INTRODUCTION
Les jeux préoccupent tellement les enfants, au point
où, l'on ne peut tenir un discours critique envers cette
catégorie sociale, sans parler de jeux. Même les
pédagogues s'en intéressent grandement dans leurs
publications.
La vulgarisation du concept dans le champ intellectuel a
progressivement tourné à sa relativisation. Ainsi de nos jours,
parle - t- on vulgairement des jeux éducatifs, de la théorie
des jeux, du jeu démocratique, du jeu de mot ou d'écriture.
Cette prolifération des conceptions basées sur le
jeu ne doit pas pour autant nous distraire sur les « acteurs
légitimes de cette grande
activité » que sont les enfants. D'où
s'initient-ils à cette pratique ? Comment se reproduisent ces jeux
au sein de la « micro-société »
enfantine ? Quel(s) savoir(s) ceux-ci peuvent- ils apporter à
l'enfant ?
Nous avons essayé dans ce travail d'apporter notre
contribution à la compréhension des jeux enfantins en milieu
scolaire, et plus particulièrement pendant la récréation,
un espace pendant lequel les enfants se retrouvent entre -eux, en toute
autonomie.
Loin de tout regard suspect, nous avons observé pendant
plusieurs mois les élèves de l'Ecole Publique de NKOLNDA (EPN),
en situation de pratique. Ce qui nous a évidemment permis de peaufiner
ce travail qui comprend quatre chapitres.
A la suite de cette introduction, c'est la problématique
de l'étude, laquelle essaie de montrer notre façon à nous
de poser le problème du jeu chez l'enfant. En suite, il s'agit de
l'insertion théorique, c'est-à-dire, comment ce sujet est
appréhendé dans le champ d'étude choisi, le
troisième chapitre parle de la méthodologie, en d'autres termes
les démarches que nous avons utilisées pour collecter les
informations sur le terrain ? Et enfin le quatrième chapitre est
réservé pour la présentation et l'interprétation
des données collectées.
Nous avons emprunté des outils en usage en sciences
sociales et particulièrement, en sociologie et en anthropologie, deux
disciplines très proches.
Chapitre 1 : LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
Nous présentons ici cinq grandes
articulations de notre recherche, à savoir : la formulation du
problème (1), la position du problème (2), les objectifs de
recherche (3), l'intérêt de l'étude (4),
la délimitation du sujet (5) et enfin des
notes de lecture (6).
1.1. LA FORMULATION DU PROBLEME
Il nous est venu en idée de mettre en relation
l'anthropologie et les sciences de l'éducation. Dans nos multiples
observations de la sphère éducative camerounaise, il nous a
été donné de constater que, dans la cour de
récréation de plus d'une école primaire, les jeux
pratiqués par les élèves n'étaient pas toujours
enseignés dans les salles de classe. Toutefois, ceux-ci étaient
soumis à un règlement et à une discipline rigoureuse dont
les pratiquants seuls avaient la maîtrise.
Une étude exploratoire menée à l'Ecole
Publique de NKOLNDA (E.P.N.) et au Groupe Scolaire Bilingue Saint Michel
Archange de MINKAN (G.S.B.S.M.A.), deux établissements voisins,
situés dans la banlieue sud de la cité capitale camerounaise,
Yaoundé, nous a permis de constater que l'heure de
récréation n'est pas seulement celle de la prise du goûter,
mais surtout celle du défoulement et de la pratique des activités
de toutes sortes.
Nous nous sommes approchés des élèves de
ces établissements pour nous renseigner sur les origines et les acteurs
de ces jeux pratiqués au vu et au su de tous les encadreurs. Nous
avons été troublés par les réponses
apportées :
- C'est l'ami qui nous l'a appris ;
- Nous avons gagné les CM2 hier ;
- Le plus fort est au CE2.
Considérer que les activités exercées par
les élèves en récréation relèvent des seuls
enseignements formels, serait avoir une vue partielle de cette grande
activité qu'est le jeu chez l'élève. C'est dans ce sens
que nous nous sommes proposé de comprendre d'abord, ce qu'est-ce le jeu
et la récréation.
1.2. POSITION DU PROBLEME : COMPRENDRE LE JEU ET
LA RECREATION
1.2.1. LE JEU
Le jeu est une activité physique et mentale qui n'a a
priori d'autre but que le plaisir qu'elle procure. Le Dictionnaire du
Français Primordial1 en donne quelques synonymes : amusement,
divertissement, récréation, dans un sens plus vague, passe-temps,
et en terme savant : « activité
ludique ».
De nos jours, ce vocable évolue dans des directions
spécifiques qui l'éloignent de tout contexte ludique. Des
situations fortes diverses dans la vie quotidienne sont connues comme jeu,
d'une façon directe, ou plus ou moins métaphorique. Ainsi parle
t- on souvent de jeu politique ou démocratique, de jeu de mots, jeu
d'écriture ou alors de jeu de rôle. On assiste même au
développement de toute une théorie des jeux en sciences
sociales2.
Cependant, l'idée que l'on se fait du jeu varie selon
les auteurs et les époques. La façon dont on l'utilise et les
raisons de cet usage sont liées. Pour BROUGERE G. : « Le
jeu est aussi une structure, un système de règles qui existe et
subsiste de façon abstraite indépendamment des joueurs, en dehors
de son effectuation concrète dans un jeu entendu au premier
sens. »3
Dans le contexte négro-africain traditionnel, les jeux
étaient utilisés par les adultes comme techniques
d'éducation. Ceux-ci étaient dilués dans toutes les
activités de la vie sociale des enfants4. Par les contes, les
devinettes, les proverbes enseignés au plus jeunes le soir autour du
feu, les jeux constituaient un rite d'initiation pour les enfants. Dans les
palabres, les vieux s'en servent encore des règles pour trancher les
litiges.
Leurs contenus très riches et variés, touchent
à la fois plusieurs disciplines : la langue, le chant, la
géologie, la psychologie, la morale. Ces techniques d'éducation
sont à la fois, un jeu et un exercice d'esprit. Elles supposent une
connaissance très large du milieu, des noms de personnages illustres,
des parties du corps, les caractéristiques des animaux et des plantes,
les phénomènes naturels. Elles font appel à la
mémoire, à l'imagination, à l'esprit d'observation et
reposent sur les principes éducatifs suivants : le pédocentrisme,
l'émulation et la démocratisation. L'enfant étant l'agent
principal de l'enseignement, celui-ci est obligé de se surpasser pour
trouver une réponse. L'apprentissage, tout comme le jeu est ouvert
à tous les enfants du village ou du clan, sans discrimination.
Ce sont les mêmes principes éducatifs qui sont
à la base des réformes entreprises par le gouvernement
camerounais, visant à offrir aux enfants une éducation
adaptée à leur milieu de vie. Ainsi, à la suite des
états généraux de l'éducation, organisés en
1995, une loi d'orientation de l'éducation a été
adoptée en 1998, servant de base pour l'élaboration de la
stratégie sectorielle de l'éducation.
En attendant la mise en place définitive des
réformes annoncées par le gouvernement camerounais, certains
aspects de la vie scolaire restent flous. Il en est ainsi de l'organisation et
du fonctionnement de la récréation, un moment pourtant
privilégié de l'enfant à l'école.
Même les chercheurs en sciences humaines n'étudient
généralement les enfants que dans leurs relations aux adultes.
Mais l'on sait peu de chose de se qui se vit entre pairs. A savoir, comment les
enfants se débrouillent-ils lorsque les adultes leur laissent un lieu
et un temps d'autonomie ? A l'école, la récréation
est un moment privilégié pour ce type de recherche.
1.2.2. LA RECREATION
Par recréation le Dictionnaire Larousse 5,
en définit comme le « temps de
liberté accordé aux enfants pour jouer ». En
France, l'article 4 de l'arrêté du 22 Février 1995 puis du
25 Janvier 2002 fixant les horaires des écoles maternelles et
élémentaires dispose que « l'horaire moyen
consacré aux recréations est d'environ 15 minutes par
demi - journée à l'école
élémentaire » ; l'article 11 du décret
du 6 Septembre 1990 relatif à l'organisation et au fonctionnement des
écoles maternelles et élémentaires, mentionne
expressément l'organisation du service de surveillance pendant la
recréation. Un semblable rappel n'apparaît pas dans les textes
réglementaires comparables pour les collèges et lycées.
C'est dire combien le temps de la recréation peut être
abordé comme l'une des caractéristiques de l'enseignement
primaire.
La recréation est un moment pendant lequel la part
belle est faite aux anciens jeux. Les indémodables, cordes à
sauter et élastiques permettant aux filles de se défouler. Pour
les garçons, le foot reste l'occupation phare de la recréation.
Quant aux petits, ils apprécient d'avantage les jeux de mains ou tout
simplement faire la course.
Actuellement, les billes sont à la mode, filles autant
que garçons se bousculent pour montrer le trésor, la cour
d'école est le lieu idéal pour les échanges. Quelques
enfants apportent des nouveaux jouets ou idées, puis se sont tous les
enfants qui adoptent ce nouveau jeu, les jeux subissent un effet de mode et
disparaissent aussi vite qu'ils sont arrivés. Les jeux traditionnels
sont revisités par de nouvelles règles. C'est le cas du loup, de
l'épervier, de la police contre voleur ou encore de poule, renard.
