INTRODUCTION GENERALE
L'histoire religieuse révèle que les protestants
sont les premiers à arriver au Cameroun en 1843. Il a fallu attendre 47
ans pour voir arriver les catholiques1. Conscients du retard qu'ils
accusaient, ces derniers se sont engagés sur les sentiers d'un grand
projet d'évangélisation. De Marienberg où ils
débutent l'évangélisation, les missionnaires catholiques
intensifient les efforts pour étendre leur action en multipliant des
postes missionnaires dans le pays. C'est ainsi qu'en 1901, la mission de
Mvolyé est créée. Celle-ci étant la seule mission
de la région, les pères Pallotins sont débordés par
le travail. Ces derniers sont remplacés par les Spiritains après
la Première Guerre Mondiale et sont confrontés aux mêmes
problèmes. Dans le souci de décentraliser les
responsabilités dans l'immense territoire de leur zone d'apostolat, les
responsables de Mvolyé créent d'autres missions dont celle de
Nlong en 1926.
La mission catholique désigne la station missionnaire
c'est-à-dire le site occupé par les missionnaires dans l'exercice
de leur travail d'évangélisation. Cette expression fut de moins
en moins utilisée au Cameroun après 19612 au profit du
terme paroisse. Avant cette année, la mission catholique de Nlong,
située à cinquante kilomètres de Yaoundé sur la
route de douala, s'étendait sur un site de vingt quatre
hectares3. C'est elle qui fait l'objet de notre étude sur le
thème : «L'impact religieux et socio-économique de
l'épiscopat de Monseigneur Paul Etoga sur le développement de la
mission catholique de Nlong de 1955 à 1987 ».
1 E. Mveng, Histoire du Cameroun, Tome II,
Yaoundé, CEPER, 1985, p. 211.
2 Le 20 Novembre 1961, Mgr. Graffin céda sa
place à l'Abbé Jean Zoa. Par cet acte, l'Eglise coloniale passait
le flambeau de la succession apostolique et de la mission
évangélisatrice de l'Eglise universelle à l'Eglise locale
devenue majeure
3 ANY, APA 10599/C mission religieuse, 1932,
contributions imposées.
Les raisons qui ont conduit à un tel choix proviennent
du fait que nous voulons sortir l'histoire religieuse du Cameroun de la
monotonie des thèmes. Ceux-ci abordent très peu l'impact des
rapports des évêques avec leur mission d'origine et ne s'attardent
qu'à leurs réalisations dans leur zone d'apostolat.
Notre étude s'inscrit dans un cadre chronologique
limité par deux dates de références : 1955 et 1987,
chacune ayant une importance particulière dans l'histoire de la mission
catholique de Nlong.
L'année 1955 marque la consécration
épiscopale d'un fils de Nlong : Mgr. Paul Etoga comme premier
évêque camerounais.
L'année 1987 quant à elle marque la retraite
épiscopale de Mgr. Paul Etoga d'une part, et d'autre part le
rattachement de la paroisse de Nlong au diocèse d'Obala.
Par ce thème, nous nous proposons d'éclairer une
zone d'ombre dans l'histoire religieuse du Cameroun. En effet, contrairement
à certains de ses confrères dans l'épiscopat4,
le prélat n'a pas fait l'objet d'une abondante publication scientifique.
A notre connaissance, aucun travail sur les rapports de Mgr. Paul Etoga avec la
mission catholique de Nlong, sa mission d'origine, n'a été
réalisé.
Pour mieux s'y prendre la nécessité de
répondre aux interrogations suivantes s'impose : comment était
Nlong avant l'arrivée des missionnaires ? Quant et comment se sont
installés les missionnaires ? Quelles sont leurs oeuvres ? Qui est Mgr.
Paul Etoga ? Quelles sont ses réalisations ? En d'autres termes, quel
est l'impact de sont épiscopat sur le développement de Nlong ?
Pour répondre à ses multiples préoccupations que
soulève notre étude, nous avons eu recours à des sources
multiples et variées que nous avons classées en
4 Sans être exhaustif, parmi les
confrères de Mgr Paul Etoga qui ont fait l'objet de nombreuses
publications, on peut citer les auteurs suivants et leur ouvrage : J. Criaud,
Ils ont implanté l'Eglise au Cameroun, Yaoundé, IMA,
1989 ; Cet ouvrage retrace l'oeuvre de Mgr Henri Vieter. Dussercle, Du
Kilimandjaro au Cameroun, Mgr F. X. Vogt (1870-1953), Paris, La colombe,
1954. J. Bouchard, Mgr Pierre Bonneau, évêque de Douala,
Yaoundé, L'Effort camerounais, 1959. Mgr Jean Zoa, Son
héritage et son enseignement, Mbalmayo, Centre d'étude
redemptor hominis, 1999.
trois grandes catégories à savoir : les sources
écrites, les sources orales et les sources iconographiques.
