CONCLUSION
En définitive, notre étude révèle que
plusieurs facteurs participent dans l'explication du phénomène de
la vente illicite des médicaments. Les causes de la vente illicite
des
médicaments ne peuvent être percues qu'en faisant
une approche holistique tant au niveau économique et social qu'au niveau
politique.
La vente illégale de médicament n'est pas
simplement l'apanage des catégories socialement
défavorisées. Elle est le lit oü se rencontrent plusieurs
catégories sociales et socio professionnelles. Cet état de fait,
explique la multiplicité des acteurs et fait de la clientèle de
Ç Keur Serigne biÈ d'une clientèle variée.
Nos résultats révèlent l'importance des
facteurs socio-économiques dans l'explication de ce
phénomène qui entretient le développement d'une
Çéconomie parallèle È. Pratique illicite, elle est
la résultante de plusieurs facteurs.
L'adaptabilité sociale des médicaments
: la vente illicite des médicaments est d'abord une
réponse sociale pour certaines populations défavorisées en
matière de soins médicamenteux mais aussi pour d'autres agents de
santé qui désirent ouvrir des cliniques ou une quelconque
structure sanitaire privée.
La vente illicite de médicaments atteste que les
pouvoirs publics peinent à assurer les besoins des populations en
matière de soins médicamenteux. Elle résulte
également d'une certaine défaillance des structures officielles
qui se traduit par des ruptures de stocks et un manque de certaines
spécialités. Ainsi face à cet état de fait, il
n'est pas étonnant que le système sécrète des
solutions de remplacement soutient D. FASSIN.
La dimension politico-religieuse: la
spécificité d'un espace comme Ç Keur Serigne bi È
montre la complexité des relations du politique et du religieux, du
pouvoir temporel et du pouvoir spirituel au Sénégal. Même
si ce n'est pas le pouvoir religieux, mouride qui régente cette
pratique, il est sans nul doute le protecteur des vendeurs. L'existence de
pouvoirs parallèles, légitimes (légitimité sociale
pour les marabouts et politique pour les pouvoirs publics), conduit l'Etat
à observer une toléranceÇdouceÈ quoiqu'on note des
déclarations d'intention et des condamnations. Elle dénote non
seulement que son démantèlement pourrait entra»ner des
frictions entre le pouvoir politique et le pouvoir
maraboutique(confrérique) mais aussi une perte de sympathie et de
soutien électoral du pouvoir en place de la part des mourides dont
l'effectif est considérable. L'Etat mêle ainsi
condamnation et tolérance à telle enseigne que la
frontière entre le légal et l'illégal, entre l'officiel et
l'officieux devienne immatérielle.
Le contexte socioéconomique: beaucoup
de catégories sociales trouvent un intérêt dans le trafic
illicite des médicaments car c'est aussi une stratégie
d'adaptation ou une solution de remplacement ou de rechange pour certaines
personnes qui aspirent s'insérer économiquement dans le secteur
informel face aux difficultés de trouver du travail.
Par ailleurs, L'approvisionnent des certaines
catégories socioprofessionnelles et particulièrement celles qui
sont supposées être les garants de l'ordre social, (policiers,
gendarmes) <<légalisent>> doucement ou implicitement cette
pratique vieille de plus d'un quart de siècle.
En sus, même si l'on ne peut affirmer que tous les
médicaments sont contrefaits ou ne contiennent pas leurs principes
actifs, il est évident que les conditions de conservation de ces
médicaments ne sont pas celles idoines si l'on sait que les
médicaments sont enfermés dans des caisses en bois tandis que
d'autres sont enfermés dans des <<magasins>> non -
ventilés alors que le lieu qui abrite le médicament ne doit pas
dépasser 25°c. L'incertitude et le mystère entourent donc le
médicament et notamment sa qualité. Mis à part cet
état de fait, le médicament se trouve manipuler entre des
<<mains inexpertes >>, << profanes>> qui <<
subtilisent >>, les compétences et rTMles des spécialistes
en la matière.
Cette étude révèle également que
<< Keur Serigne bi>> constitue un lieu de <<
recyclage>> de médicaments apportés soit par des personnes
ayant épuisé leur traitement, soit par des infirmiers ou
délégués médicaux. Toutefois, il faut noter que
l'écrasante majorité des médicaments provient des pays
voisins aux rangs desquels viennent: la Guinée Bissau, la Gambie et
certains pays d'Europe via les émigrés dans une certaine mesure.
A l'intérieur du pays, nous pouvons identifier des pharmaciens qui font
des sur commandes pour vendre finalement le surplus aux vendeurs de
<<Keur Serigne bi >>. Mais également, des infirmiers
ravitaillent ce marché parallèle en médicaments provenant
le plus souvent des dons humanitaires.
Toutefois, le trafic de médicaments à <<Keur
Serigne bi>> occulte celui d'autres
spécialités et plus particulièrement
celui du matériel d'équipement des structures sanitaires (que
nous n'avions jamais imaginé son existence à ÇKeur Serigne
bi È). Il s'agit: de lits d'hôpitaux, des tables d'accouchement,
tensiomètres, seringues, des pinceauxÉ que l'on ne peut savoir
que si l'on en fait la demande. Selon les vendeurs, ce matériel est
acquis par l'intermédiaire de personnels de santé.
Contrairement à ce que révèlent beaucoup
d'études, les infirmiers n'y viennent pas uniquement en tant que
approvisionneurs, ils y viennent aussi pour se ravitailler soit en
médicaments ou en d'autres spécialités médicinales.
Le marché de ÇKeur Serigne biÈ est donc une structure
d'approvisionnement, de distribution et de recyclage des produits
pharmaceutiques mais également il est un réseau parallèle
de spécialités médicinales.
En définitive, cette étude peut servir de
prétexte pour appréhender la relation qui pourrait exister entre
le commerce illicite de médicaments et l'automédication, une
autre réalité sénégalaise.
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