Initiatives diplomatiques et occupation de l'espace africain. le cas du golfe de guinée (2001-2008). une approche de usages géostratégiques de la diplomatie( Télécharger le fichier original )par Théophile Mirabeau Nchare Nom Université de Yaoundé II - DEA sciences politiques 2009 |
Paragraphe 2 : Constructions infrastructurelles et fixation géostratégique dans les pays du golfe de GuinéeLa propension des grandes puissances à se rivaliser sur l'initiation et le financement des projets de construction infrastructurelle dans les pays du golfe de Guinée n'est pas désintéressée. Elle est motivée par un impératif de contournement des obstacles liés à l'exploitation de certaines richesses. Pareille aux constructions coloniales, celles-ci visent leur fixité géopolitique par une orientation systématique vers leurs seuls intérêts, quitte à ce que la réalisation satisfasse ou non ceux des populations riveraines. Deux exemples illustreront notre propos : le pipeline Tchad-Cameroun pour les intérêts américains et la construction des routes en RDC pour les intérêts chinois. A- Le pipeline Tchad-Cameroun et la fixation géostratégique des intérêts pétroliers américainsL'oléoduc Tchad-Cameroun a été pensé au courant de l'année 2000 pour faciliter l'exploitation et la commercialisation du pétrole Tchadien. Et si les pouvoirs publics de ces deux pays en avait fait un modèle de coopération intra-africaine, la question de son financement, des modalités et du choix des multinationales qui allaient exploiter ce pétrole alimentaient en sourdine les rivalités entre les puissances occidentales dont la France et les Etats Unis242(*). Devant relier la région de Doba (pivot des gisements de Komé et de Bébedja) au port de Kribi sur une distance de 1070 km, ce projet nécessitait de gros moyens. Sous l'impulsion de Washington et au détriment de Paris, la Banque Mondiale se saisit du projet et l'exploitation des gisements revint aux firmes américaines EXonMobil, ChevronTexaco et Petronas. Pour ne pas tout perdre, la France initia et facilita la privatisation de la Régie Camerounaise de chemin de fer (REGIFERCAM) ; reprise par le groupe Boloré sous le nom de Camrail. Considérant que le train est le seul moyen de transport des matériaux lourds des régions portuaires du Sud vers le Nord Cameroun, l'enjeu était d'avoir le monopole sur le transport des matériaux qui allaient servir à la construction de l'oléoduc. Le Cameroun ne devait bénéficier in fine que du droit de transit243(*). Dans cette dialectique des intelligences dont il sortait perdant et livrait ses populations à l'expropriation, à la pollution et aux dérives diverses, le projet fut lancé le 18 octobre 2000 et inauguré à Kribi par les présidents Biya et Deby en octobre 2003. Et si Les responsables de la SNH (Société Nationale des Hydrocarbures) ont affirmé en janvier 2009 que depuis cette inauguration le Cameroun a déjà engrangé quelques 58,37 milliards F.CFA au titre des droits de transit244(*), la répartition de ces dividendes amènent à s'interroger sur ce qu'ont bénéficié les populations riveraines. Rien si on s'en tient au rapport de la Fondation Camerounaise d'Actions Rationalisées de Formation sur l'Environnement (FOCASFE)245(*). Le pipeline Tchad-Cameroun s'est révélé être un facteur de détérioration de l'environnement, d'expropriation et d'appauvrissement des populations riveraines246(*). Il s'agissait plus d'une construction de contournement des obstacles physiques à l'exploitation du pétrole, mobile de la présence américaine dans le golfe de Guinée. Il a servi à l'ancrage des intérêts stratégiques américains au Tchad par le Cameroun. En RDC, la construction des infrastructures routières a joué un rôle similaire pour la Chine. * 242 Sur ce sujet lire Agir Ici- Survie, Projet pétrolier Tchad-Cameroun: Dés pipés sur le pipeline, n°13, Paris, l'Harmattan, 2001, 115p. * 243 Wikipedia, «Chad-Cameroon Petroleum Development and Pipeline Project», http://en.wikipedia.org/wiki/ Chad-Cameroon _Petroleum_Development_and_Pipeline_Project, juin 2009, consulté le 11 août 2009. * 244 Tchadactuel, « Le pipeline tchadien a déjà rapporté 58,37 milliards FCFA au Cameroun - APA », vendredi 2 janvier 2009, http://www.tchadactuel.com/main.php?2009/01/02/2417-le-pipeline-tchadien-a-deja-rapporte-5837-milliards-fcfa-au-cameroun-apa, consulté le 11août 2009. * 245 Lire le commentaire de ce rapport par l'Alliance Nationale de la Résistance du Tchad, « Pipe line Tchad/Cameroun : un accablant constat ! Projet pipeline Tchad Cameroun: la pauvreté a-t-elle diminué dans les zones traversées? », octobre 2008, http://anr.typepad.com/anr/2008/11/pipe-line-tchadcameroun-un-accablant-constat-.html, consulté le 11 aout 2009. Ce témoignage contraste fortement avec ceux de la SNH pour qui les populations riveraines du pipeline ont reçut 4 milliard de F.cfa en espèce et en nature au titre des indemnisations et des compensations pour biens détruits ainsi que des contrats de fournitures de biens et de prestations de service pour 273 milliards de F.cfa. Voir SNH Info n° 014, octobre 2003 cité par Michel Kounou, Pétrole et pauvreté au sud du Sahara, op.cit. p.92. * 246 Voir Annexe 5 : Caricature des paradoxes du pipeline Tchad-Cameroun. |
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