Malheureusement, les jeux pendant la recréation ont toujours
été étudiés en termes de violences en milieu
scolaire.
Compte tenu de ce qui précède, il importe pour
nous d'orienter nos investigations vers des horizons nouveaux, à
savoir; l'origine des jeux pratiqués par les enfants pendant la
récréation, au vu et au su de tous les encadreurs
éducatifs. Cette préoccupation principale suscite deux
interrogations. Primo, Ces jeux permettent-ils réellement aux
enfants d'acquérir des connaissances
« autres », de manière à favoriser
leur épanouissement en milieu scolaire? Secundo, comment
s'organisent-ils pour réguler leurs jeux ? C'est-à-dire,
à qui font-ils recours en cas de litiges. Ce sont les grands axes qui
guideront nos objectifs.
1.3. LES OBJECTIFS DE RECHERCHE
Les objectifs de la recherche sont très utiles pour le
balisage de la recherche. JAVEAU C. (1986 :87)6 écrit
à ce sujet : « Il est souhaitable
d'établir de manière adéquate ces bases théoriques
de départ, ce qui permet d'orienter correctement la recherche des causes
explicatives et /ou des motifs interprétatifs. »
Raison pour laquelle nous stipulons l'objectif
général (OG) suivant :
OG : Montrer à la
société globale, le lieu où s'élaborent les jeux
des enfants, de manière à influencer le processus de
socialisation de ceux-ci en milieu scolaire.
Cette étude dégage deux objectifs
spécifiques (OS).
OS1 : Accentuer l'attention des
encadreurs éducatifs sur le contenu pédagogique et didactique des
activités pratiquées par les élèves en
recréation.
OS2 : Amener les élus, les
associations, les entreprises, les collectivités locales, les
administrations publiques, les parents et responsables légaux des
élèves, à créer les espaces ludiques et
d'aménager les heures de loisirs pour les enfants à
l'école.
Ce sont ces objectifs qui permettront au public cible de
notre recherche de peser son intérêt.
1.4. INTERET DE L'ETUDE
Il s'agit à ce niveau de l'étude, d'indiquer
ce sur quoi porte la recherche, tout en précisant ce qu'elle peut
permettre à ceux qui y sont interpellés de réaliser
concrètement.
Au niveau social, il s'agit de fournir aux parents,
associations, enseignants et responsables des établissements un
document permettant d'apprécier l'apport des activités de loisirs
dans le processus d'apprentissage des enfants. Ce qui permettra de
réviser leurs comportements vis-à-vis des enfants.
Au niveau académique. Il s'agit pour nous de valider
une unité d'enseignement afin d'obtenir l'Attestation de Master 1 en
sciences de l'éducation. Mais surtout, de contribuer modestement au
processus d'autocorrection, chère à la science, en apportant un
matériel neuf. Pour cela, il faut être prudent et bien
délimiter le sujet.
1.5. DELIMITATION DU SUJET
Notre recherche s'inscrit dans le cadre des sciences de
l'éducation et plus précisément, en sociologie et
anthropologie. En effet, nos analyses vont porter d'une part sur les aspects
sociologiques, c'est-à-dire, les groupes d'appartenance ethnique des
enfants, et d'autre part, sur les aspects anthropologiques, à savoir,
les jeux, considérés comme une institution sociale et qui
remplissent une fonction en tant que totalité. Notre étude porte
sur la population des élèves de l'Ecole Publique de NKOLNDA
(EPN), du niveau 2, CE1 et CE2, dans la période de l'année
scolaire 2009-10.
L'EPN a été retenu pour des raisons suivantes
:
1. Sa proximité de la cité capitale
camerounaise, YAOUNDE, notre lieu de résidence habituel. Soit à
environ une vingtaine de kilomètres de celle-ci.
2. Son accessibilité, cette école est
située sur l'axe routier qui mène à l'aéroport
international de YAOUNDE-NSIMALEN, une route aménagée pour
faciliter le trafic entre l'aéroport et la cité capitale.
3. Ses caractéristiques propres, à savoir, son
appartenance au groupement bene, un sous groupe de l'ethnie
béti7, majoritaire dans la région du CENTRE
camerounais.
Comme toute école publique ici, elle est gratuite et
ouverte à tous. Cependant, elle ne dispose pas d'espaces de jeu
aménagées. Mais les élèves réussissent
néanmoins à organiser des activités ludiques pendant la
récréation. L'esprit d'ouverture des enseignants de l'EPN est
l'un des atouts majeurs de son choix.
1.6. NOTES DE LECTURE
1. ROBERT (P.) : Dictionnaire du
Français Primordial, 1980.
2. La théorie des jeux telle qu'elle est actuellement
développée, est surtout la description de ce qui se passe
lorsque les personnes interagissent rationnellement. Pour une bonne
compréhension de cette théorie se référer à
l'ouvrage de KEN BIMORE (1992) : Jeux et théories des
jeux. Traduit du français par BISMANS (F.) et DAMASO
(E.)
3. BROUGERE (G). : Jeux et Éducation,
l'harmattan, 1995
4. Extrait des cours d'anthropologie professés par le
Pr. MBONJI EDJENGUELE à l'université de
Yaoundé I.
5. Dictionnaire Larousse, 1998
6. JAVEAU (C.): Leçons de Sociologie,
Paris, Klincksick, 1986.
Chapitre 2 : INSERTION THEORIQUE DU SUJET
Ce chapitre aborde les aspects purement théoriques de
notre recherche, en particulier la définition des conceptions
problématiques (1), la revue de la littérature (2), la
théorie explicative (3), les hypothèses de Recherche (4) et enfin
les notes de lecture (5).
2.1. DEFINITION DES CONCEPTS PROBLEMATIQUES
La perspective d'étudier des structures
permettant d'« apprendre en dehors de
l'école » n'est pas une évidence. Pourtant, de
nombreuses structures extérieures au système éducatif
poursuivent des objectifs d'apprentissage et jouent un rôle social
important. Si le milieu familial constitue de fait un lieu permettant
« d'apprendre en dehors de
l'école », le tiers lieu éducatif que
constitue le temps des loisirs a cette caractéristique de poursuivre des
objectifs d'éducation et d'apprentissage explicites en dehors du champ
scolaire.
Ce domaine de pratiques éducatives, structuré
essentiellement sous la forme de l'animation socioculturelle (POUJOL et MIGNON,
2005)7 a considérablement évolué sous
l'influence des besoins sociaux pour investir aujourd'hui ce qu'il est commode
d'appeler le périscolaire. HOUSSAYE J. (1998)8 montre
qu' « envisager les loisirs organisés des enfants,
c'est se trouver mêlé aux activités que l'on appelle
périscolaire, parascolaire ou extra-scolaire ».
Bien que ces concepts soient intrinsèquement porteurs
de questions problématiques, nous nous appuierons dans ce travail sur
les définitions d'un texte français de 1998 sur
l'aménagement du temps de l'enfant9. « En
dehors du temps des apprentissages scolaires, qui relève de la
responsabilité de l'éducation nationale, on peut en
effet distinguer deux temps pour l'organisation d'activité.
- Le temps
périscolaire, immédiatement avant ou
après l'école, c'est-à-dire, le temps du transport
scolaire, la période d'accueil avant la classe, le temps de la
restauration à l'école, après la classe, les études
surveillées, l'accompagnement scolaire, les activités culturelles
ou sportives, le mercredi après-midi.
- Le temps
extra-scolaire situé en soirée,
le mercredi lorsqu'il n'y a pas classe, enfin de semaine et pendant les
vacances ».
Au regard de cette approche définitionnelle, il
apparaît clairement que les activités ludiques pratiquées
par les élèves en période de récréation
relèvent du domaine de l'éducation périscolaire. Avec
cette particularité que les enfants y sont sous la responsabilité
des enseignants. Dés lors, il nous revient de (re)visiter la
littérature existante dans le domaine du jeu.
2.2. REVUE DE LA LITTERATURE
L'idée que l'on se fait du jeu varie selon les auteurs
et les époques. Cette notion, comme l'ensemble du langage, fonctionne
comme un contexte social. L'impact du jeu sur le phénomène de
socialisation de l'enfant a fait l'objet de nombreuses études dans le
cadre des sciences de l'éducation. Il y a un certains nombre d'auteurs
qui ont essayé d'apporter leurs apports dans la compréhension des
jeux africains comme exercices initiatiques. On peut citer entre autres, la
thèse d'état du Professeur MBONJI EDJENGUELE10 (1992),
mais aussi, les contributions des Professeurs NGA NDONGO V. et KAMDEM E. (1992)
relatives aux jeux dans l'univers culturel camerounais.
Mais dans le cadre de ce travail, nous avons focalisé
notre attention sur deux ouvrages significatifs qui nous ont permis de baliser
notre travail. Il s'agit de :
? Jeu et Éducation de Gilles
BROUGERE et,
? La Cour de
récréation de Julie DELALANDE.
