PRESENTATION, ANALYSE ET INTERPRETATION
DES DONNEES
dDES DONNEES
Dans cette partie du travail nous allons présenter les
données issues de l'enquête, les analyser et puis les
interpréter. C'est ainsi que nous verrons tour à tour
l'identification des besoins des bénéficiaires du CPS que nous
avons interrogés, les capacités de réponses du CPS et les
propositions pour un système de microfinance adapté aux besoins
des populations exclues du système financier classique.
3-1 Identification des besoins des
bénéficiaires du CPS.
Avant de présenter les besoins des
bénéficiaires, il nous a semblé utile de présenter
d'abord ces bénéficiaires notamment ses caractéristiques
socio-démographiques (âge, sexe, capital scolaire,
catégorie socioprofessionnelle) et la capacité d'accès aux
banques classiques.
3-1-1 Identification du sociétariat.
3-1-1-1 Identification selon
l'âge
Tableau 1 : Répartition des
bénéficiaires selon l'âge
Source : Enquête sur le
terrain
Graphique N°1
Le tableau fait apparaître une répartition de la
population des bénéficiaires selon l'âge. Cette
répartition révèle une forte concentration de la
population à l'étude dans la tranche d'âge comprise entre
50 et 60 ans (18), soit 50% de l'ensemble des bénéficiaires.
Les clients dont la tranche d'âge est comprise entre 30
et 50 ans sont estimés globalement à 14 individus, soit un
pourcentage total de 39 %.
Les clients ayant entre 20 et 30 ans représentent 5.5%
de l'effectif de l'échantillon, c'est-à-dire le même
effectif que ceux qui ont 60 et plus.
Cette présentation du sociétariat peut
être expliquée par un ciblage beaucoup plus accentué en
faveur des promoteurs d'âge compris entre 50 ans et 60. Il faut aussi
noter une réceptivité plus grande de cette classe d'âge aux
messages des institutions de micro-crédit. Les jeunes gardent encore une
frontière psychologique avec les institutions de microfinance.
Ces résultats laissent apparaître tout de
même un paradoxe si l'on se situe dans la logique qui a animé les
fondateurs de l'institution mutualiste. En effet ces derniers disent poursuivre
des objectifs de lutte contre la pauvreté notamment en faveur de la
cible jeune et femme ; or pour atteindre cette première cible il
faut nécessairement concentrer ses efforts dans la tranche 20-40 plus
que sur la tranche dominante au moment de l'étude.
Ceci cache une réalité que nous ne pouvons
manquer de soupçonner, c'est le déficit de communication à
l'endroit de cette cible jeune, peu sensibilisée sur les
opportunités qu'offre le secteur microfinancier dans le financement des
projets de développement. Qu'est ce qui éloigne les jeunes d'un
instrument de financement aussi accessible en principe ? Pourquoi les
personnes d'âge mûr compris entre 50 et 60 ans sont ils plus
présents dans l'échantillon comme le révèle notre
étude? Ce sont là des interrogations auxquelles il urge de
trouver des réponses afin de répondre à l'exigence de
financer la partie de la population la plus dynamique, la plus importante et en
plus la plus exposée aux vicissitudes de la vie telles que l'immigration
clandestine, la prostitution déguisée, le désespoir...
3-1-1-2- Identification selon le sexe
Tableau 2 : Répartition des
bénéficiaires selon le sexe
Source : Enquête sur le
terrain
Graphique N°2
Les résultats de l'étude montrent une
prédominance de femmes dans l'échantillon (64%) alors que les
hommes font un pourcentage de 36 %. Une telle configuration de la
clientèle s'explique par une volonté affichée des
autorités du Crédit Populaire de mieux servir la cible femme dans
la lutte contre la pauvreté.
De plus, les données démographiques relatives
à la région de Diourbel laisse apparaître un pourcentage de
femmes de l'ordre de 53% contre 47 % d'hommes ; ce qui par
conséquent représente un bon facteur pour orienter les actions de
développement vers les populations elles-mêmes. L'autre raison,
c'est sans conteste les exigences de lutter contre la féminisation de la
pauvreté comme nous y invitait déjà en 1995 la
Conférence de Beijing, reprises par le rapport mondial sur le
développement humain du PNUD de 1996. La situation précaire de
pauvreté dans laquelle vit la femme en général et
africaine en particulier est devenue plus inquiétante face à une
crise qui sévit dans presque tous les pays africains depuis les
années 70. Pour le cas particulier du Sénégal les
résultats de l'ESAM II montrent que les femmes qui gèrent un
ménage, ne contribuent qu'à hauteur de 14.8 % seulement à
la pauvreté totale. Ce qui encourage alors les choix de plus en plus
portés vers la cible femme dans la lutte contre la pauvreté.
