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Production cotonnière et développement rural au Burkina Faso: controverses et réalité. Cas du département de Diabo dans la province du Gourma

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par Paul Marie MOYENGA
Université de Ouagadougou - Memoire de Maà®trise de Sociologie 0000
  

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VI.2. Gestion du revenu du coton

L'argent généré par le coton est utilisé selon plusieurs trajectoires de consommation.

VI.2.1. Les principales allocations

Quoiqu'on dise, le coton injecte de l'argent dans les ménages ruraux. Si d'un côté on peut noter les effets dévastateurs d'une production déficitaire sur un ménage ou sur un GPC entier, il convient aussi de noter que d'un autre côté, les gros producteurs arrivent à se faire des bénéfices. Alors, quel rôle joue cet avoir dans les ménages ?

Une ambiance de fête règne au sein des ménages cotonculteurs le jour de la perception de l'argent du coton. C'est le constat général qui se dégage chez les producteurs qui entendent ainsi récompenser les membres de la famille pour leur participation à la production du coton vendu. Les postes de dépenses sont multiples et les chefs de ménage ne retiennent que ce qui est notable. Par ailleurs, il nous est impossible de disposer du montant des allocations par poste, les paysans euxmêmes s'étant montrés incapables de l'estimer quand nous le leur avons demandé.

Ainsi, l'argent du coton est utilisé dans la construction. Les maisons (de 10 tôles surtout) ont proliféré sur le sol diabolais ces dernières années. Du fait du coût très élevé du ciment, les producteurs déclarent se rabattre sur le banco, les briques ne coütant aucun sou. Ces maisons, bien qu'abritant la famille, servent de moyens de production pour ces cotonculteurs qui expliquent leur importance par les besoins de stockage de coton, avant le transfère sur le marché, contre les vents de saison sèche qui salissent le coton et la rosée qui le rembrunit, toute chose qui affecte sa qualité. Elles servent aussi de lieu de stockage des intrants ou du restant de ceux-ci après la campagne de production. Ce qu'il convient de noter c'est que cette tendance à la construction moderne n'est cependant pas le fait des seuls cotonculteurs ; elle touche toutes les concessions en milieu rural diabolais. En réalité, nous répond ce non producteur, « c'est parce qu'il est devenu difficile

d'entretenir une maison en toit de chaume ». En effet, la chaumière d'une maison nécessite un renouvellement tous les ans, aux meilleures des conditions tous les deux ans sinon « quand il vente, du sable provenant des nids des termites vous emplissent les yeux et les oreilles, et l'eau de pluie s'infiltre à travers le toit vous empêchant de dormir et abîmant vos effets», poursuit-il. Avec la raréfaction des brousses des environs où le moindre lopin est maintenant exploité ou en surpaturage, les paysans sont dans l'incapacité de trouver les herbes indiquées pour ces toitures. Et « comme le secco rivalise de coût avec les tôles (1500 FCFA le secco, renouvelable chaque année contre 2500 FCFA la tôle non renouvelable), il est donc plus rationnel de construire avec les tôles », fait remarquer ce chef de ménage de douze (12) personnes.

Un autre domaine où s'affirment les producteurs de coton est l'acquisition de moyens de déplacement. Ces moyens de déplacement se résument pour l'essentiel aux motos (JC, Sanili, Sukida, King, CG, TVS, et Mate dans la plupart des cas) dédouanées ou non en provenance de Sinkansé. C'est un domaine où les cotonculteurs ont la quasi exclusivité, plus précisément les grands producteurs. Ces motos sont à l'honneur pendant les premières heures de la récolte du coton, moment aussi où elles font de nombreuses victimes accidentées, nous apprend ce producteur propriétaire d'une moto Sukida. Mais dès le mois d'avril ces motos disparaissent de l'aire départementale pour ne plus sortir que très occasionnellement marquant la fin de l'argent du coton. Pour l'acquisition de ces engins, beaucoup d'autres biens sont vendus en complément, des biens parfois acquis lors de campagnes agricoles précédentes au regard de la modestie de l'avoir du coton par campagne.

