
pragmatique ? En effet aucun apprenant n'est censé avoir des notions en
sciences du langage et/ou en didactique avant d'apprendre une langue, ce qui
justifie souvent le recours à un enseignant ou à un enseignement
en institut qui va utiliser certaines méthodes spécifiques
adaptées à un apprenant qui au départ ne possède
aucune de ces notions ?
Il n'existe pas d'enseignement sans méthodes :
l'enseignant choisit des orientations à la fois sur le contenu de son
enseignement et la manière de le dispenser. L'acquisition de la langue
selon W. KLEIN (1989) apparaît « comme un processus : soumis
à des lois précises, déterminé dans son
développement, son rythme et son état final par différents
facteurs, pouvant être influencé à un certain degré
par une intervention méthodique : l'enseignant ».
L'interaction faisant partie des différents facteurs qui
déterminent l'apprentissage.
C'est pourquoi dans ce mémoire, en me basant sur
l'observation d'une interaction dans une classe de langue je tenterai de mettre
en avant les approches méthodologiques observables dans des interactions
et qui rentrent en jeu dans l'apprentissage.
Ainsi dans un premier temps je placerai un cadre
général de l'apprentissage, de sa définition
première aux stratégies d'apprentissage. Cela m'amènera
à parler des théories de l'interaction depuis les années
1980 pour finir sur l'étude de plusieurs moments de la classe de FLE que
j'ai suivie au cours de mon stage. Des transcriptions de divers moments de la
classe servent de base à cette étude : elles n'ont pu être
faites que lors de mon second stage, l'enseignante de l'IEFE ayant
refusé les enregistrements de peur que cela gène ses apprenants.
Ce mémoire de stage tente de placer un panorama général de
l'importance de l'interaction dans l'apprentissage : c'est une étude
empirique de l'interaction d'une classe et d'un enseignant mais cela donne me
donne une base de départ.
Rimbaud Sophie - L'Interaction dans l'apprentissage en
classe de FLE - 2007/2008
I. PRESENTATION DU STAGE
La limite de mon observation vient d'un problème
d'emploi du temps : le stage se passant durant les cours il a fallu jongler
pour réussir à caser les deux. Je n'ai donc pas pu observer tous
les moments de la classe.
L'IEFE
a) Le contexte
Mon stage s'est déroulé dans deux instituts de
langue cela m'a permis de comparer les méthodes d'enseignement en
fonction des objectifs. J'ai commencé les recherches tardivement car je
voulais avoir convenu d'un sujet pour que mon observation soit
bénéfique. Au final c'est l'observation pratique de mon stage qui
a été déterminante dans le choix du sujet. Mon premier
stage a commencé à l'Université Montpellier III : je
discutais souvent avec mes camarades de cours qui faisaient un stage à
l'IEFE. Comme leur stage se passait bien je me suis dit que ce serait une bonne
idée de connaître les méthodes d'enseignement de cet
institut qui prépare les étudiants au DALF et au DELF. Dès
le départ j'ai voulu suivre une classe de langue française de
niveau A2 qui préparait le diplôme de langue française.
Selon les directives que nous les étudiants avions reçues, j'ai
contacté Mme Hemmi, puis avec son accord je suis allée voir Mme
Arnihac pour assister à son cours destiné à un niveau A2.
Pourquoi ce niveau ? Si je me projette dans un enseignement c'est
l'enseignement que j'appréhende le plus : je ne sais pas pourquoi mais
il fallait que je vois quelle était la dynamique d'une classe de
débutants/faux débutants et comment je pouvais mener
l'apprentissage au-delà de la barrière de la langue.
Cet institut se situe à l'intérieur de la
faculté de Lettres et Sciences Humaines, c'est le centre incontournable
pour les étudiants étrangers de Paul Valéry qui veulent
apprendre le français. Pour la description du type d'apprentissage je me
contenterai de parler des cours auxquels j'ai assisté mais j'ai
constaté que l'enseignement est réparti entre plusieurs
professeurs et que les apprenants ont des cours en laboratoire de langue et sur
ordinateur. J'ai suivi 4h30 de cours par semaine, le lundi et le mardi matin de
la mi-février à la fin mars.
b) L'enseignante
L'enseignante, Mme Arnihac, est d'origine française et
a suivi un cursus de lettres modernes, elle a une très grande
expérience de l'enseignement, ce qui a motivé mon choix.
Après son cursus de Lettres Modernes elle s'est
spécialisée en sciences du langage, discipline dans laquelle elle
a passé une thèse en parallèle de son DUT de technique de
commercialisation. Dans le cadre de l'enseignement elle a suivi une formation
avec le CREDIF (Le cursus de FLE étant récent). Ces deux cursus
lui ont permis de donner des cours de français des affaires.
Mme Arnihac a une règle à laquelle elle ne
déroge pas : selon sa conception de l'enseignement il ne faut pas
recourir à la langue de l'apprenant. Il ne faut pas oublier que nous
sommes avec un public hétérogène. Bien qu'elle parle
plusieurs langues (anglais, espagnol et néerlandais) il n'est, de toute
manière, pas possible de recourir à des comparaisons dans la
langue mère (dixit).
Mme Arnihac a cependant une attitude très
différente de celle du second professeur, Philippe Perez (IMEF) : elle
est très calme, ne fait jamais de mimique, de grands gestes. Les
élèves guettent son approbation orale, il est difficile de lire
sur son visage si la réponse est juste ou pas, un peu comme un flegme de
l'enseignant (l'attitude est très importante ici car les deux
professeurs sont en totale opposition).
J'apprécie beaucoup sa manière de traiter avec
les élèves un texte nouveau (une thématique est choisie en
début de semaine et ce texte est en rapport direct avec ladite
thématique) : un apprenant commence par lire un paragraphe puis
l'enseignante pose des questions sur ledit paragraphe qui développent
à la fois une compétence de compréhension (ont-ils compris
le texte ?) et une compétence d'expression : les élèves
cherchent et se créent un lexique de synonymes, font en lien entre le
texte et le monde qu'ils connaissent, ainsi un petit dialogue est
instauré pendant quelques minutes, nous sommes loin des méthodes
traditionnelles de lecture/traduction. Lors d'une pause nous avons parlé
de son cursus, puis des élèves, de leur progression, de leur
participation surtout des étudiants chinois qui ont un fort taux
d'absentéisme, elle m'a conseillée pour mon projet de
français sur objectifs spécifiques étant donné
qu'elle a elle-même donné des cours de français des
affaires.
