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Culture familiale et culture scolaire : approche socio-anthropologique. essai d'une contribution à  la compréhension des jeux enfantins pendant la récréation

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par Jean Oscar NGUILI
Université de Rouen - Master 1 2010
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION

Les jeux préoccupent tellement les enfants, au point où, l'on ne peut tenir un discours critique envers cette catégorie sociale, sans parler de jeux. Même les pédagogues s'en intéressent grandement dans leurs publications.

La vulgarisation du concept dans le champ intellectuel a progressivement tourné à sa relativisation. Ainsi de nos jours, parle - t- on vulgairement des jeux éducatifs, de la théorie des jeux, du jeu démocratique, du jeu de mot ou d'écriture.

Cette prolifération des conceptions basées sur le jeu ne doit pas pour autant nous distraire sur les « acteurs légitimes de cette grande activité » que sont les enfants. D'où s'initient-ils à cette pratique ? Comment se reproduisent ces jeux au sein de la « micro-société » enfantine ? Quel(s) savoir(s) ceux-ci peuvent- ils apporter à l'enfant ?

Nous avons essayé dans ce travail d'apporter notre contribution à la compréhension des jeux enfantins en milieu scolaire, et plus particulièrement pendant la récréation, un espace pendant lequel les enfants se retrouvent entre -eux, en toute autonomie.

Loin de tout regard suspect, nous avons observé pendant plusieurs mois les élèves de l'Ecole Publique de NKOLNDA (EPN), en situation de pratique. Ce qui nous a évidemment permis de peaufiner ce travail qui comprend quatre chapitres.

A la suite de cette introduction, c'est la problématique de l'étude, laquelle essaie de montrer notre façon à nous de poser le problème du jeu chez l'enfant. En suite, il s'agit de l'insertion théorique, c'est-à-dire, comment ce sujet est appréhendé dans le champ d'étude choisi, le troisième chapitre parle de la méthodologie, en d'autres termes les démarches que nous avons utilisées pour collecter les informations sur le terrain ? Et enfin le quatrième chapitre est réservé pour la présentation et l'interprétation des données collectées.

Nous avons emprunté des outils en usage en sciences sociales et particulièrement, en sociologie et en anthropologie, deux disciplines très proches.

Chapitre 1 : LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE

Nous présentons ici cinq grandes articulations de notre recherche, à savoir : la formulation du problème (1), la position du problème (2), les objectifs de recherche (3), l'intérêt de l'étude (4), la délimitation du sujet (5) et enfin des notes de lecture (6).

1.1. LA FORMULATION DU PROBLEME

Il nous est venu en idée de mettre en relation l'anthropologie et les sciences de l'éducation. Dans nos multiples observations de la sphère éducative camerounaise, il nous a été donné de constater que, dans la cour de récréation de plus d'une école primaire, les jeux pratiqués par les élèves n'étaient pas toujours enseignés dans les salles de classe. Toutefois, ceux-ci étaient soumis à un règlement et à une discipline rigoureuse dont les pratiquants seuls avaient la maîtrise.

Une étude exploratoire menée à l'Ecole Publique de NKOLNDA (E.P.N.) et au Groupe Scolaire Bilingue Saint Michel Archange de MINKAN (G.S.B.S.M.A.), deux établissements voisins, situés dans la banlieue sud de la cité capitale camerounaise, Yaoundé, nous a permis de constater que l'heure de récréation n'est pas seulement celle de la prise du goûter, mais surtout celle du défoulement et de la pratique des activités de toutes sortes.

Nous nous sommes approchés des élèves de ces établissements pour nous renseigner sur les origines et les acteurs de ces jeux pratiqués au vu et au su de tous les encadreurs. Nous avons été troublés par les réponses apportées :

- C'est l'ami qui nous l'a appris ;

- Nous avons gagné les CM2 hier ;

- Le plus fort est au CE2.

Considérer que les activités exercées par les élèves en récréation relèvent des seuls enseignements formels, serait avoir une vue partielle de cette grande activité qu'est le jeu chez l'élève. C'est dans ce sens que nous nous sommes proposé de comprendre d'abord, ce qu'est-ce le jeu et la récréation.

1.2. POSITION DU PROBLEME : COMPRENDRE LE JEU ET LA RECREATION

1.2.1. LE JEU

Le jeu est une activité physique et mentale qui n'a a priori d'autre but que le plaisir qu'elle procure. Le Dictionnaire du Français Primordial1 en donne quelques synonymes : amusement, divertissement, récréation, dans un sens plus vague, passe-temps, et en terme savant : « activité ludique ».

De nos jours, ce vocable évolue dans des directions spécifiques qui l'éloignent de tout contexte ludique. Des situations fortes diverses dans la vie quotidienne sont connues comme jeu, d'une façon directe, ou plus ou moins métaphorique. Ainsi parle t- on souvent de jeu politique ou démocratique, de jeu de mots, jeu d'écriture ou alors de jeu de rôle. On assiste même au développement de toute une théorie des jeux en sciences sociales2.

Cependant, l'idée que l'on se fait du jeu varie selon les auteurs et les époques. La façon dont on l'utilise et les raisons de cet usage sont liées. Pour BROUGERE G. : « Le jeu est aussi une structure, un système de règles qui existe et subsiste de façon abstraite indépendamment des joueurs, en dehors de son effectuation concrète dans un jeu entendu au premier sens. »3

Dans le contexte négro-africain traditionnel, les jeux étaient utilisés par les adultes comme techniques d'éducation. Ceux-ci étaient dilués dans toutes les activités de la vie sociale des enfants4. Par les contes, les devinettes, les proverbes enseignés au plus jeunes le soir autour du feu, les jeux constituaient un rite d'initiation pour les enfants. Dans les palabres, les vieux s'en servent encore des règles pour trancher les litiges.

Leurs contenus très riches et variés, touchent à la fois plusieurs disciplines : la langue, le chant, la géologie, la psychologie, la morale. Ces techniques d'éducation sont à la fois, un jeu et un exercice d'esprit. Elles supposent une connaissance très large du milieu, des noms de personnages illustres, des parties du corps, les caractéristiques des animaux et des plantes, les phénomènes naturels. Elles font appel à la mémoire, à l'imagination, à l'esprit d'observation et reposent sur les principes éducatifs suivants : le pédocentrisme, l'émulation et la démocratisation. L'enfant étant l'agent principal de l'enseignement, celui-ci est obligé de se surpasser pour trouver une réponse. L'apprentissage, tout comme le jeu est ouvert à tous les enfants du village ou du clan, sans discrimination.

Ce sont les mêmes principes éducatifs qui sont à la base des réformes entreprises par le gouvernement camerounais, visant à offrir aux enfants une éducation adaptée à leur milieu de vie. Ainsi, à la suite des états généraux de l'éducation, organisés en 1995, une loi d'orientation de l'éducation a été adoptée en 1998, servant de base pour l'élaboration de la stratégie sectorielle de l'éducation.

En attendant la mise en place définitive des réformes annoncées par le gouvernement camerounais, certains aspects de la vie scolaire restent flous. Il en est ainsi de l'organisation et du fonctionnement de la récréation, un moment pourtant privilégié de l'enfant à l'école. Même les chercheurs en sciences humaines n'étudient généralement les enfants que dans leurs relations aux adultes. Mais l'on sait peu de chose de se qui se vit entre pairs. A savoir, comment les enfants se débrouillent-ils lorsque les adultes leur laissent un lieu et un temps d'autonomie ? A l'école, la récréation est un moment privilégié pour ce type de recherche.

1.2.2. LA RECREATION

Par recréation le Dictionnaire Larousse 5, en définit comme le « temps de liberté accordé aux enfants pour jouer ». En France, l'article 4 de l'arrêté du 22 Février 1995 puis du 25 Janvier 2002 fixant les horaires des écoles maternelles et élémentaires dispose que « l'horaire moyen consacré aux recréations est d'environ 15 minutes par demi - journée à l'école élémentaire » ; l'article 11 du décret du 6 Septembre 1990 relatif à l'organisation et au fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires, mentionne expressément l'organisation du service de surveillance pendant la recréation. Un semblable rappel n'apparaît pas dans les textes réglementaires comparables pour les collèges et lycées. C'est dire combien le temps de la recréation peut être abordé comme l'une des caractéristiques de l'enseignement primaire.

La recréation est un moment pendant lequel la part belle est faite aux anciens jeux. Les indémodables, cordes à sauter et élastiques permettant aux filles de se défouler. Pour les garçons, le foot reste l'occupation phare de la recréation. Quant aux petits, ils apprécient d'avantage les jeux de mains ou tout simplement faire la course.

