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Approche comparative de la conception des droits de l'homme dans la philosophe africaine et dans la philosophie politique contemporaine en occident

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par Julien Rajaoson
Sciences Po Grenoble - Master 2008
  

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B°) Les limites de la rationalité

Lorsque la rationalité pratique s'adonne à ce culte de la performance et de la réussite, elle modifie le rapport de l'Homme à sa temporalité. Les individus évoluant dans les sociétés civiles contemporaines sont pris dans une logique concurrentielle qui fait de cette temporalité un problème, car on ne sait plus attendre, on manque de patience envers autrui, et parfois envers soi-même. On exige de soi une adaptation sans borne à la concurrence, et ce, en dépit de notre propre santé mentale ou physique.

1°) Le culte de la performance

Que ce soit pour les acteurs ou les Etats, les savoirs ne sont que des moyens d'accroître notre performance individuelle dans le cadre des relations sociales, ou notre performance sur le plan des Relations Internationales, si l'on se trouve à l'échelle étatique. La profusion de connaissances et de savoirs en tout genre ne sert que la vanité humaine, dans le sens où leur utilisation procure un ascendant effectif à son détenteur185(*) sans servir la perfectibilité186(*) de l'homme ; l'usage géopolitique de l'activité économique en est la preuve formelle. Pourquoi le paradigme néoréaliste qui régit le cadre des Relations Internationales demeure-t-il incommensurable et si éloigné de la conception métaphysique de l'Homme pensé par les Lumières ? Le cynisme de la diplomatie est-il à ce point imperméable à des valeurs humanistes et cosmopolites, que la cécité de l'Occident concernant l'Homme en est devenue une donnée irrévocable ? Il faudrait agréger cet ensemble de questionnements afin de les ramener à une seule interrogation : le projet humaniste de maîtrise et de transformation du monde par la raison, que la philosophie politique contemporaine a si admirablement orchestré depuis le XVIIIème siècle, a-t-il laissé l'Homme en chemin et pourquoi ? Cette inflation de connaissances et de savoirs en tout genre augmente indéniablement un potentiel d'action, plongeant par ailleurs l'individu au coeur d'une Modernité complexe. Se dissimuler derrière un principe explicatif unique, tel que la Révolution ou le fait libéral, constituerait en ce sens un refus de la Modernité. Comment expliquer le fossé béant qui se creuse entre la configuration contemporaine du monde et les valeurs humanistes ?

2°) Des peuples primitifs

La rationalité ne semble pas pouvoir appliquer ses principes en tant que tels aux problèmes proprement humains, comme elle pourrait le faire sur les phénomènes naturels. Pourquoi la réalité empirique contrarie-t-elle ainsi l'idée de l'Homme ? Peut être est-ce la nature des principes ou leur statut ontologique qui pose problème ? En effet, selon Tempels la philosophie des Bantoues avait réussi une adéquation intuitive de leur monde à leur métaphysique187(*). La frugalité du milieu dans lequel évoluaient les Bantous, comparée à la complexité du monde contemporain, a-t-elle pu réellement faciliter cette adéquation effective à leur ontologie188(*) ? L'évaluation d'une société dite « complexe » peut-elle se faire uniquement d'un point de vue quantitatif, c'est-à-dire en dénombrant les institutions financières, juridiques et politiques, ou alors, d'après la présence de structures économiques, qui rendent le monde abscons. Cette opinion ne résiste pas à la critique. Nous avons tendance à considérer la rationalité économique comme un fait de la raison extrêmement puissant, car les accords douaniers ainsi que les institutions financières soutiennent cette rationalité sur le plan empirique. Cela donne l'illusion métaphysique que le Capital engendre du Capital dans un processus soi-disant autonome, qui se passera de toute intervention humaine, c'est ce que nous avons développé au chapitre précédent. On en oublie, que le propre du savoir ou devrait on dire son effet pervers, c'est qu'il puisse faire perdre le bon sens à son utilisateur au nom même de cette maîtrise de la réalité extérieure. Alors à quoi bon cette maîtrise ou ce pouvoir, si sa possession se fait au dépend de son possesseur189(*) et de ces principes purs190(*) ?

* 185 Hobbes, Léviathan, traduction, introduction, notes et notices par Gérard Mairet, éd. Gallimard, Paris, 2000, p. 187 au chapitre I que Hobbes a intitulé De l'Homme dans lequel sa partie 11 traite De la diversité des moeurs : « C'est pourquoi je place au premier rang, à titre de penchant universel de tout genre humain, un désir inquiet d'acquérir puissance après puissance, désir qui ne cesse seulement qu'à la mort. Et la cause de cela n'est pas toujours que l'on espère une jouissance plus grande que celle qu'on vient déjà d'atteindre, ou qu'on ne peut se contenter d'une faible puissance, mais qu'on ne peut garantir la puissance et les moyens de vivre bien dont on dispose dans le présent, sans en acquérir plus. C'est ce qui fait que les rois dont la puissance est la plus grande orientent leurs efforts en vue de la garantir, à l'intérieur par les lois et à l'extérieur par les guerres. (...) ». En gardant à l'esprit que Hobbes dépeint dans ses oeuvres un portrait peu reluisant de la nature humaine, on peut constater que son anthropologie sur l'Homme est très déterministe dans le sens où ce dernier est régit par le Conatus c'est-à-dire une propension à fuir la mort violente. Selon l'auteur ce n'est pas par sociabilité naturelle que l'Homme entre en société. Ce qu'il y a de remarquable chez Hobbes réside dans l'idée que cette insociabilité naturelle prend forme dans la société civile sous de quête ininterrompue de la jouissance, de la gloire ; les désirs sont pour l'auteur, constamment renouvelés une fois assouvis. Si la pertinence de sa théorie demeure somme toute discutable lorsqu'on la conçoit dans les sociétés civiles contemporaines à l'inverse, le plan des Relations Internationales dominé par la vision on ne peut plus pessimiste de Clausewitz s'accorde tout à fait avec la philosophie politique de Hobbes.