Les apprenants
Les apprenants, au nombre de douze, sont de
nationalités différentes : il y a des chinois, un chilien, deux
brésiliennes, deux japonaises, deux suédoises, une
norvégienne, une vietnamienne. Ils sont dans une classe de « langue
française » de niveau A2. Il y a un réel problème
d'assiduité pour les étudiants chinois : ceux-ci ne venant en
cours que sporadiquement ils ne peuvent pas apprendre au même rythme que
leurs camarades. Je pense que les méthodes d'enseignement
françaises sont trop différentes de celles de la Chine et que
cela gêne les apprenants. Les apprenants se sont inscrits à l'IEFE
soit pour des raisons professionnelles (une étudiante vietnamienne
faisait son stage au CIRAD) soit pour le plaisir d'apprendre la langue
française.
La leçon
La disposition de la salle a un impact sur la leçon, il
y avait deux salles et deux dispositions différentes, Mme Arnihac m'a
fait remarquer que les apprenants participaient plus s'ils se voyaient. Voici
le schéma des deux salles de cours.
Disposition 1 (lundi) Disposition 2 (mardi)
L'enseignement se situait dans l'axe des approches
communicatives : le livre Grammaire progressive du français : niveau
intermédiaire était utilisé dans les cours de
grammaire et le livre Vocabulaire progressif du français avec des
documents authentiques tirés de manuels de didactique servaient dans des
leçons à visée communicative. Chaque leçon se
composait de grammaire et d'entraînement à la compréhension
écrite : durant la leçon de grammaire les étudiants
apprennent une nouvelle règle ou révisent une ancienne
règle et font des exercices ou corrigent ceux faits à la maison.
Le mardi après-midi (1h30 de cours) est consacré à la
compréhension orale : à partir d'un texte ou d'un document
vidéo un débat est lancé. Pour rendre les cours plus
interactifs et moins centrés sur une
compétence à acquérir l'apprentissage de
la grammaire est divisé entre plusieurs professeurs ainsi dans une
leçon on enseigne autant la grammaire que les actes de parole ou la
compréhension.
Durant un cours plusieurs élèves ont
exprimé le besoin de sortir d'un contexte institutionnel c'est ainsi
qu'une sortie a été organisée au CIRAD (Agropolis) suivi
d'un pique-nique sur les rives du Lez. Cette sortie a tenu lieu de leçon
un mardi matin, toute la visite se faisant en français. La semaine
précédant la sortie un cours de préparation à la
sortie a été fait : les élèves ayant fait des
recherches sur le CIRAD, une discussion a été engagée.
Suite à la proposition de Mme Arnihac j'ai
organisé deux séances de jeux de rôles
développées en fonction de la thématique du cours : durant
la prestation des apprenants je marquais le vocabulaire important au tableau et
je relevais les fautes pour ensuite les expliquer.
Je sais qu'il y avait aussi des leçons à partir
de documents vidéos mais je n'ai pas assisté aux projections. Par
contre lorsque le film Les liaisons dangereuses (1959) a
été projeté à l'université j'ai vivement
conseillé les élèves d'aller le voir car ce film est
adapté d'un livre qui constitue une oeuvre majeure de la
littérature française. J'ai eu le plaisir de voir certains de ces
élèves à la projection.
La majorité des élèves semblaient bien
réagir aux contraintes institutionnelles (horaire, déroulement
des cours), la plupart faisaient le travail qui était demandé, et
rendaient, s'ils le voulaient, le résumé d'un article du journal
Montpellier Plus pour s'entraîner.
L'IMEF
a) Le contexte
Ne connaissant ni de nom ni de réputation les instituts
linguistiques privés de Montpellier ma démarche a
été, je l'avoue, très conventionnelle : je suis
allée sur Internet, j'ai recherché l'adresse de tous les centres
de langue française et j'ai fait du porte-à-porte. Le directeur
de l'institut montpelliérain de langue française, M. Ribot a eu
la gentillesse de me proposer un entretien « de stage » le 21
janvier. M. Gérard Ribot dirigeant un institut très important et
par conséquent étant très occupé, il m'a fait
savoir fin février que mon stage commencerait en mars. Le stage a
duré jusqu'à la fin du mois d'avril. Durant le mois
de mars je n'assistais qu'à deux matinées par
semaine (6h30 de cours par semaine) puis quand mon stage à l'IEFE s'est
terminé j'ai passé toutes mes matinées à l'IMEF
(sauf le jeudi matin, j'avais cours) je pense que c'est à partir de ce
moment que le stage a été le plus productif : j'ai pu suivre la
progression de la leçon et des élèves durant leur
séjour à Montpellier. Le système est très
particulier : les apprenants font des séjours linguistiques de une
à plusieurs semaines par conséquent toutes les semaines, dans la
classe, des élèves arrivent et d'autres partent. L'enseignement
est très axé sur l'acquisition d'une compétence de
communication : on utilise des enregistrements audio, des images
dessinées, des documents authentiques tirés de manuels, des plans
etc...
Les objectifs sont très différents et
dépendent des apprenants. Certains viennent d'un même pays en
groupe pour des raisons professionnelles (ils sont souvent envoyés par
l'entreprise), d'autres viennent passer des vacances dans le sud de la France
et prennent des cours de français.
b) L'enseignant
Philippe Perez est le seul enseignant dont j'ai suivi les
cours, il est âgé d'une trentaine d'années et enseigne le
français depuis douze ans. Son approche du cours, peut-être estce
dû à la nécessité d'un enseignement rapide, est
beaucoup plus dynamique, je n'hésiterai pas à dire que son
comportement se situe à l'opposé de celui de Mme Arnihac. Avec
lui je dirais que tout cela s'enchaîne dans une dynamique qu'il est
parfois difficile à suivre, il ne laisse pas de temps mort, il sollicite
constamment la parole et surtout la paraphrase (« mais encore ? comment
est-ce que l'on peut dire ? » dixit) les différents niveaux de
discours (comme lui-même le dit : il y a le discours « formel »
et ce que l'on dirait à un ami), si un niveau manque il est de suite
sollicité. Je crois qu'à un moment les apprenants n'ont plus fait
la différence entre les niveaux, on le voit dans les jeux de rôles
ils leur arrivent de placer les deux niveaux dans un même discours. Il a
souvent recours à d'autres langues, pour traduire un mot ou par jeu avec
l'apprenant parlant cette langue. Je le trouve trop proche desdits apprenants
et cela peut être un obstacle dans l'apprentissage et
l'évaluation.
c) Les apprenants
J'ai suivi deux groupes d'apprenants : dans le premier,
composé d'une dizaine de personnes venant des Etats-Unis, de
Norvège, d'Italie, d'Espagne, de Suisse tandis que le second groupe avec
lequel j'ai effectué les enregistrements était beaucoup plus
restreint : quatre apprenants venant de Suisse, d'Allemagne (2) et d'Italie.
