Approche comparative de la conception des droits de l'homme dans la philosophe africaine et dans la philosophie politique contemporaine en occident( Télécharger le fichier original )par Julien Rajaoson Sciences Po Grenoble - Master 2008 |
B°) Les limites intrinsèques de la Coopération décentraliséeC'est à cette étape de la réflexion, que l'apport cognitif dû aux études post-coloniales paraît nécessaire, car il s'agit de clarifier un contexte étranger et de faciliter l'analyse des experts participant à la politique publique par l'intermédiaire de la CNCD. En effet, ce n'est pas tant la version iconoclaste de l'histoire coloniale que ce genre d'études est en mesure de fournir, que son appréhension descriptive du présent des territoires coloniaux, qui permettra de faire gagner en efficacité la coopération décentralisée en matière de gouvernance. L'adhésion des acteurs étrangers à l'esprit de la politique publique est primordiale afin que celle-ci puisse atteindre ses objectifs par lesquels ils doivent également se sentir impliqués ; ce qui ne va pas de soi, c'est qu'en général sans l'aval du chef du village aucunes actions quelles qu'elle soit n'a de chances d'aboutir. Pour ce faire, les autorités politico-administratives ainsi que les groupes cibles doivent faire preuve de pédagogie avant la mise en oeuvre de la politique publique319(*), et ce d'autant plus si celle-ci est transfrontalière, sa dépendance envers les acteurs des contrées extérieures constitue une zone d'incertitude à ne pas négliger. En général, toute politique publique a des objectifs explicites ou latents, d'après le modèle développé par Peter Knoepfel dans son « triangle des acteurs » (voir : schéma page 65). L'Hypothèse d'intervention, définie le changement de comportement que l'on cherche à obtenir du Groupes Cibles en question, et c'est a priori ce pourquoi la politique publique fut émise. Tandis que l'Hypothèse causale est plus idéologique dans le sens où elle est le reflet de la représentation d'un problème public par des bénéficiaires finaux qui ont souvent leurs propres systèmes de valeurs320(*). Ces derniers étant associés à l'élaboration d'une politique publique, leur intérêt à terme est que l'Hypothèse d'intervention coïncide avec leur Hypothèse causale. « La Chine est actuellement le troisième partenaire des pays africains pour un commerce qui a démarré dans les années 1970 avec des secteurs de prédilection comme les matériaux de construction, le textile et la pharmacopée. Aujourd'hui l'ambition de la Chine est de pénétrer avec force dans les services, l'électronique, le textile et l'habillement, les infrastructures, la transformation sur place de certains minerais et même la prise de participation dans certaines grandes entreprises africaines. »321(*). Ce partenariat économique avec la Chine, peut être bénéfique sur le plan de la vélocité du développement économique, plus encore que celle de la coopération décentralisée ; cependant leurs accords ne tiennent pas compte du respect des Droits de l'Homme sur le continent africain, (le régime de Hu Jintao soutient activement celui de Omar Al Bachir sans aucunes considérations démocratiques). Sur ce point l'Hypothèse causale prend tout son sens, car elle a pour but de promouvoir les valeurs relatives aux Droit de l'Homme et, partant, de la Démocratie dans un espace territorial situé à l'étranger. En effet, nous pouvons percevoir dans l'actualité, que plusieurs régimes non-démocratiques, s'accommodent aisément de l'économie de marché (La Chine, L'Inde, ou à certains égards le Brésil). Il est nécessaire de mesurer l'impact de la coopération décentralisée, en utilisant les rapports officiels sur la coordination franco-burkinabé, pour laquelle l'effectivité avérée de cette politique publique transfrontalière semble mesurée mais encourageante, « Le critère de l'effectivité s'applique lors de l'évaluation des impacts. Il mesure le degré d'adéquation entre les objectifs normatifs d'une politique et le comportement réel des groupes cibles. »322(*) : Un premier bilan a été opéré courant 1997, en constatant plusieurs éléments : - Un fonctionnement effectif des structures décisionnelles locales et une reconnaissance par la population de leur rôle. - Une méthode suivie en continu permettant, en cas de dysfonctionnement, un recentrage des projets. - L'émergence de problèmes classiquement dérivés de la mise en place de structures décentralisées et notamment des questions (non-résolues liées au statut de l'élu, au choix budgétaire entre les investissements collectifs et individuels et au rapport avec l'Etat - Un développement adapté aux besoins locaux323(*). Les difficultés sociologiques majeures : - Les relations entre ces nouvelles structures et le pouvoir coutumier des chefs traditionnels qu'il faut respecter et comprendre au risque de faire échouer toute démarche ainsi qu'avec l'Etat constituent une question fondamentale. - La multiplicité des intervenants (coopérations multilatérales, bilatérales et ONG) avec des approches parfois contradictoires renvoie à la problématique d'amélioration de la coordination de ces différentes interventions au niveau départemental notamment. - L'absence de cadre juridique permettant une reconnaissance de ces nouvelles structures pose un réel problème324(*). Sur le plan de la Science Politique, la difficulté est de taille ; Simon Compoaré qui fut Maire de Ouagadougou en 1995, était donc contemporain de cette gouvernance territoriale. Il semble inutile de préciser, ne serait-ce que par le patronyme du Président actuel, le népotisme manifeste logé en arrière plan ternissant l'optimisme de ce bilan. Il est