Approche comparative de la conception des droits de l'homme dans la philosophe africaine et dans la philosophie politique contemporaine en occident( Télécharger le fichier original )par Julien Rajaoson Sciences Po Grenoble - Master 2008 |
B°) L'Internationalisme et les africainsSans être d'authentiques philosophes africains, contrairement aux nombreux auteurs que nous avons cités, en conceptualisant l'idée de négritude, Césaire et Senghor ont posé les jalons nécessaires aux controverses sur la philosophie africaine. La lecture conjointe des oeuvres de Léo Frobenius245(*), éminent historien, a permit aux deux hommes de développer ce nouveau concept en empruntant des trajectoires différentes. En effet, dans les oeuvres de Césaire, il y a toute la partie poétique, et en 1939 dans son « Cahier d'un retour au pays natal » il se prononce sur des idées plus politiques. La négritude de Césaire semble être en adéquation avec les valeurs humanistes tandis que celle de Senghor paraît assez alarmiste et pessimiste246(*), qui ne va pas sans rappeler Verlaine. Néanmoins, le but ultime d'un tel concept fut de détruire toute idée de hiérarchisation sociale issue de la colonisation et ses valeurs247(*). Nous avons explicitement un parti pris envers la pensée d'Aimé Césaire, car contrairement à celle de Senghor sans nier son importance, c'est par ses oeuvres et son engagement qu'un changement social et politique digne de ce nom a pu être exprimé, lorsque la pensée de Senghor ne faisait que balbutier. Par ailleurs, sa foi en l'Occident est aussi suspicieuse et irraisonnée que la haine que portent les afrocentristes contemporains248(*) à son encontre. Aimé Césaire, qui n'était donc pas uniquement poète mais penseur du politique, a effectué une pièce intitulé « Une saison au Congo » afin de mettre en scène dans un registre épique « L'affaire des grands lacs » avec Patrice Lumumba et Mobutu. Le racisme de l'époque étant grandissant à cause des vagues d'immigration de 1930 aux années 1980, c'est tout naturellement que bon nombre d'intellectuels noirs dont Césaire, adhérèrent aux valeurs Internationalistes du Parti Communiste notamment lorsque l'Italie a pris la décision d'envahir l'Ethiopie. Bien plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale, au moment où la propagande du IIIème Reich gagnait le nord de la France, la communauté antillaise s'était élevée contre les idées racistes des nazis ; quoique la réponse la plus virulente à Goebbels soit venue du député Sénégalais Galandou Diouf influencé par le militantisme de Césaire. Au moment de l'adoption de la loi-cadre de Gaston Defferre en juin 1956, promulguant ainsi une transition juridique et administrative vers l'indépendance, Mamadou Dia, qui était alors Premier Ministre, voulait accélérer le processus d'indépendance alors que Senghor pensait que les africains n'étaient pas prêts pour l'exercice de leur liberté fondamentale. Cette divergence d'opinion avec Senghor lui valut l'emprisonnement suite à la démission de son poste de Premier Ministre. D'ailleurs, lorsque Senghor a invité Houphouët Boigny, celui-ci rétorqua qu'il ne viendrait qu'à condition que Mamadou Dia, avec qui il partageait certaines convictions, soit libéré. La même année, quand Moscou écrase les militants des démocraties populaires, Césaire qui était pour l'indépendance se sépara de Maurice Thorez. * 245 http://tekur-ucad.refer.sn/IMG/pdf/Magueye_Kasse.pdf. * 246 Marcien Towa, Léopold Sédar Senghor : Négritude ou Servitude ?, éd. CLE, Yaoundé, 1971, p. 100-101 : « La thèse fondamentale de Senghor est certainement l'émotivité du nègre, thèse exposée pour la première fois en détail dans un texte important intitulé Ce que l'homme nous apporte. Le premier souci de Senghor y est de définir l'âme nègre. Comment y parvenir ? Répudiant toute méthode rationnelle, il affirme, sans justification, que le fil d'Ariane est l'émotivité -féminité : L'émotion est nègre comme la raison est hellène ». * 247 Marcien Towa, op. Cit, p. 107-108 : « Autrement dit, le nègre, tant qu'il demeure tel, n'a pas sa place, en tout cas, pas de place égale à celle du blanc, dans un monde fondé sur la raison et la science ». Il est manifeste, que la position de Senghor est conservatrice à propos de l'orde établi. * 248 Ama Mazama, L'impératif afrocentrique, éd. Menaibuc, Paris, 2003, p. 15 sur La suprématie blanche : Idéologie et Pratiques dominantes : « La résignation et l'acceptation de la suprématie blanche, pour être courantes, n'en sont pas moins, bien évidemment manufacturées. Nous voulons dire par-là, le résultat d'un long processus de propagande, systématique et organisé, afin de nous placer et nous maintenir dans un état de subjugation mentale vis-à-vis de l'Occident ». |
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