C'étaient des groupes de débutants (A1), mais au cours de mon
stage le premier groupe est passé au niveau supérieur avec un
autre enseignant, c'est pour cette raison que je me suis retrouvée
à observer un autre groupe. Au cours de l'observation du second groupe,
Philippe Perez et moi-même avons observé qu'une étudiante
progressait très rapidement au point qu'il a fallu adapter ses exercices
à son niveau.
d) La leçon
Le cours commençait toujours par une mise en situation.
Ensuite l'enseignant choisissait de commencer la leçon ou de corriger
les exercices de la veille : si c'étaient des exercices d'expression
écrite ils étaient corrigés au début, si
c'était de la grammaire, ils étaient corrigés dans la
seconde partie du cours, la grammaire étant toujours à la fin. Il
n'y avait pas de manuels : si besoin était il distribuait des feuilles
polycopiées. Il prenait les leçons et les exercices dans des
manuels qu'il photocopiait : c'est ainsi qu'il s'est créé un
porte-tarif rempli de polycopiés et de transparents qu'il utilise tout
au long de son cours.
Malgré le manque de temps pour développer des
points de la langue, l'enseignant s'assurait toujours qu'un point était
acquis, non par une évaluation à rendre mais par une constante
interrogation sur des documents (dessin, texte, documents sonores).
Je n'ai pas fait d'intervention en cours j'observais la
manière dont la leçon était dirigée.
Les salles de classes suivaient le schéma n° 1 qui
est présenté pour l'IEFE. Selon l'enseignant un cours ne peut pas
être bien mené s'il y a une estrade et si les apprenants ne se
voient pas. Nous sommes loin des méthodes traditionnelles ; les
professeurs le disent : nous sommes dans la proximité et la
priorité est donnée à l'interaction pour optimiser
l'apprentissage.
II. THEORIES DE L'APPRENTISSAGE
Qu'est-ce qu'apprendre ?
L'apprentissage est une notion très vaste, c'est
pourquoi dans cette partie je ne donnerai qu'un panorama général
en me limitant à ce qui touche à l'interaction : l'interaction a
une influence sur l'apprentissage et à l'inverse est influencée
par celui-ci ; c'est pourquoi il est important de décrire certains
aspects de l'apprentissage qui vont jouer dans l'interaction.
Selon le dictionnaire de didactique :
« L'apprentissage peut être défini comme
l'acquisition de connaissances et d'habilités définies
généralement en termes de savoir et de savoir-faire et la somme
de ce savoir et de ce savoir-faire participant à la construction des
compétences de l'apprenant ».
C'est ainsi que COÏANIZ (1996) définit
l'apprentissage comme « une praxis1 finalisée
c'est-à-dire qui vise à l'acquisition et à la
maîtrise d'un domaine » ; En effet, depuis les approches
communicatives de nombreux bouleversements ont eu lieu : l'acteur le plus
important dans la classe est l'apprenant, c'est sur lui, ses besoins, sa
personnalité que doit se fonder le cours, il ne dispense plus un cours
mais fait le lien entre une langue qu'il connaît et un public qui veut
l'apprendre : nous sommes dans l'apprentissage d'une compétence de
communication il ne s'agit plus d'enseigner des savoirs linguistiques mais des
savoirs-faire, on passe donc de l'évaluation de savoirs à
l'évaluation de ce que l'apprenant sait faire avec ce qu'il sait c'est
ainsi que la somme de ces savoirs et de ces savoirs-faire participe à la
création d'une compétence. Durant l'apprentissage
l'élève sera confronté à une nouvelle
réalité : il s'y adapte, résiste ou la refuse. Pour
enseigner il faut savoir quels sont les facteurs qui rentrent en jeu dans
l'apprentissage.
Les processus psychologiques
L'apprentissage est, en psychologie, un concept qui recouvre
deux aspects complémentaires : il y a une interaction entre un individu
et un milieu (ici institutionnel mais ce peut être un milieu social) et
il indique qu'il y a chez cet individu, adulte, un enrichissement de son
comportement (ici le langage) par l'ajout de nouvelles capacités ou la
modification des capacités antérieures. L'apprentissage du
langage a souvent été
1 Vient du grec
ðñáæéò, åùò
: action
interprété comme étant le résultat
d'une représentation mentale de l'environnement : de là est
née la psychologie cognitive, à la fin de la moitié du
XXème siècle.
Les processus psychologiques intervenant lors de
l'apprentissage sont très peu connus : les premières lois de
l'apprentissage telles qu'elles ont été établies au
XXème siècle sont le fait de la psychologie
béhavioriste. Mais très rapidement deux courants ont pris le
dessus : le courant cognitiviste qui a donné naissance à la
psychologie cognitive (venue des Etats-Unis) et une psychologie d'inspiration
Gelstatiste (née en Europe). La psychologie cognitive est une branche de
la psychologie générale qui étudie les processus mentaux
impliqués dans la mémoire, dont le langage. Ces processus mentaux
ont pour fonction le traitement, par étapes successives, de
l'information pour s'adapter le mieux possible à l'environnement
extérieur.
Actuellement, c'est la théorie de la gelstat qui
prédomine. Cette théorie affirme que l'enfant qui apprend sa
langue maternelle et l'adulte qui apprend une langue étrangère
vont développer les mêmes activités mentales : ils vont
apprendre par globalité. C'est comme cela qu'un enfant apprend à
parler et paradoxalement c'est la méthode la plus difficile à
enseigner. Voici un petit test que j'ai effectué sur des
étudiants de niveau A2 : je leur ai demandé de lire un texte dont
les lettres sont dans le désordre.