Pour des raisons de synthèses, nous avons
préférer présenter ici un résumé de chaque
ouvrage, à partir des extraits de texte élaborés par ces
auteurs, à des fins marketings, et disponibles sur internet.
Cela ne signifie pas que nous n'ayons pas effectivement consulté ces
livres. Car nos appréciations suivront immédiatement.
2.2.1 JEU ET EDUCATION11
[« Comment sont
pensées les relations entre jeu et éducation ? Qu'est-ce qui
justifie de mettre ensemble ces deux notions ? Comment une activité
jadis associée à la frivolité, à
l'inutilité, a pu aujourd'hui être considérée comme
une voie possible pour certains apprentissages. Refusant les propos convenus
sur l'évidence de la valeur éducative du jeu, cet ouvrage analyse
les différentes façons de penser cette relation et montre
l'origine de la rupture au début du XIXe siècle, qui
fonde l'association contemporaine entre jeu et éducation. Cette analyse,
si elle s'appuie sur les rapports des différents auteurs,
pédagogues, philosophes, psychologues, montre également, à
travers l'exemple de l'école maternelle française, comment
celle-ci a produit un discours sur le jeu tout à fait spécifique.
Quand l'éducation se prend au jeu, c'est la façon même de
penser le jeu qui en est profondément transformée. Pour BROUGERE,
il n'est pas possible de s'intéresser au jeu dans la pratique
pédagogique sans s'informer sur les fondements d'une telle
association. »]
Cet ouvrage n'apportant pas un grand éclairage en ce
qui concerne la cour de récréation. Nous nous sommes
tournés vers celui de DELALANDE.
2.2.2. LA COUR DE RECREATION: CONTRIBUTION A UNE
ANTHROPOLOGIE DE L'ENFANCE.12
[« Qui ne connait pas la cour de
récréation pour l'avoir fréquenté étant tout
petit ? Le brouhaha qui s'installe quand les enfants sortent, les jeux qu'on y
pratique chaque jour et les histoires qui s'y passent ? Pourtant, peu
d'études s'attachent à approfondir l'importance fondamentale de
ce temps partagé entre pairs dans le quotidien de l'enfant. Julie
DELALANDE propose ici une approche novatrice de la cour d'école et
montre qu'elle fonctionne comme une
« micro-société » où les
élèves mettent en place des règles de vie qui
dépassent largement celles qu'impose le jeu commun. Grâce à
un travail minutieux d'observation basé sur la méthode
ethnographique, elle décortique les formes de sociabilités
enfantines et fait apparaître l'école comme un lieu de
perpétuation d'un savoir enfantin.
Loin de déboucher sur une situation chaotique
parce que non organisée par les enseignants, le temps de
récréation révèle l'établissement par les
enfants, de règles et valeurs qu'ils reprennent des adultes et
s'approprient pour structurer leurs relations. Ce livre a aussi pour ambition
de penser une anthropologie de l'enfance quasi inexistante. Il propose pour ce
faire, une réflexion sur le statut des enfants de notre
société en regard de celui qu'ils avaient autrefois, et compare
à celui qu'on leur donne dans d'autres cultures.
Il participe par conséquent à une meilleure
connaissance de l'enfant et à l'ouverture d'un nouveau champ de
recherche. Le travail de Julie DELALANDE pose un regard original sur le monde
enfantin qui stimulera la réflexion des professionnels de l'enfance en
sortant des problématiques habituelles de la
psychopédagogie. »]
2.2.3. APPRECIATIONS DES DEUX OUVRAGES
Loin de négliger ou de nier la pertinence des travaux
de BROUGERE G. (1995) et DELALANDE J. (2001), une remarque s'impose cependant,
ces recherches bien que complémentaires à notre travail,
demeurent purement comme une simple théorie pour la compréhension
des jeux enfantins en contexte négro-africain.
En effet, dans la pensée relationnelle
négro-africaine, il n'existe pas d'espaces réservés ou mis
à part pour la pratique des jeux. Ceux-ci sont dilués dans toutes
les activités de la vie sociale de l'homme. Car l'on joue en travaillant
et vis -versa.
Evoluant dans la sphère éducative, ces deux
ouvrages nous ont permis de s'approprier le vocabulaire technique lié
à notre champ d'étude. De mieux cerner les rapports qui existent
entre jeu enfantin et éducation scolaire. Ce qui nous a permis de mettre
en exergue le jeu comme un fait social chez BROUGERE et les cultures enfantines
dans les cours d'école (DELALANDE).
2.2.3.1. LE JEU COMME UN FAIT SOCIAL
Après avoir constaté que :
« Le jeu est une chose dont chacun parle, que tous
considèrent comme évidente et que personne ne parvient à
définir » (P.18). BROUGERE se demande comment sommes-nous
passés de l'image du jeu comme activité futile à
l'idée de sa valeur éducative ? Il en arrive à une
première conclusion selon laquelle L'idée que l'on se
fait du jeu varie selon les auteurs et les époques, la façon
dont on l'utilise et les raisons de cet usage sont liés.
Le constat de cette polysémie n'a pas pour fonction de
jeter le discrédit sur un terme aussi usuel. Car bien des mots de notre
langage s'accommodent de cette diversité, source de richesse et de
souplesse autant que de difficultés. Pour lui, « La notion de
jeu comme l'ensemble du langage fonctionne dans un contexte
social. ». L'utilisation du terme doit dont être prise en
compte comme un fait social. L'association contemporaine entre jeu et
éducation qui a donné naissance au concept
de « jeu éducatif » renvoie à l'image du
jeu que l'on trouve au sein de notre société où il est
utilisé.
Suivant les analyses de HENRIOT Jacques 13,
dans sous couleur de jouer, pour qui, employer un terme n'est pas un
acte solitaire mais sous entend un groupe social pour lequel ce vocable fait
sens. Il révèle le fait selon lequel
« ...considérer qu'il y a jeu quelque part n'est pas
un constat objectif sur la réalité mais l'émission d'une
hypothèse, l'application à l'expérience d'une
catégorie fournie par la société, véhiculée
par la langue, instrument de la culture de cette
société ». (P.19) Les analyses de BROUGERE et
HENRIOT rejoignent celles de REYNOLDS P.C. 14. Pour qui, en termes
de comportements, il n'y a pas de différence entre les activités
ludiques et les autres. Seules les conséquences diffèrent. Pour
lui, « Le jeu tire ses configurations de comportements d'autres
systèmes affectifs comportementaux. »
A titre d'illustration, BROUGERE fait remarquer qu'il y a jeu
à partir du moment où l'enfant a appris à désigner
quelque chose jeu. Il n'a pu le tirer de lui-même. Avoir conscience de
jouer résulte d'un apprentissage, d'un dressage linguistique auquel
l'enfant se trouve soumis dés les premières semaines de son
existence. Raison pour laquelle la culture du groupe apparait comme un
élément inducteur dans la compréhension de cette
étude.
2.2.3.2. CULTURES ENFANTINES
Après avoir démontré que l'idée
d'un savoir enfantin est largement admise par les anthropologues. Citant Arnold
VAN GENNEP 15 qui écrit ceci :
« L'éducation de l'enfant, son instruction verbale et
agie, se fait surtout par les autres enfants, et sans qu'il s'en doute, par une
contrainte morale. Il doit faire comme les autres : s'abstenir de «ce
qui ne se fait pas», se soumettre à un code d'honneur qui oppose la
société enfantine à celle des adultes, de la famille
d'abord, puis des professeurs de toute sorte » (1943 : 167).
DELALANDE mène alors l'observation de cours de
récréation, à l'école maternelle et
élémentaire, celle-ci lui laisse apparaître une culture
enfantine, ensemble de savoirs et savoir-faire, qui s'apprend au sein du groupe
d'âge grâce à une complicité permettant l'initiation.
Cette étude l'amène à considérer le savoir moins
comme un moyen de devenir un adulte compétent que comme une
nécessité pour s'intégrer au groupe de pairs. Son analyse
pointe l'importance de l'entre-enfants dans les apprentissages culturels.
Le savoir ludique apparaît donc comme la partie la plus
évidente, et sans doute la plus reconnue des adultes, des savoirs
enfantins. Ceux-ci sont constitués des connaissances propres aux enfants
ainsi que de celles transmises par les adultes et qu'ils se
réapproprient en les mettant à l'épreuve entre pairs.
Pour DELALANDE, tous ces savoirs et les savoir-faire qui les accompagnent font
partie d'une culture enfantine, c'est-à-dire d'un ensemble de pratiques,
de connaissances, de compétences et de comportements qu'un enfant doit
connaître et maîtriser pour intégrer le groupe de pairs. Par
exemple, les jeux de corde à sauter exigent une pratique et la
maîtrise d'une technique, de règles, d'un vocabulaire. Leur
culture partagée passe également par des références
aux programmes télévisés, alimentant leurs discussions sur
des vedettes admirées, de même que leurs jeux impliquent le renvoi
à des héros d'un dessin animé.
La culture enfantine pour elle se construit en étroite
relation avec un état de maturité physique et intellectuelle
commun. Elle est, à l'échelle individuelle, évolutive,
puisqu'elle change au fur et à mesure qu'un enfant grandit : il
pratique d'autres jeux, il est mû par de nouvelles préoccupations,
il nourrit des représentations différentes de son environnement.
