Initiatives diplomatiques et occupation de l'espace africain. le cas du golfe de guinée (2001-2008). une approche de usages géostratégiques de la diplomatie( Télécharger le fichier original )par Théophile Mirabeau Nchare Nom Université de Yaoundé II - DEA sciences politiques 2009 |
C- Le Brésil et l'Inde à la suite de la ChineLe Brésil et l'Inde ont aussi inscrit l'opérationnalisation de leurs stratégies de puissance dans le golfe de Guinée dans la construction d'une figure de ``pays frère'' venant contribuer au développement des Etats africains. Au delà d'une formule volontariste comme le ``partenariat gagnant-gagnant'' chinois, ces deux puissances ont fait valoir leur capital sociohistorique et leur bon samaritariat pour opérationnaliser leurs stratégie de positionnement dans la région. Pour ce qui est du Brésil, avec 80 millions de Noirs et Métis, - soit près de 48% de sa population - il abrite la deuxième population noire au monde après le Nigeria. Les autorités de Brasilia n'hésitent pas en conséquence à se référer à ces descendants d'esclaves africains pour dire aux leaders du continent que le Brésil est leur «grand frère d'Amérique»161(*). De plus, le football et la diffusion des feuilletons brésiliens dans la quasi-totalité des médias africains ont ancré dans les mémoires cette imagerie162(*). C'est en développant ce capital de sympathie que le président Lula a pu multiplier ses investissements dans le golfe de Guinée. Tout comme Hu Jintao, le président Lula propose aux pays de la région des offres de construction d'infrastructures moins couteuses que celles occidentales. En se faisant l'un des pôles du renforcement et de la consolidation de la coopération Sud-Sud, le Brésil a pu se faire une puissance dans le golfe de Guinée et en Afrique, mieux que dans tout autre continent163(*). Et pour s'en convaincre, le volume des échanges commerciaux entre le Brésil et l'Afrique déjà au double en 2003, a atteint 13,6 milliards de dollars en 2008164(*). Les entreprises brésiliennes parviennent désormais à concurrencer celles américaines, russes, françaises, anglaises ou encore chinoises. Par exemple, en juin 2008, le groupe brésilien PETROBRAS a signé un accord d'exploration pétrolière en Guinée-Bissau et d'exploitation d'une importante réserve off-shore en Angola, tandis que la Companhia Vale do rio Doce se taillait une part dans l'exploitation du manganèse au Gabon et du charbon au Mozambique165(*). En ce qui concerne l'Inde, à l'ouverture du sommet indo-africain, le Premier ministre Manmohan Singh avait recouru au passé colonial et aux grandes figures indiennes et africaines166(*) qui avaient lutté ensemble contre le colonialisme européen pour souligner le destin commun qui liait les deux communautés. « L'Inde et l'Afrique s'engage dans un même combat : celui de la coopération pour un développement mutuel » avait-il affirmé a cette occasion167(*). Cependant, les autorités de New Dehli n'hésitent pas à développer en filigrane le trompe l'oeil d'un gagnant-gagnant à l'indienne. Ainsi, entre 2003-2004, l'Inde a annoncé dans ses prêts l'institution d'un régime préférentiel tarifaire hors taxe, pour les 50 pays moins développés dont 34 se trouvent en Afrique. En 2007 et 2008, il leur a accordé des lignes de crédit d'une valeur de 2,15 milliards de dollars (plus de 900 milliards de F.CFA) et augmenté le budget du programme d'« Aide pour l'Afrique » pour le développement des ressources humaines, le renforcement des compétences africaines dans les domaines de la science, des technologies de l'information, de l'enseignement professionnel, de la recherche, de l'énergie et de l'agriculture168(*). De ce fait, au delà du grand-coup commercial que l'Inde espère réaliser en Afrique169(*), que gagne-t-elle par ces initiatives? On peut répondre à cette interrogation à travers deux considérations. Premièrement, l'Inde est une puissance émergente. Et, partant du constat que toute puissance qui entend s'affirmer sur la scène internationale s'attache toujours au préalable à s'imposer en Afrique, ces initiatives de fraternisation et de bon samaritariat constituent une stratégie de puissance pour New Dehli. Deuxièmement, en s'attirant la sympathie des leaders africains, l'Inde joue aussi la partition de la séduction pour leur arracher des contrats dans l'exploitation des matières premières stratégiques. Comme illustration, de 2004 à 2008, le volume du commerce entre l'Inde et l'Afrique a augmenté de 285% pour atteindre 25 milliards de dollars Us du fait des importations du pétrole, du bois, des minerais et l'exportation dans ce continent des tissus, des produits pharmaceutiques, de l'industrie d'habillement et de l'électronique170(*). Enfin, l'ensemble de ces initiatives offensives portent atteinte aux intérêts des partenaires classiques des pays du golfe de Guinée. Dans une logique interactionniste, ces derniers ont mis sur pied une diplomatie défensive pour opérationnaliser leur stratégie du retour au statu quo ante. * 161 Elisa DRAGO, « Afrique - Amérique du Sud : L'union fait la force », op.cit., p.2. * 162 Au delà du caractère ludique de ces films, ils représentent un puissant instrument de géopolitique et de géostratégie Brésilienne en Afrique puisque l'occupation de l'espace n'est pas seulement maritime, terrestre et aérien ; elle est aussi virtuelle et idéologique. Ces films ont sur une bonne marge de la population africaine une grande influence au point de les amener à arrêter tout pendant certaines heures de la soirée pour pouvoir suivre les feuilletons. C'est donc un canal majeur du rayonnement international du Brésil ; ce qu'ignorent ces populations. * 163 Lire François LAFARGUE, « Le Brésil, une puissance africaine ? », in Afrique contemporaine, n° 228, 2008/4, http://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2008-4-p-137.htm , consulté le 22 juillet 2009.* 164 Ibid. * 165 Ibid. * 166 Il a cité entre autre Mahatma Gandhi, Kwamé Nkrumah, Sékou Touré et Nasser. Voir Daouda Emile OUEDRAOGO, « sommet Inde-Afrique : l'inde prépare un grand coup commercial », op.cit., p.1. * 167 Ibid. * 168 Lire Abdou BENABBOU, « Sommet Inde-Afrique : le premier pas de New Delhi », op.cit. * 169 Daouda E. OUEDRAOGO, « sommet Inde-Afrique : l'inde prépare un grand coup commercial », op.cit., p.1. * 170Xinhua, « Ouverture du premier sommet du Forum Inde-Afrique », 8 avril 2008, p.1, http://www.french.xinhuanet.com/french/2008-04/08/content_610944.htm, consulté le 12 juillet 2008. |
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