Actuellement, les billes sont à la mode, filles autant que garçons se bousculent pour montrer le trésor, la cour d'école est le lieu idéal pour les échanges. Quelques enfants apportent des nouveaux jouets ou idées, puis se sont tous les enfants qui adoptent ce nouveau jeu, les jeux subissent un effet de mode et disparaissent aussi vite qu'ils sont arrivés. Les jeux traditionnels sont revisités par de nouvelles règles. C'est le cas du loup, de l'épervier, de la police contre voleur ou encore de poule, renard. Malheureusement, les jeux pendant la recréation ont toujours été étudiés en termes de violences en milieu scolaire.

Compte tenu de ce qui précède, il importe pour nous d'orienter nos investigations vers des horizons nouveaux, à savoir; l'origine des jeux pratiqués par les enfants pendant la récréation, au vu et au su de tous les encadreurs éducatifs. Cette préoccupation principale suscite deux interrogations. Primo, Ces jeux permettent-ils réellement aux enfants d'acquérir des connaissances « autres », de manière à favoriser leur épanouissement en milieu scolaire? Secundo, comment s'organisent-ils pour réguler leurs jeux ? C'est-à-dire, à qui font-ils recours en cas de litiges. Ce sont les grands axes qui guideront nos objectifs.

1.3. LES OBJECTIFS DE RECHERCHE

Les objectifs de la recherche sont très utiles pour le balisage de la recherche. JAVEAU C. (1986 :87)6 écrit à ce sujet : « Il est souhaitable d'établir de manière adéquate ces bases théoriques de départ, ce qui permet d'orienter correctement la recherche des causes explicatives et /ou des motifs interprétatifs. »

Raison pour laquelle nous stipulons l'objectif général (OG) suivant :

OG : Montrer à la société globale, le lieu où s'élaborent les jeux des enfants, de manière à influencer le processus de socialisation de ceux-ci en milieu scolaire.

Cette étude dégage deux objectifs spécifiques (OS).

OS1 : Accentuer l'attention des encadreurs éducatifs sur le contenu pédagogique et didactique des activités pratiquées par les élèves en recréation.

OS2 : Amener les élus, les associations, les entreprises, les collectivités locales, les administrations publiques, les parents et responsables légaux des élèves, à créer les espaces ludiques et d'aménager les heures de loisirs pour les enfants à l'école.

Ce sont ces objectifs qui permettront au public cible de notre recherche de peser son intérêt.

1.4. INTERET DE L'ETUDE

Il s'agit à ce niveau de l'étude, d'indiquer ce sur quoi porte la recherche, tout en précisant ce qu'elle peut permettre à ceux qui y sont interpellés de réaliser concrètement.

Au niveau social, il s'agit de fournir aux parents, associations, enseignants et responsables des établissements un document permettant d'apprécier l'apport des activités de loisirs dans le processus d'apprentissage des enfants. Ce qui permettra de réviser leurs comportements vis-à-vis des enfants.

Au niveau académique. Il s'agit pour nous de valider une unité d'enseignement afin d'obtenir l'Attestation de Master 1 en sciences de l'éducation. Mais surtout, de contribuer modestement au processus d'autocorrection, chère à la science, en apportant un matériel neuf. Pour cela, il faut être prudent et bien délimiter le sujet.

1.5. DELIMITATION DU SUJET

Notre recherche s'inscrit dans le cadre des sciences de l'éducation et plus précisément, en sociologie et anthropologie. En effet, nos analyses vont porter d'une part sur les aspects sociologiques, c'est-à-dire, les groupes d'appartenance ethnique des enfants, et d'autre part, sur les aspects anthropologiques, à savoir, les jeux, considérés comme une institution sociale et qui remplissent une fonction en tant que totalité. Notre étude porte sur la population des élèves de l'Ecole Publique de NKOLNDA (EPN), du niveau 2, CE1 et CE2, dans la période de l'année scolaire 2009-10.

L'EPN a été retenu pour des raisons suivantes :

1. Sa proximité de la cité capitale camerounaise, YAOUNDE, notre lieu de résidence habituel. Soit à environ une vingtaine de kilomètres de celle-ci.

2. Son accessibilité, cette école est située sur l'axe routier qui mène à l'aéroport international de YAOUNDE-NSIMALEN, une route aménagée pour faciliter le trafic entre l'aéroport et la cité capitale.

3. Ses caractéristiques propres, à savoir, son appartenance au groupement bene, un sous groupe de l'ethnie béti7, majoritaire dans la région du CENTRE camerounais.

Comme toute école publique ici, elle est gratuite et ouverte à tous. Cependant, elle ne dispose pas d'espaces de jeu aménagées. Mais les élèves réussissent néanmoins à organiser des activités ludiques pendant la récréation. L'esprit d'ouverture des enseignants de l'EPN est l'un des atouts majeurs de son choix.

1.6. NOTES DE LECTURE

1. ROBERT (P.) : Dictionnaire du Français Primordial, 1980.

2. La théorie des jeux telle qu'elle est actuellement développée, est surtout la description de ce qui se passe lorsque les personnes interagissent rationnellement. Pour une bonne compréhension de cette théorie se référer à l'ouvrage de KEN BIMORE (1992) : Jeux et théories des jeux. Traduit du français par BISMANS (F.) et DAMASO (E.)

3. BROUGERE (G). : Jeux et Éducation, l'harmattan, 1995

4. Extrait des cours d'anthropologie professés par le Pr. MBONJI EDJENGUELE à l'université de Yaoundé I.

5. Dictionnaire Larousse, 1998

6. JAVEAU (C.): Leçons de Sociologie, Paris, Klincksick, 1986.

Chapitre 2 : INSERTION THEORIQUE DU SUJET

Ce chapitre aborde les aspects purement théoriques de notre recherche, en particulier la définition des conceptions problématiques (1), la revue de la littérature (2), la théorie explicative (3), les hypothèses de Recherche (4) et enfin les notes de lecture (5).

2.1. DEFINITION DES CONCEPTS PROBLEMATIQUES

La perspective d'étudier des structures permettant d'« apprendre en dehors de l'école » n'est pas une évidence. Pourtant, de nombreuses structures extérieures au système éducatif poursuivent des objectifs d'apprentissage et jouent un rôle social important. Si le milieu familial constitue de fait un lieu permettant « d'apprendre en dehors de l'école », le tiers lieu éducatif que constitue le temps des loisirs a cette caractéristique de poursuivre des objectifs d'éducation et d'apprentissage explicites en dehors du champ scolaire.

Ce domaine de pratiques éducatives, structuré essentiellement sous la forme de l'animation socioculturelle (POUJOL et MIGNON, 2005)7 a considérablement évolué sous l'influence des besoins sociaux pour investir aujourd'hui ce qu'il est commode d'appeler le périscolaire. HOUSSAYE J. (1998)8 montre qu' « envisager les loisirs organisés des enfants, c'est se trouver mêlé aux activités que l'on appelle périscolaire, parascolaire ou extra-scolaire ».

Bien que ces concepts soient intrinsèquement porteurs de questions problématiques, nous nous appuierons dans ce travail sur les définitions d'un texte français de 1998 sur l'aménagement du temps de l'enfant9. « En dehors du temps des apprentissages scolaires, qui relève de la responsabilité de l'éducation nationale, on peut en effet distinguer deux temps pour l'organisation d'activité.

- Le temps périscolaire, immédiatement avant ou après l'école, c'est-à-dire, le temps du transport scolaire, la période d'accueil avant la classe, le temps de la restauration à l'école, après la classe, les études surveillées, l'accompagnement scolaire, les activités culturelles ou sportives, le mercredi après-midi.

- Le temps extra-scolaire situé en soirée, le mercredi lorsqu'il n'y a pas classe, enfin de semaine et pendant les vacances ».

Au regard de cette approche définitionnelle, il apparaît clairement que les activités ludiques pratiquées par les élèves en période de récréation relèvent du domaine de l'éducation périscolaire. Avec cette particularité que les enfants y sont sous la responsabilité des enseignants. Dés lors, il nous revient de (re)visiter la littérature existante dans le domaine du jeu.

2.2. REVUE DE LA LITTERATURE

L'idée que l'on se fait du jeu varie selon les auteurs et les époques. Cette notion, comme l'ensemble du langage, fonctionne comme un contexte social. L'impact du jeu sur le phénomène de socialisation de l'enfant a fait l'objet de nombreuses études dans le cadre des sciences de l'éducation. Il y a un certains nombre d'auteurs qui ont essayé d'apporter leurs apports dans la compréhension des jeux africains comme exercices initiatiques. On peut citer entre autres, la thèse d'état du Professeur MBONJI EDJENGUELE10 (1992), mais aussi, les contributions des Professeurs NGA NDONGO V. et KAMDEM E. (1992) relatives aux jeux dans l'univers culturel camerounais.