On peut encore lui associer le qualificatif de culture de passage, car en
grandissant l'enfant la délaisse pour entrer dans l'adolescence puis
dans l'âge adulte. Elle est une étape l'aidant à passer
dans le monde des adultes en assimilant entre pairs les structures de notre
culture.
Globalement nos appréciations nous ont permis de
mettre en avant le jeu comme un fait social et le monde enfantin comme un
univers d'apprentissage entre pairs des différents comportements
sociaux. Mettant ainsi en relief le principe de reproduction sociale.
2.3. LA REPRODUCTION SOCIOCULTURELLE COMME THEORIE
EXPLICATIVE
La théorie désigne toute construction de
l'esprit qui rattache des conséquences à des faits. Elle
révèle des lacunes dans nos connaissances et explique la
cohérence des évènements. C'est dans cette optique que,
OMAR AKTOUF 16 (1992 ; 16) définit la théorie comme
« la réunion d'un ensemble de lois globale et
synthétique. »
La théorie qui pourrait nous permettre de mieux
interpréter les données collectées sur le terrain est
celle de la reproduction socioculturelle appliquée au système
scolaire. Dans un article intitulé « La signification des
théories de la reproduction socioculturelle » paru en
décembre 1986 dans le N° 110 de la Revue Internationale des
Sciences Sociales, PASSERON fait le point sur cette argumentation
théorique.
Selon lui, celle-ci fait référence à deux
modèles de la reproduction sociale.
- Le modèle auto-reproductif de l'action
scolaire ;
- Le modèle de la reproduction sociale.
Pour lui, ce sont deux modèles distincts de
reproduction, le premier allant dans le sens d'une perpétuation de la
culture académique et la fixation de ses caractéristiques, le
deuxième, plus général en sociologie, permettant de
comprendre, à travers la reconduction des avantages et des profits, des
exclusions et des contraintes, les processus et les stratégies qui
définissent les rapports entre les dominants et les dominés.
RENAUD Thomas, dans ses cours professés en sciences de
l'éducation à l'université de Rouen estime que, le concept
de reproduction est parfois et de manière erronée compris comme
un mécanisme quasi biologique de reproduction des groupes (les ouvriers
produisant des ouvriers). Cette reproduction sociale ou professionnelle stricte
existe dans l'histoire des sociétés donnant l'image de la
stagnation ou de la stabilité. Mais le concept de reproduction doit
être perçu, de manière plus complexe et plus cachée
comme une reproduction de la structure des rapports que les groupes
entretiennent entre eux. Bien développée par l'école de
Pierre BOURDIEU, cette analyse sociologique montre par quel système de
mécanismes se maintiennent les rapports de dominations.
Le modèle de la reproduction sociale reste celui qui
permet le mieux de mesurer les séries de processus
intergénérationnels. RENAUD T. dans ses cours estime que la
plupart des processus montrent l'importance du phénomène de
reproduction sociale dans les lignées ou de reconduction des rapports
sociaux entre les groupes ou entre les classes sociales. Et PASSERON
lui-même affirme dans la même revue que « Le
modèle de reproduction sociale est, en somme, un étalon pour
mesurer les changements enregistrés pour conclure si oui ou non on est
resté dans le même cas de figure, le même type de structure,
et non pour fixer des écarts ou des relations entre des
groupes ».
C'est sur la base de ces considérations
théoriques que nous avons formulé nos hypothèses de
recherche, en considérant les jeux enfantins comme un fait social
total.
2.4. HYPOTHESES DE RECHERCHE
Une hypothèse de recherche est une
« proposition que l'on soumet à
vérification par l'épreuve des faits » (RICHELLE,
1998)17. Dans le cadre de notre travail, l'Hypothèse
Générale (HG) est la suivante :
HG : les jeux pratiqués
par les enfants en milieu scolaire sont une reproduction des comportements
sociaux.
Deux hypothèses secondaires (HS) se greffent à
la générale :
HS1 : la maitrise des règles de
jeu enfantin est un moyen de socialisation de ceux-ci.
S2 : En cas de litige au cours du jeu,
les enfants font recourt au couple d'enseignants semainiers.
Il importe de mettre en place des outils de collecte aptes
à restituer les réalités du terrain.
2.5 NOTES DE LECTURE
7. POUJOL (G.) et MIGNON (J-P.) :
Guide de l'animation socioculturelle, Dunod, Action sociale, 2005.
8. Dictionnaire LAROUSSE, 1998.
9. Guide de l'accompagnement à la
scolarité, 2001
10. MBONJI EDJENGUELE : Contribution
à l'étude des jeux camerounais comme exercice initiatique, Paris,
Vil, Doctorat d'Etat, 1992. Puis NGA NDONGO V. et
KAMDEM E. : Le jeu dans l'univers culturel camerounais. Contribution
à une analyse des pratiques ludiques traditionnelles comme exercices
initiatiques, 1992. Ces livres contribuent à mieux comprendre l'impact
des jeux sur le phénomène de socialisation.
11. BROUGERE (G.) : jeu et
éducation, l'Harmattan, 1995. Nous avons régulièrement
consulté ce livre sur le site :
http://books.google.cm/books?id=MJODA5xKzWoC&printsec=frontcover&dq=jeu+et+%C3%A9ducation+broug%C3%A8re&hl=fr&ei=uLteTJjcDMuTjAfL1rzxAw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CCYQ6AEwAA#v=onepage&q&f=false.
Nous restituons ici le résumé du livre tel que
présenté sur la quatrième de couverture et disponible sur
le site :
http://www.amazon.fr/Jeu-%C3%A9ducation-Gilles-Broug%C3%A8re/dp/2738433839
12. DELALANDE (J.) :
La cour de récréation : Contribution à une anthropologie
de l'enfance, Rennes, PUR, 2001. Ce résumé est disponible sur
http://www.ordp.vsnet.ch/fr/resonance/2004/juin/delalande.htm
13. HENRIOT (J.) : Sous couleur de
jouer - La Métaphore ludique, Paris, José Corti, 1989,
cité par BROUGERE (G.), (1995, P.9).
14. REYNOLDS (P.C.) : « Play,
language and human evolution », 1972, cite par BRUNER J.S.:
« L'ontogénèse des actes de
langage », in Journal of Child Language, 1975, 2, 1-9,
Cambridge, tr.fr. In Le Développement de l'enfant, savoir faire, savoir
dire, Paris, PUF, 1983, P223-224
15. VAN GENNEP (A.),
« Introduction générale. Du berceau à la
tombe. Naissance, baptême, enfance, adolescence,
fiançailles », Manuel de folklore français
contemporain, t. 1, première partie, Paris, Picard, 1943
16. AKTOUF (O.) :
Management and theories of Organisations in the 1990s: toward a critical
radical humanism? Academy of Management Review, 1992
17. RICHELLE (M.) : Dictionnaire de
psychologie, Paris, 1998
Chapitre 3: APPROCHE METHODOLOGIQUE
Nous présentons ici l'approche méthodologique,
en trois points essentiels. La Population (1), l'échantillon (2),
les techniques de collecte et d'analyse des données sur
le terrain (3) et enfin les notes de lecture (4).
3.1 LA POPULATION
La population d'étude est un ensemble de sujet sur
lesquels un chercheur voudrait mener des enquêtes ou investigations. En
sciences sociales, on distingue trois types de populations :
· la population cible;
· la population accessible;
· la population parente
3.1.1. LA POPULATION PARENTE
Elle désigne la population de base.
C'est-à-dire, la population générale qui intéresse
le chercheur et qu'il souhaite couvrir pour les besoins de son enquête.
Dans le cadre de notre étude, la population parente est
l'ensemble des élèves pratiquant des jeux pendant la
récréation dans les écoles primaires du Cameroun.
3.1.2. LAPOULATION CIBLE
C'est celle sur laquelle le chercheur désire appliquer
les résultats de ses analyses parce qu'elle est une partie de la
population disponible au chercheur. Celle de notre étude est
représentée par les enfants pratiquant les jeux dans les
écoles primaires de l'univers culturel
béti18.
3.1.3. LA POPULATION ACCESSIBLE
Elle est considérée comme un sous ensemble de la
population cible disponible au chercheur. Dans le cadre de cette étude,
la population accessible est l'ensemble des élèves du CE1 et CE2
de l'EPN, représenté dans le tableau ci-dessous.
Tableau n°1: Répartition de la
population accessible.
Classe
|
Effectif
|
Pourcentage
|
CE1
|
35
|
43,2
|
CE2
|
46
|
56,8
|
Total
|
81
|
100
|
Sources: Ficher des élèves de l'EP de
NKOLNDA.
C'est à partir de cette population accessible que nous
avons tiré notre échantillon.
3.2. ECHANTILLON
L'échantillon est un ensemble de sujets
sélectionnés à partir d'une population bien
définie.
3.2.1. CONSTITUTION DE L'ECHANTILLON
Nous référent sur les observations et entretiens
effectués pendant la récréation, nous avons
constitué une base de sondage pour l'administration de notre
questionnaire, en classant les élèves en fonction des
activités pratiquées.