Egalement, un lot essentiel de dépenses est constitué par les funérailles et les mariages. En effet, les funérailles et les mariages sont des manifestations où on enregistre un grand étalage de faste. Le revenu de nombreux producteurs reste dans l'une ou l'autre de ces manifestations où, dit-on, c'est l'honneur qui est en jeu. Que ce soit les funérailles d'un membre de sa famille ou de la belle-famille, il faut forcer l'admiration et l'estime des autres. Tout se passe comme si l'argent du coton est par essence un facteur de mégalomanie ou qu'il est destiné à être utilisé pour se construire une image plutôt que pour la consommation de tout le ménage. C'est ainsi que certains produisent du coton une seule saison ou deux seulement parce qu'ils ont des funérailles ou un mariage en vue. Ces cas sont légions dans le département.

C'est pourquoi le statut de cotonculteur va de paire avec l'ostentation, le faste et la vanité hors du cadre familial. Ce poste concentre toutes les catégories de producteurs, les grands comme les petits qui ont réussi une marge bénéficiaire.

Il y a enfin la scolarité des enfants, les besoins de santé et les achats de bétail (remplacement généralement) et de vivres. Pour ce qui est de la santé, il faut noter une condition physique assez faible chez certains producteurs (petits comme grands) surtout les membres qui traitent aux pesticides les parcelles. La chose la mieux partagée chez ces gens est les maux de tête, les maux d'yeux et les nausées du fait de l'inhalation par les traiteurs des produits utilisés. Quoi qu'il en soit, les besoins de santé n'occupent pas une place centrale dans l'allocation des revenus des producteurs, pas plus que la scolarité des enfants. Ces maladies étant récurrentes et généralisées au niveau des producteurs, ils préfèrent rester à la maison dans la plupart des cas. Le degré de scolarisation des enfants ne permet pas de faire un distinguo entre les familles productrices et non productrices. On ne peut vraiment pas dire que les ménages cotonculteurs ont plus accès aux services de santé et à la scolarité que les autres du moment où la disponibilité financière ne dure que d'un ou deux mois au plus. Pour le restant de l'année, tous les paysans sont soumis aux mêmes conditions de rareté et les non producteurs ont parfois même de meilleures prédispositions que certains producteurs déficitaires. Quant au bétail et au mil, c'est aussi un domaine relativement marginal car de façon générale, on n'achète de bétail que parce qu'on a perdu un de trait ou qu'on n'en avait pas. Sinon pour le renouvellement, on n'utilise pas l'argent du coton mais celui de l'ancien qu'on a vendu. L'embouche n'est d'ailleurs pratiquée que par quelques commerçants isolés qui ne sont d'ailleurs pas cotonculteurs. Pour ce qui est du mil, il n'y a que ceux qui ont une production céréalière visiblement déficitaire qui en achètent dès perception de l'argent du coton, principalement les petits producteurs.

Il est essentiel de faire le constat selon lequel chez tous les enquêtés, les frais des réalisations à chaque campagne ne touchent qu'une partie du revenu, à peine 75% de l'argent perçu. Tous ont une même grille d'allocation : « tu donnes un peu à chaque dépendant et tu gardes le reste pour un usage à bénéfice collectif. Car si un problème survient dans la famille, le dépendant n'est vraiment pas engagé. C'est le chef de ménage qui doit régler. Mais si tu ne donnes rien aussi, personne ne voudra

cultiver avec toi la campagne suivante », explique un chef de ménage producteur. Ce geste de redistribution se résume « généralement [à] un billet de mille (1 000) francs CFA ». C'est cette même modalité de gestion que l'on rencontre chez tous les producteurs. Peut-on parler dans ce cas d'épargne sécurité ? Aucunement. Aucun enquêté ne déclare confier son argent à la Caisse populaire de Diabo dont tout le monde sait l'existence. « Ce que nous gagnons ne suffit même pas à nos besoins immédiats. Et puis la caisse, ce n'est pas avantageux. Un truc qui n'augmente pas mais diminue au contraire, ce n'est pas facile », développe un enquêté. Pour preuve, à la date du 28 février 2006, la caisse populaire de Diabo comptait 485 clients individuels dont 387 hommes et 98 femmes (DRED : Monographie de la commune rurale de Diabo). Cette somme de réserve reste donc sous la protection et à l'initiative du chef de ménage. Pour certains, c'est pour que le chef de ménage puisse régler ses petits problèmes et gagner de temps en temps quelque chose pour renouveler sa force de travail. En réalité, cet argent est consommé dans un cadre extra familial. Une autre partie de l'argent va au remboursement des dettes annexes contractées pour le besoin de la production ou pour autres besoins. Ainsi, le chef de l'UP, maître de la production, reste maître de la gestion de son argent.

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