2°) La liberté à l'épreuve de la
société civile
Il peut être pertinent de relever un autre des jalons
politico-historiques pour nous permettre d'analyser l'influence du
néolibéralisme à notre époque contemporaine.
Benjamin Constant avait évoqué une contradiction infime mais
irréductible à l'idée de gouvernement représentatif
qui peut être résolue à l'aide de la circonscription du
concept de liberté individuelle en ses différentes
déclinaisons à savoir : liberté politique et
liberté économique. Nous ne retiendrons que la liberté
politique pour tenter de résoudre les deux difficultés que pose
cette idée de gouvernement représentatif. Ces difficultés
sont de deux ordres, logique et fonctionnelle. Intuitivement, lorsque l'on vote
pour une personne lors d'une élection, la raison qui nous pousse
à faire d'elle notre représentant c'est que ses
intérêts coïncident avec les nôtres. Or, en faisant de
cette personne un représentant, on convertit nécessairement sa
situation et par là-même ses intérêts. Ensuite,
concernant le fonctionnement du gouvernement représentatif, il est en
quelque sorte, victime de l'autonomie de la société civile. En
effet, cette autonomie est un gain considérable du point de vue des
libertés fondamentales et individuelles, mais elle accroît par
ailleurs la demande sociale ainsi que la capacité de faire pression sur
le gouvernement. Ces données paralysent leur action dans le sens
où les gouvernants craignent d'entreprendre certaines initiatives sous
peine d'échouer, ce qui provoque une montée de la frustration
sociale de la population. En somme, le paradigme néolibéral nous
met en face d'un phénomène particulier que l'on pourrait
qualifier paradoxalement de surcroît démocratique. La
résolution de ces difficultés semble indissociable du
problème de l'usage de notre propre liberté politique.
Ironiquement, il semble que le paradigme
néolibéral ne puisse faire amende honorable auprès de
l'opinion publique que si le citoyen ressent le besoin d'user de sa
liberté politique. Mais afin de rester en cohérence avec son
héritage libéral dont il se réclame, ce paradigme
économique ne peut forcer les individus à être libres.
D°) Les succès et les limites du
néolibéralisme comme théorie
Si l'on schématise ce paragraphe sur le
néolibéralisme, on peut retenir que cette théorie
économique a répondu aux questions relatives à notre
époque contemporaine sur fond de crises pétrolières et de
chômage de masse. La lignée keynésienne prônant une
intervention correctrice de l'Etat dans le cadre d'une macro-économie
non-équilibrée et caractérisée par l'incertitude,
si l'on tient compte de l'ouverture des sociétés civiles, n'a eu
d'égale que son retentissant échec là où le
néolibéralisme a su apporter des réponses
appropriées quant à l'imperfection des marchés ainsi que
sur l'anticipation du comportement des acteurs. Le néolibéralisme
en tant que théorie économique provient d'un remaniement en
profondeur de son héritage politique ; elle est en ce sens une
théorie ad hoc, dans le sens où elle déploie ses
vecteurs en vue de répondre aux objectifs qu'on lui a assigné
sans y déroger. Ayant fourni la plus pertinente et la plus rigoureuse
des réflexions sur la réalité sociale jusqu'à
présent, le scientisme qu'on lui impute à juste titre semble
être dû à cet aspect. Mais ce que nous allons analyser
dès à présent, afin de clore ce paragraphe, ce sont les
soubassements empiriques susceptibles d'être questionnés.
|