Mais dans le cadre de ce travail, nous avons focalisé notre attention sur deux ouvrages significatifs qui nous ont permis de baliser notre travail. Il s'agit de :

? Jeu et Éducation de Gilles BROUGERE et,

? La Cour de récréation de Julie DELALANDE.

Pour des raisons de synthèses, nous avons préférer présenter ici un résumé de chaque ouvrage, à partir des extraits de texte élaborés par ces auteurs, à des fins marketings, et disponibles sur internet. Cela ne signifie pas que nous n'ayons pas effectivement consulté ces livres. Car nos appréciations suivront immédiatement.

2.2.1 JEU ET EDUCATION11

[« Comment sont pensées les relations entre jeu et éducation ? Qu'est-ce qui justifie de mettre ensemble ces deux notions ? Comment une activité jadis associée à la frivolité, à l'inutilité, a pu aujourd'hui être considérée comme une voie possible pour certains apprentissages. Refusant les propos convenus sur l'évidence de la valeur éducative du jeu, cet ouvrage analyse les différentes façons de penser cette relation et montre l'origine de la rupture au début du XIXe siècle, qui fonde l'association contemporaine entre jeu et éducation. Cette analyse, si elle s'appuie sur les rapports des différents auteurs, pédagogues, philosophes, psychologues, montre également, à travers l'exemple de l'école maternelle française, comment celle-ci a produit un discours sur le jeu tout à fait spécifique. Quand l'éducation se prend au jeu, c'est la façon même de penser le jeu qui en est profondément transformée. Pour BROUGERE, il n'est pas possible de s'intéresser au jeu dans la pratique pédagogique sans s'informer sur les fondements d'une telle association. »]

Cet ouvrage n'apportant pas un grand éclairage en ce qui concerne la cour de récréation. Nous nous sommes tournés vers celui de DELALANDE.

2.2.2. LA COUR DE RECREATION: CONTRIBUTION A UNE ANTHROPOLOGIE DE L'ENFANCE.12

[« Qui ne connait pas la cour de récréation pour l'avoir fréquenté étant tout petit ? Le brouhaha qui s'installe quand les enfants sortent, les jeux qu'on y pratique chaque jour et les histoires qui s'y passent ? Pourtant, peu d'études s'attachent à approfondir l'importance fondamentale de ce temps partagé entre pairs dans le quotidien de l'enfant. Julie DELALANDE propose ici une approche novatrice de la cour d'école et montre qu'elle fonctionne comme une « micro-société » où les élèves mettent en place des règles de vie qui dépassent largement celles qu'impose le jeu commun. Grâce à un travail minutieux d'observation basé sur la méthode ethnographique, elle décortique les formes de sociabilités enfantines et fait apparaître l'école comme un lieu de perpétuation d'un savoir enfantin.

Loin de déboucher sur une situation chaotique parce que non organisée par les enseignants, le temps de récréation révèle l'établissement par les enfants, de règles et valeurs qu'ils reprennent des adultes et s'approprient pour structurer leurs relations. Ce livre a aussi pour ambition de penser une anthropologie de l'enfance quasi inexistante. Il propose pour ce faire, une réflexion sur le statut des enfants de notre société en regard de celui qu'ils avaient autrefois, et compare à celui qu'on leur donne dans d'autres cultures.

Il participe par conséquent à une meilleure connaissance de l'enfant et à l'ouverture d'un nouveau champ de recherche. Le travail de Julie DELALANDE pose un regard original sur le monde enfantin qui stimulera la réflexion des professionnels de l'enfance en sortant des problématiques habituelles de la psychopédagogie. »]

2.2.3. APPRECIATIONS DES DEUX OUVRAGES

Loin de négliger ou de nier la pertinence des travaux de BROUGERE G. (1995) et DELALANDE J. (2001), une remarque s'impose cependant, ces recherches bien que complémentaires à notre travail, demeurent purement comme une simple théorie pour la compréhension des jeux enfantins en contexte négro-africain.

En effet, dans la pensée relationnelle négro-africaine, il n'existe pas d'espaces réservés ou mis à part pour la pratique des jeux. Ceux-ci sont dilués dans toutes les activités de la vie sociale de l'homme. Car l'on joue en travaillant et vis -versa.

Evoluant dans la sphère éducative, ces deux ouvrages nous ont permis de s'approprier le vocabulaire technique lié à notre champ d'étude. De mieux cerner les rapports qui existent entre jeu enfantin et éducation scolaire. Ce qui nous a permis de mettre en exergue le jeu comme un fait social chez BROUGERE et les cultures enfantines dans les cours d'école (DELALANDE).

2.2.3.1. LE JEU COMME UN FAIT SOCIAL

Après avoir constaté que : « Le jeu est une chose dont chacun parle, que tous considèrent comme évidente et que personne ne parvient à définir » (P.18). BROUGERE se demande comment sommes-nous passés de l'image du jeu comme activité futile à l'idée de sa valeur éducative ? Il en arrive à une première conclusion selon laquelle   L'idée que l'on se fait du jeu varie selon les auteurs et les époques, la façon dont on l'utilise et les raisons de cet usage sont liés.

Le constat de cette polysémie n'a pas pour fonction de jeter le discrédit sur un terme aussi usuel. Car bien des mots de notre langage s'accommodent de cette diversité, source de richesse et de souplesse autant que de difficultés. Pour lui, « La notion de jeu comme l'ensemble du langage fonctionne dans un contexte social. ». L'utilisation du terme doit dont être prise en compte comme un fait social. L'association contemporaine entre jeu et éducation qui a donné naissance au concept de « jeu éducatif » renvoie à l'image du jeu que l'on trouve au sein de notre société où il est utilisé.

Suivant les analyses de HENRIOT Jacques 13, dans sous couleur de jouer, pour qui, employer un terme n'est pas un acte solitaire mais sous entend un groupe social pour lequel ce vocable fait sens. Il révèle le fait selon lequel «  ...considérer qu'il y a jeu quelque part n'est pas un constat objectif sur la réalité mais l'émission d'une hypothèse, l'application à l'expérience d'une catégorie fournie par la société, véhiculée par la langue, instrument de la culture de cette société ». (P.19) Les analyses de BROUGERE et HENRIOT rejoignent celles de REYNOLDS P.C. 14. Pour qui, en termes de comportements, il n'y a pas de différence entre les activités ludiques et les autres. Seules les conséquences diffèrent. Pour lui, «  Le jeu tire ses configurations de comportements d'autres systèmes affectifs comportementaux. »

A titre d'illustration, BROUGERE fait remarquer qu'il y a jeu à partir du moment où l'enfant a appris à désigner quelque chose jeu. Il n'a pu le tirer de lui-même. Avoir conscience de jouer résulte d'un apprentissage, d'un dressage linguistique auquel l'enfant se trouve soumis dés les premières semaines de son existence. Raison pour laquelle la culture du groupe apparait comme un élément inducteur dans la compréhension de cette étude.

2.2.3.2. CULTURES ENFANTINES

Après avoir démontré que l'idée d'un savoir enfantin est largement admise par les anthropologues. Citant Arnold VAN GENNEP 15 qui écrit ceci : « L'éducation de l'enfant, son instruction verbale et agie, se fait surtout par les autres enfants, et sans qu'il s'en doute, par une contrainte morale. Il doit faire comme les autres : s'abstenir de «ce qui ne se fait pas», se soumettre à un code d'honneur qui oppose la société enfantine à celle des adultes, de la famille d'abord, puis des professeurs de toute sorte » (1943 : 167).

DELALANDE mène alors l'observation de cours de récréation, à l'école maternelle et élémentaire, celle-ci lui laisse apparaître une culture enfantine, ensemble de savoirs et savoir-faire, qui s'apprend au sein du groupe d'âge grâce à une complicité permettant l'initiation. Cette étude l'amène à considérer le savoir moins comme un moyen de devenir un adulte compétent que comme une nécessité pour s'intégrer au groupe de pairs. Son analyse pointe l'importance de l'entre-enfants dans les apprentissages culturels.

Le savoir ludique apparaît donc comme la partie la plus évidente, et sans doute la plus reconnue des adultes, des savoirs enfantins. Ceux-ci sont constitués des connaissances propres aux enfants ainsi que de celles transmises par les adultes et qu'ils se réapproprient en les mettant à l'épreuve entre pairs. Pour DELALANDE, tous ces savoirs et les savoir-faire qui les accompagnent font partie d'une culture enfantine, c'est-à-dire d'un ensemble de pratiques, de connaissances, de compétences et de comportements qu'un enfant doit connaître et maîtriser pour intégrer le groupe de pairs. Par exemple, les jeux de corde à sauter exigent une pratique et la maîtrise d'une technique, de règles, d'un vocabulaire. Leur culture partagée passe également par des références aux programmes télévisés, alimentant leurs discussions sur des vedettes admirées, de même que leurs jeux impliquent le renvoi à des héros d'un dessin animé.