Ceci nous a permis de rassembler les cas dont on avait besoin
dans une seule classe, le CE2 et de tirer là notre échantillon.
Vu l'indisponibilité du CE1 au moment de la passation du
questionnaire.
Tableau n° 2 : Délimitation de
l'échantillon.
Classe
|
Population
|
Echantillon
|
pourcentage
|
CE1
|
35
|
0
|
0
|
CE2
|
46
|
46
|
100
|
Total
|
81
|
46
|
100
|
3.2.2 TAUX DE SONDAGE
Taux de sondage = Échantillon
souhaité x 100
Population
Notre échantillon souhaité est de 46 enfants
(taux= 46x100 = 56,79)
81
Ceci nous a permis de vérifier la
représentativité de notre échantillon par rapport
à la population. Et surtout de préparer les outils de collecte
des données.
3.3. TECHNIQUE DE COLLECTE ET D'ANALYSE DES DONNEES SUR
LE TERRAIN
La technique est un outil ou un instrument permettant la
collecte ou le traitement des données empiriques nécessaires
à la vérification des hypothèses. Pour la collecte du
corpus relatif à cette étude, nous avons opté pour les
techniques suivantes : la recherche documentaire, les observations, les
entretiens et le questionnaire.
3.3.1. LA RECHERCHE DOCUMENTAIRE
C'est le point de départ de toutes nos investigations,
ces résultats ont permis de baliser l'ensemble de cette étude.
Pour parvenir à la réalisation de ce travail, nous avons tout
d'abord consulté nos cours, avec un approfondissement sur Internet.
Ensuite, nous avons exploité les rapports de recherche, les bulletins
d'informations, les lois, décrets et circulaires relatifs au
fonctionnement et l'organisation de la sphère éducative. Ce sont
ces lectures qui nous ont permis de mieux situer notre problème et
déterminer son originalité.
3.3.2 LES OBSERVATIONS
Les observations sont un moyen permettant au chercheur
d'explorer un champ sans y laisser trop de lacunes. Dans le cadre de ce
travail, nous avons fait recours à plusieurs types d'observations.
Tout d'abord, l'observation naturaliste, où nous avons
essayé de nous infiltrer dans le site de recherche, pour y
« voir sans être vu » le
phénomène à étudier ; tout en essayant de
diminuer la distance sociale observateur/observé. Il s'agissait aussi
pour nous de mettre en place les conditions des observations ultérieures
et surtout de recenser le matériel nécessaire pour cette
opération.
Ensuite, l'observation directe, où nous avons
regardé et écouté les élèves en action sans
pour autant s'adresser à eux. Et enfin l'observation armée n'a
pas été possible, car elle troublait les enfants. Le contenu de
ces observations nous a servi de matière de base pour les entretiens.
3.3.3. L'ENTRETIEN
Dans cette étude, il s'est agit d'entretiens face
à face, d'usage apparemment facile, cette méthode de recueil des
données est largement utilisée en sciences sociales (BLANCHET A.,
1995)19. Il était question ici de centrer le discours des
personnes interrogées autour des différents thèmes
définis par les observations et consignés dans un guide
d'entretien semi directif. Cette méthode nous a permis ainsi d'avoir des
informations sur la désignation réelle des jeux
étudiés et plus particulièrement sur les règles de
ceux-ci. L'ensemble de ces données recueillies a été
complétée par un questionnaire.
3.3.4. LE QUESTIONNAIRE
Nous avons utilisé le questionnaire comme technique de
données. Nous avons répartis notre questionnaire en trois
parties.
- la correspondance adressée au répondant visant
à lui expliquer le bien fait dudit questionnaire;
- l'identification sommaire du répondant
- la formulation de la question fermée ayant trait
à la personne ressource sollicitée par l'enfant en cas de litige,
au cours des jeux pendant la récréation.
3.3.4.1. ADMINISTRATION DU QUESTIONNAIRE
Nous nous sommes d'abord dirigés vers le directeur de
l'EPN, auprès duquel nous avons eu l'autorisation de passer notre
questionnaire, après convocation dans son bureau de la responsable du
CE2. La deuxième classe, celle du CE1, étant indisponible, leur
maîtresse était permissionnaire pour des besoins de
célébration du cinquantenaire de l'indépendance du
Cameroun. Ensuite, nous nous sommes dirigés dans la salle de classe
pour distribuer le questionnaire à l'échantillon.
Après avoir distribué le questionnaire, nous
leur avons expliqué le contenu afin qu'ils n'aient pas de
difficultés de compréhension. Pendant qu'ils répondaient
aux questions, nous passions dans les rangées en jetant des coups d'oeil
et en donnant d'avantage des explications.
Une fois les données collectées sur le terrain,
nous avons procédé au traitement manuel de celles-ci, en
dénombrant les fréquences observées recueillies. Celles-ci
nous ont permis de dresser les tableaux statistiques. Nous avons utilisé
le principe de distribution d'échantillonnage pour évaluer avec
plus ou moins de précision les proportions que seraient susceptibles de
prendre notre échantillon. La formule qui s'applique est la suivante
:
Echantillon = (valeur du z au seuil de confiance fixe) x
ecart-type du pourcentage de l'echantillon.
% dans l'échantillon x (100 - % dans
l'échantillon)
Effectif de l'échantillon
Avec Ecart - type de l'échantillon =
En dehors de la recherche documentaire qui s'est faite
à l'aide des investigations sur les auteurs ayant publié des
ouvrages relatifs au jeu et la récréation. Nos enquêtes se
sont déroulées pendant la récréation, entre 10H et
10H30, selon les jours ouvrables. Ce qui nous a permis de collecter un corpus
important.
3.4. NOTES DE LECTURE
18. Selon madame BAPOLA Florence,
enseignante des niveaux 1et 2 depuis 20 ans, à la fondation Scolaire
AHANDA, YAOUNDE, « Les enfants béti, un des groupes
ethniques dominant de la région du CENTRE - Cameroun, sont mieux
outillés que les autres, à l'écrit comme à l'oral.
Ceci grâce au passé colonial qui leur a légué des
dictionnaires en langues locales. » Interview réalisé
le 01/08/2009 à EMOMBO-YAOUNDE.
19. BLANCHET (A.) : L'entretien dans les
sciences sociales, Paris, Dunod, 1995
Chapitre 4 : PRESENTATION ET INTERPRETATION DES
DONNEES
Plus besoin de revenir sur la définition de
la recréation dont nous avons largement présenté les
contours dans le premier chapitre. Cependant comme le confirme DELALANDE
Julie20 « La récré est loin
d'être un espace hors normes. À travers les jeux et les
conversations se transmet toute une culture enfantine, faite aussi de
règles sociales et d'apprentissages par les pairs, grâce auxquels
chaque enfant est à même de construire son
identité. ».
Dans ce chapitre, nous allons essayer de restituer,
in fine, l'intégralité de nos
investigations menées à l'Ecole Publique de
NKOLNDA, une banlieue de la ville de Yaoundé. Lesquelles nous ont permis
de dégager quelques aspects intéressants des activités
périscolaires, notamment, les origines des jeux enfantins
pratiqués pendant la recréation (1), de jauger l'impact de
ceux-ci sur l'apprentissage de l'enfant (2) et surtout de s'interroger sur le
mode de régulation des conflits entre pairs (3).
4.1. LES ORIGINES DES JEUX ENFANTINS DE RECREATION
A l'école, les recréations sont un moment
privilégié dans l'emploi de temps des enfants. La preuve est que,
une fois que la sonnerie retentit, ils poussent tous un cri de joie :
« wéééh ». Réaction
observable surtout au niveau 1 (SIL et CP).
Ainsi, la recréation leur permet de construire chaque
jour les habitudes de jeu, des nouvelles relations d'amitié et d'amour.
Ce que nous appelons en sociologie, une expérience collective de la vie
en société. Au regard des différentes données
recueillies sur le terrain, l'on pourrait penser que les apprentissages
ludiques et sociaux se font des aînés vers les cadets. Les plus
jeunes qui arrivent à la cour, commencent toujours par observer les
grands, par emprunter leur manière de faire, par se plier aux
règles explicites et implicites qui distribuent l'espace.
Mais, en général, tous les jeux ne permettent
pas à tous les pratiquants de jouer les mêmes rôles.
C'est le cas de « Papa et
maman », ceux-ci doivent se recruter parmi les plus
âgés ou les plus aptes du groupe. Par ailleurs, les enfants du
niveau 2, CE1 et CE2, qui ont focalisé notre attention sur le terrain,
nous ont fait savoir qu'ils jouaient rarement avec ceux du CM. Ce qui
signifierait que les apprentissages se font dans un deuxième temps au
sein du groupe de pairs. En particulier, la transmission des techniques et les
règles de jeux y sont acquises. C'est avec ses camarades qu'en jouant,
on apprend, on enrichit et on transforme.
