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Initiatives diplomatiques et occupation de l'espace africain. le cas du golfe de guinée (2001-2008). une approche de usages géostratégiques de la diplomatie

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par Théophile Mirabeau Nchare Nom
Université de Yaoundé II - DEA sciences politiques 2009
  

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B- Sécurisation des hydrocarbures et matérialisation de la prégnance américaine dans la région

La création de l'AFRICOM traduisait la volonté de Washington de montrer qu'en matière de sécurité, il ne faut compter que sur soit. L'autonomisation et la particularisation d'une force pour l'Afrique illustrait bien l'intérêt qu'il revêtait désormais pour Washington. Au-delà des activités de sécurisation et d'hégémonisation de ce commandement, s'illustre la stratégie du see-basing ou du déploiement par la mer. Son but est de sécuriser l'environnement maritime du golfe d'Aden et de Guinée face à la pêche illégale, au trafic des stupéfiants, d'êtres humains, à la contrebande du pétrole et aux atteintes à l'environnement. L'importance accordée à cette activité traduit l'intérêt que les Etats-Unis portent aux domaines maritimes du golfe de Guinée socle de leurs exploitations off shore en Afrique. De plus, la nomination d'un Africain-américain en la personne du général William E. Ward à la tête de ce commandement est illustrative du cheval de Troie d'AFRICOM.

Enfin, par ces initiatives, Washington entendait jeter un pavé dans les zones d'influence franco-anglaises et matérialiser sa prégnance dans la région. A l'inauguration de l'ambassade des Etats-Unis en Angola Collin Powel avait bien déclaré : «  Nous sommes ici pour rester »142(*). Le Japon, la Chine, l'Inde et le Brésil quant eux vont passer par des initiatives de fraternisation et de ``bon samaritariat'' pour opérationnaliser leurs politiques de puissance dans la région.

Paragraphe 2 : Initiatives de fraternisation et fonctionnalité stratégique du ``bon samaritariat'' japonais et des puissances émergentes

Les Japon et les puissances émergentes ont exploité l'attentisme et l'appétit

qu'ont les chefs d'Etats africains des APD pour se construire une figure de ``pays frère'' et opérationnaliser leurs stratégie de positionnement dans le golfe de Guinée.

A- Le ``don japonais'' et l'opérationnalisation du TIKAD

C'est pour préserver ses débouchés en Afrique et dans les Etats du golfe de Guinée en particulier que le japon a opérationnalisé les résolutions ``tikadiennes'' en quadrillant le continent des réalisations socioéducatifs ; rendues célèbres à travers la formule du ``Don japonais''. Cette diplomatie de l'aide143(*) ; lanterne de la visibilité géopolitique japonaise en Afrique, est exercée soit directement dans les Etats pour qui le Japon a des intérêts stratégiques144(*) ou indirectement dans les organisations annexes de l'ONU qui s'occupent des problèmes africains. Pour les dons directs, on s'intéressera au cas du Cameroun plus proche de nous et fort illustratif de l'offensive japonaise dans le golfe de Guinée. On évoquera par la suite quelques dons indirects puisqu'on ne peut les étudier ici dans leur exhaustivité.

S'agissant du Cameroun, s'il est vrai que les relations entre Yaoundé et Tokyo remontent aux années 1960, c'est n'est qu'au début des années 1990 et surtout à partir des années 2000 que le Japon a lancé en direction de ce pays situé au coeur du golfe de Guinée des initiatives de charme par des programmes d'assistance socioéducative. Ainsi, la construction des écoles primaires par les autorités de Tokyo en Afrique Noire est devenue le symbole même du ``Don japonais''. Au Cameroun, de 1997 à 2006, le Japon a déboursé « près de 46 milliards de FCFA pour la construction et l'équipement de 96 écoles et 1235 salles de classe dans les provinces du centre, littoral, Ouest, Sud, Sud-Ouest, Nord et extrême Nord »145(*). On note aussi la réfection et l'équipement de plusieurs services sociaux tel le Centre d'Education et de Réhabilitation des Sourds et Malentendants (CERSOM) de Bafoussam ; d'importants dons dans la lutte contre la mortalité infantile à travers les programmes de vaccination ; l'équipement des centres de santé, des services de la communication, etc.

Réalisés en plusieurs phases146(*), ces initiatives constituent pour le Japon un puissant instrument de géopolitique et de rayonnement international. Sans toutefois nier l'incidence que ces infrastructures ont eue sur l'amélioration des équipements scolaires, ces ``dons'' n'étaient qu'une manoeuvre de conquête et de positionnement du Japon dans l'espace camerounais147(*). En s'investissant dans un secteur clé comme l'éducation, cette démarche nipponne visait bien à assoir idéologiquement sa stratégie de puissance dans le pays. Ayant intériorisés qu'ils ont fréquenté dans les écoles construites par le Japon, que lui refuseront un jour les jeunes camerounais ? Dans les chefs lieux de région que n'a-t-on pas dit sur cette ``bonté'' chaque fois qu'un média public réceptionnait des équipements de réhabilitation japonaises ? Or placé sous l'angle réaliste, ces initiatives de construction d'une image généreuse du Japon visent plus une cristallisation de ses intérêts dans les pays bénéficiaires. Les dons indirects poursuivent le même objectif au plan externe.