La culture enfantine pour elle se construit en étroite relation avec un état de maturité physique et intellectuelle commun. Elle est, à l'échelle individuelle, évolutive, puisqu'elle change au fur et à mesure qu'un enfant grandit : il pratique d'autres jeux, il est mû par de nouvelles préoccupations, il nourrit des représentations différentes de son environnement. On peut encore lui associer le qualificatif de culture de passage, car en grandissant l'enfant la délaisse pour entrer dans l'adolescence puis dans l'âge adulte. Elle est une étape l'aidant à passer dans le monde des adultes en assimilant entre pairs les structures de notre culture.

Globalement nos appréciations nous ont permis de mettre en avant le jeu comme un fait social et le monde enfantin comme un univers d'apprentissage entre pairs des différents comportements sociaux. Mettant ainsi en relief le principe de reproduction sociale.

2.3. LA REPRODUCTION SOCIOCULTURELLE COMME THEORIE EXPLICATIVE

La théorie désigne toute construction de l'esprit qui rattache des conséquences à des faits. Elle révèle des lacunes dans nos connaissances et explique la cohérence des évènements. C'est dans cette optique que, OMAR AKTOUF 16 (1992 ; 16) définit la théorie comme « la réunion d'un ensemble de lois globale et synthétique. »

La théorie qui pourrait nous permettre de mieux interpréter les données collectées sur le terrain est celle de la reproduction socioculturelle appliquée au système scolaire. Dans un article intitulé « La signification des théories de la reproduction socioculturelle » paru en décembre 1986 dans le N° 110 de la Revue Internationale des Sciences Sociales, PASSERON fait le point sur cette argumentation théorique.

Selon lui, celle-ci fait référence à deux modèles de la reproduction sociale.

- Le modèle auto-reproductif de l'action scolaire ;

- Le modèle de la reproduction sociale.

Pour lui, ce sont deux modèles distincts de reproduction, le premier allant dans le sens d'une perpétuation de la culture académique et la fixation de ses caractéristiques, le deuxième, plus général en sociologie, permettant de comprendre, à travers la reconduction des avantages et des profits, des exclusions et des contraintes, les processus et les stratégies qui définissent les rapports entre les dominants et les dominés.

RENAUD Thomas, dans ses cours professés en sciences de l'éducation à l'université de Rouen estime que, le concept de reproduction est parfois et de manière erronée compris comme un mécanisme quasi biologique de reproduction des groupes (les ouvriers produisant des ouvriers). Cette reproduction sociale ou professionnelle stricte existe dans l'histoire des sociétés donnant l'image de la stagnation ou de la stabilité. Mais le concept de reproduction doit être perçu, de manière plus complexe et plus cachée comme une reproduction de la structure des rapports que les groupes entretiennent entre eux. Bien développée par l'école de Pierre BOURDIEU, cette analyse sociologique montre par quel système de mécanismes se maintiennent les rapports de dominations.

Le modèle de la reproduction sociale reste celui qui permet le mieux de mesurer les séries de processus intergénérationnels. RENAUD T. dans ses cours estime que la plupart des processus montrent l'importance du phénomène de reproduction sociale dans les lignées ou de reconduction des rapports sociaux entre les groupes ou entre les classes sociales. Et PASSERON lui-même affirme dans la même revue que « Le modèle de reproduction sociale est, en somme, un étalon pour mesurer les changements enregistrés pour conclure si oui ou non on est resté dans le même cas de figure, le même type de structure, et non pour fixer des écarts ou des relations entre des groupes ».

C'est sur la base de ces considérations théoriques que nous avons formulé nos hypothèses de recherche, en considérant les jeux enfantins comme un fait social total.

2.4. HYPOTHESES DE RECHERCHE

Une hypothèse de recherche est une « proposition que l'on soumet à vérification par l'épreuve des faits » (RICHELLE, 1998)17. Dans le cadre de notre travail, l'Hypothèse Générale (HG) est la suivante :

HG : les jeux pratiqués par les enfants en milieu scolaire sont une reproduction des comportements sociaux.

Deux hypothèses secondaires (HS) se greffent à la générale :

HS1 : la maitrise des règles de jeu enfantin est un moyen de socialisation de ceux-ci.

S2 : En cas de litige au cours du jeu, les enfants font recourt au couple d'enseignants semainiers.

Il importe de mettre en place des outils de collecte aptes à restituer les réalités du terrain.

2.5 NOTES DE LECTURE

7. POUJOL (G.) et MIGNON (J-P.) : Guide de l'animation socioculturelle, Dunod, Action sociale, 2005.

8. Dictionnaire LAROUSSE, 1998.

9. Guide de l'accompagnement à la scolarité, 2001

10. MBONJI EDJENGUELE : Contribution à l'étude des jeux camerounais comme exercice initiatique, Paris, Vil, Doctorat d'Etat, 1992. Puis NGA NDONGO V. et KAMDEM E. : Le jeu dans l'univers culturel camerounais. Contribution à une analyse des pratiques ludiques traditionnelles comme exercices initiatiques, 1992. Ces livres contribuent à mieux comprendre l'impact des jeux sur le phénomène de socialisation.

11. BROUGERE (G.) : jeu et éducation, l'Harmattan, 1995. Nous avons régulièrement consulté ce livre sur le site : http://books.google.cm/books?id=MJODA5xKzWoC&printsec=frontcover&dq=jeu+et+%C3%A9ducation+broug%C3%A8re&hl=fr&ei=uLteTJjcDMuTjAfL1rzxAw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CCYQ6AEwAA#v=onepage&q&f=false. Nous restituons ici le résumé du livre tel que présenté sur la quatrième de couverture et disponible sur le site : http://www.amazon.fr/Jeu-%C3%A9ducation-Gilles-Broug%C3%A8re/dp/2738433839

12. DELALANDE (J.) : La cour de récréation : Contribution à une anthropologie de l'enfance, Rennes, PUR, 2001. Ce résumé est disponible sur http://www.ordp.vsnet.ch/fr/resonance/2004/juin/delalande.htm

13. HENRIOT (J.) : Sous couleur de jouer - La Métaphore ludique, Paris, José Corti, 1989, cité par BROUGERE (G.), (1995, P.9).

14. REYNOLDS (P.C.) : « Play, language and human evolution », 1972, cite par BRUNER J.S.: « L'ontogénèse des actes de langage », in Journal of Child Language, 1975, 2, 1-9, Cambridge, tr.fr. In Le Développement de l'enfant, savoir faire, savoir dire, Paris, PUF, 1983, P223-224

15. VAN GENNEP (A.), « Introduction générale. Du berceau à la tombe. Naissance, baptême, enfance, adolescence, fiançailles », Manuel de folklore français contemporain, t. 1, première partie, Paris, Picard, 1943

16. AKTOUF (O.) : Management and theories of Organisations in the 1990s: toward a critical radical humanism? Academy of Management Review, 1992

17. RICHELLE (M.) : Dictionnaire de psychologie, Paris, 1998

Chapitre 3: APPROCHE METHODOLOGIQUE

Nous présentons ici l'approche méthodologique, en trois points essentiels. La Population (1), l'échantillon (2), les techniques de collecte et d'analyse des données sur le terrain (3) et enfin les notes de lecture (4).

3.1 LA POPULATION

La population d'étude est un ensemble de sujet sur lesquels un chercheur voudrait mener des enquêtes ou investigations. En sciences sociales, on distingue trois types de populations :

· la population cible;

· la population accessible;

· la population parente

3.1.1. LA POPULATION PARENTE

Elle désigne la population de base. C'est-à-dire, la population générale qui intéresse le chercheur et qu'il souhaite couvrir pour les besoins de son enquête.

Dans le cadre de notre étude, la population parente est l'ensemble des élèves pratiquant des jeux pendant la récréation dans les écoles primaires du Cameroun.

3.1.2. LAPOULATION CIBLE

C'est celle sur laquelle le chercheur désire appliquer les résultats de ses analyses parce qu'elle est une partie de la population disponible au chercheur. Celle de notre étude est représentée par les enfants pratiquant les jeux dans les écoles primaires de l'univers culturel béti18.

3.1.3. LA POPULATION ACCESSIBLE

Elle est considérée comme un sous ensemble de la population cible disponible au chercheur. Dans le cadre de cette étude, la population accessible est l'ensemble des élèves du CE1 et CE2 de l'EPN, représenté dans le tableau ci-dessous.

Tableau n°1: Répartition de la population accessible.

Classe

Effectif

Pourcentage

CE1

35

43,2

CE2

46

56,8

Total

81

100

Sources: Ficher des élèves de l'EP de NKOLNDA.