Malgré la difficulté que pourrait
présenter la lecture de ce texte dont les lettres sont dans le
désordre, les élèves ont réussi à lire et
à comprendre le texte avec autant de facilité qu'un
français, ne butant que sur les mots d'usage peu courant
(cerveau) ou trop longs (importante). Cela illustre bien que
les activités mentales qui conditionnent la lecture par globalité
fonctionnent aussi bien pour la langue maternelle que pour une langue
étrangère. Chaque individu est caractérisé par sa
propre manière d'apprendre : lorsque l'apprenant arrive dans une classe
de langue il a déjà un représentation de ce que sera
enseigné : à la fois le thème (ici la langue
étrangère) et la manière. Le groupe que je
suivais à lMEF fonctionnait par gelstat, je me souviens
d'une remarque de Philippe Perez : les apprenants connaissaient ses mimiques,
ils savaient reconnaître ses expressions face à une erreur et
d'eux-mêmes essayaient de les corriger et c'est une forme de Gelstat.
L'apprenant
Tout processus interactionnel d'apprentissage d'une langue met
en relation un apprenant, un contexte et une langue. La langue
étudiée est le français. Le contexte peut être
immersif ou institué : dans le cadre du stage les deux contextes
étaient mélangés, les apprenants suivaient des cours dans
un institut en France mais étaient en contact avec des personnes parlant
la même langue qu'eux, ainsi le contexte d'immersion dans le
français n'était pas toujours total et cela a une influence sur
l'apprentissage de la langue : le fait d'alterner ainsi deux langues
crée une rupture de continuité au niveau cognitif et
altère la rapidité d'apprentissage. Dans sa définition
première, l'apprenant est un terme qui désigne toute personne en
situation d'apprentissage. L'apprenant se veut comme central dans
l'enseignement : c'est en grande partie de lui et de sa réaction
à l'enseignement que viendra sa réussite ou son échec dans
l'apprentissage du français. L'apprenant est partie intégrante de
l'interaction sans interaction il n'est pas apprenant.
Les stratégies d'apprentissage
Contrairement à ce que dit la psychologie
béhavioriste, personne n'apprend de la même manière «
il n'existe pas une seule manière idéale d'acquérir
une langue, mais autant de manières que de types d'individus
»2, chaque individu construit sa propre interlangue en fonction
de ses capacités et de l'enseignement qu'il reçoit . Il n'existe
pas d'enseignement idéal : apprendre est un métier, il n'y a pas
de bonnes ou de mauvaises manières d'apprendre, il existe juste des
cheminements plus ou moins longs et plus ou moins difficiles, le temps que
prend l'apprentissage dépend de l'adéquation de la méthode
d'enseignement avec le profil cognitif de l'apprenant. Apprendre s'apprend :
l'enseignant doit aider l'élève à savoir comment il
apprend : c'est l'élève qui tire le char l'enseignant doit
être là pour l'aider à aller dans la bonne direction. J'ai
appris en cours et observé lors de mon stage que l'apprentissage est
déterminé par des règles : on n'apprend plus un
système linguistique, on apprend une culture dont l'oral est
dicté par un système linguistique. J'ai aussi remarqué que
l'enseignement est collectif mais l'apprentissage est
2 « L'apport des sciences du langage à la
diversification des méthodes d'enseignement des langues secondes en
fonction des caractéristiques des publics visés »,
ELA, 21, Paris, Didier, 1976, p. 64.
individuel : chacun apprend à sa manière.
L'enseignant doit aider l'élève à découvrir les
caractéristiques de son propre apprentissage :
« Il n'existe pas de progression idéale
définissable à l'avance d'après des critères
linguistiques mais autant de progressions que d'individus et de
stratégies d'apprentissage. En imposant une progression stricte
prédéterminée des données linguistiques on court le
risque de bloquer le processus d'apprentissage ».
ROULET3
Chaque société se caractérise par une
manière d'enseigner et une manière d'apprendre : quand
l'apprenant arrive en France pour suivre des cours de langue française
il a déjà une représentation pré-conçue de
ce que sera son enseignement. Il s'agit là d'habitus ou
héritages culturels qui jouent un rôle dans l'apprentissage,
chacun apprend la langue à sa manière, la difficulté dans
l'enseignement est d'uniformiser la transmission du savoir tout en tenant
compte de la personnalité de l'apprenant. L'apprenant se
réfère toujours à une stratégie d'apprentissage
connue qui est celle de sa langue maternelle.
Apprendre fait partie d'une situation interactionnelle dans
laquelle un objet d'apprentissage est mis en jeu et il sera
intégré ou non par l'apprenant. Il est important de dynamiser
l'apprentissage en reliant connaissance et pratique pour un apprenant pris
entre deux pratiques d'apprentissage.
3 « L'apport des sciences du langage à la
diversification des méthodes d'enseignement des langues secondes en
fonction des caractéristiques des publics visés »,
ELA, janvier-mars 1976, p. 56 dans COIANIZ A. Fautes et
itinéraires d'apprentissage en classe de français langue
étrangère
III. THEORIES DE L'INTERACTION
L'apprentissage est forcément interactif, ouvert
à l'imprévu, vigilant aux obstacles, il se situe dans un contexte
qui est le lieu d'émergence d'organisation cognitives et sociales en
constante évolution.
Selon Chomsky apprendre c'est se placer du côté
de la performance, chez Piaget c'est reconstruire intégralement la
langue et l'objet de l'apprentissage en considérant que, cognitivement,
le cerveau est vierge et que les facultés d'apprentissage
relèvent de la stratégie. Alors que selon Vigotsky,
l'apprentissage ne peut pas être fait sans un contexte ; il ne se
construit qu'en interaction avec le contexte (interactionnisme). Les processus
interactionnels constituent les premières étapes de processus
acquisitionnels : il faut créer et gérer en commun des
savoir-faire, du discours. C'est le concept Vigotskien d'apprentissage.
Les différents courants
C'est vers les années 1970 que l'on assiste à
l'émergence de ce courant disciplinaire et que les conversations
deviennent le centre de l'analyse des interactions. L'étude des
conversations a fait l'objet de nombreux écrits depuis la Renaissance
mais maintenant la recherche se place dans une optique scientifique
c'est-à-dire purement descriptive. L'analyse des conversations se trouve
à la croisée de nombreuses disciplines parmi lesquelles on
retiendra, dans le cadre de notre étude : la psychologie,
l'éthnosociologie et la linguistique.