* 186 Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat Social ou Principes du droit politique, Discours sur les Sciences et les Arts, Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes, Lettre à M. d'Alembert, Considérations sur le Gouvernement de Pologne, Lettre à Mgr de Beaumont, Archevèque de Paris, éd. Garnier Frères, 6, rue des Saints-Pères, Paris, 1963. p. 65 : « Après avoir montré que la perfectibilité, les vertus sociales, et les autres facultés que l'homme naturel avait reçues en puissance, ne pouvaient jamais se développer d'elles-mêmes, qu'elles avaient besoin pour cela du concours fortuit de plusieurs causes étrangères, qui pouvaient ne jamais naître, et sans lesquelles il fût demeuré éternellement dans sa condition primitive, il me reste à considérer et à rapprocher les différents hasards qui ont pu perfectionner la raison humaine en détériorant l'espèce, rendre un être méchant en le rendant sociable, et d'un terme si éloigné, amener enfin l'homme et le monde au point où nous le voyons. »

* 187 R. Placide Tempels, op. Cit, Chapitre V intitulé Ethique Bantoue dans la partie I sur Les normes du bien et du mal, ou l'éthique objective p. 81 c°) Le droit positif des Bantous cadre avec leur morale ontologique : « De même que pour les Bantous, c'est le muntu vivant qui est, de par les dispositions divines, la norme du droit positif. Nous pourrions d'ailleurs, la montrer avec la même rigueur logique que c'est le muntu qui est la norme de la langue, de la grammaire, de la géographie, de toute la vie et de tout ce que la vie met en rapport avec le muntu. ». Le muntu que Tempels a évoqué à plusieurs reprises dans cette citation désigne la personne humaine au centre de leur ontologie.

* 188 Nous faisons allusion à la pensée de Lévy-Bruhl qui dans une perspective discontinuiste, considérait la mentalité primitive comme l'état archaïque de l'évolution humaine et qui selon lui, serait indifférente à la rigueur intellectuelle. Raymond Boudon, Philippe Besnard, Mohamed Cherkaoui, Bernard-Pierre Lécuyer, op. Cit, p. 134 où Lévy-Bruhl est définit comme un « sociologue et ethnologue français (Paris 1857-1939). Professeur de philosophie à la Sorbonne, auteur de La Morale et la science des moeurs (1903) fondateur de l'Institut d'ethnologie, Lévy-Bruhl est connu surtout par ses livres de sociologie consacrés à la mentalité primitive, notamment la Mentalité primitive (1922). Il désignait ainsi un type de pensée qui, à son avis, était radicalement différent de celui de nos sociétés modernes, notamment par son indifférence à la logique, et que l'on observe dans les sociétés dites primitives étudiées par les ethnographes. Cette mentalité, qu'il appelait aussi prélogique, se caractérise principalement par le fait qu'elle repose non point sur nos principes rationnels de l'identité et de la non-contradiction, mais sur celui de la participation, qui amène les primitifs à croire qu'un être ou un objet peut être à la fois lui-même et autre chose, et qu'il y a des liens invisibles entre des êtres différents (...). ». Ce type de conceptions qui posaient une hiérarchie entre les hommes fut partiellement remis en cause par l'oeuvre de Tempels allant à contre-courant des idées politiques et philosophiques dominantes de l'époque portant sur l'Afrique. C'est ce que Friedrich Hegel disait, cité dans un article du monde diplomatique sur le site http://www.monde-diplomatique.fr/2007/HEGEL/15275 et publié en Novembre 2007, dans lequel l'auteur de l'article a relevé un extrait de La raison dans l'Histoire : « Ce continent n'est pas intéressant du point de vue de sa propre histoire, mais par le fait que nous voyons l'homme dans un état de barbarie et de sauvagerie qui l'empêche encore de faire partie intégrante de la civilisation. L'Afrique, aussi loin que remonte l'histoire, est restée fermée, sans lien avec le reste du monde (...) ». En mettant en lumière leur système ontologique développé Tempels, a suscité des controverses sur l'idée d'une philosophie africaine, ce qui était à peine concevable avant 1945.

* 189 Jean-Godefroy Bidima, Théorie critique et modernité africaine, de l'Ecole de Francfort à la docta Spes africana, Paris, publications de la Sorbonne, série philosophie, 1993, p. 256 dans la partie intitulée Vers un autre paradigme où il est dit : « En critiquant les retombées technologiques, on suppose que la science dans ses principes est neutres, et que c'est bien l'utilisation malveillante des technocrates et des politiques qui la rende inhumaine. Le problème serait donc, celui des hommes qui ne savent pas utiliser la technoscience, quant à celle-ci, sa pureté n'a d'égale que sa neutralité axiologique ». Bidima est un philosophe camerounais de la seconde génération, formé à Paris I qui a enseigné au Collège Internationale de Philosophie et en Allemagne.

* 190 R. Placide Tempels, ibid., p. 81 : « Si le droit de propriété, le régime foncier, la dévolution successorale, l'organisation clanique et interclanique ancienne ou l'organisation politique plus récente, bref si toute la législation positive ou conventionnelle ne peut être tirée par déduction logique nécessaires des données ontologiques de la philosophie bantoue, tout au moins est-il conventionnel qu'il puisse paraître, s'adapte parfaitement dans le cadre de la philosophie et de la morale bantoue telle que nous l'avons décrite. »

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984