C'est à partir de cette population accessible que nous avons tiré notre échantillon.

3.2. ECHANTILLON

L'échantillon est un ensemble de sujets sélectionnés à partir d'une population bien définie.

3.2.1. CONSTITUTION DE L'ECHANTILLON

Nous référent sur les observations et entretiens effectués pendant la récréation, nous avons constitué une base de sondage pour l'administration de notre questionnaire, en classant les élèves en fonction des activités pratiquées.

Ceci nous a permis de rassembler les cas dont on avait besoin dans une seule classe, le CE2 et de tirer là notre échantillon. Vu l'indisponibilité du CE1 au moment de la passation du questionnaire.

Tableau n° 2 : Délimitation de l'échantillon.

Classe

Population

Echantillon

pourcentage

CE1

35

0

0

CE2

46

46

100

Total

81

46

100

3.2.2 TAUX DE SONDAGE

Taux de sondage = Échantillon souhaité x 100

Population

Notre échantillon souhaité est de 46 enfants (taux= 46x100 = 56,79)

81

Ceci nous a permis de vérifier la représentativité de notre échantillon par rapport à la population. Et surtout de préparer les outils de collecte des données.

3.3. TECHNIQUE DE COLLECTE ET D'ANALYSE DES DONNEES SUR LE TERRAIN

La technique est un outil ou un instrument permettant la collecte ou le traitement des données empiriques nécessaires à la vérification des hypothèses. Pour la collecte du corpus relatif à cette étude, nous avons opté pour les techniques suivantes : la recherche documentaire, les observations, les entretiens et le questionnaire.

3.3.1. LA RECHERCHE DOCUMENTAIRE

C'est le point de départ de toutes nos investigations, ces résultats ont permis de baliser l'ensemble de cette étude. Pour parvenir à la réalisation de ce travail, nous avons tout d'abord consulté nos cours, avec un approfondissement sur Internet. Ensuite, nous avons exploité les rapports de recherche, les bulletins d'informations, les lois, décrets et circulaires relatifs au fonctionnement et l'organisation de la sphère éducative. Ce sont ces lectures qui nous ont permis de mieux situer notre problème et déterminer son originalité.

3.3.2 LES OBSERVATIONS

Les observations sont un moyen permettant au chercheur d'explorer un champ sans y laisser trop de lacunes. Dans le cadre de ce travail, nous avons fait recours à plusieurs types d'observations.

Tout d'abord, l'observation naturaliste, où nous avons essayé de nous infiltrer dans le site de recherche, pour y « voir sans être vu » le phénomène à étudier ; tout en essayant de diminuer la distance sociale observateur/observé. Il s'agissait aussi pour nous de mettre en place les conditions des observations ultérieures et surtout de recenser le matériel nécessaire pour cette opération.

Ensuite, l'observation directe, où nous avons regardé et écouté les élèves en action sans pour autant s'adresser à eux. Et enfin l'observation armée n'a pas été possible, car elle troublait les enfants. Le contenu de ces observations nous a servi de matière de base pour les entretiens.

3.3.3. L'ENTRETIEN

Dans cette étude, il s'est agit d'entretiens face à face, d'usage apparemment facile, cette méthode de recueil des données est largement utilisée en sciences sociales (BLANCHET A., 1995)19. Il était question ici de centrer le discours des personnes interrogées autour des différents thèmes définis par les observations et consignés dans un guide d'entretien semi directif. Cette méthode nous a permis ainsi d'avoir des informations sur la désignation réelle des jeux étudiés et plus particulièrement sur les règles de ceux-ci. L'ensemble de ces données recueillies a été complétée par un questionnaire.

3.3.4. LE QUESTIONNAIRE

Nous avons utilisé le questionnaire comme technique de données. Nous avons répartis notre questionnaire en trois parties.

- la correspondance adressée au répondant visant à lui expliquer le bien fait dudit questionnaire;

- l'identification sommaire du répondant

- la formulation de la question fermée ayant trait à la personne ressource sollicitée par l'enfant en cas de litige, au cours des jeux pendant la récréation.

3.3.4.1. ADMINISTRATION DU QUESTIONNAIRE

Nous nous sommes d'abord dirigés vers le directeur de l'EPN, auprès duquel nous avons eu l'autorisation de passer notre questionnaire, après convocation dans son bureau de la responsable du CE2. La deuxième classe, celle du CE1, étant indisponible, leur maîtresse était permissionnaire pour des besoins de célébration du cinquantenaire de l'indépendance du Cameroun. Ensuite, nous nous sommes dirigés dans la salle de classe pour distribuer le questionnaire à l'échantillon.

Après avoir distribué le questionnaire, nous leur avons expliqué le contenu afin qu'ils n'aient pas de difficultés de compréhension. Pendant qu'ils répondaient aux questions, nous passions dans les rangées en jetant des coups d'oeil et en donnant d'avantage des explications.

Une fois les données collectées sur le terrain, nous avons procédé au traitement manuel de celles-ci, en dénombrant les fréquences observées recueillies. Celles-ci nous ont permis de dresser les tableaux statistiques. Nous avons utilisé le principe de distribution d'échantillonnage pour évaluer avec plus ou moins de précision les proportions que seraient susceptibles de prendre notre échantillon. La formule qui s'applique est la suivante :

Echantillon = (valeur du z au seuil de confiance fixe) x ecart-type du pourcentage de l'echantillon.

% dans l'échantillon x (100 - % dans l'échantillon)

Effectif de l'échantillon

Avec Ecart - type de l'échantillon =

En dehors de la recherche documentaire qui s'est faite à l'aide des investigations sur les auteurs ayant publié des ouvrages relatifs au jeu et la récréation. Nos enquêtes se sont déroulées pendant la récréation, entre 10H et 10H30, selon les jours ouvrables. Ce qui nous a permis de collecter un corpus important.

3.4. NOTES DE LECTURE

18. Selon madame BAPOLA Florence, enseignante des niveaux 1et 2 depuis 20 ans, à la fondation Scolaire AHANDA, YAOUNDE, « Les enfants béti, un des groupes ethniques dominant de la région du CENTRE - Cameroun, sont mieux outillés que les autres, à l'écrit comme à l'oral. Ceci grâce au passé colonial qui leur a légué des dictionnaires en langues locales. » Interview réalisé le 01/08/2009 à EMOMBO-YAOUNDE.

19. BLANCHET (A.) : L'entretien dans les sciences sociales, Paris, Dunod, 1995

Chapitre 4 : PRESENTATION ET INTERPRETATION DES DONNEES

Plus besoin de revenir sur la définition de la recréation dont nous avons largement présenté les contours dans le premier chapitre. Cependant comme le confirme DELALANDE Julie20 « La  récré est loin d'être un espace hors normes. À travers les jeux et les conversations se transmet toute une culture enfantine, faite aussi de règles sociales et d'apprentissages par les pairs, grâce auxquels chaque enfant est à même de construire son identité. ».

Dans ce chapitre, nous allons essayer de restituer, in fine, l'intégralité de nos investigations menées à l'Ecole Publique de NKOLNDA, une banlieue de la ville de Yaoundé. Lesquelles nous ont permis de dégager quelques aspects intéressants des activités périscolaires, notamment, les origines des jeux enfantins pratiqués pendant la recréation (1), de jauger l'impact de ceux-ci sur l'apprentissage de l'enfant (2) et surtout de s'interroger sur le mode de régulation des conflits entre pairs (3).

4.1. LES ORIGINES DES JEUX ENFANTINS DE RECREATION

A l'école, les recréations sont un moment privilégié dans l'emploi de temps des enfants. La preuve est que, une fois que la sonnerie retentit, ils poussent tous un cri de joie : « wéééh ». Réaction observable surtout au niveau 1 (SIL et CP).

Ainsi, la recréation leur permet de construire chaque jour les habitudes de jeu, des nouvelles relations d'amitié et d'amour. Ce que nous appelons en sociologie, une expérience collective de la vie en société. Au regard des différentes données recueillies sur le terrain, l'on pourrait penser que les apprentissages ludiques et sociaux se font des aînés vers les cadets. Les plus jeunes qui arrivent à la cour, commencent toujours par observer les grands, par emprunter leur manière de faire, par se plier aux règles explicites et implicites qui distribuent l'espace.

Mais, en général, tous les jeux ne permettent pas à tous les pratiquants de jouer les mêmes rôles. C'est le cas de « Papa et maman », ceux-ci doivent se recruter parmi les plus âgés ou les plus aptes du groupe. Par ailleurs, les enfants du niveau 2, CE1 et CE2, qui ont focalisé notre attention sur le terrain, nous ont fait savoir qu'ils jouaient rarement avec ceux du CM. Ce qui signifierait que les apprentissages se font dans un deuxième temps au sein du groupe de pairs. En particulier, la transmission des techniques et les règles de jeux y sont acquises. C'est avec ses camarades qu'en jouant, on apprend, on enrichit et on transforme.