Pour ce qui est des sources écrites, elles ont
été divisées en trois grands groupes :
- Les documents d'archives (Archives Nationales de
Yaoundé, Archives de la Mission Catholique de Nlong, Archives de
l'Archidiocèse de Yaoundé, Archives du Diocèse de Mbalmayo
et Archives privées) qui nous ont donné des informations sur
l'historique de Nlong à savoir les dates d'arrivée du chef
catéchiste Joseph Zoa et des missionnaires dans la localité. En
plus de cela, nous avons eu des informations relatives aux oeuvres des
missionnaires. Les registres des baptêmes, des communions, des
confirmations et des mariages de la paroisse de Nlong durant l'épiscopat
de Mgr. Paul Etoga ont été consultés. Enfin, les
informations sur le parcours sacerdotal du prélat ont été
trouvées. Cependant, l'exploitation de ces documents était
difficile à cause du mauvais état de conservation de ces
archives. Cela nous a amené à faire recours aux ouvrages
publiés.
- Quelques travaux ont déjà été
réalisés sur le christianisme au Cameroun en
général et sur Nlong en particulier.
Philippe Laburthe Tolra5 dans son ouvrage montre
les motifs et les effets de la conversion rapide au christianisme chez les
peuples de la forêt.
Jean Criaud6 fait une description sommaire de
l'oeuvre des missionnaires catholiques au Sud Cameroun entre 1916 et 1990 et
plus précisément l'oeuvre de la congrégation du Saint
Esprit.
Nicolas Ossama7 retrace l'histoire de la mission
principale de Yaoundé dès 1901 jusqu'à la
célébration du centenaire de l'Eglise catholique au Cameroun. Il
développe surtout des thèmes ayant un impact religieux
positif.
5 P. Laburthe Tolara, Vers la lumière ou le
désir d'Ariel à propos des Béti du Cameroun. Sociologie de
la conversion, Paris, Karthala, 1999.
6 J. Criaud, La geste des spiritains,
Yaoundé, St. Paul, 1990.
7 N. Ossama, L'Eglise de Yaoundé :
aperçu historique, Yaoundé, St. Paul, 1997.
Jaap Van Slageren et Jean Paul Messina8 reconstituent
les temps forts du christianisme au Cameroun, des origines à nos
jours.
Jean Paul Messina9 à travers les actions
d'un catéchiste retrace l'oeuvre des missionnaires catholiques dans la
localité de Nlong.
Monseigneur Paul Etoga10 dans son ouvrage fait son
autobiographie mais n'apporte pas des éclaircissements sur ses relations
avec la mission catholique de Nlong.
Ces ouvrages publiés nous ont permis d'avoir des
informations sur Mgr. Paul Etoga et sur les réalisations des
missionnaires à Nlong. Mais nous n'avons pas eu toutes les informations
nécessaires pour avancer dans notre étude. C'est pourquoi nous
avons recouru aux mémoires et thèses pour essayer de palier aux
insuffisances.
- Les mémoires et thèses que nous avons
consultés font une analyse globale de l'oeuvre des missionnaires dans le
sud forestier. Néanmoins, certains abordent en profondeur quelques
aspects de notre thème.
J. P. Messina11 développe la contribution
des camerounais à l'éclosion du catholicisme au Cameroun. Il
évoque les débuts difficiles de l'épiscopat de Mgr. Paul
Etoga à Yaoundé. Mais n'aborde pas les relations que ce dernier a
entretenues avec sa mission d'origine.
Jean Gualbert Marius Owona12 retrace l'origine de
la mission catholique de Nlong et son évolution jusqu'en 1966. Il
n'aborde pas de manière implicite les conséquences de
l'évangélisation sur le développement de Nlong.
Eugénie Abessolo13 présente
l'épiscopat de Monseigneur Paul Etoga plus précisément,
son séjour à Mbalmayo en tant qu'évêque fondateur du
diocèse.
8 J. V. Slageren et J.P. Messina, Le christianisme
au Cameroun, des origines à nos jours, Paris, Karthala, 2005.
9 J.P. Messina, Une grande figure
chrétienne au Cameroun : Joseph Zoa (1885-1971), Yaoundé,
CDO, 1989.
10 P. Etoga, Mon autobiographie, Bonn,
Chanoine, 1995.
11 J.P. Messina, «Contribution des camerounais
à l'expansion de l'Eglise Catholique : le cas de la population du sud
Cameroun 1890-1961», Thèse de doctorat 3e cycle en
Histoire, Université de Yaoundé, 1988.
12 J.G.M. Owona, «La Mission Catholique de N long
(1923-1966) : Origine et évolution», Mémoire de DIPES II,
ENS, 1998.
13 E. Abessolo, «L'épiscopat de
Monseigneur Paul Etoga : 1955-1987», Mémoire de DIPES II, ENS,
2000.