Un autre fait caractéristique, c'est le fait que chaque
groupe de joueurs essaie de modifier les règles de jeu à sa
convenance et les personnalise pour en faire son jeu. Nous avons
interrogé Bibiche, une élève du CE2, en présence de
sa mère (Maman C), au sujet des origines du ndochi, un jeu qui
fait la une dans les cours de recréation des villes et même des
campagnes camerounaises, celle-ci nous a répondu qu'elle ne sait pas
exactement où elle a appris ce jeu. Quelques instants plus tard, nous
avons interrogé sa mère sur le même sujet. Celle-ci, nous a
fais savoir que c'est sa fille qui a introduit ce mot à la maison,
elle-même ignorait la portée et les règles de ce jeu.
Cette réponse nous amène à croire que
les jeux des enfants ont une pluralité de sources d'inspiration et que
les adultes, eux-mêmes finissent par apprendre auprès des
enfants certains aspects de la culture : La culture enfantine. D'où
la nécessité pour nous de (re)visiter un des aspects de celle-ci,
à travers l'étude des jeux des élèves pendant la
recréation.
Dans la suite du travail, nous allons essayer de mettre en
exergue les éléments constitutifs du jeu et qui entrent en
considération dans l'apprentissage.
4.2. JEUX ENFANTINS ET APPRENTISSAGE
Généralement, les chercheurs en sciences
humaines étudient les enfants dans leurs relations aux adultes. La
sociologie de la famille et de l'école les insère dans un
contexte d'analyse des relations éducatives. Domine alors un point de
vue « adultocentrique »,21 lequel
consiste à chercher comment le jeune individu devient un adulte
compétent. Mais l'on sait peu de chose de ce qui se vit entre pairs.
C'est-à-dire, comment les enfants se débrouillent -ils lorsque
les adultes leur laissent un lieu et un temps d'autonomie ?
La prise en compte de ce constat, nous a permis d'observer les
jeux pendant près de quatre mois à l'école publique de
NKOLNDA. Pour faciliter nos entretiens avec les enfants, nous nous sommes
présentés à eux comme un apprenant, ce qui nous a permis
de se familiariser avec certains d'entre eux, au point de se rendre dans leur
domiciles respectifs.
4.2.1. PRESENTATION DES JEUX ETUDIES
Nous avons assimilé plusieurs jeux sur le terrain, et
parmi ceux-ci, nous avons retenus, le ndochi, le mariage à la fronde
et la déclaration de guerre. Trois jeux qui font la une ces jours
dans la cour de recréation de l'école Publique de NKOLNDA et dont
les règles contribuent à étayer les objectifs de notre
recherche. Nous livrons ici, in extenso, le contenu de nos
fiches d'observation par jeu. Celles-ci comprennent les articulations
suivantes : Le numéro d'ordre du jeu, le nom, le matériel
utilisé, le but du jeu, l'effectif minimal pour qu'une partie de jeu ait
lieu, la participation par genre, la préparation du jeu et les
règles de fonctionnement de celui-ci
Tableau N° 3 : Le ndochi
Jeu N°1
|
Nom du jeu
|
ndochi (babouches)
|
Matériel
|
les babouches et un ballon
|
But du jeu
|
ranger les paires de babouches tout en évitant de se
heurter au ballon en mouvement.
|
Nombre de joueurs minimum
|
3
|
Répartition par sexe
|
Majoritairement les filles et accessoirement les
garçons
|
Préparation du jeu :
|
constitution de deux
équipes ayant chacune à sa tête une mère. Le reste
des participants se mettent par paire d'enfants et selon un ordre chronologique
de proclamation. Il revient aux mères de
« couper » les couples et de choisir ceux qui
feront partir de leur famille. Si le nombre de joueurs est impair, la
dernière personne devient passe partout, c'est -à dire qu'il joue
pour les deux groupes. En suite délimitation de l'aire de jeu.
|
Règles de jeu
2. Positionnement des différentes équipes sur
l'aire de jeu (un lanceur de chaque côté appartenant à la
deuxième équipe). La première mère choisit celui
qui va au milieu pour défendre son équipe. Au début du
jeu, les deux premiers lancers ne comptent pas. Au troisième lancer, les
lanceurs se mettent à viser le joueur qui se trouve au milieu. Celui-ci
cherche à éviter l'obstacle (le ballon) ou alors s'emploie
à le saisir pour le propulser le plus loin possible. Pendant que les
ramasseurs vont récupérer le ballon, le
« joueur central » range les babouches,
les compte avec les pieds, puis les remets tels qu'elles étaient au
départ. Réaliser un tel parcours signifie que l'on a
marqué un point ou un but, ce qui donne droit à un surplus de jeu
pour l'équipe. Un tel exploit est sanctionné par une salve
d'applaudissements venant de toute part.
3. Si le joueur central est atteint par le ballon, sans toute
fois le saisir, celui-ci est appelé à sortir, car il a perdu la
partie. Un tel échec est sanctionné par des réactions
diverses : C'est la déception pour ses co-équipiers et la
joie pour l'équipe adverse qui envoie à son tour son
représentant au milieu.
4. Le « passe partout »
n'a pas droit au but, il ne peut pas marquer de point. Il peut classer, compter
et ne peut tout « gâter ».
|
Tableau N°4 : Le mariage à la
fronde.
Jeu N° 2
|
Nom du jeu
|
Le mariage à
la fronde
|
Matériel
|
la fronde
|
But du jeu
|
attribuer une femme ou un mari au joueur.
|
Nombre de participants
|
minimum 3
|
Répartition par sexe
|
filles et garçons
|
Préparation du jeu :
|
Mise en place de l'ordre de passage des familles
|
Règle de jeu :
1. Deux personnes tiennent chacun un bout de la fronde et la
font tourner en rond (c'est-à-dire en spirale). Le troisième
joueur entre au milieu et se met à sauter. Pendant ce temps, tout le
monde se met à réciter l'alphabet français, au rythme des
bonds.
2. A la lettre de l'alphabet qui correspond à la chute
du joueur du milieu, c'est-à-dire, quand ce dernier piétine la
fronde, on lui attribue toute suite un prénom (de femme si c'est un
homme et d'homme si c'est une femme), commençant par la «
lettre de chute ». En suite le joueur reprend une autre
partie, celle-ci est rythmée par la « formulette »
suivante : « Monsieur/madame X, voulez-vous épouser
Madame/monsieur Y ?
Si c'est oui, c'est l'expérience. Si c'est non,
c'est de la souffrance. Dis-moi oui, dis- moi non, dis-moi si tu l'aimes.
(Bis)
Oui/non, oui /non...
2. La sanction est donnée par la seconde chute du
joueur au milieu (oui/non).
3. Si c'est oui, on établit une relation de partenariat
sexuel entre le joueur et le(s) porteur(s) de ce prénom dans le
quartier ou le village.
|
Tableau N°5 : Déclaration de
guerre
Jeu N°
3
|
Nom du jeu
|
Déclaration de guerre.
|
Matériel
|
Un ballon.
|
But du jeu
Nombre de joueurs
|
annexer le
territoire autrui.
Minimum 3.
|
Répartition par sexe
|
filles et garçons (en
majorité)
|
Préparation du jeu
|
Tracer un cercle, le diviser en n portions (en
fonction du nombre de joueurs) et chacun donne un nom de pays à sa
portion. Lequel est ensuite inscrit sur l'aire de son territoire.
|
Règle de jeu :
a) Chaque joueur est désigné par le nom du pays
qu'il a choisi. Le premier à déclarer la guerre va au milieu et
lance le ballon le plus haut possible et dit : « je
déclare la guerre contre X
(nom du pays) », pendant ce temps les
autres prennent fuite. Le pays attaqué reste sur place pour capter la
boule. S'il capte la boule, il déclare la guerre à son tour
à un autre pays de son choix.
b) Si la boule touche le sol, il la ramasse et dit
« stop » puis il cherche à lancer la boule sur
n'importe qui.
c) Si cette boule touche un joueur celui-ci voit son
territoire annexé, en partie ou en totalité par le lanceur.
d) Si ce ballon ne touche personne, n'importe qui peut le
ramasser et aller annexer le territoire de celui qui l'a visé.
e) Le vainqueur du jeu est celui qui a étendu le plus
largement possible son territoire.
|
4.2.2. INTERPRETATION SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE DES JEUX
ETUDIES
- Le numéro d'ordre.
L'ordre d'apparition des jeux ci-dessus
énumérés doit être perçu comme un code et non
comme une échelle de grandeur. Si tel était le cas le foot chez
les garçons et les claquettes chez les filles occuperaient les
premières marches du podium. Il serait plus judicieux de mieux scruter
la dénomination pour avoir quelques éléments
d'analyses.
- La désignation du jeu
Chaque jeu enfantin est désigné par un nom,
lequel renvoie au contenu de l'activité exercée, mais surtout
à un fait social précis : la guerre, le mariage, la
sécurité. Nous avons fait le tour de la ville pour obtenir une
signification convaincante du nom ndochi (jeu N° 1). C'est
finalement EDUBE, un de nos informateurs du quartier EMOMBO, qui nous a
fourni une explication acceptable. C'est un mot qui viendrait du
pidgin 22 « doging » et qui
signifie en anglais courant « escaping »,
c'est-à-dire, s'échapper. Les béti le
prononceraient mal sous le vocable :
« ndochi ».