3-1-1-3 Identification selon la situation
matrimoniale
Tableau N°3 : Répartition des
sociétaires suivant la situation matrimoniale
Source : Enquête sur le
terrain
Graphique N°3
Le tableau relatif à la situation matrimoniale des
sociétaires du Crédit Populaire Sénégalais
basé à Diourbel montre un effectif de 22 marié(e)s sur un
effectif total d'individus interrogés de 36 unités, soit en
valeur relative 61 %. La valeur absolue des enquêtés
divorcés est de 3 sur 36, soit 8 % en valeur relative. Les
célibataires représentent un pourcentage de 11% alors que les
veuf (ve)s font un effectif de 7 sur un total de 36, soit 19%. En terme de
classement, les mariés se taillent la plus grande part, suivis par ordre
d'importance décroissante par les veufs, les célibataires et les
divorcés.
Ces résultats sont compréhensibles si l'on se
reporte à la répartition par âge des enquêtés,
laquelle répartition avait montré une prédominance dans
l'échantillon d'individus ayant entre 50 et 60 ans. Or, on sait que dans
cette classe d'âge, les personnes sont généralement des
chefs de ménages ; surtout si l'on y ajoute les facteurs religieux
comme nous le montre la structure démographique de la population du Baol
marquée par une très forte proportion de musulmans (près
de 95%). Cependant nous ne devons pas perdre de vue les conclusions sorties des
résultats de l'ESAM II relatives à la grande
vulnérabilité des ménages dirigés par des
veuf/ve(s) car résultant la plupart du temps de choc inattendu interne
au ménage qui met en situation difficile un chef de ménage dont
les revenus et la consommation étaient étroitement liés
à un partenaire disparu. En réalité une veuve ou une
divorcée devient subitement chef de ménage, perd de fait une
source de revenus alors que les charges (enfants, loyer, alimentation)
demeurent, d'où l'attention nécessaire à porter à
cette cible.
3-1-1-4 Identification selon le niveau
d'étude
Tableau N° 4 : Répartition du
sociétariat selon le niveau d'étude
Source : Enquête sur le
terrain
Graphique N°4
A la lumière du tableau 4 relatif à la
répartition de la population selon le niveau d'étude, il ressort
que la population non scolaire est très largement plus importante avec
un effectif d'un peu moins de la moitié (16 sur 36), soit 44 % de
l'échantillon. Suivent ensuite les enquêtés qui
déclarent s'être arrêtés au cycle moyen c'est
à dire entre la classe de 6e et 3e (25%) ; au
primaire entre le CI et le CM2 (17%) et le secondaire, entre la seconde et la
terminale (14%). Aucun enquêté n'a fréquenté le
cycle universitaire.
Ces résultats sont un reflet de la situation mondiale
de l'analphabétisme en général et de celle du
Sénégal en particulier. En effet pour le Sénégal
les chiffres disponibles au niveau de la Direction de l'Alphabétisation
et de l'Education de Base (DAEB) en 2000 faisaient état d'un taux
d'analphabétisme de 48%. Or, les enquêtes menées par la
Direction de la Prévision et de la Statistique montrent qu'une forte
relation existe entre pauvreté et instruction et même que les 80%
des ménages pauvres recensés au Sénégal en
2001-2002 sont sans instruction. Le taux d'alphabétisation à
Diourbel était estimée en 2001 à 23.7%, juste
derrière Tamba qui se situait à 20.0%.
Cet état de fait explique certainement le recours
à la microfinance pour développer des activités
génératrices de revenus. Le cas particulier de Diourbel n'est pas
étonnant quand on sait que la région occupe une place peu
enviable dans le classement des régions à forte incidence de
pauvreté (de l'ordre de 60%) et par voie de conséquence, une des
cibles privilégiées des instruments de lutte contre la
pauvreté comme la microfinance. On ne peut néanmoins manquer de
nous interroger sur le manque à gagner pour ces hommes et ces femmes
réputées dévouées au travail si, en sus de
l'engagement venait à s'y adjoindre le relèvement du niveau
d'instruction. Il faut à ce propos rappeler que l'expérience nous
enseigne que l'alphabétisation des paysans, ne serait ce que pendant
quatre ans, augmenterait la production agricole de l'ordre de 25 % et une
réussite accrue de la planification familiale a été
corrélée à l'amélioration du niveau
éducatif.