Un autre fait caractéristique, c'est le fait que chaque groupe de joueurs essaie de modifier les règles de jeu à sa convenance et les personnalise pour en faire son jeu. Nous avons interrogé Bibiche, une élève du CE2, en présence de sa mère (Maman C), au sujet des origines du ndochi, un jeu qui fait la une dans les cours de recréation des villes et même des campagnes camerounaises, celle-ci nous a répondu qu'elle ne sait pas exactement où elle a appris ce jeu. Quelques instants plus tard, nous avons interrogé sa mère sur le même sujet. Celle-ci, nous a fais savoir que c'est sa fille qui a introduit ce mot à la maison, elle-même ignorait la portée et les règles de ce jeu.

Cette réponse nous amène à croire que les jeux des enfants ont une pluralité de sources d'inspiration et que les adultes, eux-mêmes finissent par apprendre auprès des enfants certains aspects de la culture : La culture enfantine. D'où la nécessité pour nous de (re)visiter un des aspects de celle-ci, à travers l'étude des jeux des élèves pendant la recréation.

Dans la suite du travail, nous allons essayer de mettre en exergue les éléments constitutifs du jeu et qui entrent en considération dans l'apprentissage.

4.2. JEUX ENFANTINS ET APPRENTISSAGE

Généralement, les chercheurs en sciences humaines étudient les enfants dans leurs relations aux adultes. La sociologie de la famille et de l'école les insère dans un contexte d'analyse des relations éducatives. Domine alors un point de vue « adultocentrique »,21 lequel consiste à chercher comment le jeune individu devient un adulte compétent. Mais l'on sait peu de chose de ce qui se vit entre pairs. C'est-à-dire, comment les enfants se débrouillent -ils lorsque les adultes leur laissent un lieu et un temps d'autonomie ?

La prise en compte de ce constat, nous a permis d'observer les jeux pendant près de quatre mois à l'école publique de NKOLNDA. Pour faciliter nos entretiens avec les enfants, nous nous sommes présentés à eux comme un apprenant, ce qui nous a permis de se familiariser avec certains d'entre eux, au point de se rendre dans leur domiciles respectifs.

4.2.1. PRESENTATION DES JEUX ETUDIES

Nous avons assimilé plusieurs jeux sur le terrain, et parmi ceux-ci, nous avons retenus, le ndochi, le mariage à la fronde et la déclaration de guerre. Trois jeux qui font la une ces jours dans la cour de recréation de l'école Publique de NKOLNDA et dont les règles contribuent à étayer les objectifs de notre recherche. Nous livrons ici, in extenso, le contenu de nos fiches d'observation par jeu. Celles-ci comprennent les articulations suivantes : Le numéro d'ordre du jeu, le nom, le matériel utilisé, le but du jeu, l'effectif minimal pour qu'une partie de jeu ait lieu, la participation par genre, la préparation du jeu et les règles de fonctionnement de celui-ci

Tableau N° 3 : Le ndochi

Jeu N°1

Nom du jeu 

ndochi (babouches)

Matériel 

les babouches et un ballon

But du jeu 

ranger les paires de babouches tout en évitant de se heurter au ballon en mouvement.

Nombre de joueurs minimum 

3

Répartition par sexe 

Majoritairement les filles et accessoirement les garçons

Préparation du jeu :

constitution de deux équipes ayant chacune à sa tête une mère. Le reste des participants se mettent par paire d'enfants et selon un ordre chronologique de proclamation. Il revient aux mères de « couper » les couples et de choisir ceux qui feront partir de leur famille. Si le nombre de joueurs est impair, la dernière personne devient passe partout, c'est -à dire qu'il joue pour les deux groupes. En suite délimitation de l'aire de jeu.

Règles de jeu 

2. Positionnement des différentes équipes sur l'aire de jeu (un lanceur de chaque côté appartenant à la deuxième équipe). La première mère choisit celui qui va au milieu pour défendre son équipe. Au début du jeu, les deux premiers lancers ne comptent pas. Au troisième lancer, les lanceurs se mettent à viser le joueur qui se trouve au milieu. Celui-ci cherche à éviter l'obstacle (le ballon) ou alors s'emploie à le saisir pour le propulser le plus loin possible. Pendant que les ramasseurs vont récupérer le ballon, le « joueur central » range les babouches, les compte avec les pieds, puis les remets tels qu'elles étaient au départ. Réaliser un tel parcours signifie que l'on a marqué un point ou un but, ce qui donne droit à un surplus de jeu pour l'équipe. Un tel exploit est sanctionné par une salve d'applaudissements venant de toute part.

3. Si le joueur central est atteint par le ballon, sans toute fois le saisir, celui-ci est appelé à sortir, car il a perdu la partie. Un tel échec est sanctionné par des réactions diverses : C'est la déception pour ses co-équipiers et la joie pour l'équipe adverse qui envoie à son tour son représentant au milieu.

4. Le « passe partout » n'a pas droit au but, il ne peut pas marquer de point. Il peut classer, compter et ne peut tout  «  gâter ».

Tableau N°4 : Le mariage à la fronde.

Jeu N° 2

Nom du jeu 

Le mariage à la fronde

Matériel 

la fronde

But du jeu

 attribuer une femme ou un mari au joueur.

Nombre de participants 

minimum 3

Répartition par sexe 

filles et garçons

Préparation du jeu :

Mise en place de l'ordre de passage des familles

Règle de jeu :

1. Deux personnes tiennent chacun un bout de la fronde et la font tourner en rond (c'est-à-dire en spirale). Le troisième joueur entre au milieu et se met à sauter. Pendant ce temps, tout le monde se met à réciter l'alphabet français, au rythme des bonds.

2. A la lettre de l'alphabet qui correspond à la chute du joueur du milieu, c'est-à-dire, quand ce dernier piétine la fronde, on lui attribue toute suite un prénom (de femme si c'est un homme et d'homme si c'est une femme), commençant par la «  lettre de chute ». En suite le joueur reprend une autre partie, celle-ci est rythmée par la « formulette » suivante : « Monsieur/madame X, voulez-vous épouser Madame/monsieur Y ?

Si c'est oui, c'est l'expérience. Si c'est non, c'est de la souffrance. Dis-moi oui, dis- moi non, dis-moi si tu l'aimes. (Bis)

Oui/non, oui /non...

2. La sanction est donnée par la seconde chute du joueur au milieu (oui/non).

3. Si c'est oui, on établit une relation de partenariat sexuel entre le joueur et le(s) porteur(s) de ce prénom dans le quartier ou le village.

Tableau N°5 : Déclaration de guerre

Jeu N° 3

Nom du jeu 

Déclaration de guerre.

Matériel 

Un ballon.

But du jeu 

Nombre de joueurs

annexer le territoire autrui.

Minimum 3.

Répartition par sexe 

filles et garçons (en majorité)

Préparation du jeu 

Tracer un cercle, le diviser en n portions (en fonction du nombre de joueurs) et chacun donne un nom de pays à sa portion. Lequel est ensuite inscrit sur l'aire de son territoire.

Règle de jeu :

a) Chaque joueur est désigné par le nom du pays qu'il a choisi. Le premier à déclarer la guerre va au milieu et lance le ballon le plus haut possible et dit : «  je déclare la guerre contre X (nom du pays) », pendant ce temps les autres prennent fuite. Le pays attaqué reste sur place pour capter la boule. S'il capte la boule, il déclare la guerre à son tour à un autre pays de son choix.

b) Si la boule touche le sol, il la ramasse et dit « stop » puis il cherche à lancer la boule sur n'importe qui.

c) Si cette boule touche un joueur celui-ci voit son territoire annexé, en partie ou en totalité par le lanceur.

d) Si ce ballon ne touche personne, n'importe qui peut le ramasser et aller annexer le territoire de celui qui l'a visé.

e) Le vainqueur du jeu est celui qui a étendu le plus largement possible son territoire.

4.2.2. INTERPRETATION SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE DES JEUX ETUDIES

- Le numéro d'ordre.

L'ordre d'apparition des jeux ci-dessus énumérés doit être perçu comme un code et non comme une échelle de grandeur. Si tel était le cas le foot chez les garçons et les claquettes chez les filles occuperaient les premières marches du podium. Il serait plus judicieux de mieux scruter la dénomination pour avoir quelques éléments d'analyses.

- La désignation du jeu

Chaque jeu enfantin est désigné par un nom, lequel renvoie au contenu de l'activité exercée, mais surtout à un fait social précis : la guerre, le mariage, la sécurité. Nous avons fait le tour de la ville pour obtenir une signification convaincante du nom ndochi (jeu N° 1). C'est finalement EDUBE, un de nos informateurs du quartier EMOMBO, qui nous a fourni une explication acceptable. C'est un mot qui viendrait du pidgin 22 «  doging » et qui signifie en anglais courant « escaping », c'est-à-dire, s'échapper. Les béti le prononceraient mal  sous le vocable : « ndochi ».