L'interactionnisme dans le domaine de la psychologie est
surtout représenté par l'école de Palo Alto qui se base
sur le principe du « on ne peut pas ne pas communiquer ».
C'est en 1962 dans un article en réaction contre
Chomsky que Hymes expose son point de vue sur le langage et fonde
l'éthnographie de la communication : à l'inverse de la conception
chomskyenne selon laquelle savoir parler c'est être capable de produire
et d'interpréter un certain nombre d'énoncés bien
formés, il faut acquérir une compétence de communication
qui est la manière qu'a le sujet de bien parler en fonction des
situations culturelles spécifiques. L'accent est mis sur la valeur
culturelle des situations de communication : à l'inverse de Chomsky qui
parle de la société en terme de « communauté
homogène », l'éthnographie des communications observe
des interactions dans leur milieu naturel en tentant de donner des observations
objectives des données.
Parallèlement, ou en complémentarité de
ce domaine, Garfinkel parle d'éthnométhodologie lorsqu'il s'agit
d'étudier les méthodes qu'utilisent les membres d'une
communauté pour gérer les problèmes communicatifs. Dans ce
courant, va naître l'analyse conversationnelle dont l'objectif est de
décrire le déroulement des conversations quotidiennes en
situation naturelle.
Bien que la linguistique soit l'étude de la langue,
elle ne s'est intéressée que tardivement aux interactions. Au
début elle ne s'est intéressée qu'au système
abstrait de la langue, de productions courtes et monologuales. Depuis les
années 1980 on assiste à l'étude des discours «
corpus » authentiques et dialogués (non monologaux). On passe
à une description empirique de la langue : la théorie au service
des faits et non l'inverse.
La communication
La communication est un aspect de l'interaction car elle est
assurée essentiellement par la langue : elle met en scène un (ou
plusieurs) émetteur et un (ou plusieurs) récepteur. Pour qu'il y
ait communication il ne faut pas seulement que les « interactants »
parlent il faut qu'ils se parlent c'est-à-dire qu'il y ait un
échange et une influence mutuels. Ainsi dans l'interaction
face-à-face l'échange est coproduit et interactif dans
le sens où il y a un travail collectif. Dans la conversation on
distingue des interactions verbales et des interactions non-verbales :
celles-ci sont très importantes car il est plus facile pour un apprenant
de comprendre un interlocuteur « en vrai » que via une seule
écoute audio.
Une classe de langue étrangère est vue comme un
espace réduit régi par des règles sociales et
communicatives strictes dont le but est de maximiser l'apprentissage par la
garantie d'une bonne relation enseigner/apprendre. Dans la perspective
interactionnelle l'enseignant reprend une place centrale : c'est lui qui
mène la classe, il est agent et doit manipuler la conversation pour
maximiser l'apprentissage.
L'interaction en classe de langue est très
différente de la conversation quotidienne puisque la conduite et la
progression de ladite interaction dépendent du jugement de l'enseignant
sur l'échange qui vient d'avoir lieu alors que dans la conversation les
tours de parole viennent naturellement. La salle de classe est un lieu
où la manière et le but sont un seul et même objet : la
langue elle-même : on provoque un discours par le discours pour en saisir
les irrégularités, ainsi il est habituel de trouver à la
fin d'un échange, une séquence de reformulation d'un
problème de communication. Néanmoins il faut que
l'apprenant conserve comme objectif la pertinence de son
discours et pour cela il faut maintenir une communication réelle via des
tâches communicatives et une autonomie dans la gestion de son
discours.
C'est dans cette pertinence du discours, c'est-à-dire
l'adéquation entre l'intention de communiquer et les moyens
linguistiques mis en oeuvre, que va se constituer une « zone de
développement potentiel » où commencera
l'apprentissage.
C'est tout le paradoxe de l'apprentissage scolaire.
IV. ETUDE DE CAS
Dans une pratique de classe l'enseignant occupe trois fonctions
définies par DABENE4 : Informateur : il connaît le
français et il transmet une langue.
Animateur : il gère les séances de classe. Il
attribue les tours de parole, donne les consignes.
Evaluateur : il juge les productions orales des apprenants.
L'enseignant peut n'occuper qu'une de ces fonctions au cours d'un
moment de la classe mais cela ne veut pas dire qu'elles sont
indépendantes les unes des autres :
« [elles] peuvent être simultanément
remplies dans une séance de langue qui se caractérise par un
nombre élevé d'interactions verbales et par la mobilité
avec laquelle l'enseignant passe d'une fonction à l'autre »
CICUREL (1985).
Dans mon observation de la classe de langue de l'IMEF j'ai
trouvé plusieurs séquences où ces trois fonctions se
retrouvent sous la forme de stratégies d'enseignement : la validation
par la répétition, la reformulation et le traitement de l'erreur.
Je vais étudier ces trois stratégies d'enseignement à
travers diverses interactions tirées de divers moments de la classes
pour voir si ces méthodes sont transversales. Dans cette étude je
vais essayer de mettre en évidence ces stratégies d'enseignement
:
1) La validation par répétition : l'apprenant
prononce un énoncé correct, le professeur le reprend et le
répète une ou plusieurs fois pour le valider.
2) La reformulation : utilisation de la paraphrase ou des divers
niveaux de langue pour exprimer une même idée.
3) Le traitement de l'erreur : l'évaluation de l'erreur
ou feed-back (jugé important par Philippe Perez).
J'ai essayé de prendre divers moments de classe mais
dans un même exercice il y a plusieurs unités, on ne se limite pas
seulement à la résolution d'une consigne, on étend le
champ des possibilités. Tous les moments ne sont pas traités,
ceux choisis sont assez représentatifs de ce qu'était le
leçon de classe.
La partie sur la « situation de la séance
construite » correspond à la mise en place du contexte de
l'interaction. Quand l'intervention d'un interactant est
numérotée, la transcription suit les modèles d'une
transcription orthographique, les fautes de phonétiques sont
représentées sous la forme de phones.