permis de croire que la forme même du régime burkinabé a causé du tort à l'Hypothèse causale sous-jacente à la coopération décentralisée, le Chef d'Etat a désigné la région et le territoire sur lequel elle devait opérer. En somme, malgré le fait que les résultats obtenus en matière de développement économique par cette gouvernance territoriale soient encourageants à maints égards, elle a indirectement favorisé le pouvoir en place au dépend des régions burkinabé qui en avait le plus besoin. * Au final, un problème inhérent à l'Hypothèse d'intervention porte préjudice à notre gouvernance territoriale dans le sens où, la volonté d'intervenir sur le développement économique d'un pays post-colonial nécessite que le Chef de l'Etat soit en accord avec cette action, au risque de violer la souveraineté de cet Etat. Les intentions politiques les plus neutres ne doivent pas menacer l'équilibre institué par le pouvoir en place, que celui-ci soit légitime ou non ; par conséquent les répercussions symboliques et idéologiques sur la coopération décentralisée sont majeures, car contre son gré elle alimente un régime à parti unique dont les valeurs ne lui correspondent pas. C'est un aspect de la question du développement économique en Afrique sub-saharienne, qui comme on a pu le voir ne se pose pas au régime Chinois. On est donc en droit de se demander quel doit être la forme politique de l'Hypothèse d'intervention ? Sa forme actuelle étant trop diplomatique, elle cultive des relations d'amitié avec des partenaires étatiques parfois illégitimes, reproduisant ainsi cette configuration internationale contestée par les penseurs du post-colonialisme. Mais il semblera que l'ingérence ne soit pas davantage approprié, et ce même à des fins humanitaires ou de développement économique. En définitive, une politique publique telle que la coopération décentralisée, doit prendre la peine d'appréhender le terrain sur lequel elle va s'appliquer, d'autant plus si celui-ci est un territoire post-colonial. Il ne s'agit pas d'aller à l'encontre de réalités sociales aux antipodes des nôtres, ni de se compromettre auprès d'un régime autoritaire pour autant, mais de discerner ce que la gouvernance en question veut obtenir en terme de résultats effectifs325(*), et avec l'aide de quels partenaires. D'où la pertinence de l'approche micro pour ce type de politique publique dont le but immédiat n'est guère de restaurer la démocratie en tant que régime. * 319 Centre National de la Formation Publique Territoriale et le Ministère des affaires étrangères coopération et francophonie, Gestion et organisation d'une collectivité territoriale. L'apport de la coopération décentralisée et bilatérale dans le contexte de l'Afrique sub-saharienne, collection du développement local, éd. du CNFPT, Paris, 1998, p. 87 dans la partie 4- L'appuie du Conseil Général du Territoire de Belfort aux communautés villageoises de deux départements burkinabés, au chapitre 4 intitulé Quelques réalisations : « Avec la création d'un fond de solidarité international doté de 0,1% de son budget en 1995, le Conseil Général du Territoire de Belfort entend promouvoir l'ouverture au monde du département, en développant la solidarité avec les pays les plus pauvres. Cette politique s'appuie sur le tissu associatif départemental, comme lieu d'expression à la base d'une citoyenneté de solidarité par delà les frontières, qu'il convient d'encourager et de renforcer. Toute action d'appui du développement au Sud est ainsi accompagnée d'un programme de sensibilisation, d'éducation au développement et d'échanges interculturels, visant à changer le regard du Nord sur le Sud. » * 320 Le Robert en partenariat avec L'Express, Altlas Géopolitique & Culturel. Les grands enjeux démographiques, économiques, politiques, sociaux et culturels du monde contemporain, Dictionnaire Le Robert pour l'édition originale, 1999, Dictionnaire Le Robert-Vuef pour la présente édition, réalisée en exclusivité pour GROUPE EXPRESS. P. 11 dans la première partie intitulée Le monde en question : « Des acteurs internationaux (organisations interétatiques, ONG) ignorent la ligne de partage entre l'intérieur et l'extérieur et demandent des comptes aux Etats sur le respect des droits de l'homme, la prise en compte des minorités, l'application des règles économiques et financières internationales. » * 321 Sous la direction du Professeur Moustapha Kassé, avec la collaboration du Professeur Abdoulaye Diagne, et de Mme Gnouka Touré Diouf, Ministre Conseiller à la Présidence, Coalition contre les Accords de Partenariat Economique et pour l'ouverture d'un dialogue avec l'Union Européenne en vue de construire un partenariat équitable, Vaste rassemblement pour le développement et l'unité de l'Afrique, Imp : Flash Iprim - 33 842 76 40, Janvier 2008, p. 19 dans l'encadré 12. * 322 Peter knoepfel, Corinne Larrue, Frédéric Varone, op. Cit, p. 262 au chapitre 10 : L'évaluation des effets des politiques publiques. * 323 Centre National de la Formation Publique Territoriale, op. Cit, p. 90 D- Premier bilan dans la partie 4- sur L'appui du Conseil Général du Territoire de Belfort aux communautés villageoises de deux départements burkinabé. * 324 Centre National de la Formation Publique Territoriale, op. Cit, p. 91 E- Les problèmes identifiés * 325 http://www.grandesvilles.org/IMG/pdf_Appel_a_contrat_2007_2009-2.pdf : En effet parmi les objectifs viables et pragmatiques nous pouvons apercevoir dans ce fichier : la présence économique, la campagne d'information et d'éducation aux normes environnementales, financements de projets, etc.... |
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