La désignation d'un jeu est un élément de signification et celle-ci n'acquiert cette signification qu'à condition qu'elle soit intégrée dans un système. HENRIOT J. (1989 ; 9)23souligne à cet effet qu'« Employer un terme n'est pas un acte solitaire mais sous entend un groupe social pour lequel ce vocable fait sens. Il existe un ensemble d'êtres qui pensent et parlent comme moi... » . Pour lui, Il faut commencer par prendre «  le mot au jeu ». En recherchant les éléments constitutifs qui permettent de mieux appréhender la réalité du phénomène.

- Le matériel utilisé.

Le ballon, la fronde et les chaussures apparaissent comme les artefacts les plus usités dans la pratique des trois jeux étudiés. Il ne faudrait pas les regarder comme tels. Dans la mesure où, ceux-ci remplissent chacun un rôle précis, en tant qu'élément d'une totalité. Dans la pratique quotidienne, il y a jeu à partir du moment où l'enfant a appris à distinguer quelque chose comme jeu : le jouet. Il n a pu le tirer de lui-même. Voilà certainement pourquoi, le ballon semble être un élément incontournable des jeux enfantins, étant donné que celui-ci est vulgarisé dans les sports collectifs comme le football, le handball, le volleyball, le basketball.

A titre d'illustration, le ballon qui est assimilé à une balle (cartouche) laquelle permet d'annexer un territoire ennemi (jeu N°3). Au toucher du même ballon vous devez quitter le milieu (jeu N° 1). On s'aperçoit bel et bien que le ballon a une fonction destructive laquelle semble se reproduire dans tous les jeux enfantins.

Quant aux babouches et à la fronde citées aux jeux 1 et 2, celles-ci apparaissent comme des éléments d'appréciation. Dans le cas du ndochi, ranger les babouches par pairs permet d'obtenir des gains (jeux supplémentaires). La fronde quant à elle est assimilable à un piège ou une rivière (jeu N°2). Lorsque vous piétinez la fronde pour la première fois, vous êtes pris au piège, vous devez donc vous battre pour y ressortir honorablement, c'est - à dire, lorsque vous piétinez la fronde pour la seconde fois. D'où, la « formulette » suivante : « Si c'est non, c'est la souffrance, (...), si oui, c'est l'expérience. »

Le jouet est en conséquence non matérialisation d'un jeu mais une image qui évoque un aspect de la réalité et que le joueur peut manipuler à sa guise. Au contraire, les jeux en tant que matériel impliquent de façon explicite un usage ludique qui prend souvent la forme d'une règle (jeu de société), ou d'une contrainte (jeu d'adresse, jeu de construction) qui constituent une structure préexistante au matériel.24 D'où la nécessité pour nous de mieux savoir le but visé par chaque activité.

- Le but du jeu.

Au-delà du plaisir qu'il procure aux pratiquants, le but du jeu est ce à quoi l'on veut aboutir en le pratiquant. « Échapper à la ruine ou à la destruction », cas du ndochi, « Trouver un partenaire », ou alors « annexer un espace » cas des jeux 2 et 3. D'une manière générale, c'est l'intention que l'on a et qui se matérialise par les ressources humaines à déployer.

- Le nombre de joueurs

L'effectif minimal pour qu'une partie de jeu ait lieu est de 3. Sur le plan symbolique, cela représente, le Père, la mère et l'enfant. Condition nécessaire pour qu'il y ait jeu social. Le joueur axial ou central étant assimilable à l'enfant et les chefs de groupes aux chefs de familles (papa et maman). Sans les trois acteurs le jeu n'a pas de sens, c'est-à-dire qu'il n'est pas attrayant. Voilà pourquoi le « Passe-partout » du ndochi ne peut marquer de point. Il est assimilable au célibataire. Celui-ci est contraint de trouver un partenaire (le jeu N° 2). Signification d'une expérience réussie de vie sociale.

Il va falloir scruter judicieusement dans l'approche genre pour comprendre comment papa, maman et les enfants interagissent dans la vie familiale, c'est - à dire, pour le cas échéant dans un jeu.

- L'approche genre.

Il y a une approche genre dans les jeux des enfants, certains sont « filles », d'autres « garçons » et certains sont mixtes. Pour les cas présents, le ndochi est majoritairement pratiqué par les filles que les garçons, le mariage à la fronde est beaucoup plus mixte et la guerre est réservée plus aux garçons qu'aux filles.

Pour une bonne compréhension de cette approche, il est préférable de comprendre comment se prépare un jeu afin de mieux situer nos analyses.

- La préparation du jeu

Cette étape consiste à valider les règles à appliquer au cours du jeu ainsi qu'à la délimitation de l'aire de jeu. C'est aussi le moment de constituer les groupes de passage et celui de la désignation des chefs d'équipes (les mères pour le cas du ndochi). L'objectif est de savoir à l'avance les limites de chaque acteur social. Rôles de la mère, du père et des enfants.

Ce sont les divers rôles que jouent ces différents acteurs, dans un espace délimité qui constituent ce que l'on peut à juste titre nommé règles de jeu.

- Les règles de jeu.

Pour un même jeu, les règles peuvent varier d'un groupe à l'autre, ou selon les saisons, cependant la fonction principale du matériel reste la même. C'est ici qu'apparait clairement l'impact des jeux sur le processus d'apprentissage de l'enfant. Dans ce sens qu'il apprend à travers ceux-ci, le fonctionnement global de sa société et les savoirs nécessaires pour son intégration en milieu scolaire.

Il faut jouer à « police contre voleur », pour savoir le rôle de l'un et de l'autre (apprentissage social). La pratique d'un jeu suppose l'apprentissage de quelques pré-requis scolaires. A savoir, l'alphabet français, le lexique des noms de votre entourage, « les figurines » et la petite « formulette » ou « comptine » qui accompagne le jeu (cas du mariage à la fronde, jeu N°2) ou alors une disposition physique ou morale pour affronter la rude épreuve qu'impose le ballon (Cas du ndochi et de la guerre).

Ainsi, les jeux pendant la recréation, permettent à l'enfant de vivre une expérience de vie unique, celle qu'il ne trouve pas toujours en classe ou à la maison. La cour de recréation apparait dés lors comme un espace neutre permettant aux enfants de reproduire les comportements familiaux à l'école (Cf. désignation des acteurs). Croire que les savoirs acquis par la pratique des jeux seraient contre productifs pour l'apprentissage de l'enfant, serait méconnaitre les fondements culturels de ceux-ci. Les maîtresses du CE1 et CE2 de l'Ecole Publique de NKOLDA, nous ont fait savoir qu'il leur était difficile d'interrompre une partie de ndochi.

Si à l'école, l'enfant trouve un espace lui permettant de s'exprimer en toute liberté avec ses pairs, à travers la pratique des jeux. Comment réagit -il en cas de litige ?

4.3. REGULATION DES CONFLITS ENFANTINS PENDANT LA RECREATION

Autrefois à l'école, les hiérarchies étaient claires et fortes, les frontières étaient très marquées et respectées (séparation entre filles et garçons, enseignants et élèves, école et famille) ainsi que le confirme NANCHEN Maurice (2001)25 si bien que les conflits se réglaient par l'autorité et le vécu quotidien des protagonistes n'était qu'une préoccupation marginale.

De nos jours, le modèle relationnel parent-enfant s'est profondément modifié. Au modèle traditionnel de PARSONS, marqué par la division sexuel des rôles masculins et féminins et l'exercice de l'autorité parentale, fait place un modèle plus démocratique qui opte pour une éducation à la liberté. C'est ce style que BAUMRIND (1971) qualifie de style « autoritatif »26 et qui apparaît également à l'école.

A l'école chacun peut -être amené à jouer le rôle de facilitateur de la communication : le directeur, les enseignants, certains élèves et bien d'autres acteurs. Sans qu'il s'agisse pour autant de médiation scolaire officielle.

Il est doc question ici, d'étudier statistiquement comment le sexe et l'origine socioculturelle des enfants influent sur le choix du facilitateur, dans le cadre de la résolution des conflits entre pairs27.

Tableau N° 6 : Tableau présentant les fréquences associées à la variable personnes sollicitée comme facilitateur pour la résolution des conflits.