4 DABENE L. « Pour une taxonomie des
opérations métacommunicatives en classe de langue
étrangère » Etude de linguistique appliquée
n°55, pp. 39-46.
1) La validation par répétition
Situation de la séquence construite : Les
apprenants, la veille, ont appris des adjectifs servant à décrire
le corps humain. Il doivent décrire une personne qui est projetée
au tableau sous la forme d'un dessin.
1 : Lucie: C'est une femme.
2 : Prof : C'est une femme. Oui ?. C'est une jeune femme
?
3 : Lucie et Tanja : Non.
4 : Prof : C'est une vieille ?
5 : Tanja : C'est une vieille femme.
6 : Lucie : (en même temps) Vieille femme.
7 : Prof : C'est une vieille femme. Autre possibilité
?
8 : Lucie : C'est une...âgée femme.
9 : Prof : C'est une femme âgée.
10 : Lucie : Femme âgée.
11 : Prof : Oui ? C'est une vieille femme, c'est une
femme...relativement âgée,...oui ? En tout cas une femme
d'âge mûr...oui ?. Heu...Philippe, elle est...elle est brune
?
Dans cette interaction l'enseignant mène la discussion
en posant des questions et en validant les réponses. L'erreur de Lucie
en 8 est corrigée directement, il ne s'arrête pas pour la mettre
face à son erreur, pourquoi ? si nous observons les
questions/réponses, on remarque que les interactants suivent la
structure de base de la phrase qui est sujet/verbe/complément, il n'y a
pas de superflu, les phrases sont courtes, la séquence se concentre sur
l'utilisation et l'acquisition du vocabulaire. A la fin de la séquence,
en 11, l'enseignant répète une dernière fois les mots de
vocabulaire, avant de changer de séquence il s'assure que tout est
acquis.
Situation de la séquence construite : C'est un
exercice d'expression orale. Les apprenants doivent décrire plusieurs
images qui racontent la vie quotidienne d'une dame. Sur l'image 7 cette dame
fait ses courses.
1 Prof : Elle s'entend ok...action...possible. Bien.
7.
2 : Roberta : Elle fait les ach[e].
3 : Prof : Elle fait les achats.
4 : Roberta : Les...les achats.
5 : Profs : Ok mais spécifiquement elle fait les...
?
6 : Roberta : Ah l[?] course.
7 : Prof : Oui elle fait les courses...elle fait les courses
où?
8 : Lucie : Au marché.
9 : Prof : Au marché.
10 : Philippe : Elle achète des fruits et
légumes.
11 : Prof : Elle achète des fruits et des
légumes c'est bien Philippe...ok...elle achète des fruits et des
légumes quoi d'autre ?:
Dans cette séquence on retrouve la même dynamique
que dans l'étude précédente : chaque parole est la plus
restreinte possible, il faut aller droit au but, l'enseignant ne s'arrête
pas sur l'erreur de Roberta en 2 ni ne la corrige en 6 ; Il ne les remarque pas
mais se concentre sur les synonymes et l'élargissement du vocabulaire
(5). Chaque réponse est rarement validée pas un « oui »
(5 et 7), il n'utilise presque pas la paraphrase, il répète ce
que vient de dire l'apprenant, pour valider la réponse : en associant la
proposition d'un(e) élève à sa propre parole, l'enseignant
légitime le discours de l'apprenant.
L'interaction est dynamique, vive, il faut limiter les points
morts, il faut sans cesse la relancer par des questions mais aussi par la
répétition qui valide les réponses : c'est essentielle
dans un courant qui se veut communicatif. L'enseignant doit solliciter
l'apprenant, il ne doit pas lui laisser le temps de trop penser dans sa langue,
dans ce type d'exercice les mots doivent venir naturellement, d'où la
faible importante consacrée à la correction des fautes.
L'interaction entretient l'interaction : elle continue et
s'auto-génère par le principe de la répétition.
2) La reformulation
Situation de la séquence construite : c'est un
exercice d'expression orale. Les apprenants doivent décrire plusieurs
images qui racontent la vie quotidienne d'une dame. Sur cette image la dame
fait la cuisine.
1 : Roberta : Elle fait la cuisine...elle fait le
...déjeuner.
2 : Prof : Elle fait la cuisine...bien. Sinon autres
possibilités que faire la cuisine ?
3 : Lucie : Elle prépare un...un repas.
4 : Prof : Elle prépare un repas...ok...autres
possibilités encore ?
5 : Lucie : Elle fait à manger.
6 : Prof : Voilà
7 : Lucie : Elle fait le petit déjeuner.
8 : Prof : Elle fait le petit déjeuner...elle fait
le petit déjeuner...elle prépare peut-être...elle
prépare le petit déjeuner hein ? elle fait la cuisine, elle fait
à manger, elle prépare un repas...ok. Philippe numéro 3
qu'est-ce qu'elle fait ?
La reformulation a pour but d'élargir le vocabulaire de
certains élèves, de permettre et de montrer aux étudiants
qu'il est possible de s'exprimer de différentes manières sur un
même sujet. Pour tester leur vocabulaire et connaître leurs limites
l'enseignant pose la même question « autres possibilités
» en 2 et en 4, c'est une stratégie d'enseignement qui m'a
fortement marquée, car en plus d'être omniprésente dans son
discours, elle relance le discours et élargit les possibilités :
ici elle se fait au niveau du vocabulaire mais elle peut se faire au niveau du
discours lui-même. A la fin de la séquence en 8, le professeur
fait un récapitulatif des différentes possibilités, il les
répète plusieurs fois et demande une validation de la part des
élèves « hein ? » il met en avant ce moment de la
leçon comme important et s'assure que tout est compris.
Situation de la séquence construite : Les
apprenants écoutent une cassette qui raconte un dialogue entre la dame
et une jeune fille qui la questionne sur ses activités.
1 : Prof : quelle est la question ? l'après midi
?...écoutez bien...
2 : Lucie et Tanja : vous faites quoi ?
3 : Prof : vous faites quoi ? autres possibilités que
vous faites quoi ?
4 : Tanja : qu'est-ce que vous faites ?
5 : Prof : bien. Qu'est-ce que vous faites ?vous faites quoi
? qu'est-ce que tu fais ?
6 : Lucie : tu fais quoi ?
7 : Prof : tu fais quoi ? c'est un question très
utilisée. Qu'est-ce que vous faites ? qu'est-ce que vous regardez :
qu'est-ce que tu manges ? autre possibilité ?