3-1-1-5 Identification selon la catégorie
socioprofessionnelle
Tableau N°5 : Répartition du
sociétariat selon l'activité exercée
Source : Enquête sur le
terrain
Graphique N°5
Le tableau présente la
répartition des enquêtés suivant l'activité
socioprofessionnelle. L'activité commerciale est la plus
pratiquée avec un effectif de 16 sur les 36 unités de
l'échantillon, soit un pourcentage de 44%. L'activité
commerciale regroupe pour l'essentiel de petits commerçants de
détails, des marchands qui ont pignon sur rue, des vendeurs de tissus
établis au marché central, des boutiquiers, sans oublier les
femmes vendeuses de cacahuètes...
Après le commerce, l'activité qui semble
occuper plus les unités d'analyse constitue l'artisanat avec ses 19%,
suivi de la couture avec 14%. L'aviculture, l'embouche et la vente de produits
cosmétiques se partagent les 18% avec une égalité parfaite
de 6% pour chaque activité. Pendant ce temps, d'autres promoteurs du CPS
déclarent exercer qui, la restauration, qui les opérations
économiques.
Cette répartition de la population
étudiée laisse apparaître une surcharge de la seule
activité commerciale, qui semble plus accessible aux clients de la
banque du fait certainement du manque de formation dont est victime la plupart
des clients de la banque populaire, comme du reste nous venons de le voir avec
la description du capital scolaire. En effet, il est établi que le
commerce reste l'une des activités les plus usitées par les
personnes qui souffrent d'un fort potentiel entreprenarial.
Pour ce qui concerne l'artisanat, des études
menées par M. Issa Barro pour le compte du Ministère des PME, de
l'Entreprenariat Féminin et de la microfinance, plaçait la
région de Diourbel parmi les deux premières régions du
Sénégal pour ses potentialités artisanales après
Dakar. Nous avons pu nous rendre compte de la diversité du sous-secteur
de l'artisanat qui couvre des activités aussi diverses que la tannerie,
la poterie, la bijouterie, la maroquinerie, la vannerie, le tissage,
l'artisanat d'art...
Mais cette affluence vers ces deux activités cache
dans la réalité un malaise persistant au niveau de certains
promoteurs qui n'ont pas hésité à nous déclarer
leur incapacité à augmenter leur chiffre d'affaires du fait de la
saturation du marché.
A ce niveau donc, la banque devrait orienter davantage ses
actions dans l'exploration de créneaux porteurs et promouvoir de
nouvelles approches notamment en ce qui concerne les garanties exigibles qu'il
urge d'adapter au type de client si elle veut pérenniser ses actions ou
si elle a de réels objectifs de lutte contre la pauvreté.
Et c'est là certainement que la prospection de
nouvelles perspectives d'emplois trouvera tout son sens.
3-1-1-6 Identification selon l'accès aux banques
commerciales
Le dépouillement des résultats issus du
questionnaire adressé aux 36 clients de la banque donne ceci :
34 des enquêtés déclarent n'avoir jamais
accès aux banques commerciales pour financer leurs activités,
soit un pourcentage de 94.4%. Les deux autres unités de
l'échantillon qui disent y avoir accès sont l'une, un
fonctionnaire à la retraite et l'autre une femme de fonctionnaire encore
en activité. Cette dernière d'ailleurs nous dit ne recourir
qu'à l'épargne car n'ayant pas les garanties exigées par
ces banques pour un crédit.
Ce taux élevé d'exclus des banques commerciales
s'explique selon leurs propres raisons par le fait d'abord qu'ils n'ont pas de
garanties exigées par ces banques, ensuite ils craignent les recours
contentieux de ces banques dites sophistiquées. En tout état de
cause, ils pensent qu'ils n'ont rien à faire dans ces banques faites
pour une catégorie de personnes solvables ou à revenus permanents
comme les fonctionnaires et les grands hommes d'affaires.
La démarcation est vite faite par les populations elles
mêmes entre les institutions de microfinance et les banques classiques
qui selon elles, ne sont mues que par la recherche effrénée du
profit et ne se soucient nullement de la promotion sociale de leur
clientèle.
Cette perception que les clients des IMFs ont
généralement des banques classiques est confortée par la
réalité de la ville de Diourbel qui n'a plus connu de banques
commerciales depuis la déstructuration du secteur bancaire vers les
années 80. Ce n'est qu'un peu plus de vingt ans après que ces
banques commencent encore à faire leur apparition dans le paysage
financier de la ville avec notamment la CBAO et la SGBS qui d'ailleurs, au
moment de notre passage sur le terrain pour collecter les données,
n'avaient pas encore démarré leurs activités.
Cette réalité est assez symptomatique des
efforts que les institutions de microfinance doivent faire pour absorber le
fort taux d'exclus du système bancaire classique si elles veulent
réellement inscrire leurs actions dans la promotion des couches
défavorisées par une stratégie des revenus.
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