Personnes sollicitées

 

Enseignants semainiers

Enseignants de sa classe

Enseignant le plus proche

Le directeur

spectateurs

Ainé ou chef de groupe

Autres

 

Effectifs

3

3

2

66

0

2

1

17

Fréquences

17,65

17,65

11,65

35,3

0

11,65

5,88

100

47 % des enfants font appel aux enseignants pour la résolution des conflits engendrés entre pairs par la pratique des jeux pendant la récréation. 35, 6 % d'entre eux, s'adressent directement au directeur. 17, 65 % des conflits sont résolus à l'insu des encadreurs éducatifs. Ce qui signifierait qu'une bonne franche des litiges issus de la pratique des jeux enfantins trouve leurs solutions au sein du groupe des pairs.

Tableau N°7 : Tableau croisé présentant les résultats associés aux variables sexe et personnes sollicitées

Personnes sollicitées

Sexe

Enseignants semainiers

Enseignants de sa classe

Enseignant le plus proche

Le directeur

spectateurs

Ainé ou chef de groupe

Autres

 

Filles

1

2

0

3

0

2

0

8

Garçons

2

1

2

3

0

0

1

9

Total

3

3

2

6

0

2

1

17

fréquences

17,65

17,65

11,65

35,3

0

11,65

5,88

100

? La proportion des filles qui font recourt aux enseignants est très marginale par rapport à celle des garçons. Mais celles-ci s'égalent au niveau du recourt au directeur.

? Les filles ne font jamais appel aux enseignants les plus proches, encore moins aux autres intervenants de la sphère éducative. Celles-ci recherchent prioritairement le consensus entre pairs, par l'intervention des aînées du groupe.

Tableau N° 8 : tableau croisé présentant les résultats associés aux variables origine ethnique des enfants et personnes ressources sollicitée.

Personnes sollicitées

Ethnie

Enseignants semainiers

Enseignants de sa classe

Enseignant le plus proche

Le directeur

spectateurs

Ainé ou chef de groupe

Autres

 

ewondo

1

1

1

2

0

0

0

5

bulu

0

0

0

0

0

1

0

1

eton

0

0

0

0

0

0

1

1

bassa

0

1

0

0

0

0

0

1

fulbé

0

0

0

0

0

1

0

1

bamiléké

0

1

1

0

0

0

0

2

yambassa

2

0

0

0

0

0

0

2

Autres

0

0

0

4

0

0

0

4

Total

3

3

2

6

0

2

1

17

Fréquences

17; 65

17,65

11,65

35,3

0

11,65

5,88

100

Les enfants d'origine ewondo font uniquement recourt aux encadreurs éducatifs, à savoir, les enseignants et le directeur. Il en est de même pour les bassa, les bamiléké et les yambassa. Cependant, les fulbé et bulu encouragent le consensus au sein du groupe des pairs.

Au regard des disparités qui existent entre bulu et ewondo deux groupes ethniques apparemment très proches. Tout porterait à croire que la religion serait un facteur déterminant pour expliquer le choix des uns et des autres. Il est avéré que les étrangers, c'est - à dire, les non camerounais s'adressent exclusivement à l'administration de l'école.

v Estimation de l'intervalle de fluctuation de proportion d'échantillon.

Nous partons de l'hypothèse HS2 à vérifier. Celle-ci stipule qu'en cas de litige pendant la récréation, les enfants font recourt au couple d'enseignants semainiers.

Il va falloir extrapoler la valeur de ce paramètre à partir de ceux identifiés dans notre échantillon. C'est le moment pour de passer d'une fonction de description à une fonction d'inférence.

Ici nous avons à faire à un petit échantillon (n<30). C'est la loi du t de Student qui prévaut pour établir la valeur de mesure au seuil de confiance. Dans le cas présent, la taille de l'échantillon est de 17, le nombre de degré de liberté (ddl) est donc de 17-1=16.

Au seuil de confiance de 5 % (0,005 dans la table), la valeur observée est de 2, 120. Reste à appliquer la formule.

% de l'échantillon = Valeur du t (au seuil fixé et au ddl) x Ecat-type de l'échantillon

Avec :

% dans l'échantillon x (100 - % dans l'échantillon)

Effectif de l'échantillon

Ecart - type de l'échantillon =

+

82,35

17

Soit 17, 65 (2,12) x

+

17,65 4,66

L'intervalle se situe donc entre 12, 34 % (borne inférieure) et 22, 31 % (borne supérieure). Cet intervalle a 95 % de chance de contenir le vrai taux d'enfants qui font recourt au couple d'enseignants semainiers.

On peut conclure que les enseignants semainiers ne disposent pas du monopole de la résolution des conflits des enfants pendant la récréation. Ils sont concurrencés par le directeur qui d'ailleurs, en est le plus sollicité. Il apparaît également chez les filles qu'une bonne franche des conflits trouve leurs solutions au sein des groupes des pairs. Ce qui confirme l'idée de « petites mères » employée par BILOA ATANGANA Ernestine à leur égard. (2008;7)28

4.4. NOTES DE LECTURE

20. DELALANDE (J.) : La cour de récréation. Pour une anthropologie de l'enfance, Rennes, P.U.R., 2001.

21 Voir l'enfant, Hors -série N° 45, Juin-juillet-août 2004.

22. Le pidgin est une langue hybride née de la fusion de l'anglais et des langues locales africaines.

23. HENRIOT (J.) : Sous couleur de jouer - La Métaphore ludique, Paris, José Corti, 1989.

24. Voir à ce sujet Gilles BROUGERE, « Le jouet, objet extrême », in Design Recherche, septembre 1992.

25. NANCHEN Maurice, Médiation scolaire ou l'histoire d'une stratégie pour mieux vivre ensemble. Exposé présenté dans le cadre de la journée de réflexion des médiateurs scolaires du Valais romand, SION, IUKB, 10 janvier 2001.

26. BAUMRIND CIRCA (D.-B.): Principles of Ethnical Conduct in the treatment of subject, reaction, 1971. Repris dans le cours de sociologie de l'éducation dispensé par RENAUD T. en licence

27. Notre questionnaire prend en compte plusieurs autres variables qui nous aiderons dans la suite de notre travail en Master 2.

28. BILOA ATANGANA (E.), dans son mémoire de DEA, soutenu à l'université de Yaoundé I, montre que les filles portent le nom de « petite mère » parce qu'elles sont prioritairement éduquées pour la vie conjugale et par conséquent prêtes à rechercher l'autonomie.

CONCLUSION

Nous situant dans le champ de la recherche en sciences de l'éducation, nous avons voulu mettre en relation sociologie et anthropologie, deux disciplines proches dont nous avons une assez bonne connaissance. Nous nous sommes alors intéressés aux jeux des enfants pendant la récréation, un espace lieu-temps, où les enfants se sentent en toute liberté ; hors des contraintes des éducateurs familiaux et scolaires.

Après une étude exploratoire menée dans deux écoles primaires, situées en banlieue de la capitale politique et administrative camerounaise, Yaoundé. Nous avons été surpris de constater que malgré la présence des maîtres semainiers, les enfants pratiquaient des jeux qui n'étaient pas pour autant appris en classe, au vu et au su de tous les encadreurs éducatifs.

Nous avons dont projeté d'étudier cette activité qui fait la part belle des enfants pendant la récréation, en s'interrogeant sur l'origine de ces jeux, de leurs impact sur le processus d'acquisition des savoirs et des modes de régulation des conflits au sein des ces groupes de pairs.

Notre stratégie de collecte de données sur le terrain, a été centrée autour des observations que nous avons menées pendant les heures de pause , entre 10 heures et10 heures 30, des entretiens semi-directifs réalisés avec les enfants et leurs enseignants, mais surtout du questionnaire administré au premier groupe cité, en dernière ressort pour des fins justificatives. Ce qui nous a conduits à mieux rapprocher approche qualitative et approche quantitative, éternel thème de débat qui divise anthropologie et sociologie.

Nos conclusions ont été les suivantes :

- Les apprentissages ludiques se font dans un premier temps, des aînés vers les cadets, puis au sein du groupe de pairs, c'est-à-dire, entre camarades de même niveau. Ceux-ci, en retour, modifient les règles de ces jeux pour en faire les leurs.

- Les jeux sont porteurs de comportements et d'attitudes souhaitables à transmettre aux enfants. A travers les « formulettes » et « comptines », les exercices physiques et intellectuels, les jeux contribuent à la formation de l'homme en lui donnant une ligne de conduite telle que souhaitée par la société toute entière (rôle didactique).

- Pendant la récréation, les enseignants semainiers et le directeur ne détiennent pas le monopole de la résolution des conflits enfantins engendrés par la pratique des jeux. Il apparaît clairement que chez les filles une bonne franche des conflits trouve leurs solutions au sein des groupes des pairs.

Loin d'avoir balayé l'ensemble des problèmes que suscite cette réflexion, il apparait également que le la cours de récréation constitue une « micro-société » qui reproduit au quotidien nos comportements familiaux et scolaires.






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