9 : Lucie : tu manges quoi ?
10 : Prof : je mange un banane ok bien.
Télévision, question ?
11 : Roberta : qu'est-ce que vous regarde ?
12 : Prof : qu'est-ce que vous ?
13 : Murmure
14 : Prof : qu'est-ce que vous ou qu'est-ce que tu ? ok
qu'est-ce que tu ?
15 : Roberta : regardes ?
16 : Prof : bien. Qu'est-ce que tu regardes ? autre
possibilité ?
17 : Lucie : tu regardes quoi ?
18 : Prof : tu regardes quoi oui ? qu'est-ce que vous
regardez ? vous regardez quoi 19 : oui ? liquide, question ?
20 : Philippe : qu'est-ce que tu bois ?
21 : Prof : qu'est-ce que tu bois ? autre possibilité
?
En regardant cette interaction on remarque deux formes de
reformulation à deux niveau, une porte sur le référentiel
et l'autre sur la formulation des phrases. La formule de départ est
« qu'est-ce que vous faites ? » les apprenants doivent d'abord la
reformuler à divers niveau de langue (2 et 6) et utiliser diverses
formules de questionnements (2, 4 et 6). L'apprenant travaille une
compétence linguistique (pronom, conjugaison et questionnement) et une
compétence socioculturelle (tutoiement, vouvoiement) j'ai
remarqué que cet enseignant travaille beaucoup sur le reformulation du
discours formel/informel. Ce travail constitue la base du français et
n'est pas toujours très bien enseigné. En 7 le professeur leur
propose le même exercice avec « tu manges quoi ? ». En 10 le
même travail est repris sur un autre élément, de même
en 18. Le professeur associe donc le travail de reformulation à un
contexte proche de l'apprenant : En faisant cela il apprend à
l'élève à poser différemment les questions et
lorsqu'il voit que l'apprenant a intégré ce fonctionnement il le
transfère sur d'autres domaines de la vie quotidienne
(télévision, liquide, nourriture). La transition se faisant
naturellement cela ne crée pas de rupture cognitive chez l'apprenant. La
seule erreur qui est observée en 11.
L'enseignant utilise une logique dans sa méthode
d'apprentissage. Chaque exercice utilise un type d'enseignement
prédominant. Dans cet exercice qui suit les séquences de la
partie 1 sur la répétition, Philippe Perez réutilise sa
méthode pour valider les réponses et y intègre un
système de reformulation sans porter grande attention aux erreurs.
3) Le traitement de l'erreur
Situation de la séquence construite : Les
apprenants, la veille, ont appris des adjectifs servant à décrire
le corps humain. Il doivent décrire une personne qui est projetée
au tableau sous la forme d'un dessin.
1 : Prof : Vous observez ici des images
et...heu...Roberta...c'est qui ? c'est qui Roberta ?
2 : Roberta : C'est un madame.
3 : Prof : C'est une ?
4 : Roberta : C'est une madame.
5 : Prof : C'est une madame ?
6 : Roberta : C'est une femme.
En 3 Le professeur met en avant une première erreur
d'accord : il reprend l'article au féminin et demande à
l'élève de compléter. Il ne dit pas à Roberta que
« madame » est féminin il la laisse faire le rapprochement
entre l'article qu'il reprend corrigé et le nom.
En 5 l'erreur est culturelle : le mot est français mais
dans ce contexte l'utilisation n'est pas correcte. Par l'interrogation
l'enseignant met en avant l'erreur sémantique mais ne la corrige pas.
Cette forme d'interrogation est la manière la plus fréquente de
mettre en avant une erreur.
Situation de la séquence construite : Les
apprenants, la veille, ont appris des adjectifs servant à décrire
le corps humain. Il doivent décrire une personne qui est projetée
au tableau sous la forme d'un dessin.
1 : Prof : Elle est blonde d'accord...heu...elle est...elle
est maigre ?
2 : Lucie : Non, elle est corpulent.
3 : (inaudible)
4 : Prof : Elle est rondelette.
5 : Lucie : Corpulent
6 : Prof : Corpu...elle est quoi ?
7 : Lucie : Corpul.
8 : Prof : Corpul ? Non...elle est ? Corpulente ?
9 : Lucie : Corpul[e].
10 : Prof : Corpul[e] ? elle est corpulente. Hein ? Elle
est corpulente. D'accord, ok. Alors ici regardez l'image 1...hein...l'image
numéro 1 et dites moi ce qu'elle fait, qu'est-ce qu'elle fait ? Il y
plusieurs possibilités, donnez moi le maximum de possibilités
dans l'image 1 : qu'est-ce qu'elle fait ?
La séquence inaudible ne nous permet pas de savoir
comment de corpulent le professeur a compris rondelette. Peut-être
s'adresse-t-il à un autre élève. Mais il ne note pas
l'erreur sur « corpulent » ce qui amène l'élève
à se répéter, pensant qu'elle est juste (5). Le professeur
en 6 reprend le terme pour le valider mais se rend compte que c'est une erreur
alors par l'intonation de la répétition « elle est quoi
» il signale qu'il y a une erreur sans la corriger ce qui amène
Lucie à reprendre son adjectif erroné qu'elle transforme en
« corpul » en 7. De nouveau elle se trompe. Le professeur reprend le
terme mais ne le valide pas 8, à la place il lui propose «
corpulente », une proposition qui est exacte mais l'étudiante
saura-t-elle reconnaître le mot et faire le lien entre sa première
proposition « corpulent » et son féminin « corpulente
». Lucie fait de nouveau l'impasse sur le mot (9). L'enseignant a mis en
avant la faute en 6 et en 8 et en 8 lui a proposé de valider le bon
terme mais visiblement cela fait trois fois qu'elle se trompe, ce n'est pas une
étourderie, elle ne maîtrise pas ce mot de vocabulaire. En 10
l'enseignant n'a pas d'autre choix que de lui donner la réponse qu'il
répète deux fois
Situation de la séquence construite : La
couverture du livre les mythes de la science est projetée au tableau.
Des titres de mythes sont présentés, les élèves
doivent les reformuler, c'est un exercice de grammaire qui suit une
leçon sur les possessifs.
11 : Prof : la terre oui ? donc le ministère de
l'environnement c'est le ministère qui ?