Elle n'aborde pas les rapports que le prélat a
entretenus avec la mission catholique de Nlong.
Ces documents nous ont également permis de mieux
éclaircir les informations que nous ne connaissons que vaguement. Mais
une fois de plus, nous n'avons pas eu la satisfaction que nous attendions. Il
manquait des informations nécessaires sans lesquelles notre travail
serait incomplet. Nous nous sommes tournés alors vers les sources
orales.
L'oralité constitue la base fondamentale et une
donnée privilégiée de l'histoire africaine car, elle
reconstitue le passé avec parfois des détails et des
précisions que ne nous donnent les sources écrites. De ce fait,
grâce aux entretiens et interviews effectués sur le terrain avec
des personnes dont l'âge varie entre 40 et 90 ans et qui sont
évêque, prêtres, catéchistes, religieux, religieuses,
laïcs ; nous avons reçu des informations nous permettant de
compléter les détails qui manquaient aux sources écrites.
Nous pouvons alors dire que loin d'être un simple palliatif,
l'oralité est un véritable fait de civilisation qui assure la
transmission des savoirs de génération en
génération. Les dépositaires des sources orales sont des
personnes d'expériences. C'est pour cette raison qu'Amadou
Hâmpaté Ba disait : « En Afrique, un vieillard qui meurt est
une bibliothèque qui brûle ».
L'histoire en Afrique se constitue avec l'oralité. Elle
joue un rôle important dans la société. A cet effet, Joseph
Ki-zerbo affirmait que : « L'oralité apporte le degré de
certitude qu'on attend normalement de la connaissance historique
»14 . Ces sources orales constituent donc un fondement majeur
pour la conscience historique de notre continent. Même si les sources
orales nous ont permis de compléter les détails qui nous
manquaient, même si elles y ont apporté la certitude, il a fallu
que nous fassions tout de même recours aux sources iconographiques.
14 J. Ki-Zerbo, Histoire de l'Afrique Noire d'hier
à demain, Paris, Hatier, 1978, p.17.
L'iconographie est constituée des photos nous ayant
permis d'immortaliser certaines oeuvres de la mission qui ont contribué
au développement de Nlong. Nous avons trouvé au sein du
presbytère plusieurs photos dont la photo du chef catéchiste
Joseph Zoa. Les autres photos qui sont des prises directes représentent
le presbytère, l'Eglise St. Pierre Claver, le sixa, le dispensaire,
l'internat St. Ange de Nlong, etc.
Pour travailler avec ces diverses sources, il a fallu une
méthodologie. Pour ce faire, nous avons procédé par la
confrontation des différentes sources, puis nous avons fait la
synthèse des informations que nous avions sous la main, et c'est
grâce à la complémentarité de ces sources que nous
avons réalisé le présent travail. Avec ces sources, nous
avons organisé notre travail en cinq chapitres. Il s'est d'abord agi de
présenter le cadre physique, humain et économique de Nlong
(Chapitre I). Ensuite, nous avons retracé les origines de la mission
catholique de Nlong jusqu'en 1955 (Chapitre II) et procéder à la
présentation de Mgr. Paul Etoga de sa naissance à son
ministère épiscopal (chapitre III). Enfin, Les chapitres IV et V
montrent respectivement l'impact religieux et socio-économique de
l'épiscopat de Mgr. Paul Etoga sur le développement de la mission
catholique de Nlong.
Naturellement, un tel travail ne peut se réaliser sans
difficultés. La première difficulté est liée aux
sources. Nous avons déploré l'insuffisance des sources
écrites relatives à notre sujet, le caractère fragmentaire
et la mauvaise conservation de certaines sources comme les archives de la
mission catholique de Nlong. Nous avons également été
confrontés au refus de certains informateurs à nous renseigner.
Nous avons aussi eu comme difficultés l'insuffisance des moyens
financiers qui pouvaient nous permettre de faire davantage des investigations
pour compléter notre travail. Tous ces problèmes ont
limité le champ de nos recherches et ont privé notre travail de
certaines informations. Néanmoins, ce travail nous a permis de
découvrir ce qu'est la recherche et de faire nos premiers pas dans ce
chemin.
CHAPITRE I. NLONG : CADRE PHYSIQUE, HUMAIN
ET ECONOMIQUE
Avant l'arrivée des missionnaires catholiques en 1926,
la localité de Nlong s'appelait Ngulmakong. Cette
région1 s'étendait sur une superficie de plus de vingt
quatre hectares2 à cinquante kilomètres de
Yaoundé sur la route de Douala. Trois groupes ethniques peuplaient cette
région : Eton, Ewondo et Bassa3.Mais Chaque ethnique avait
des caractéristiques socio-économiques qui lui étaient
propres.
I- LE CADRE PHYSIQUE
La localité de Nlong laisse apparaître les
caractéristiques propres au
plateau Sud Camerounais.
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