La désignation d'un jeu est un élément de
signification et celle-ci n'acquiert cette signification qu'à condition
qu'elle soit intégrée dans un système. HENRIOT J.
(1989 ; 9)23souligne à cet
effet qu'« Employer un terme n'est pas un acte solitaire
mais sous entend un groupe social pour lequel ce vocable fait sens. Il existe
un ensemble d'êtres qui pensent et parlent comme moi... »
. Pour lui, Il faut commencer par prendre « le mot au
jeu ». En recherchant les éléments constitutifs
qui permettent de mieux appréhender la réalité du
phénomène.
- Le matériel utilisé.
Le ballon, la fronde et les chaussures apparaissent comme les
artefacts les plus usités dans la pratique des trois jeux
étudiés. Il ne faudrait pas les regarder comme tels. Dans la
mesure où, ceux-ci remplissent chacun un rôle précis, en
tant qu'élément d'une totalité. Dans la pratique
quotidienne, il y a jeu à partir du moment où l'enfant a appris
à distinguer quelque chose comme jeu : le jouet. Il n a pu le tirer de
lui-même. Voilà certainement pourquoi, le ballon semble être
un élément incontournable des jeux enfantins, étant
donné que celui-ci est vulgarisé dans les sports collectifs comme
le football, le handball, le volleyball, le basketball.
A titre d'illustration, le ballon qui est assimilé
à une balle (cartouche) laquelle permet d'annexer un territoire ennemi
(jeu N°3). Au toucher du même ballon vous devez quitter le milieu
(jeu N° 1). On s'aperçoit bel et bien que le ballon a une fonction
destructive laquelle semble se reproduire dans tous les jeux enfantins.
Quant aux babouches et à la fronde citées aux
jeux 1 et 2, celles-ci apparaissent comme des éléments
d'appréciation. Dans le cas du ndochi, ranger les babouches par
pairs permet d'obtenir des gains (jeux supplémentaires). La fronde quant
à elle est assimilable à un piège ou une rivière
(jeu N°2). Lorsque vous piétinez la fronde pour la première
fois, vous êtes pris au piège, vous devez donc vous battre pour y
ressortir honorablement, c'est - à dire, lorsque vous piétinez la
fronde pour la seconde fois. D'où, la
« formulette » suivante : « Si
c'est non, c'est la souffrance, (...), si oui, c'est
l'expérience. »
Le jouet est en conséquence non
matérialisation d'un jeu mais une image qui évoque un aspect de
la réalité et que le joueur peut manipuler à sa guise. Au
contraire, les jeux en tant que matériel impliquent de façon
explicite un usage ludique qui prend souvent la forme d'une règle (jeu
de société), ou d'une contrainte (jeu d'adresse, jeu de
construction) qui constituent une structure préexistante au
matériel.24 D'où la nécessité pour nous
de mieux savoir le but visé par chaque activité.
- Le but du jeu.
Au-delà du plaisir qu'il procure aux pratiquants, le
but du jeu est ce à quoi l'on veut aboutir en le pratiquant.
« Échapper à la ruine ou
à la destruction », cas du ndochi,
« Trouver un partenaire », ou
alors « annexer un espace » cas
des jeux 2 et 3. D'une manière générale, c'est l'intention
que l'on a et qui se matérialise par les ressources humaines à
déployer.
- Le nombre de joueurs
L'effectif minimal pour qu'une partie de jeu ait lieu est de
3. Sur le plan symbolique, cela représente, le Père, la
mère et l'enfant. Condition nécessaire pour qu'il y ait jeu
social. Le joueur axial ou central étant assimilable à l'enfant
et les chefs de groupes aux chefs de familles (papa et maman). Sans les trois
acteurs le jeu n'a pas de sens, c'est-à-dire qu'il n'est pas attrayant.
Voilà pourquoi le
« Passe-partout » du ndochi ne
peut marquer de point. Il est assimilable au célibataire. Celui-ci est
contraint de trouver un partenaire (le jeu N° 2). Signification d'une
expérience réussie de vie sociale.
Il va falloir scruter judicieusement dans l'approche genre
pour comprendre comment papa, maman et les enfants interagissent dans la vie
familiale, c'est - à dire, pour le cas échéant dans un
jeu.
- L'approche genre.
Il y a une approche genre dans les jeux des enfants, certains
sont « filles », d'autres
« garçons » et certains sont mixtes. Pour
les cas présents, le ndochi est majoritairement pratiqué
par les filles que les garçons, le mariage à la fronde est
beaucoup plus mixte et la guerre est réservée plus aux
garçons qu'aux filles.
Pour une bonne compréhension de cette approche, il est
préférable de comprendre comment se prépare un jeu afin de
mieux situer nos analyses.
- La préparation du jeu
Cette étape consiste à valider les
règles à appliquer au cours du jeu ainsi qu'à la
délimitation de l'aire de jeu. C'est aussi le moment de constituer les
groupes de passage et celui de la désignation des chefs d'équipes
(les mères pour le cas du ndochi). L'objectif est de savoir
à l'avance les limites de chaque acteur social. Rôles de la
mère, du père et des enfants.
Ce sont les divers rôles que jouent ces
différents acteurs, dans un espace délimité qui
constituent ce que l'on peut à juste titre nommé règles de
jeu.
- Les règles de jeu.
Pour un même jeu, les règles peuvent varier d'un
groupe à l'autre, ou selon les saisons, cependant la fonction principale
du matériel reste la même. C'est ici qu'apparait clairement
l'impact des jeux sur le processus d'apprentissage de l'enfant. Dans ce sens
qu'il apprend à travers ceux-ci, le fonctionnement global de sa
société et les savoirs nécessaires pour son
intégration en milieu scolaire.
Il faut jouer à « police contre
voleur », pour savoir le rôle de l'un et de l'autre
(apprentissage social). La pratique d'un jeu suppose l'apprentissage de
quelques pré-requis scolaires. A savoir, l'alphabet français, le
lexique des noms de votre entourage, « les
figurines » et la petite
« formulette » ou
« comptine » qui accompagne le jeu (cas du mariage
à la fronde, jeu N°2) ou alors une disposition physique ou morale
pour affronter la rude épreuve qu'impose le ballon (Cas du
ndochi et de la guerre).
Ainsi, les jeux pendant la recréation, permettent
à l'enfant de vivre une expérience de vie unique, celle qu'il ne
trouve pas toujours en classe ou à la maison. La cour de
recréation apparait dés lors comme un espace neutre permettant
aux enfants de reproduire les comportements familiaux à l'école
(Cf. désignation des acteurs). Croire que les savoirs acquis par la
pratique des jeux seraient contre productifs pour l'apprentissage de l'enfant,
serait méconnaitre les fondements culturels de ceux-ci. Les
maîtresses du CE1 et CE2 de l'Ecole Publique de NKOLDA, nous ont fait
savoir qu'il leur était difficile d'interrompre une partie de
ndochi.
Si à l'école, l'enfant trouve un espace lui
permettant de s'exprimer en toute liberté avec ses pairs, à
travers la pratique des jeux. Comment réagit -il en cas de litige ?
4.3. REGULATION DES CONFLITS ENFANTINS PENDANT LA
RECREATION
Autrefois à l'école, les hiérarchies
étaient claires et fortes, les frontières étaient
très marquées et respectées (séparation entre
filles et garçons, enseignants et élèves, école et
famille) ainsi que le confirme NANCHEN Maurice (2001)25 si bien que
les conflits se réglaient par l'autorité et le vécu
quotidien des protagonistes n'était qu'une préoccupation
marginale.
De nos jours, le modèle relationnel parent-enfant s'est
profondément modifié. Au modèle traditionnel de PARSONS,
marqué par la division sexuel des rôles masculins et
féminins et l'exercice de l'autorité parentale, fait place un
modèle plus démocratique qui opte pour une éducation
à la liberté. C'est ce style que BAUMRIND (1971) qualifie de
style « autoritatif »26 et qui
apparaît également à l'école.
A l'école chacun peut -être amené à
jouer le rôle de facilitateur de la communication : le directeur, les
enseignants, certains élèves et bien d'autres acteurs. Sans qu'il
s'agisse pour autant de médiation scolaire officielle.
Il est doc question ici, d'étudier statistiquement
comment le sexe et l'origine socioculturelle des enfants influent sur le choix
du facilitateur, dans le cadre de la résolution des conflits entre
pairs27.
Tableau N° 6 : Tableau présentant les
fréquences associées à la variable personnes
sollicitée comme facilitateur pour la résolution des
conflits.
Personnes sollicitées
|
|
Enseignants semainiers
|
Enseignants de sa classe
|
Enseignant le plus proche
|
Le directeur
|
spectateurs
|
Ainé ou chef de groupe
|
Autres
|
|
Effectifs
|
3
|
3
|
2
|
66
|
0
|
2
|
1
|
17
|
Fréquences
|
17,65
|
17,65
|
11,65
|
35,3
|
0
|
11,65
|
5,88
|
100
|
47 % des enfants font appel aux enseignants pour la
résolution des conflits engendrés entre pairs par la pratique des
jeux pendant la récréation. 35, 6 % d'entre eux, s'adressent
directement au directeur. 17, 65 % des conflits sont résolus à
l'insu des encadreurs éducatifs. Ce qui signifierait qu'une bonne
franche des litiges issus de la pratique des jeux enfantins trouve leurs
solutions au sein du groupe des pairs.
Tableau N°7 : Tableau croisé
présentant les résultats associés aux variables sexe et
personnes sollicitées
Personnes sollicitées
|
Sexe
|
Enseignants semainiers
|
Enseignants de sa classe
|
Enseignant le plus proche
|
Le directeur
|
spectateurs
|
Ainé ou chef de groupe
|
Autres
|
|
Filles
|
1
|
2
|
0
|
3
|
0
|
2
|
0
|
8
|
Garçons
|
2
|
1
|
2
|
3
|
0
|
0
|
1
|
9
|
Total
|
3
|
3
|
2
|
6
|
0
|
2
|
1
|
17
|
fréquences
|
17,65
|
17,65
|
11,65
|
35,3
|
0
|
11,65
|
5,88
|
100
|
? La proportion des filles qui font recourt aux enseignants
est très marginale par rapport à celle des garçons. Mais
celles-ci s'égalent au niveau du recourt au directeur.
? Les filles ne font jamais appel aux enseignants les plus
proches, encore moins aux autres intervenants de la sphère
éducative. Celles-ci recherchent prioritairement le consensus entre
pairs, par l'intervention des aînées du groupe.
Tableau N° 8 : tableau croisé
présentant les résultats associés aux variables
origine ethnique des enfants et personnes ressources
sollicitée.
Personnes sollicitées
|
Ethnie
|
Enseignants semainiers
|
Enseignants de sa classe
|
Enseignant le plus proche
|
Le directeur
|
spectateurs
|
Ainé ou chef de groupe
|
Autres
|
|
ewondo
|
1
|
1
|
1
|
2
|
0
|
0
|
0
|
5
|
bulu
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1
|
0
|
1
|
eton
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1
|
1
|
bassa
|
0
|
1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1
|
fulbé
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1
|
0
|
1
|
bamiléké
|
0
|
1
|
1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
2
|
yambassa
|
2
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
2
|
Autres
|
0
|
0
|
0
|
4
|
0
|
0
|
0
|
4
|
Total
|
3
|
3
|
2
|
6
|
0
|
2
|
1
|
17
|
Fréquences
|
17; 65
|
17,65
|
11,65
|
35,3
|
0
|
11,65
|
5,88
|
100
|
Les enfants d'origine ewondo font uniquement
recourt aux encadreurs éducatifs, à savoir, les enseignants et le
directeur. Il en est de même pour les bassa, les
bamiléké et les yambassa. Cependant, les
fulbé et bulu encouragent le consensus au sein du
groupe des pairs.
Au regard des disparités qui existent entre
bulu et ewondo deux groupes ethniques apparemment très
proches. Tout porterait à croire que la religion serait un facteur
déterminant pour expliquer le choix des uns et des autres. Il est
avéré que les étrangers, c'est - à dire, les non
camerounais s'adressent exclusivement à l'administration de
l'école.
v Estimation de l'intervalle de fluctuation de
proportion d'échantillon.
Nous partons de l'hypothèse HS2 à
vérifier. Celle-ci stipule qu'en cas de litige pendant la
récréation, les enfants font recourt au couple d'enseignants
semainiers.
Il va falloir extrapoler la valeur de ce paramètre
à partir de ceux identifiés dans notre échantillon. C'est
le moment pour de passer d'une fonction de description à une fonction
d'inférence.
Ici nous avons à faire à un petit
échantillon (n<30). C'est la loi du t de
Student qui prévaut pour établir la valeur de mesure au
seuil de confiance. Dans le cas présent, la taille de
l'échantillon est de 17, le nombre de degré de liberté
(ddl) est donc de 17-1=16.
Au seuil de confiance de 5 % (0,005 dans la table), la valeur
observée est de 2, 120. Reste à appliquer la formule.
% de l'échantillon = Valeur du t (au seuil
fixé et au ddl) x Ecat-type de l'échantillon
Avec :
% dans l'échantillon x (100 - % dans
l'échantillon)
Effectif de l'échantillon
Ecart - type de l'échantillon =
+
82,35
17
Soit 17, 65
(2,12) x
+
17,65 4,66
L'intervalle se situe donc entre 12, 34 % (borne
inférieure) et 22, 31 % (borne supérieure). Cet intervalle a 95 %
de chance de contenir le vrai taux d'enfants qui font recourt au couple
d'enseignants semainiers.
On peut conclure que les enseignants semainiers ne disposent
pas du monopole de la résolution des conflits des enfants pendant la
récréation. Ils sont concurrencés par le directeur qui
d'ailleurs, en est le plus sollicité. Il apparaît également
chez les filles qu'une bonne franche des conflits trouve leurs solutions au
sein des groupes des pairs. Ce qui confirme l'idée de
« petites mères » employée
par BILOA ATANGANA Ernestine à leur égard.
(2008;7)28
4.4. NOTES DE LECTURE
20. DELALANDE (J.) : La cour de
récréation. Pour une anthropologie de l'enfance, Rennes, P.U.R.,
2001.
21 Voir l'enfant, Hors -série N° 45,
Juin-juillet-août 2004.
22. Le pidgin est une langue hybride née de
la fusion de l'anglais et des langues locales africaines.
23. HENRIOT (J.) : Sous couleur de jouer -
La Métaphore ludique, Paris, José Corti, 1989.
24. Voir à ce sujet Gilles BROUGERE,
« Le jouet, objet extrême », in Design Recherche,
septembre 1992.
25. NANCHEN Maurice,
Médiation scolaire ou l'histoire d'une stratégie pour mieux vivre
ensemble. Exposé présenté dans le cadre de la
journée de réflexion des médiateurs scolaires du Valais
romand, SION, IUKB, 10 janvier 2001.
26. BAUMRIND CIRCA (D.-B.): Principles
of Ethnical Conduct in the treatment of subject, reaction, 1971. Repris
dans le cours de sociologie de l'éducation dispensé par
RENAUD T. en licence
27. Notre questionnaire prend en compte plusieurs autres
variables qui nous aiderons dans la suite de notre travail en Master 2.
28. BILOA ATANGANA (E.), dans son
mémoire de DEA, soutenu à l'université de Yaoundé
I, montre que les filles portent le nom de « petite
mère » parce qu'elles sont prioritairement
éduquées pour la vie conjugale et par conséquent
prêtes à rechercher l'autonomie.
CONCLUSION
Nous situant dans le champ de la recherche en sciences de
l'éducation, nous avons voulu mettre en relation sociologie et
anthropologie, deux disciplines proches dont nous avons une assez bonne
connaissance. Nous nous sommes alors intéressés aux jeux des
enfants pendant la récréation, un espace lieu-temps, où
les enfants se sentent en toute liberté ; hors des contraintes des
éducateurs familiaux et scolaires.
Après une étude exploratoire menée dans deux
écoles primaires, situées en banlieue de la capitale politique et
administrative camerounaise, Yaoundé. Nous avons été
surpris de constater que malgré la présence des maîtres
semainiers, les enfants pratiquaient des jeux qui n'étaient pas pour
autant appris en classe, au vu et au su de tous les encadreurs
éducatifs.
Nous avons dont projeté d'étudier cette
activité qui fait la part belle des enfants pendant la
récréation, en s'interrogeant sur l'origine de ces jeux, de
leurs impact sur le processus d'acquisition des savoirs et des modes de
régulation des conflits au sein des ces groupes de pairs.
Notre stratégie de collecte de données sur le
terrain, a été centrée autour des observations que nous
avons menées pendant les heures de pause , entre 10 heures et10 heures
30, des entretiens semi-directifs réalisés avec les enfants et
leurs enseignants, mais surtout du questionnaire administré au premier
groupe cité, en dernière ressort pour des fins justificatives.
Ce qui nous a conduits à mieux rapprocher approche qualitative et
approche quantitative, éternel thème de débat qui divise
anthropologie et sociologie.
Nos conclusions ont été les suivantes :
- Les apprentissages ludiques se font dans un premier temps,
des aînés vers les cadets, puis au sein du groupe de pairs,
c'est-à-dire, entre camarades de même niveau. Ceux-ci, en retour,
modifient les règles de ces jeux pour en faire les leurs.
- Les jeux sont porteurs de comportements et d'attitudes
souhaitables à transmettre aux enfants. A travers les
« formulettes » et
« comptines », les exercices physiques et
intellectuels, les jeux contribuent à la formation de l'homme en lui
donnant une ligne de conduite telle que souhaitée par la
société toute entière (rôle didactique).
- Pendant la récréation, les enseignants
semainiers et le directeur ne détiennent pas le monopole de la
résolution des conflits enfantins engendrés par la pratique des
jeux. Il apparaît clairement que chez les filles une bonne franche des
conflits trouve leurs solutions au sein des groupes des pairs.
Loin d'avoir balayé l'ensemble des problèmes que
suscite cette réflexion, il apparait également que le la cours de
récréation constitue une
« micro-société » qui reproduit au
quotidien nos comportements familiaux et scolaires.
|