12 : Roberta : s'occup[e] d[e] tout
13 : Prof : s'occup[e] ?
14 : Roberta : s'occ[u]pe de (essaie de prononcer «
sauvegarder »)
15 : Prof : sauvegarder
16 : Roberta : sauvegarder
17 : Prof : oui ?
18 : Roberta :l'environnement
19 : Prof : c'est le ministère qui s'occupe...
20 : Roberta : qui s'occupe
L'erreur principale se situe ici sur la prononciation du verbe
« s'occuper de », la faute de prononciation, peut-être prise
comme une faute de temps de la part de l'enseignant : cette étudiante
italienne prononce, comme beaucoup d'italiens le [?] comme un [e]. Le
professeur réemploie le mot erroné sous la forme d'une
interrogation pour centrer la correction sur le verbe en 13. Mais
l'apprenante, en reprononçant sa phrase va se tromper sur le [y] :
Est-ce qu'il a un seuil où il considère que la prononciation
est 23
suffisante même si elle est partiellement
erronée, s'il y a un moment où l'autocorrection devient une
méthode d'enseignement ? Ne se concentre-il pas sur une erreur en
faisant le choix de laisser l'élève elle-même se corriger
(20) ?
Le traitement de l'erreur constitue une part très
importante de l'enseignement, pourtant au cours des interactions que j'ai
transcrites et celles que j'ai étudiées, ou même aux cours
auxquels j'ai assisté, les règles grammaticales
déjà étudiées sont rarement reprises, sous
prétexte qu'elles ont déjà été
étudiées, mais une faute est difficilement distinguable d'une
erreur. Le feed back est la « réaction » à un
énoncé erroné plus que l'évaluation d'une faute, il
peut se manifester sous plusieurs formes : le « non » strict qui est
à éviter face à un apprenant cela risquerait de provoquer
un blocage, une peur de la faute, la mise en avant de l'erreur par une
interrogation « corpul[e]? » ou bien la correction d'une partie de
l'erreur « une... ? », dans tous les cas il est essentiel que
l'apprenant sache où est la faute et pourquoi il la fait.
Conclusion
L'apprentissage naît de l'interaction entre deux
individus. La classe offre l'occasion unique d'observer les stratégies
d'interaction entre les individus. Elle est à la fois source et
matériel didactique. On peut assimiler une classe de langue à
« laboratoire de langue » dans lequel un enseignant fait passer un
message par diverses méthodes gestuelles ou orales.
Après avoir fait un rappel sur la manière dont
pourraient fonctionner un apprentissage et un apprenant, j'ai fait un bref
récapitulatif des théories de l'interaction ce qui est le sujet
de cette étude. De l'écoute des transcriptions j'ai trouvé
trois méthodes d'enseignement qui me semblent pertinentes : la
répétition, la reformulation et le traitement de l'erreur. Pour
chaque méthode j'ai essayé d'isoler des séquences qui
représentaient le mieux chacune de ces pratiques et j'ai décrit
la forme d'enseignement correspondant à la méthode. L'enseignant
laisse le temps aux élèves de s'habituer à une dynamique
de cours et d'apprentissage pour en intégrer une autre. Il
procède étape par étape. Il est difficile de cibler une
séquence pour un type d'interaction car il arrive que ces trois
méthodes d'enseignement se chevauchent dans un exercice. D'une
manière générale la méthode choisie dépend
du type d'exercice et s'il y en a plusieurs, il y en a toujours une qui
prédomine. Dans un exercice de description l'enseignant va
privilégier la validation des réponses par
répétition et la correction des erreurs, dans un exercice
où l'apprenant parle seul pour raconter un évènement il va
privilégier la correction des fautes et la mise en valeur d'un
vocabulaire qui pourrait être utile aux autres apprenants, et dans un
exercice d'expression orale qui vise au développement d'une
compétence référentielle il va utiliser une méthode
de reformulation.
Il n'y a pas d'enseignement parfait : un enseignement est fait de
méthodes de stratégies qui dépendent souvent de la
personnalité de l'enseignant.
Apprentissage
BAR-HILLEL Langage and information : selected essays on their
theory and application,
COIANIZ A. Fautes et itinéraires d'apprentissage en
classe de français langue étrangère, Montpellier,
université Montpellier III, 1996.
CORDIER F., GAONAC'H D. Apprentissage et mémoire,
Armand Colin, 2007
DUPOUX E. Language, brain and cognitive development ; essays
in honor of Jacques Mehler, Massachusetts institute of technology, 2001.
KLEIN W. L'acquisition de langue étrangère,
Paris, Armand Colin, 1989.
PIERRA G. « Langue fonctionnements, représentations,
enseignement et apprentissage » Colloque national des jeunes chercheurs
en sciences du langage, Montpellier, 1999.
PORQUIER R., PY B. Apprentissage d'une langue
étrangère : contexte et discours , Paris, Didier, 2005.
RICHTERICH R. Besoins langagiers et objectifs d'apprentissage, Paris,
Hachette.
ROBERT J.-P. Dictionnaire pratique de didactique du FLE,
Paris, Ophrys, 2002.
Communication et interaction
BATESON G., BIRDWHISTELL R. , GOFFMAN E. , HALL E.T. , JACKSON D.
, SCHEFLEN A., SIGMAN S. ET WATZLAWICK P. La nouvelle communication,
Paris, éditions du Seuil, 1981.
CICUREL F. Parole sur parole ou le métalangage dans la
classe de langue, Paris, clé international, 1985. CICUREL F., BONDEL
E. « La construction interactive des discours de la classe de langue
», Les carnets du Cediscor, Paris, presse de la Sorbonne nouvelle,
1996.
GAJO L. Immersion, bilinguisme et interaction en classe,
Paris, Didier, 2001.
KERBAT-ORECCHIONI C. La conversation, Paris, Seuil,
1996.
KRAMSCH C. Interaction et discours dans la classe de
langue, Paris, Hatier/Didier, 1991.
LAZAR J. 100 mots pour introduire aux théories de la
communication, Paris, Le Seuil, 2004. VION R. La communication
verbale, Paris, Hachette, 1992.
WATLAWICK P., HELMICK-BEAVIN J., JACKSON D. Une logique de la
communication, Paris, Hatier/Crédif, 1979.
|