Par exemple, le 17 Mars 2008, le Programme alimentaire mondial se félicitait d'un ``don généreux'' de 51,24 millions de dollars Us du Japon pour venir en aide aux réfugiés, aux déplacés internes et à d'autres groupes vulnérables dans 19 pays d'Afrique et d'Asie148(*). Le verseau stratégique de ce don peut se lire à travers la corrélation entre les montants alloués à chaque continent et son équation géopolitique. Ainsi, il ressort que 90% de cette contribution -soit 46,24 millions de dollars - est allouée à 18 pays africains149(*). A priori, on peut se dire que cette focalisation est due au fait que ce continent abrite le plus grand nombre de réfugiés et de déplacés. Mais à posteriori, on peut légitimement se poser la question de savoir si l'Indonésie seule bénéficiaire extra-africain est le seul pays d'Asie abritant des réfugiés. Toutefois, s'il est difficile de répondre à cette question en l'absence de données statistiques afférents150(*), l'hypothèse d'une stratégie japonaise pour se rapprocher des ``pays frères en détresse'' peut toute de même être avancée. Au demeurant, la stratégie du ``don'' a permis au Japon d'affermir ses positions dans les pays africains où il a des intérêts stratégiques.

* 142 Wullson MVOMO ELA, « Pétrostratégie et appels d'empire dans le golfe de Guinée », op.cit. p.8.

* 143 Lire à ce sujet Makoto SATO et Chris ALDEN, « La diplomatie japonaise de l'aide en Afrique », in Afrique contemporaine, n°212, Hiver 2004, pp.13-31.

* 144 Pour tout sur les enjeux géopolitiques de l'offensive japonaise en Afrique, lire :

- Jean ESSENGUE ESSONO, « Le Japon et l'Afrique depuis 1960. Influence économique entre les deux bloc ». Rapport de stage diplomatique. IRIC, 1991.

- A. KOUMEALO, « Analyse de la coopération bilatérale nippo togolaise de 1980 à 2000 ». Mémoire de maîtrise en relations internationales. IRIC, 2001 ;

- Christian ALIMA ZOA « Les clés de l'offensive politico-diplomatique du Japon en direction de l'Afrique et du Cameroun depuis 1991 » Mémoire de DEA en Science politique, Université Yaoundé, 2006.

* 145 Cameroon Tribune du 21 juin 2006, Cité par Christian ALIMA ZOA « Les clés de l'offensive politico-diplomatique du Japon en direction de l'Afrique et du Cameroun depuis 1991 », 2006, p.65.

* 146 Voir Annexe 3 : Le ``Don japonais'' et la construction des écoles au Cameroun.

* 147 Par exemple, depuis 2004, le timbre postal du Cameroun est frappé d'une demi-photo du président camerounais Paul Biya et des Premiers ministres qui se succèdent à la tête de l'Etat nippon. De plus, au terme d'un sondage réalisé à Yaoundé et à Bafoussam par ALIMA ZOA pour son mémoire de DEA, il ressortait que les personnes interrogées avaient déjà toutes entendues parler du Japon ; elles n'étaient pas indifférentes à la construction des écoles par les Japonais au Cameroun (97.10%) ; cette initiative avait même influencé positivement leur opinion sur le Japon (47%) et de surcroît, 83.05% d'entre elles étaient convaincues que les japonais voulaient ``aider'' le Cameroun. Voir Christian A. ZOA, « Les clés de l'offensive politico-diplomatique du Japon », p.67. Enfin, les Etats africains ont tous soutenus la nomination du diplomate japonais Koïchiro Matsura à la tête de l'UNESCO en 2005.

* 148 United Nations World Food Programme, « Un don généreux du Japon illustre son engagement pour l'Afrique », 17 Mar 2008, http://www.reliefweb.int/rw/rwb.nsf/db900sid/EGUA-7CWPE4?OpenDocument , consulté le 28 juillet 2009.

* 149 Ce sont : le Soudan, la RDC, l'Ouganda, le Tchad, la Côte d'Ivoire, le Burundi,, la Zambie, la Somalie, le Zimbabwe, le Mozambique, le Kenya, le Mali , le Burkina Faso, l'Éthiopie, le Libéria, la Guinée, le Rwanda et la Tanzanie.

* 150 Pour ce qui est du continent africain, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Refugiés (HCR) estime à 17 millions le nombre de réfugiés et de déplacés internes. Voir AFP, « Afrique/monde, une convention pour protéger les refugiés et déplacés », in Cameroon Tribune, n°9462/5663, 25 octobre 2009, p.31.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo