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Approche comparative de la conception des droits de l'homme dans la philosophe africaine et dans la philosophie politique contemporaine en occident

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par Julien Rajaoson
Sciences Po Grenoble - Master 2008
  

Disponible en mode multipage

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REMERCIEMENTS

Je suis redevable de l'aide apportée par mon directeur de recherche Mr Jacques Barou ainsi que celle de mon directeur de Master Mr Olivier Ihl pour la rédaction de mon mémoire. Un grand merci également à Marcel Gauchet, Elikia M'Bokolo, car c'est en partcipant à leurs séminaires que j'ai pu étoffer ma problématique et mon sujet. Je tiens également à remercier mes anciens professeurs Patrick Savidan, Pierre-Henri Tavoillot ainsi qu'Alain Renaut pour leur concours en matière d'analyse de notre époque contemporaine si difficile à saisir. Toute ma reconnaissance à mes parents et à ma famille pour leur soutien matériel et leurs encouragements. PREFACE

L'Occident s'efforce de porter les Droits de l'Homme et la Démocratie dans le monde comme s'il s'agissait d'un étendard. Or, depuis que l'Occident ne se résume plus à la seule aire atlantique, ce qu'il a gagné en espace géographique, il l'a perdu en influence intellectuelle. D'autres cultures résistent, d'autres représentations, d'autres visions du monde et de l'au-delà. La Chine, Le Brésil et l'Inde s'érigent en puissances économiques aguerries par l'économie de marché sans aucune considération pour la Démocratie et les Droits de l'Homme. La prétention morale et la tendance à l'universel de l'Occident sont dès à présent contestées par des acteurs inattendus surgissant au devant de la scène internationale1(*).

Cette recherche consistera à évaluer les débouchés territoriaux possibles pour une conception commune des Droits de l'Homme entre l'Afrique et le monde occidental, tel est l'enjeu de ce mémoire. Cependant, les différences culturelles entre ces deux parties du monde semblent béantes, l'histoire commune de l'Afrique et de l'Europe fut conflictuelle et l'est encore à certains égards, l'insertion économique demeure toute aussi différente pour ces deux contrées du globe ; ces difficultés ne représentent que la part visible d'une immense complexité que l'on ne peut résoudre à mon sens qu'en s'arrogeant le droit d'user de toutes les disciplines.

TABLE DES MATIERES

Introduction......................................................................p.3

Chapitre I : De la Démocratie en Occident...................................p.25

I°) Au terme de la Démocratie.................................................p.25

II°) Le substrat démocratique...................................................p.39

Chapitre II : De la philosophie africaine......................................p.62

I°) De l'éthique dans la conception africaine.................................p.71

II°) La Politique et la Métaphysique : les universaux comme source de pouvoir ?.........................................................................................p.87

Chapitre III : De la Coopération décentralisée..............................p.104

I°) De l'indépendance des Etats postcoloniaux.............................p.109

II°) La Coopération décentralisée.............................................p.117

Conclusion.......................................................................p.125

INTRODUCTION

Les principes des droits, de liberté et dignité humaine énoncés par la Déclaration des Droits de l'Homme sont universels indépendamment du consensus qu'ils suscitent chez les hommes et auprès des Etats qui composent la communauté internationale. Cette portée universelle provient du postulat intuitionniste selon lequel ils seraient inhérents à l'Homme, l'affranchissant ainsi des déterminismes sociaux et traditionnels qui nieraient cette égalité : « Tout les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit »2(*).

Une conception commune

C'est en partageant cette même conception des Droits de l'Homme en tant que principes purs et universels que les Etats membres du Conseil de l'Europe ont pu adopter la Convention européenne des Droits de l'Homme. Celle-ci constitue une retranscription juridique de principes purs et universels ; ces derniers donnent une finalité aux divers systèmes et instruments juridiques participant de cette retranscription. Peut-on dire que l'interprétation juridique préserve la portée universelle des Droits de l'Homme, et dans quelle mesure elle correspond aux principes énoncés par la Déclaration ? En effet, les systèmes juridiques diffèrent d'un pays à l'autre, ne serait-ce que par la culture propre à chaque Nation. Parallèlement, on peut également relever une divergence philosophique évidente au sujet de l'Homme dans les cultures africaines et occidentales. A l'instar de l'esclavage, pratique courante chez les Touaregs dans laquelle le groupe opprimait l'individu. La conception africaine faisant prévaloir la communauté par rapport à l'individu, le poids de la tradition n'est pas considéré comme aliénant pour les hommes dans la mesure où elles structurent leurs relations sociales ainsi que leurs imaginaires.

La réalisation empirique des principes universels des Droits de l'Homme semble donc inexorablement affaiblir leur portée universelle lorsque l'on tente de les retranscrire dans le domaine juridique ; néanmoins, ils sont à l'origine de la maximisation concrète du bien être des individus dans le sens où ils accordent un poids identique au bonheur de chacun. En somme, l'usage utilitaire des Droits de l'Homme conditionne la culture de soi et du caractère, de manière à ce que tous soient aptes au bonheur. C'est la raison pour laquelle, ils constituent un rempart intellectuel contre toutes formes de superstitions et fondent une éthique téléologique en tant que principe rationnel. Les valeurs humanistes sous-jacentes à la Déclaration de 1789 sont-elles relatives à l'Occident ou universellement valables en dépit du contexte ou de l'histoire ? Selon Luc Ferry « D'une certaine façon, la Déclaration des Droits de l'Homme - sur un tout autre mode et dans un tout autre registre - n'est bien souvent pas autre chose que du christianisme laïcisé ou rationalisé »3(*). Effectivement une forme de relativisme culturel paraît inévitable quoique nécessaire afin qu'un projet démocratique corresponde au peuple qui en fait l'expérience. Cependant ce pragmatisme peut avoir des répercussions sur la protection d'une conception commune des Droits de l'Homme, car s'ils ne servent qu'à maximiser le bonheur du plus grand nombre de personnes pour les besoins de la démocratie, pourquoi leur accorder une valeur transcendante et intemporelle ? Peut-on considérer le bonheur de tous comme la fin ultime des Droits de l'Homme ? Rawls avait critiqué le credo téléologique de la conception utilitariste qui refuse tout point de vue intuitionniste des valeurs au profit du bien de tous. En dépit de la cohérence de l'analyse utilitariste sur laquelle repose la théorie politique contemporaine, on peut s'interroger avec Rawls sur la fin poursuivie par cette doctrine.

Le bonheur n'étant qu'un état psychologique et relatif de l'homme, peut-on en faire l'objectif final de la politique ? Premièrement, dans le cadre des Relations Internationales, la défense des Droits de l'Homme risque d'être considérée comme une ingérence étrangère dans les affaires nationales des Etats africains « Il y a une saisie intellectuelle de la domination qui l'articule au nom des Universaux (Liberté, Droits de l'Homme, etc.) dans les amphithéâtres et une saisie vitale de la domination qui, du berceau au tombeau, marque la chair rouge et fumante d'une culture et d'un continent piétiné et exilé de la prise de parole »4(*). Accepter de relativiser la portée universelle des Droits de l'Homme revient-il à assimiler des principes purs à une spécificité occidentale ?

D'autre part, cette position relativiste expliquerait la raison pour laquelle les Etats africains contestent les interventions humanitaires, ou les résistances dont ils font preuve quant à la transition démocratique prescrite par la Communauté Internationale.

Ainsi, les idéologies afrocentristes qui se focalisent sur leurs cultures propres, rejetant toutes autres valeurs étrangères, expriment également une forme de relativisme. Elles constituent un repli sur soi et appuient leur rhétorique sur le matérialisme de Marx, dans le but de promouvoir une vision anti-impérialiste, qui s'inscrit dans la continuité des mouvements de libération à l'époque de la décolonisation. Cependant, même en assumant une conception relativiste à l'égard des Droits de l'Homme, on ne peut pas omettre leur force argumentative : ils représentent sur le plan philosophique, « un cran d'arrêt » (Alain Renaut) indépassable entre la Société civile et l'Etat, en tenant lieu d'alternative aux totalitarismes. Le marxisme, dont s'inspiraient les idéologies afrocentristes, représentait l'adversaire le plus sérieux de la conception des Droits de l'Homme après l'absolutisme de Burke. Ces deux tendances prétendaient à l'universalité, à cette époque le primat absolu de l'individu sur l'Etat exprimé par la Déclaration de 1789 n'était pas encore solidement ancrée, dans le sens où le marxisme s'attaquait au credo intellectuel des Droits de l'Homme en affirmant qu'il s'agissait de principes bourgeois.

Derrière cet antagonisme de façade, se dissimule une immense complexité philosophique entre deux pensées infiniment dissemblables. Comment peuvent-elles s'opposer réellement si, la philosophie de l'histoire de Marx consacre l'idée d'égalité là où la tradition libérale traduite par les Droits de l'Homme évoque la liberté. De plus, par eux-mêmes, « Les Droits de l'Homme ne sont pas une politique »5(*), ainsi, « Décapé d'une dimension idéologique à laquelle le commentaire de Marx avait cru pouvoir le réduire, le texte des Déclarations retrouvait sa jeunesse et était rendu à sa destination première »6(*), à savoir la défense de l'individu. L'effondrement du bloc soviétique marquant la fin du communisme a sonnée le glas du projet de société proposée par cette philosophie historiciste : « La modernité a produit un univers concentrationnaire des théories et le résultat est toujours le même. Le marxisme chosifié ne porte plus ses fruits et a sécrété des enclaves »7(*), ainsi Marx est battu. Mais la perte de cet adversaire n'implique-t-elle pas que la conception des Droits de l'Homme devienne à présent une politique ?

Des réalités différentes

Au sortir de la décolonisation, la forme politique des Etats sévissant en Afrique fait de la modernité un mensonge pour la population africaine ; qu'il s'agisse de régimes présidentiels à parti unique comme au Gabon ou de dictatures militaires comme au Togo, le règne de la corruption et de la violation des Droits de l'Homme participe à l'exercice de ces pouvoirs despotiques. « Ces régimes se caractérisent d'abord par le fait qu'ils ont succédé à des dictatures de divers types, récemment renversées, dans des pays où la démocratie pluraliste n'avait historiquement jamais été bien implanté. On suppose ensuite, plus généralement, que les systèmes démocratiques postdictatoriaux sont déformés ou distordus par des situations d'extrême inégalité sociale, (...) »8(*).

La situation politique de l'Afrique noire est incertaine, d'autant plus que de nombreux Etats dépendent de l'aide internationale au développement économique. « Le libéralisme économique qu'on nous présente comme la voie s'est mué depuis longtemps en un cynisme ombilical où chacun amasse en grattant un petit orifice d'où plus rien ne sort, pas même le plaisir. Le grand mot de culture n'est devenu qu'un alibi pour justifier tous les snobismes, tandis que l'efficacité organisationnelle a donné lieu à la prolifération monstrueuse des administrations qui, rongées par la cancérisation paperassière, légifèrent, s'enferrent et laissent faire. Sans parler de toutes les démocratisations qui ne sont que jeu verbal et prémisses de guerre »9(*).

Au coeur de cette réalité politique, le restant de la population s'enlise dans la pauvreté quant l'ethnie au pouvoir jouit d'un accès privilégié aux ressources. « Ce système de patronage et de clientélisme a souvent recours à l'artifice électoral pour empêcher toute contestation démocratique réelle issue des urnes »10(*). Ce qu'il y a de plus tragique encore, c'est que la conservation de ce pouvoir arbitraire renforce l'autorité symbolique du despote.

D'où vient-il que les Droits de l'Homme soient si difficiles à appliquer sur le plan politique et fassent l'unanimité sur le plan moral ? Est-ce dû au fait, comme nous l'a fait entendre Luc Ferry, qu'ils ne sont pas substantiellement nouveaux au regard de l'histoire occidentale ? Ils constituent une synthèse pertinente d'un héritage vieux de plusieurs siècles issus du christianisme, de la Renaissance ainsi que du cartésianisme. En s'affranchissant de tout relativisme, le noyau irréductible et anhistorique qui s'inscrit plus aisément dans la modernité politique, est l'assertion kantienne de l'autonomie telle qu'il l'a formulé dans son oeuvre « Qu'est-ce que les lumières » à travers sa citation : Sapere aude. C'est la capacité de chacun d'apprécier les opinions, les connaissances qui seront les siennes après les avoir soumises à la critique. Sur ce point le relativisme semble demeurer silencieux dans la mesure où les valeurs peuvent parfois être contradictoires. Ce que l'on peut reprocher à la Déclaration des Droits de l'Homme, c'est de ne pas avoir tranché d'une manière suffisamment évidente le primat de la liberté sur l'égalité parmi les droits fondamentaux.

L'effet positif de ce silence sur le couple liberté/l'égalité, a conduit à l'émergence de deux grandes théories politiques antagonistes telles que le libéralisme et le socialisme. De même, la tradition du débat contradictoire ou du conflit institutionnalisé nécessaire au projet démocratique est également engendré par cette absence de réponses quant à l'importance de ces deux notions philosophiques. En effet, la raison publique devra d'autant plus argumenter afin de convaincre le peuple du bien fondé de ses convictions, si la question de la liberté et de l'égalité demeure ouverte. Par contre, le libéralisme comme le socialisme ont éliminé de leurs projets de société respectifs, la dimension affective de la vie morale qu'ils ont défendu ; moyennant quoi, ils semblent avoir oublié qu'il est plus facile de fonder un lien social, une communauté ou une société sur le sentiment que sur la raison.

La place de la Raison et de l'Affect

L'économie de marché ainsi que le système démocratique qui s'est imposé face au socialisme soviétique provienne de la tradition rationaliste, et ils sont constitutifs du modèle politique contemporain que l'on nomme démocratie libérale en Occident. Ces différents régimes partagent selon leurs institutions, une pratique de la souveraineté fondée sur le mode de la représentativité. Cependant, le chômage de masse dont ils font l'expérience aujourd'hui est corollaire de la crise économique actuelle, ce qui conduit les représentants à s'interroger sur leur capacité à mettre en oeuvre une certaine justice sociale. Mais cette problématique s'avère différente selon les pays qui ont participé à la colonisation, car les exclus peuvent également être ressortissants de l'immigration11(*) et éprouver du ressentiment à l'égard de leur patrie d'accueil, ce qui leur donne une autre dimension à l'exclusion et au chômage. En clair, l'aspect émotionnel ethnicise les questions sociales inhérentes aux démocraties libérales, c'est sur ce point précis que la notion d'affect semble pertinente. Selon une perspective postcoloniale (terme que nous définirons) l'affect des ressortissants de l'immigration comprend deux séquences intuitives :

- Un sentiment de faillite datant de la période coloniale : « Au coeur du traumatisme colonial se situe la catastrophe d'une dévalorisation individuelle et collective. Nos institutions et nos traditions, nos valeurs et nos croyances se sont révélées incapables de nous éviter la domination, la dépossession et l'humiliation. Que valent-elles encore ? »12(*). Achille Mbembé illustre ce rapport émotionnel à la domination de façon éloquente en nous plongeant dans l'atmosphère de cette sombre époque, « Partons de la définition de Bataille qui pose l'animalité en termes d'immédiateté ou, selon ses propres dires, d'immanence. (...) Certes, le colonisé a une vie biologique. Il a des désirs. Il a, par exemple, faim et soif. Du point de vue de l'épistémologie coloniale cependant, nous ne pouvons vraiment nous identifier, par le sentiment à sa nature, de la même façon que nous ne pouvons nous identifier à celle d'un chien : Il n'a ni liberté, ni histoire, ni individualité proprement dites »13(*). C'est donc cette dimension affective et émotionnelle qui met à l'épreuve les différents modèles sociaux en Occident.

- Ce sentiment né lors de la période coloniale semble persister dans le temps, en s'adaptant au contexte : « Le traumatisme colonial s'éclaire alors à la lumière du concept de violence symbolique, entendu moins au sens de Pierre Bourdieu, comme une violence douce, invisible et masquée, que comme une souffrance, affichée ou enfouie, liée aux blessures identitaires subies depuis le temps de la colonisation »14(*). Face à ce phénomène de domination nous verrons que deux courants de la philosophie africaine se démarquent de par leur représentation intellectuelle de cette domination vécue à l'époque contemporaine toutefois, ils se rejoignent sur l'approche analytique des méfaits de la colonisation. « La question de savoir si un abîme infranchissable sépare l'Afrique de l'Occident est en effet, pour nous, sans objet. Dans une tentative de forcer l'Afrique à s'expliquer avec elle-même dans le monde, nous avons essayé de problématiser de la façon la plus productive possible, certains concepts tirés de la théorie sociale, (...) Là où ces concepts étaient manifestement incapables de désigner des figures particulières de la raison dans l'histoire africaine et dans les pratiques de ce temps, nous avons forgé de nouveaux vocabulaires. En concentrant notre réflexion sur ce que nous avons appelé la Postcolonie, le but n'étant pas de dénoncer le pouvoir en soi »15(*). Nous venons donc d'introduire le concept de la « Postcolonie » sur lequel nous nous pencherons plus longuement au Chapitre III.

L'élimination de l'affect et du sentiment paraît tenir sa revanche à l'époque contemporaine. Pourquoi ne peut-on pas fonder un projet politique uniquement sur des principes purs et rationnels ? De quelle manière et par qui va être utilisé cet espace laissé vacant par le libéralisme et le socialisme ? En effet, rares sont les philosophes politiques qu'ils soient socialistes ou libéraux, ayant pris en compte l'aspect affectif dans leurs conceptions de l'Homme ; de fait une vision unique de l'homme rationnel a été promu jusqu'à ce que le libéralisme l'emporte sur le socialisme. Comme le montre le chapitre VIII du « Contrat Social » intitulé « De la religion civile », Rousseau fut le premier penseur avec Adam Smith à introduire les sentiments et l'affect dans leurs réflexions. La raison n'a pas la vertu d'être cumulative au même titre que l'affect, que l'on peut également nommer « la passion », ainsi la première divise alors que la seconde rassemble. « Aussi égoïste que l'homme puisse être supposé, il y a évidemment certains principes dans sa nature qui le conduisent à s'intéresser à la fortune des autres et qui lui rendent nécessaire leur bonheur, quoiqu'il n'en retire rien d'autre que le plaisir de les voir heureux »16(*). Ce que les tendances politiques actuelles, régissant la vie démocratique, doivent ajouter et comprendre en termes de catégories de pensée, c'est la dichotomie entre la raison et le sentiment.

N'a-t-on pas reproché à Raymond Aron l'excès de rationalisme lors de la parution de « L'opium des intellectuels » en comparaison avec la philosophie existentialiste de Sartre qui promettait à l'aune de sa réflexion une société idéale ? Afin qu'une conception commune des Droits de l'Homme puisse irriguer les pans de la vie morale des hommes, que celle-ci se situe en Afrique ou en Occident, la constitution de nouvelles catégories est-elle envisageable pour différents types de philosophies ? En quel sens seront-elles en mesure d'offrir une intelligibilité suffisante et pertinente du monde actuel, en dépit des spécificités intrinsèques aux philosophies africaine et occidentale ?

La philosophie politique occidentale : une consécration ?

La philosophie politique contemporaine en Occident, a acquis depuis le XVIème siècle jusqu'à la période contemporaine une maturité intellectuelle sans équivalent jusqu'ici ; mais paradoxalement, sa capacité légitime à penser les problèmes politiques et économiques demeure insuffisante au vu d'une telle évolution. Sa place magistrale actuelle, est le fruit de puissants bouleversements intellectuels qui se sont avérés en mesure de changer le monde pré-révolutionnaire dans lequel elle a initialement évolué. C'est au moyen de l'idée démocratique et de la science, que la philosophie politique a gagné ses lettres de noblesse en émettant le souhait de s'adresser à tous, en tout lieux, par une réflexion rationnellement valable sans distinction sociale, « (...) on a pu dire combien la philosophie occidentale a exclu les Africains de la trajectoire de la Raison. Les Occidentaux se sont tellement repentis de cette exclusion qu'ils admettaient comme philosophie africaine tout ce que les Africains présentaient comme tel »17(*). On pressent déjà, quoique de manière embryonnaire, une volonté de constituer une forme d'interdépendance théorique et pratique entre les individus qui ne va pas sans rappeler le phénomène de mondialisation que nous connaissons aujourd'hui.

En somme, c'est le premier discours rationnel qui réussisse sa tendance à l'universalité, rejetant ainsi la représentation moyenâgeuse du monde portée par l'Ancien Régime. L'idée démocratique et la science rationnelle qui caractérisent la philosophie politique en Occident, apparaissent dans un projet de domination intellectuelle du monde afin de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature »18(*), c'est une entreprise humaine conforme à l'idéologie des Lumières. L'objectif étant de bâtir un monde à notre usage, et par là-même, de produire des effets qui nous sont utiles.

Pour la philosophie politique occidentale, la démocratie et la science ne sont que des moyens dont la finalité demeure le bien être des hommes. L'idéologie des Lumières consiste à désenchanter le monde, à désacraliser la nature afin de mieux les comprendre en tant que phénomènes, « De ce point de vue, la matière est complètement inanimée, dénuée d'esprit, de même que les animaux et les plantes, également conçus comme machines »19(*) conformément au cartésianisme. Cependant, ce projet va produire de manière concomitante un nouveau phénomène contemporain, à savoir la mondialisation libérale, qui submerge les hommes. La finalité humaniste que l'on a assignée à la politique et à la science se retrouvera dissolue à cause de la genèse de ce phénomène global.

Au lieu d'observer l'histoire vécue comme un mouvement, aspirée par une finalité supérieure ainsi que par la représentation commune d'un grand dessein, la compétition instaurée par la mondialisation nous pousse à progresser dans un sens bien particulier ; ce progrès n'est plus motivé par un idéal humaniste mais uniquement par la logique de cette concurrence. Au final, peut-on dire d'une manière certaine si ce progrès est encore synonyme de liberté et d'émancipation comme ce fut le cas au XVIIIème siècle ? La finalité humaniste étant remplacée par une fin concurrentielle imposée par la mondialisation, la philosophie politique contemporaine est forcée d'admettre que le contrôle de l'histoire échappe dorénavant aux acteurs économiques et d'autant plus aux responsables politiques.

L'idéologie des Lumières

Les Lumières ont affirmé la nécessité de « comprendre » afin de rendre la raison autonome et de défendre les droits naturels20(*) par delà les législations des différents pays ; pourtant nous sommes perplexes car la profusion du savoir est telle que le monde contemporain est devenu inintelligible par un trop plein d'expertises. En cela, est-ce une forme contemporaine d'obscurantisme ?

La philosophie politique contemporaine en Occident avait sous-estimé les différents obstacles que les Lumières se sont évertuées à combattre, à savoir : l'ignorance, la superstition et le fanatisme auxquels elle a opposé le savoir, la raison, la délibération démocratique ainsi que le pluralisme politique. Toutefois, les Lumières semblent nous avoir légué une lecture trop imprécise du champ du savoir relatif à la politique. Sont-elles toujours en mesure de dompter le monde contemporain tel qu'il se présente aujourd'hui ?

L'intelligibilité du monde humain semble être une des questions principales de l'enjeu démocratique. Afin de comprendre ce monde contemporain, et de pouvoir être en mesure de prendre des décisions, les responsables politiques ont souvent recours aux expertises. Cependant, les procédures d'expertises sur lesquels les responsables politiques se reposent dans le but de pouvoir décider, engendrent un paradoxe malgré l'honnêteté idéologique des experts. En effet, les expertises ne suffisent pas à régler les problèmes ou à obtenir des solutions. Les expertises sont unilatérales du fait de leurs spécialisations, alors qu'elles devraient s'inscrire dans un cadre plus large que le domaine appréhendé ; en conséquence, cela s'accompagne de la perte du rôle des idées en politique. Elles découpent des fragments du réel dans le but de les analyser, là où une intelligibilité d'ensemble est requise. Ce qu'elles possèdent en propre ce sont des outils de mesures telles que les statistiques, qui offrent une photographie, d'un phénomène particulier afin de tenter d'en épuiser les propriétés au moyen de la description. Les résultats exacts mais superficiels des expertises ne peuvent pas permettre de penser l'Etre des phénomènes observés. L'essence intime des choses que les expertises ne parviennent pas à atteindre, la philosophie politique doit s'en saisir et se les approprier.

La philosophie politique contemporaine n'est pas un système, mais une visée confrontée aux multiples entrées épistémiques, à l'instar des différents savoirs. Elle doit s'efforcer de dépasser la sectorisation des connaissances, dans le but d'exploiter l'espace laissé vacant entre les mesures techniques utilisées par les experts et les fins suprêmes prescrites par les Droits de l'Homme, car c'est sur la base de ces deux dimensions que les choix démocratiques engagent les communautés humaines. « Mais la mondialisation économique ne crée pas seulement des faits économiques ayant des conséquences secondaires sur la politique mondiale et sur le cours du monde. Elle permet aussi à l'action économique d'envisager de nouvelles sources de légitimations »21(*). Et plus efficacement encore que l'action publique, « Les stratégies du capital peuvent alors maximiser leur pouvoir dans la politique mondiale, selon qu'elles réussissent à tisser des liens entre le capital et le droit, ou entre le capital et l'Etat »22(*).

L'époque contemporaine et ses mutations

Aussi puissante soit-elle, la rationalité économique dans son assertion néolibérale ne semble pas être suffisante. En effet, comment expliquer que la plupart des événements majeurs échappent à la régulation économique comme le montre l'exemple des attentats terroristes du 11 septembre 2001, ou les catastrophes climatiques qui frappent de plein fouet certaines régions du globe. Malgré tout, que ce soit les responsables politiques ou les membres de la société civile, nous sommes tous portés à croire inconditionnellement aux régulations devant advenir de la croissance. « (...) dans quelle mesure les organisations des Nations unies, qui incluent les grandes organisations financières et commerciales transnationales (FMI, Banque mondiale, OMC, etc.) contribuent-elles à l'avènement d'un nouvel ordre de la légitimité et du pouvoir ? »23(*).

Le néolibéralisme élimine le gouvernement au profit du marché ; allant de paire avec un néo-scientisme, son ambition est de remplacer la politique. Si les sciences de la nature sont en voie de dévoiler les énigmes de l'univers, les sciences économiques paraissent avoir le même dessein concernant les problèmes contemporains. Fort de sa légitimation auprès des différentes organisations économiques et financières supranationales, la théorie néolibérale postule son extension à plusieurs sphères sociales, et, partant, constitue une épistémologie largement partagée même par ceux qui pensent le combattre. La prise de pouvoir de notre monde contemporain par ce type de savoirs coiffe les sociétés démocratiques d'un pouvoir qui ne se gouverne plus, moyennant quoi, le besoin de philosophie est bien présent afin de donner un sens à cette reconfiguration économique du monde.

La modernité politique conçue au XVIIIème siècle et la démocratie ne vont plus de soi : d'une part à cause de la mondialisation comme phénomène global qui rend incertaine l'efficacité de l'action publique, et d'autre part, l'assertion néolibérale de l'économie qui s'évertue à disqualifier le politique de son champ de compétence. En somme, il s'agira par la suite de questionner la modernité. Car au delà des deux obstacles que l'on a précités, elle n'a pas empêché la barbarie eu égard aux faits historiques relatifs aux deux guerres mondiales ainsi que la résurgence d'un fléau caractéristique de notre époque, à savoir le fondamentalisme. La modernité a-t-elle conduit à la barbarie, ou la barbarie était-elle inhérente à la modernité ? Si c'est le cas, alors un ou plusieurs des substrats constituants cette modernité semblent avoir été faillibles, dans le sens où la dimension normative des Droits de l'Homme s'impose très difficilement en nous laissant dans une immense perplexité.

Pour les modernes, la politique sert à éviter la mort ainsi que les guerres civiles, et elle progresse en fonction de l'évitement du pire ou du négatif. « La démocratie est le pire des régimes à l'exception de tout les autres », cette citation empruntée à Churchill semble symptomatique de la modernité. Tout se passe comme si l'idée du pire motive les réflexions des intellectuels sur la politique ; par exemple, la science politique nous enseigne comment fonctionne le politique sans rien nous apprendre sur l'essence du politique. Elle nous dit qu'il existe une multiplicité de régimes que l'on se doit de décrire « objectivement », c'est-à-dire en restant neutre ; sous couvert de sa « neutralité axiologique », l'approche méthodologique des sciences sociales mutile les objets qu'elle traite, « Le rapport aux valeurs signifie qu'une valeur, comme l'égalité, qui est l'objet de conflit entre les hommes, devient un concept qui servira à découper la réalité examinée par le sociologue, que celui-ci y soit personnellement attaché ou non. Il est donc une condition de l'interprétation et de la compréhension des conduites humaines »24(*). Afin d'assigner une finalité normative viable à la politique, les réflexions sur l'Etat ne doivent-elles pas être conduites selon l'idée du meilleur ?

De nouvelles conceptions occidentales de la Justice

Rawls a élaboré une théorie de la justice d'un point de vue universel, à partir des sociétés démocratiques et libérales. Il a développé une réflexion implicitement constructiviste, dans la mesure où il tient pour acquis le système démocratique et l'économie de marché ; au même titre que Pocock, Rawls ne s'est pas intéressé aux totalitarismes, dont on a pu faire l'expérience à travers la deuxième guerre mondiale, mais aux seules limites de la démocratie. La question du totalitarisme a engendré une floraison de réflexions sur la démocratie moderne de par certains penseurs tels qu'Arendt, Strauss et Aron qui ont médité les plus grands drames politiques de leur époque. Ces intellectuels anti-totalitaires, ayant vécu leurs idées jusque dans leur chaire, cette douloureuse expérience fut un facteur de fécondité sans commune mesure pour redonner du fond à la dimension normative des Droits de l'Homme. En pensant l'idée démocratique à l'épreuve de son autre, ces auteurs ont pu s'interroger sur sa spécificité intrinsèque : comment peut-elle muter en son contraire ? Et comment au nom de la démocratie, qui avait pour ennemie irréductible et non réciproque le totalitarisme, on a pu gouverner et surtout opprimer ?

Suite à l'effondrement du bloc soviétique en Russie, du régime des Khmers rouges à Phnom Penh au Cambodge, on sait désormais que le fond idéologique qui régissait ce type d'Etats totalitaires fut essentiellement une conception holiste qui accorde un primat de la totalité sur la liberté individuelle. « De là, holisme désigne le point de vue méthodologique selon lequel c'est le tout qui donne sens et valeur à ses parties par la fonction que celles-ci jouent en son sein (...) »25(*). Mais selon Hannah Arendt, le totalitarisme comme forme étatique de la barbarie ne peut pas se résumer au seul holisme. Dans le chapitre IV intitulé « Idéologie et terreur : un nouveau type de régime »26(*), elle démontre en quoi les tendances totalitaires ne se limitent pas à la conquête et à la conservation du pouvoir ; mais à soumettre l'humanité aux lois de leurs projets politiques : celles de la nature pour le régime nazi et celle de l'histoire pour le socialisme soviétique. Avec leurs philosophies de l'histoire respectives Hegel et Marx seraient en quelque sorte, des pères fondateurs de la barbarie étatique.

L'avènement d'un paradigme : rupture ou continuité ?

A l'origine le néolibéralisme, théorisé par Ludwig Von Mises le maître de Hayek, a servi à penser aux obstacles éventuels à ériger face au totalitarisme dans un premier temps, tel que « Reconnaître l'individu comme juge en dernier ressort de ses propres fins, croire que dans la mesure du possible ses propres opinions doivent gouverner ses actes, telle est l'essence de l'individualisme »27(*) ; pour mieux le liquider dans un second temps, en consacrant la liberté humaine à travers sa pensée en 1944. En matière d'économie, selon la thèse de Hayek, l'Etat ne doit pas faire figure de stratège, car il ne tiendra pas compte de l'immense complexité de la société civile et de ses membres ; conséquemment, il imposera sa loi propre aux différentes rationalités en présence, sans considération pour les conditions sociales des individus, et c'est ainsi que même en démocratie la « socialisation de l'économie » conduirait les hommes d'après Hayek, sur la Route de la servitude. Son oeuvre que l'on peut considérer comme un manifeste de la pensée libérale, s'érige en tant qu'antithèse de la pensée marxiste, d'où l'adoption d'un registre plutôt offensif contre le totalitarisme. Son argumentation consistait à démontrer qu'aucun dogme ne peut être construit en ayant pour base la liberté, néanmoins nous sommes en droit de nous demander comment se fait-il que le néolibéralisme ait réussi à démolir les totalitarismes et que les régimes autoritaires d'Afrique s'en accommodent ?

A l'école de Chicago, le foyer intellectuel du néolibéralisme, les thèses de Hayek ont été reprises par Milton Friedman qui a développé ses idées pour en faire une doctrine, en ne retenant que son aspect économique et en préservant son ton offensif. Peut-être que ce réductionnisme économique orchestrée par M. Friedman a épargné les régimes autoritaires d'Afrique en abandonnant son efficience politique au profit de la dimension économique ? Il semble que la dérive scientiste de l'économie libérale a eu lieu, lors de son succès dans les années 80 auprès de certains milieux politiques, notamment chez les Tories de Margaret Thatcher au Royaume-Uni ainsi que chez les Républicains de Richard Nixon aux Etats-Unis. En effet, on peut raisonnablement supposer que si Hayek avait démoli la légitimité d'un pouvoir politique autoritaire en partant du principe que, « La liberté individuelle est incompatible avec la suprématie d'un but unique auquel toute la société est subordonnée en permanence »28(*), ce n'était pas pour remplacer cette suprématie par celle du marché ou de celle d'un despote. Nous verrons durant le développement si cette version scientiste du néolibéralisme agit négativement sur la conception pratique des Droits de l'Homme dans le monde et notamment en Afrique ?

L'intégration ou l'assimilation de l'Autre dans la Mondialisation ?

Outre ces grands chantiers que l'on vient d'exposer et qui constituent des enjeux majeurs de la philosophie politique contemporaine en Occident, nous avons vu en premier lieu la question de la mondialisation qui densifie la circulation des biens, des personnes et des capitaux, en poussant les différents pays à entrer en compétition les uns avec les autres, puis les problèmes que posent le scientisme économique inhérent au néolibéralisme qui, avec Ludwig Von Mises et Hayek, avait pour tâche principale de démolir intellectuellement toutes formes de pouvoirs totalitaires, et enfin, ne pouvant se passer de la méthodologie propre à la science politique, et plus largement aux sciences sociales, la philosophie politique actuelle se doit de résoudre les contradictions implicites qui découlent de la neutralité axiologique. Voici une liste non exhaustive des enjeux de la philosophie politique contemporaine en Occident, auxquels nous allons tenter de répondre dans le développement. Néanmoins, il reste à introduire l'idée d'une philosophie africaine qui demeure problématique, et se trouvera confronté aux mêmes obstacles que celle qui se trouve en Occident, avec moins d'arguments. D'ailleurs, si elle n'est qu'une simple revendication identitaire ou une question métaphysique superflue, cette philosophie africaine n'a aucune chance de pouvoir répondre aux apories éventuelles qui se présenteront lors de la réflexion. Peut-être que nous devrions commencer par circonscrire cette question de la philosophie africaine en débutant par une analyse métaphysique des catégories de l'Autre29(*) en tant que semblable à soi, et de l'Ailleurs, comme contrée étrangère.

En posant ainsi le problème, on peut le comprendre de la manière suivante, c'est la raison qui doit comprendre son Autre30(*). Le programme humaniste énonce l'idée selon laquelle, rien de ce qui est humain ne nous est étranger, il s'agit donc de réactualiser cette formule aujourd'hui. Pourquoi revendiquer le droit à la philosophie31(*) ? Si, en dépit de l'indéniable maturité intellectuelle de la philosophie politique occidentale, nous ne sommes pas en mesure de comprendre d'autres expériences humaines ; « La philosophie, comme la raison, est universelle. Une fois constituée, qu'elle qu'ait été sa préhistoire, les circonstances ou les vicissitudes de son émergence, elle a d'emblée son ordre propre »32(*) bien qu'elles soient aux antipodes de nos propres valeurs ainsi que de notre manière d'être, il y a lieu de penser que l'on s'interdit d'enrichir sur le plan normatif le concept d'Homme évoqué dans la Déclaration de 1789. Et incidemment cet Ailleurs, pourrait constituer un débouché territorial et culturel possible afin d'accroître l'influence des Droits de l'Homme à travers le monde dans le cadre géopolitique. A-t-on épuisé toute la sémantique de l'idée de l'Homme telle qu'on la conçoit communément dans les Droits de l'Homme ? Et si une philosophie africaine s'avèrera capable de contribuer à enrichir l'idée de l'Homme, il faudra se demander si ce projet philosophique ne nuira pas à la tradition libérale, dans le sens où il ne limitera pas les libertés fondamentales de l'individu mais les explicitera.

Les Droits de l'Homme : évolution historique d'un cadre éthique

Une mise en perspective de l'histoire des Droits de l'Homme permet d'identifier trois phases d'évolution de la notion de Droit : la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, adoptée par l'assemblée nationale française le 26 août 1789, correspond à une première phase où le Droit est entendu en termes de Liberté. Ensuite, dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, institué par l'ONU à l'initiative de René Cassin, on a ajouté des Droits matériels comme le droit au travail, le droit d'entreprendre que l'Etat se devait dorénavant de garantir. Enfin, la troisième phase d'évolution sur laquelle on se penche aujourd'hui à l'ONU, c'est une intelligibilité du Droit en tant que Culture33(*). Le point de départ de cette évolution effective de la notion de Droit, fut la rédaction d'un avant projet de « Déclaration des droits culturels » que l'Institut Interdisciplinaire d'Ethique et des Droits de l'Homme a fait part à L'UNESCO, lors de la Conférence de novembre 2001 concernant les droits culturels des personnes appartenant à des minorités34(*). Cette volonté d'inscrire dans les Droits de l'Homme une disposition relative aux droits culturels a été soutenue par de nombreuses personnalités du monde intellectuel35(*), qui de part leurs oeuvres antérieures ou contemporaines à la Conférence, ont légitimé l'initiative de l'IIEDH.

Pendant l'affrontement que le libéralisme a mené contre les totalitarismes, faute d'anticipation, il n'avait pas perçu que la sortie de la Guerre froide devait passer par la reconnaissance de la diversité. Avec la chute du mur de Berlin, d'après l'optimisme sans faille de Fukuyama dans sa « Fin de l'histoire et le dernier homme »36(*), la démocratie libérale aurait dû selon lui s'imposer comme le modèle politique universellement valable. Les questions que le monde contemporain devait se poser sont les suivantes : que devient l'Homme une fois l'histoire achevée ? Dans la mesure où l'histoire récente fut le théâtre de la barbarie, que reste-t-il du passé au regard des Droits de l'Homme ? Comment le fanatisme et la superstition ont pu engendrer des individus éclairés ? Devons-nous seulement nous féliciter de l'échec du totalitarisme, dans son incarnation soviétique, ou devons nous tenir compte d'autres réflexions différentes de la nôtre ? C'est un défi intellectuel d'envergure dans lequel pourrait s'insérer la « philosophie africaine », afin de participer à l'élaboration métaphysique d'une conception commune des Droits de l'Homme. Or, au vu des positions adverses qui s'élèveront contre cette forme de progressisme, « Bien qu'évidemment sains sur le fond, les réflexes républicains peuvent parfois paralyser la réflexion »37(*) ; il va falloir être intellectuellement avisé sur les avancées proposées, car l'Observatoire du communautarisme38(*) dénonce la thématique des droits culturels comme une nuisance juridique et philosophique aux Droits de l'Homme et à la tradition républicaine. Pierre-André Taguieff a exprimé, à travers une oeuvre pour le moins pamphlétaire39(*), une vive opposition à toutes refontes des Droits de l'Homme, en dépit des exigences identitaires qui rendent flagrante cette carence inhérente à la Déclaration40(*).

La philosophie africaine en reste

Quant à son propre sort, la philosophie africaine devrait se donner comme objets de réflexion théorique et pratique : D'une part pour la dimension théorique, la philosophie africaine ne doit être inféodée d'aucune manière pour être philosophique, « Le vaincu se définit par ses privations, qui proclament en creux la supériorité du maître, lorsqu'on les énumère »41(*). En effet, si la philosophie africaine demeure figée par son rapport à la domination du Maître, alors elle restera en situation d'Esclave. D'autre part, survient la question de la place du continent africain dans la mondialisation sur le plan pratique, ainsi que sa situation de marginalisation42(*). Si ce dernier thème ne concerne que l'Afrique a priori, nous allons voir durant le développement que celui de la mondialisation à des répercussions assez similaires dans les deux philosophies que nous étudierons. Là aussi se sont deux sujets d'importante envergure qu'il s'agira de penser. Comment subsumer ce foisonnement de trajectoires historiques et ces diverses cultures politiques inhérentes aux cinquante Etats africains aussi différents les uns que les autres, sous un concept unique et commode tel que l'Afrique ? En terme de participation à la mondialisation, outre certains faits historiques que nous nous attacherons à développer par la suite, on sait pertinemment de par les recherches d'histoire à ce sujet43(*) que l'Afrique française libre a été partie prenante dans les deux guerres mondiales. En effet, les tirailleurs sénégalais entre autres ont combattus aux côtés des forces françaises et des Alliés plus largement, afin de renverser le IIIème Reich.

La situation du continent africain dans la mondialisation

D'un point de vue économique, l'Afrique a également été frappé par la Crise de 1929 qui a précédé la deuxième guerre mondiale ; et plus tard en 1980, conformément à la vague néolibérale qui influença les régimes politiques en Occident, les pays d'Afrique ont dû signer des programmes d'ajustements structurels avec des réductions drastiques de leurs dépenses publiques. En somme, c'est indifféremment des contextes mondiaux que les politiques économiques de rigueur ont été appliquées à travers le monde. Cette vision d'austérité caractéristique de la théorie néolibérale, fut énoncée par le prix Nobel d'économie Milton Friedman puis relayé par le FMI ainsi que par la Banque Mondiale. Elle a conduit un bon nombre d'Etats africains à s'endetter lourdement auprès de ces instances internationales, ce qui les a intégrés aux systèmes financiers mondiaux mais sur le mode de la dépendance. Cependant à des fins géopolitiques, de prospection pétrolière ou toutes choses égales par ailleurs, le continent demeure fortement courtisé par les Etats-Unis d'Amérique, par l'Union européenne et surtout par la Chine. Cette dernière faisant prévaloir « L'or noir avant les Droits de l'Homme »44(*) en Afrique, elle multiplie les contrats économiques avec les Etats, là où les institutions financières leur imposent des clauses peu avantageuses. C'est sans aucune condition politique que la Chine négocie son aide à l'Afrique, comme le justifiait l'agence de presse officielle Chine Nouvelle en décembre 200545(*) ; en ce sens la position du continent est déterminante pour que les Droits de l'Homme soient diffusés dans le monde contemporain.

En effet, que ce soit au Brésil, en Inde ou en Chine, ces régimes politiques du Sud deviennent des puissances économiques à l'influence non-négligeable sans se préoccuper de la Démocratie ou des Droits de l'Homme ; l'Afrique a déjà les moyens de constituer des pôles financiers afin de s'insérer dans la mondialisation, notamment avec l'Afrique du Sud, le Kenya, le Nigeria ainsi que le Sénégal qui exerce une forte influence sur les régions voisines. Toutefois, l'exigence économique imposée par la concurrence en termes d'adaptation structurelle doit-elle prévaloir sur l'impératif politique conduisant à la Démocratie ? Ce modèle politique qui conçoit le peuple en tant que souverain est-il réellement une spécificité occidentale ou un leurre visant à reconduire une forme de domination ? En somme, le continent africain peut-il faire oeuvre de débouché territorial pour la Démocratie sur le long terme, en dépit des obstacles tels que la corruption, des guerres civiles ou des coups d'Etat ?

Nous avons vu se dessiner plusieurs problématiques autour de la conception des Droits de l'Homme, notamment sur sa portée universelle, son incidence sur le rapport entre l'individu et la communauté, ainsi que sur la question concernant la dichotomie entre la raison et l'affect. A partir de ces différents sujets relatifs à une conception commune des Droits de l'Homme, on est en droit de se demander s'il existe une scission fondamentale entre une philosophie africaine et la philosophie politique contemporaine en Occident ? Et nous nous demanderons également si une analyse critique de la mondialisation en tant que phénomène global, n'est envisageable qu'à partir de connaissances situées.

Dans un premier temps, nous analyserons ce sujet avec la philosophie politique contemporaine en Occident comme point de départ. Sa maturité intellectuelle nous permettra d'analyser les grandes lignes de la problématique ici présente, en utilisant les outils conceptuels et les controverses des différents auteurs. Mais nous verrons que celle-ci a néanmoins des difficultés à s'ériger durablement au dessus des savoirs spécialisés à savoir l'économie, le droit et l'histoire dans le sens où elle partage avec eux la capacité de rendre le monde intelligible. En guise d'amorce nous analyserons le paradigme économique néolibéral, nous nous appuierons ensuite sur la pensée de Anthony Giddens et sa « Troisième voie », puis, pour conclure, sur le débat entre Rawls et Nozick à propos de la forme de l'Etat démocratique.

Secondement, quant à la philosophie africaine dont l'existence ne manque pas d'être problématique, est-elle une revendication identitaire ou une question métaphysique superflue ? Peut-elle se contenter d'être un simple mimétisme de la philosophie occidentale sans spécificités propres, et en quoi peut-elle contribuer à moderniser l'idée d'Homme énoncé dans les Droits de l'Homme ? Nous allons distinguer trois moments importants concernant son édification possible : premièrement, l'africanisme en tant que savoirs constitués sur les africains à travers l'oeuvre du Père R. Placide Tempels46(*), puis nous en viendrons au moment de l'afrocentrisme comme synthèse de la philosophie marxiste et du nationalisme en Afrique, qui a émergé lors de la période de la décolonisation. Et enfin, celui de la philosophie africaine qui a suscité l'intérêt de cette recherche.

Troisièmement, nous allons tenter de valider l'hypothèse universaliste de la conception des Droits de l'Homme et de la Démocratie. Ainsi, nous nous situerons dans la continuité intellectuelle du libéralisme politique en prenant pour commencement l'individu dans son rapport au monde. Ce chapitre sera consacré à l'étude d'une action publique, la Coopération décentralisée Franco-Burkinabé sur laquelle il est permis d'envisager un cosmopolitisme minimal.

Chapitre I : De la Démocratie en Occident

I°) Au terme de la Démocratie

« Néolibéralisme » ; ce terme semble négativement connoté, idéal économique et norme libérale souveraine pour les uns, il constitue pour d'autres une aberration pour ne pas dire un repoussoir absolu. Les surprenantes sorties de Philippe Seguin47(*) suivi de celle de Pierre Mauroy48(*), à l'encontre de cette forme d'économie, sont des manifestations de l'hostilité qu'il peut susciter. Lorsque Pascal Salin, professeur d'économie à l'université de Paris-Dauphine, publie son livre en 200049(*), il s'oppose à l'assimilation du néolibéralisme en tant que « pensée unique » ou « consensus mou » résultant d'une vision constructiviste de la société, qui monopoliserait ainsi le terrain des idées, conduisant à une déformation de la philosophie libérale et à son rejet.

A cet instant présent de la réflexion, nous analyserons tout d'abord le néolibéralisme en tant que paradigme économique contemporain, en nous interrogeant sur les postulats fondamentaux sur lesquels il repose. Nous verrons par la suite à travers la pensée d'Anthony Giddens, quelles sont ses implications sur les idéologies politiques contemporaines, « (...) l'écriture postcoloniale a eu un double impact sur les humanités et les sciences sociales. Le premier est d'avoir radicalisé la critique du récit linéaire d'un progrès qui se diffuserait depuis un centre européen jusqu'aux multiples périphéries ou semi-périphéries, pour emprunter le vocabulaire d'Immanuel Wallerstein. »50(*). Ainsi que les conséquences effectives du néolibéralisme sur la forme légitime de l'Etat moderne que ce sont disputés J. Rawls et R. Nozick51(*), ainsi qu'Achille Mbembé à travers son analyse de l'Etat postcolonial.

A°) Le paradigme néolibéral et ses contradicteurs

Le présent paragraphe, a ceci d'iconoclaste, qu'il ne tentera pas de déconstruire rationnellement le credo du sulfureux paradigme néolibéral ; bien au contraire, il tentera de démontrer l'intérêt qu'il peut y avoir à le renforcer, là réside toute la difficulté. Il ne s'agit pas uniquement de le critiquer en mettant en lumière ses imperfections ou de promouvoir un autre régime économique ex nihilo, mais bien de penser le contrôle éventuel de mécanismes complexes.

1°) La fonction initiale

Le paradigme néolibéral fut à l'origine, un instrument pratique et théorique dont la fonction première était de détruire sans appel le totalitarisme et son exercice autoritaire du pouvoir politique, comme on a pu le voir avec Hayek et Von Mises. C'était donc un dispositif conceptuel efficace dont l'usage aurait dû être limité après avoir atteint son but. Cependant l'histoire de la pensée économique, que nous exposerons brièvement, nous montre qu'il a répondu à un besoin idéologique au sortir des Trente Glorieuses dans les années 1960. En quel sens le terreau historique fut propice à la réception de cette théorie économique ad hoc52(*) a priori ? Et qu'est-ce qui nourrit malgré tout ce néolibéralisme, alors même que son accréditation actuelle se trouve démentie par la mise en lumière de ses lacunes ?

Tout en restant mal compris le néolibéralisme est pourtant l'objet d'attaques virulentes, notamment celles de Bourdieu qui qualifie celui-ci d'« Institution pratique d'un monde darwinien de la lutte de tous contre tous, à tous les niveaux de la hiérarchie » dans « l'Essence du néolibéralisme »53(*). On stigmatise souvent le néolibéralisme en tant que défense utilitariste de l'économie de marché, ou encore comme un individualisme à situer automatiquement à droite de l'échiquier politique. C'est au prix de nombreux amalgames, dût à une grille de lecture marxiste au sens strict du paradigme économique néolibéral, que Bourdieu a néanmoins perçu « (...) la subordination des Etats nationaux aux exigences de la liberté économique ». Son approche holiste est manichéenne, dans le sens où selon lui, cette forme d'économie favorisera systématiquement la « classe dominante » qui ignore toute propension à la solidarité. A cause de la synchronisation parfaite de deux mouvements médiatiques, à savoir les forums de Davos et de Porto Alegre, cette vision absolue est relayée dans le monde sous la forme de représentations exclusives du Progrès.

2°) Un progrès différé

Le mouvement altermondialiste véhicule une autre idée du Progrès et de la Modernité et ce, contre le paradigme néolibéral. « (...), si cette conception des modernités alternatives liquide bien les présupposés hiérarchisant insultant des anciennes théories de la modernisation, elle n'abolit pas le problème de fond »54(*). Les préjugés nourris à l'égard du néolibéralisme, proviennent de ce type de simplifications qui éludent la complexité ainsi que la teneur effective des problèmes qu'ils causent dans la réalité sociale. Si, à son corps défendant, le marché a permis de réduire la puissance publique, c'est au profit de la prégnance des libertés individuelles. Les sociétés civiles étant dorénavant ouvertes au monde, le marché exhorte le politique à redéfinir son rôle et à transformer l'Etat- nation, afin d'appréhender cette ouverture qui constitue une donnée inédite de l'époque contemporaine pour l'Occident comme pour l'Afrique. Les politiques keynésiennes de relance par la demande, qui ont été largement pratiquées lors de la période des Trente Glorieuses, se sont trouvées en situation d'échec, d'une part face à un phénomène économique protéiforme, à savoir la stagflation, d'autre part, l'aveu d'échec du néoclassicisme fut patent à cause d'un contexte fort hostile relatif aux deux crises pétrolières.

B°) Le versant économique

L'école de Chicago a édifié sa doctrine néolibérale sur les décombres de la pensée économique de l'école néoclassique de Keynes qui prônait une intervention correctrice de l'Etat. Cette dernière fut en partie victime d'un environnement peu favorable à son succès, mais c'est plus particulièrement l'ouverture des sociétés civiles qui s'est avéré fatale au keynésianisme. Le paradigme néolibéral a invalidé l'idée walrassienne de « concurrence pure et parfaite », selon laquelle tous les acteurs économiques sont décrits comme identiques et plongés dans un environnement homogène, au même titre que celui qui inspire la Cour de Justice des Communautés Européennes. En effet, les régulations orchestrées par l'action publique dans le cadre national sont nécessairement moins efficaces avec l'ouverture des sociétés or, le néolibéralisme de Friedman prescrit « (...) la recherche d'un cadre stable et de règles claires pour les agents économiques (réduction des déficits publics, analyse des risques inflationnistes, annonce d'un taux de change souhaité) au lieu d'une volonté d'agir sur leurs comportements par une action discrétionnaire non anticipée »55(*).

1°) Des résultats économiques nuancés

L'impact du monétarisme néolibéral de Friedman a non seulement influencé les politiques économiques de Nixon et de Thatcher dans les années 80, ramenant ainsi la croissance économique dans leurs nations respectives, mais le Chili a également soutenu ce courant et a pu profiter d'une embellie économique. Les Chicago Boys ont fait figure de conseillers du prince, faisant de leurs pays un tigre économique indiscutable56(*). « (...) un modèle n'a pas besoin de correspondre à ce qui est connu, il peut donc être faiblement explicatif mais produire des succès prédictifs suffisants en qualité et en quantité. La position instrumentaliste de Friedman justifie la production de lois régionales expliquant et testant des relations entre faits observables impliqués par la théorie »57(*). Par contre, l'aide financière, sous forme de prêts, contrôlée par le FMI imposant en contrepartie une politique d'austérité, a été dommageable pour beaucoup de pays d'Afrique ; en effet, ceux-ci devaient trancher dans les budgets destinés à l'éducation, l'emploi et la santé pour pouvoir obtenir leurs financements conformément aux exigences de l'idéologie néolibérale, or tout ces domaines touchent de près l'Indice de Développement Humain et constituent des bases non négligeables pour établir un système démocratique. Dans les années 1990, ce fut d'ailleurs l'objet de vives polémiques entre Michel Camdessus et les Ministres de l'économie et des finances des Etats africains, car la rigueur économique n'avait pas les mêmes conséquences en Démocratie qu'en terre postcoloniale. Les experts du FMI énoncent leurs conclusions en partant du principe que la Démocratie est acquise pour l'Etat demandeur sans tenir compte des contextes particuliers, c'est une forme d'abstraction malvenue faisant fi du dédale de la réalité empirique. Nous allons donc nous interroger sur ce processus institué par le paradigme néolibéral, qui s'avère en mesure de ramener la croissance58(*), et nous demander si ces changements politiques et sociaux que le marché opère sur les sociétés civiles, sont autant profitables pour les systèmes démocratiques que pour les autres formes de régimes politiques.

2°) Une société postcoloniale réticente

L'introduction du marché comme fait social dans la société civile, semblerait être à l'origine d'une certaine reconfiguration de la liberté individuelle à l'époque contemporaine, « (...) parce que les rapports géopolitiques se brouillent. D'un côté, un monde de la continuelle montée en puissance ; de l'autre, outre-Occident, un monde qui se défait, un monde dont les traditions, les racines historiques ont été ou altérées ou coupées, qui se réapproprie son histoire, ses manières de la dire et de la faire. Il s'interroge aussi sur son identité, il doit affronter ses propres incertitudes. Dans la réalité postcoloniale, nous nous renvoyons de l'un à l'autre notre incertitude et notre incompréhension, qui n'est pas simplement une incompréhension mutuelle mais l'incompréhension de ce que nous devenons tous dans ce monde-ci, tel qu'il se fait, vite, trop vite sans doute »59(*). En établissant une distinction entre la liberté politique, qui consiste entre autre à pouvoir voter, se réunir en association, exprimer ses opinions, penser ou pratiquer librement le culte de son choix, tandis que la liberté économique nous confère le droit d'entreprendre, d'acquérir des biens matériels, de consommer, de faire des contrats et d'échanger. Cette liste n'est pas exhaustive mais elle permet néanmoins de concevoir que le néolibéralisme n'est donc pas qu'une théorie économique qui repose sur le libre fonctionnement du marché. Utilisant son héritage libéral comme fondement, c'est une véritable anthropologie qui se donne pour finalité de penser des acteurs à l'échelle micro-économique.

3°) Liberté et responsabilité

C'est de part ces différentes libertés que l'individu se rapporte à toutes les sphères de son existence sociale et à la société d'échange dans laquelle il évolue. Celles-ci étant pensées dans un contexte de rareté, le néolibéralisme admet l'inhérence d'un lot d'inégalités sociales intrinsèques à chaque société civile, la question économique et sociale devenant ainsi une forme d'éthique sans être une politique digne de ce nom, « Quand nous parlons de la globalisation, il nous faut considérer comment les nations globalisantes se débrouillent de la diversité et de la différence interne, comment nos propres paysages intimes, indigènes, doivent être redessinés pour y inclure ceux qui sont leurs nouveaux citoyens, ou ceux dont la présence citoyenne a été annihilée ou marginalisée. Le succès ou l'échec de la globalisation commence chez soi »60(*) dans tous les sens du terme. Le fond intellectuel de ce paradigme énonce la pertinence qu'il y a à bâtir une théorie sur la base de la responsabilité individuelle afin d'harmoniser des intérêts particuliers qu'il juge plus à même d'être en adéquation avec les différents vécus des individus, plutôt que d'admettre un intérêt général imposé par l'Etat central qui subsumera indistinctement les réalités sociales.

C°) La place de la liberté politique

En opérant cette distinction entre liberté politique et économique, le paradigme néolibéral se trouve dans la continuité de la pensée exprimée par Benjamin Constant qui situait déjà la liberté comme point de départ réflexif dans ses « Principes politiques ». Selon lui le commerce, qui est un état embryonnaire de la mondialisation, décloisonne les sociétés qui auparavant assuraient le cadre dans lequel les individus pouvaient évaluer ensemble l'intérêt général. De plus, échappant à la verticalité du pouvoir politique, cette activité commerciale dans sa dimension internationale est en ce sens un principe anti-absolutiste.

1°) L'hypothèse de Benjamin Constant

L'époque moderne que Benjamin Constant décrit dans ses oeuvres, a posé des jalons politiques et historiques qui interfèrent sur notre époque contemporaine. A certains égards, l'une comme l'autre sont caractérisées par le renoncement à la guerre, ce qui place la vie privée comme la première des préoccupations individuelles, reléguant ainsi partiellement la vie publique. La participation à la vie de la cité telle que la concevait les Anciens, à savoir le dévouement au bien public et à la communauté politique, demeure la condition sine qua non d'une citoyenneté pleinement vécue dont on ne doit pas faire le deuil selon l'auteur. Néanmoins, cette vision ne pouvant plus être prise comme telle par les individus à l'heure actuelle, la responsabilisation prescrite par le néolibéralisme devrait semble-t-il se traduire par un engagement des acteurs dans la vie politique et sociale afin qu'ils réalisent leurs propres choix de vie et qu'ils puissent jouir de leurs libertés.

2°) La liberté à l'épreuve de la société civile

Il peut être pertinent de relever un autre des jalons politico-historiques pour nous permettre d'analyser l'influence du néolibéralisme à notre époque contemporaine. Benjamin Constant avait évoqué une contradiction infime mais irréductible à l'idée de gouvernement représentatif qui peut être résolue à l'aide de la circonscription du concept de liberté individuelle en ses différentes déclinaisons à savoir : liberté politique et liberté économique. Nous ne retiendrons que la liberté politique pour tenter de résoudre les deux difficultés que pose cette idée de gouvernement représentatif. Ces difficultés sont de deux ordres, logique et fonctionnelle. Intuitivement, lorsque l'on vote pour une personne lors d'une élection, la raison qui nous pousse à faire d'elle notre représentant c'est que ses intérêts coïncident avec les nôtres. Or, en faisant de cette personne un représentant, on convertit nécessairement sa situation et par là-même ses intérêts. Ensuite, concernant le fonctionnement du gouvernement représentatif, il est en quelque sorte, victime de l'autonomie de la société civile. En effet, cette autonomie est un gain considérable du point de vue des libertés fondamentales et individuelles, mais elle accroît par ailleurs la demande sociale ainsi que la capacité de faire pression sur le gouvernement. Ces données paralysent leur action dans le sens où les gouvernants craignent d'entreprendre certaines initiatives sous peine d'échouer, ce qui provoque une montée de la frustration sociale de la population. En somme, le paradigme néolibéral nous met en face d'un phénomène particulier que l'on pourrait qualifier paradoxalement de surcroît démocratique. La résolution de ces difficultés semble indissociable du problème de l'usage de notre propre liberté politique.

Ironiquement, il semble que le paradigme néolibéral ne puisse faire amende honorable auprès de l'opinion publique que si le citoyen ressent le besoin d'user de sa liberté politique. Mais afin de rester en cohérence avec son héritage libéral dont il se réclame, ce paradigme économique ne peut forcer les individus à être libres.

D°) Les succès et les limites du néolibéralisme comme théorie

Si l'on schématise ce paragraphe sur le néolibéralisme, on peut retenir que cette théorie économique a répondu aux questions relatives à notre époque contemporaine sur fond de crises pétrolières et de chômage de masse. La lignée keynésienne prônant une intervention correctrice de l'Etat dans le cadre d'une macro-économie non-équilibrée et caractérisée par l'incertitude, si l'on tient compte de l'ouverture des sociétés civiles, n'a eu d'égale que son retentissant échec là où le néolibéralisme a su apporter des réponses appropriées quant à l'imperfection des marchés ainsi que sur l'anticipation du comportement des acteurs. Le néolibéralisme en tant que théorie économique provient d'un remaniement en profondeur de son héritage politique ; elle est en ce sens une théorie ad hoc, dans le sens où elle déploie ses vecteurs en vue de répondre aux objectifs qu'on lui a assigné sans y déroger. Ayant fourni la plus pertinente et la plus rigoureuse des réflexions sur la réalité sociale jusqu'à présent, le scientisme qu'on lui impute à juste titre semble être dû à cet aspect. Mais ce que nous allons analyser dès à présent, afin de clore ce paragraphe, ce sont les soubassements empiriques susceptibles d'être questionnés.

1°) La question économique et sociale comme problème

La théorie économique néolibérale, pose parfois problème sur le plan de sa construction argumentative, notamment sur les aspects de l'héritage libéral qu'elle réutilise : s'il semble bien difficile de contester intuitivement le bien-fondé de la responsabilisation des individus qui permettrait une adéquation plus juste des intérêts particuliers à l'intérêt général, il en résulte que l'engagement des citoyens dans la vie politique et sociale apparaît nécessaire afin que la démocratie représentative puisse coexister avec le système économique néolibéral. Néanmoins, en raison des inégalités économiques et sociales inhérentes aux sociétés civiles modernes, tous les individus ne sont pas égaux face à la liberté d'entreprendre, comme si les sphères de la liberté individuelle pouvaient se concurrencer mutuellement selon le contexte économique de l'individu. Il devient nécessaire de saisir l'origine de cette aporie présente dans la théorie néolibérale, qui ne favorise pas tous les aspects de la liberté individuelle.

En somme, toute personne ne peut pas jouir comme elle l'entend de sa liberté économique. La liberté politique consistant en partie à pouvoir s'engager dans la vie publique, coïncide avec la transformation de l'Etat moderne qui délègue ses compétences à ses échelons administratifs inférieurs tels que les régions ou les pouvoirs municipaux, dans lesquels tout citoyen est sollicité afin de participer au pouvoirs locaux sur le mode de la gouvernance61(*). « Que l'on souhaite réaffirmer la matérialité historique du local, ou insister sur les repositionnements que les processus de globalisation imposent, il faut garder à l'esprit le fait que le discours théorique, les catégories, tendent par nature à occulter la spécificité du local. (...) En ce sens, une théorie postcoloniale doit articuler précisément le local et le global, doit comprendre les processus qui mènent des formes locales aux universaux »62(*). Ainsi, la théorie néolibérale ne s'inscrit guère en porte à faux avec le contexte social qu'elle décrit, cependant la liberté politique est admise comme un moyen de compenser les inégalités économiques dont sont victimes les moins aisés. La liberté politique étant, selon la rationalité néolibérale, le moyen terme par lequel les plus démunis sur le plan matériel peuvent également contribuer à l'intérêt général.

2°) Un excès de Démocratie ?

Cette étape du raisonnement néolibéral semble moins convaincante, car si la pérennité d'une société civile repose sur l'usage de la liberté politique comme moyen compensatoire pour les plus lésés, il n'en demeure pas moins que les plus avantagés pourront jouir à la fois de leur liberté économique et de leur liberté politique. Enfin, sur la situation évoquée plane l'ombre du Free-Rider ou passager clandestin, énoncé par l'économiste et sociologue Mancur Olson63(*), qui d'après la théorie du choix rationnel, n'a aucun intérêt à assumer une responsabilité supplémentaire ou un coût que d'autre pourraient prendre en charge64(*). Cette théorisation sociologique de l'individualisme comme fait social, effectué par Olson, concerne plus les catégories lésées économiquement que les plus avantagés. Cela met en lumière une faille majeure du néolibéralisme, dans la mesure où l'on peut supposer que les lésés préfèreront plutôt tirer un avantage individuel de la situation précaire dans laquelle ils se trouvent au lieu de d'entreprendre une action collective et coûteuse. Cette faille du paradigme néolibéral se situant sur le plan local est cependant loin de remettre en cause l'édifice intellectuel de cette théorie économique. Mais il paraît important de démontrer et d'examiner ses limites théoriques intrinsèques avant d'analyser les contingences politiques, économiques et sociales qui viennent démentir ses présupposés au nom de facteurs qui lui sont essentiellement extérieurs.

E°) Néolibéralisme et Postcolonisation

De facto, certains Etats postcoloniaux d'Afrique se trouvent peu adaptés à la concurrence internationale, la centralisation étant vitale pour la conservation du pouvoir politique. « La délinquance juvénile ou ce que l'on désigne comme tel apparaît ainsi comme l'un des indicateurs du niveau de structuration inégalitaire et répressive des pouvoirs africains »65(*). Dans ce contexte, il ne s'agit pas d'une absence d'engagement civique de la part de la population africaine, car « Face à des Etats incapables de travailler à aménager les conditions qui permettent à leurs citoyens de gérer eux-mêmes leur existence, l'on a vu des groupes de jeunes, véritables pionniers, faire procéder à l'aménagement de villes sorties des marécages »66(*).

1°) Pouvoir despotique et liberté

L'exercice de la liberté politique au coeur d'une réalité postcoloniale semble également envisageable tant qu'elle ne représente pas une menace aux yeux des représentants du pouvoir en place. « Ce qui rend l'Etat actuel inadapté en Afrique, ce n'est point son étrangeté culturelle. C'est le fait qu'il ne se soit organisé de telle manière à constituer une réponse adéquate aux questions inédites surgies du milieu et de l'histoire des sociétés africaines. (...) La faim, la maladie, l'ignorance et l'absence de libertés exigent des formes d'organisations appropriées à des situations de faim, de maladie, d'ignorance et d'absence de libertés. Ce n'est pas à l'Etat de chercher à résoudre ces questions. C'est aux hommes eux-mêmes qui les affrontent de les résoudre »67(*). L'analyse libérale de la société postcoloniale émise par Achille Mbembé, rejoint celle de Benjamin Constant concernant la liberté politique.

On constate que les pays les plus mondialisés comme la Chine ou le Japon ont réussi à associer une puissance économique forte à une balance commerciale positive ; si les Etats-Unis cumulent ces deux avantages, leur économie propre est loin d'être tournée vers le monde. En plus du développement de la phase économique tertiaire, l'immense superficie du territoire national américain leur permet d'exploiter une importante activité agricole ou industrielle selon les zones géographiques. Mais ce n'est pas cet aspect contingent qui retiendra notre attention.

2°) Néolibéralisme revendiquée et gestion nationale pragmatique

La politique intérieure des Etats-Unis est affranchie d'éléments idéologiques particuliers au profit d'un pragmatisme assumé ; preuve en est, quelles soient démocrates ou républicaines, keynésiennes ou néolibérales, toutes ces options peuvent s'accommoder en creusant toujours plus le déficit public sans être inquiétées. De droit, l'économie internationale est solidaire de celle des Etats-Unis par les accords de Brettons Wood qui a institué le dollar comme seule monnaie d'échange en l'indexant sur l'once d'or. Ainsi, la moindre crise susceptible de menacer l'équilibre économique et financière des Etats-Unis se répandrait incidemment sur la stabilité économique des différents partenaires commerciaux. En ce sens, l'Union européenne, la Chine et le Japon comme beaucoup d'autres acteurs économiques, se voient contraints d'acheter les bons du trésors américain, ce qui résorbe leur déficit public. En sachant que l'émission de billets de banque ne coûte rien, le déficit public fait office de levier économique à moindre frais. Voici un aspect unilatéral de la configuration économique internationale qui ne profite manifestement qu'à un seul acteur, il serait malencontreux d'attribuer cet état de fait à la théorie néolibérale. Néanmoins, un aspect qui apparaît plus litigieux dans les échanges internationaux peut être imputé au paradigme en question.

F°) Un usage géopolitique de la dévaluation monétaire

Si certains acteurs économiques tels que l'Allemagne et la Suède parviennent à tirer parti d'une situation peu favorable à l'Union européenne, l'euro fort que la Banque Centrale Européenne s'évertue à maintenir est néfaste pour des pays comme la France. En effet, certains pays concurrents des Etats-Unis subissent leur politique monétaire et se retrouvent lésés par les dévaluations perpétuelles du dollar. C'est un moyen de pression macro-économique considérable qui fausse la concurrence internationale.

1°) Un juste réquisitoire

Tout se passe comme-ci les politiques structurelles des différentes puissances économiques, suivaient la même logique que celle de la géopolitique de type réaliste68(*), pour qui seuls les intérêts nationaux priment dans les relations extérieures. Ce qui perdure de la théorie néolibérale dans le cadre des échanges internationaux indépendamment des contextes spécifiques à chaque nation, c'est l'usage de la dévaluation monétaire. En somme, c'est l'usage géopolitique de certains présupposés économiques du paradigme néolibéral, qui pose problème dans le cadre des échanges internationaux ; car dans cette optique, la politique extérieure se résume à une simple promotion de l'image nationale à travers le monde, le but étant de trouver des moyens supranationaux pour légitimer la diffusion du Soft Power. On est en droit de se demander comme Ulrich Beck si, à l'heure de la mondialisation, cette finalité assignée par la théorie néolibérale est encore valide ?

2°) De la prépondérance du néoréalisme dans les Relations Internationales

Il semblerait, en évitant l'écueil de la diatribe pamphlétaire, que la faille fondamentale du paradigme néolibéral réside dans son incapacité à dépasser la quête d'intérêts nationaux. « En d'autres termes : le nationalisme méthodologique - qui consiste à persister dans l'idée que le méta-jeu politique mondial est et reste un jeu de dames national - s'avère extrêmement coûteux. Il obstrue la perspective et empêche par là même de découvrir de nouveaux coups et de nouvelles ressources de pouvoir. Qui plus est, la possibilité de transformer le méta-jeu, dont les règles prévoient un perdant pour un gagnant, ou des perdants uniquement, (...) »69(*). Le néolibéralisme paraît motivé par une vision orthodoxe de la souveraineté nationale, qui entrave toutes possibilités de penser des formes de régulations d'ampleur globale, réduisant la politique à une fonction tribunitienne, alors même que la mondialisation exige une vue d'ensemble, « Un débat critique s'est noué autour de l'interprétation néolibérale de ces évolutions concomitantes et plus ou moins effectives qui les naturalise ou les réifie en bloc sous l'appellation générique de globalisation, et qui se présente comme un pur constat empirique, comme la reconnaissance d'un fait brut pour ainsi dire dépourvue d'histoire et presque sans acteurs, (...) Les analyses antilibérales, à l'inverse, déchiffrent dans ce discours de la globalisation une idéologie économiciste asservie aux intérêts du capital multinational, expression de la phase la plus avancée du capitalisme postindustriel, qui se caractérise par le règne de l'information et de la consommation, et dont l'emprise planétaire s'insère bel et bien dans un continuum historique, car elle n'est en réalité que le dernier prolongement du colonialisme et de l'impérialisme européen »70(*).

Ce paradigme nécessite-t-il une martingale dont seuls certains Etats auraient le secret. Relevons par ailleurs que cet aspect du néolibéralisme n'atteint point la valeur scientifique de cette théorie économique énoncé par Milton Friedmann, dont la rigueur et l'honnêteté intellectuelle a permis à de nombreux pays développés ou non, de faire face aux crises provoquées par les chocs pétroliers.

II°) Le substrat démocratique

La discussion ainsi que les conflits sur l'organisation de la société civile semblent constituer une donnée récurrente de la vie politique, Anthony Giddens va même jusqu'à dire que « L'essence de la politique est le combat entre des visions et des politiques »71(*). La distinction de ces visions se traduisait dans le cadre de controverses, comme on a pu déjà le voir à Rome entre les populares et optimates72(*), cela a perduré lors de la Révolution de 1789 où pour la première fois le clivage s'est manifesté en termes de Gauche et de Droite. L'irréductibilité de ces idées politiques eût un effet structurant pour la vie démocratique : d'une part pour instituer progressivement l'alternance, qui situe les partis politiques soit dans l'opposition soit dans la majorité, d'autre part, cela favorise la culture de la démocratie car les différentes positions sont contraintes de participer à l'intérêt général en dépit de leurs divergences et de se reconnaître mutuellement comme légitimes. Cette « reconnaissance de l'hétérogénéité des valeurs »73(*) semble aller de soi dans nos démocraties libérales, alors que pour Alain Renaut et Sylvie Mesure elle est une donnée indépassable et un acquis déterminant, quoique contingent, du projet démocratique. Nous nous demanderons donc quels comportements peut-on relever face à ce changement ? Ensuite, en quel sens, doit-on considérer cette idée de reconnaissance mutuelle exprimée par Alain Renaut et Sylvie Mesure ? Et en tant que donnée contingente de la vie politique, a-t-elle un impact sur ce que Anthony Giddens nomme « l'essence de la politique » ?

Il y a à l'état embryonnaire dans ce clivage Gauche/Droite, né pendant la période post-révolutionnaire, un accord minimal concernant un certain nombre de valeurs politiques modernes dont les Droits de l'Homme. En ce sens, les divergences portaient plus sur les modalités d'application effective de ce principe. Il a bien fallu que la modernité politique finisse par reléguer plusieurs idées anti-démocratiques qui régissaient encore la vie politique après la Révolution :

- Les Réactionnaires : c'est un « Terme apparu pendant la Révolution française et désignant (pour le fustiger) celui qui veut revenir à l'Ancien Régime. Le mot sera utilisé par les progressismes ultérieurs pour dénoncer leurs adversaires. Alors que le conservateur veut le maintien de l'ordre actuel, le réactionnaire veut le retour à un ordre ancien disparu dont il a la nostalgie (le fascisme, en réactualisant les corporations, fut en cela réactionnaire) »74(*). Celui qui a polarisé ce terme dans le but de désigner les positions anti-révolutionnaires fut Benjamin Constant, ceux-ci voyaient la Révolution comme un signe de la Providence conforme aux souhaits divins dont la finalité est d'éprouver la foi des fidèles.

- Les Conservateurs : qui « Qualifie l'attitude politique de celui (citoyen ou collectif) qui juge le maintien de l'ordre établi préférable à son changement et a fortiori à son bouleversement. Terme opposé à la fois à réactionnaire, à réformiste et à révolutionnaires. Renvoyant originellement à la fonction de celui qui est chargé de conserver un droit, un privilège, le mot a pris son sens politique actuel pendant la Révolution française »75(*). Cette attitude exprime une certaine prudence vis-à-vis du changement et préfère de loin conserver la société dans son état présent ; cela se traduit par une forme de vision fonctionnaliste de la société civile. Radcliffe Brown affirmait que la société est une totalité, une structure dont toutes les pièces participent à son équilibre. C'est la raison pour laquelle il considère qu'il serait malvenu d'en extraire un élément au risque que tout l'édifice social s'effondre.

- Les Révolutionnaires : ils portent une vision politique radicale qui consiste à changer la totalité de la société, de ces valeurs ainsi que ses institutions. Leurs méthodes diffèrent de celles des réformistes dans la mesure où ils prétendent attaquer le problème à la racine en voulant faire table rase du passé.

- Les Réformistes : ils défendent une « Doctrine et pratiques selon lesquelles l'ordre existant peut être amélioré graduellement dans le cadre des institutions présentes. Le réformisme, accusé d'opportunisme et de trahison par ses adversaires, fait l'économie de la catastrophe révolutionnaire »76(*). Les réformistes pensent que l'on peut modifier la société progressivement par les actions syndicales ou par les négociations, ce qui offre également la possibilité de revenir sur d'éventuelles erreurs tout en entretenant la culture du débat. C'est le comportement le plus proche des tendances politiques dont nous faisons l'expérience à l'époque contemporaine.

A°) Convergences idéologiques et divergences partisanes

Malgré les entrecoupements possibles entre les différentes positions, seule l'attitude réformiste parvenait à réunir durablement des tendances de Gauche comme de Droite autour d'un même projet démocratique, là où les trois autres représentations exprimaient avec virulence leur haine de la démocratie en restant plus ou moins hostiles aux courants politiques internes à leurs groupes. En se reconnaissant comme légitimes, la Gauche et la Droite ont ainsi répondu à un enjeu démocratique quasiment imperceptible mais nécessaire, pour l'approfondissement intellectuel de leurs héritages politiques respectifs. « Le changement des conditions historiques a conduit à l'émergence d'un ensemble de problème et de possibilité qui ne rentrent pas dans le schéma gauche-droite. On peut citer les questions d'environnement, du travail et de l'identité personnelle et culturelle. Bien sûr, les valeurs de la justice sociale et de l'émancipation sont liées à tout cela, mais chacun de ces problèmes recoupent ces valeurs »77(*). N'ayant plus besoin de devoir prouver perpétuellement leur attachement à l'idée démocratique ou républicaine, il fut dorénavant possible pour ces deux idéologies politiques de se tourner vers le monde autant que vers les affaires nationales, et, partant, de se moderniser.

Cependant, depuis la consécration du néolibéralisme dont nous avons longuement parlé, il semblerait que seule la droite ait pris d'une manière suffisamment pertinente le pouls de l'époque contemporaine, en prenant à son compte l'idée de l'individu. Alors que cet individualisme moderne est dû à un recul du conservatisme traditionnel et des pratiques encadrées par la coutume, et qu'il ne correspond, « ni au thatchérisme, ni à l'individualisme marchand, ni à l'atomisation. Au contraire, il correspond à un individualisme institutionnalisé. La plupart des droits et créances de l'Etat providence, par exemple, sont destinés aux individus plutôt qu'aux familles. Dans de nombreux cas, ils présupposent l'emploi. L'emploi à son tour implique l'éducation, et tous les deux présupposent la mobilité. Toutes ces exigences poussent les gens à se constituer comme individus : à se projeter, se comprendre et se décrire comme individus »78(*). En somme pour Beck, c'est davantage un fait social conditionné par la mondialisation que par l'influence des marchés. Dans son état actuel, la doctrine socialiste n'est pas en mesure de saisir les enjeux politiques contemporains, faute d'avoir suffisamment modernisé sa lecture du monde. En effet, elle se méprend à propos de l'individualisme en le confondant avec l'égoïsme ; alors que la notion d'individualisme s'apparente plus à un nouveau modèle de société, la gauche l'associe à une dérive dont la source n'est autre que celle de la société de consommation.

B°) Le cas de la Gauche aujourd'hui

La gauche, incarnée par le Parti Socialiste en France, paye un lourd tribut à cause de ce contresens lors des élections présidentielles79(*). L'égoïsme contre lequel les socialistes luttent est plutôt un trait psychologique invariant présent dans toutes sociétés plus qu'une déviance, ce qui n'a pas échappé à la droite. Or, l'identité, la tradition, du socialisme dont le rêve fut de fonder « la société sans classe »80(*) semble devoir rester tapie au fond de leur conscience, la dure réalité ayant fait plier l'utopie, cet idéal demeure toutefois sous forme de principe régulateur au sens kantien81(*). En somme, sur le plan intellectuel il paraît tout à fait légitime de revenir sur la notion de liberté que l'on utilise dans son idéologie afin de lui donner une dimension pratique, si celle-ci s'avère caduque pour la modernité.

1°) Les illusions de la gauche

Une représentation orthodoxe de la liberté, comme l'exprime la pensée révolutionnaire est exclusive et s'arroge « Le monopôle du coeur »82(*) en déniant à l'idéologie de droite une vision humaniste de l'Homme. Comme suit, le spectre de la révolution plane en permanence dans l'esprit de la gauche révolutionnaire plus que sur l'Europe, et elle préserve sa doctrine intacte sans jamais accéder au gouvernement, et ce, au profit de cette pensée politique orthodoxe. La gauche démocratique se démarque des révolutionnaires dans le sens où : « Révolutionnaire sans révolution, parti ouvrier sans ouvriers, exerçant désormais le pouvoir étatique sans rêver de le conquérir, le Parti socialiste a progressivement émergé de ses origines pour devenir un pilier du système démocratique pluraliste, à l'instar des autres partis socialistes ou sociaux-démocrates d'Europe. Son histoire et sa mémoire l'embarrassent plus qu'elles ne l'aident dans le nouveau rôle qui lui est imparti, mais cette culture résiduelle qu'elles lui donnent garde une fonction identitaire dont bien d'autres formations politiques sont dépourvues »83(*). Evoquant M. Merleau-Ponty qui voyait jour après jour le communisme contredit par l'histoire réelle, Alain Renaut traite de cette conversion intellectuelle et idéologique en ces termes dans son ouvrage collectif : « Sans jamais renoncer à l'idéal humaniste et universaliste, il a assez vite fini par penser que cet idéal, quoiqu'il ne puisse jamais être vraiment réalisé, interviendrait plus efficacement - telle l'idée régulatrice kantienne - dans le dialogue démocratique, et donc dans un régime libéral ou parlementaire, qu'à l'occasion d'un bouleversement révolutionnaire »84(*). Ainsi, la lutte contre les inégalités sociales devient un thème structurant pour la gauche moderne.

Doit-on voir cette révision idéologique telle une compromission politique, comme le dénonce les partis révolutionnaires, ou est-ce une tentative d'opposer au néolibéralisme une représentation toute aussi ambitieuse pour penser le monde contemporain ? Et on peut se demander comment penser une lutte dont les objectifs changent avec les sociétés ?

2°) Une adaptation au monde

La modernisation des idées de gauche implique une réflexion adaptée à l'époque contemporaine, ainsi qu'une révision intellectuelle de la représentation du sujet en tant qu'il n'est plus un point de départ fixe. Son rapport axiologique85(*) doit être appréhendé afin de pouvoir répondre de manière pertinente à ses nouveaux besoins individuels86(*) ; en effet, en se montrant moins rigide sur la question sociale, l'économie de marché a su apporter des réponses dans ce domaine. L'avènement d'un modèle économique alternatif ne parut guère nécessaire et le conflit s'est déplacé sur le plan des valeurs87(*). En réformant la clause IV de leurs statuts qui énonçait « la propriété collective des moyens de production, de distribution et d'échange », Tony Blair a incarné cette modernisation88(*). C'est à ce prix que les Travaillistes ont semble-t-il conquis durablement le pouvoir au dépend des Conservateurs en 1997. Cette clause IV, qui était au parti Travailliste ce que le Congrès d'Epinay est au Parti Socialiste, paraît être le type d'archaïsmes dont la gauche moderne doit se débarrasser.

C°) Un programme politique et des valeurs

Si on schématise les deux idéologies en présence, comme l'a fait Anthony Giddens dans son oeuvre en gardant à l'esprit que les tableaux suivants sont idéal-typiques, dans le sens où les aspects choisis sont grossis, on peut percevoir que les différents points forts ainsi que les points faibles de la nouvelle droite et de la vieille gauche :

Le néolibéralisme (La nouvelle droite)89(*)

- Gouvernement minimal

- Société civile autonome

- Fondamentalisme marchand

- Autoritarisme moral et individualisme économique puissant

- Marché du travail libre comme tous les autres

- Acceptation de l'inégalité

- Nationalisme traditionnel

- Aide sociale en dernier recours

- Modernisation linéaire

- Faible conscience écologique

- Théorie réaliste de l'ordre international

- S'inscrit dans le cadre du monde bipolaire

La social-démocratie classique (la vieille gauche)90(*)

- Large engagement de l'Etat dans la vie économique et sociale

- L'Etat domine la société civile

- Collectivisme

- Gestion keynésienne de la demande et corporatisme

- Rôle limité des marchés : économie mixte ou sociale (de marché)

- Plein emploi

- Egalitarisme fort

- Etat-providence universel, protégeant les citoyens « du berceau à la tombe. »

- Modernisation linéaire

- Faible conscience écologique

- Internationalisme

- S'inscrit dans le cadre du monde bipolaire

A la vue de ces deux descriptions, on peut relever que le néolibéralisme a évacué plus de préjugés relatifs au domaine économique que la social-démocratie tels que : le collectivisme, l'Etat-providence universel ainsi que cette vision de l'Etat dominant la société civile. En ce sens, les discours néolibéraux semblent plus efficaces en faisant preuve de pragmatisme au regard du marché ou des inégalités, là où la social-démocratie ne peut opposer à l'argumentaire de droite, qu'une vaine rhétorique moralisatrice dont la finalité n'est autre que la préservation d'un statut quo. De fait, cette acceptation ambiguë de l'économie de marché est fatale à l'idéologie sociale démocrate car elle constitue pour ses adversaires néolibéraux une vacuité idéologique qu'ils peuvent exploiter au gré des circonstances. Par conséquent, les débats donnent l'apparence d'un certain déséquilibre en termes de répondant entre les deux interlocuteurs dans la mesure où, l'un apporte des réponses économiques concrètes et se trouve parfois amené à prôner le changement pour promouvoir la liberté d'entreprendre, lorsque l'autre ne fait que blâmer son adversaire.

A l'opposé, sur le plan des valeurs la social-démocratie l'emporte sur la droite mise à mal par la modernité : « Dans le domaine des valeurs morales et religieuses, la droite est confrontée au déclin lent mais régulier de sa base électorale traditionaliste »91(*). Luc Ferry et Alain Renaut justifient cette analyse en affirmant que, « (...) les critères qu'elles nous offraient autrefois n'étant plus disponibles. Ferry et Renaut ne sont pas les seuls parmi les philosophes français contemporains à concevoir ainsi notre situation. Claude Lefort, par exemple, dessine le même portrait d'un monde où aucun principe moral n'a plus le statut d'une vérité acquise. Mais qui plus est, il déclare qu'un tel monde constitue le foyer de la démocratie moderne »92(*). En somme, l'ascendance d'une valeur sur une autre demeure relative et limitée dans le temps ; des idées jugées caduques peuvent redevenir importantes pour l'ensemble de l'opinion publique sur des thèmes de société tels que l'avortement ou la peine de mort, les discours de gauche semblent plus rassembleurs car comme l'indique Serge Berstein « (...) les tenants de la tradition ne sont plus suffisamment nombreux dans l'électorat pour lui assurer la victoire, mais demeurent trop nombreux pour qu'on puisse négliger leur point de vue »93(*). L'antinomie intellectuelle entre les présupposés rationalistes du néolibéralisme et ce conservatisme traditionnel assumés par ce que Giddens appelle « la nouvelle droite » apparaissent manifestement contradictoires ; Luc Ferry a qualifié cette aporie de « schizophrénie aiguë »94(*). En se situant du côté de la pensée critique, la gauche a de ce point de vue un ascendant intellectuel sans équivoque sur la droite, « Les études postcoloniales sont prisonnières de la fiction du post-national, ce qui leur interdit de comprendre que la formation de l'Etat-nation est une dimension de la globalisation, y compris de l'expérience coloniale. Les études postcoloniales tendent à réifier le legs colonial, d'en faire une essence. Elles ne comprennent pas qu'il n'y a d'universalisation que par réinvention de la différence. (...) Leur avantage comparatif par rapport à la sociologie historique du politique est des plus maigres, pour ne pas rester dans l'euphémisme »95(*).

Néanmoins, aucune des deux idéologies ne parviennent à proposer sur le plan des questions internationales un programme digne de ce nom sans l'édifier en réaction vis-à-vis de celui de l'adversaire y compris la conception postcoloniale qui se situe plutôt à gauche, d'où les nombreuses similitudes suivantes : la modernisation linéaire, la faible conscience écologique ainsi que l'inscription dans le cadre bipolaire sont autant de points sur lesquels on ne peut les départager. Cependant, l'Internationalisme pour la sociale démocratie et la Théorie réaliste de l'ordre international pour les néolibéraux, constituent les points de divergences en terme de représentation des Relations Internationales.

D°) Misère de l'internationalisme

L'orthodoxie idéologique de la gauche est devenue un obstacle pour une appréhension pertinente de la diplomatie et ce, d'autant plus pour promouvoir leurs valeurs internationalistes et égalitaristes à travers le monde : « Face au continent, l'extrême gauche s'est cantonnée dans un discours anti-impérialiste sclérosé et ne répond à aucun des problèmes du jour ; (...) Le Parti communiste, quant à lui, n'a pas de politique africaine autre qu'évanescente et stéréotypée. (...) Néanmoins, le Parti socialiste a été prisonnier, au cour des années soixante-dix, d'une schématisation dépendantiste du Tiers monde qui ne le prédisposait pas à affronter les réalités de la décennie suivante »96(*). L'aide au développement à l'adresse du continent africain, édifiait une autre forme de domination postcoloniale dans laquelle cet état de dépendance fut perpétué car, la gauche n'a pas su rompre avec les réseaux locaux qui étaient hostiles à leur internationalisme, et elle n'a pas reconfiguré son programme politique même dans les domaines où ses prises de positions étaient plus constructives que celles de la droite. Etait-ce raisonnable de bâtir une politique extérieure sans remettre en cause des groupes d'intérêts en mesure de nuire aux objectifs de la gauche ?

Toutefois, « Il serait puéril d'accorder à cette mouvance une cohérence, par exemple foccardienne ou maçonnique qu'elle n'eut jamais unanimement. D'âpres conflits, d'ordre partisan, associatif, matériel ou personnel, la déchirent »97(*). Voilà pourquoi les thèses conspirationnistes ou manichéennes ne restent vraies qu'au prix de sauts intuitifs, de raccourcis et de simplifications hasardeuses, alors que le phénomène de domination postcoloniale est bien réel.

E°) Bilan pour la démocratie

Ce que l'on peut retenir de cette approche comparative de la droite et de la gauche, est une égalité idéologique de façade sous-tendue par un monopôle de la scientificité accaparé par la droite. Afin que la rivalité soit effective et profitable à la vie démocratique, car tel est l'enjeu ultime de cette partie, la gauche doit bannir tout concept de totalité de son lexique, notamment ceux qu'elle a coutume d'utiliser dans la sphère économique comme nous l'avons vu précédemment. Au même titre que Tony Blair, sa position sur l'économie de marché doit être claire. Elle doit également se penser au delà du cadre de l'Etat-Nation pour avoir le recul et l'objectivité nécessaire concernant la saisie des phénomènes économiques en particulier. Comment ce consensus autour de l'économie de marché va-t-il modifier les comportements des différents acteurs politiques ? Et en quoi ce changement est-il profitable pour la gauche ?

L'élimination de la représentation marxiste pourrait conduire la gauche à analyser le réel tel qu'il est, sans le percevoir d'une manière prophétique en prétendant l'appréhender par le biais d'un principe explicatif unique. « L'explication par la fin des idéologies politiques, pour séduisante qu'elle soit, ignore tout simplement que celles-ci, loin de mourir, se transforment. Et si la modernité porteuse de rationalité et d'individualisme permet de relativiser les systèmes globaux d'explication du monde, les idéologies extrémistes retrouvent aussi droit de cité face à celles du compromis » 98(*). Dans cette optique, la gauche ne se trouvera pas dépourvue d'arguments face aux déclinologues qui pensent être les seuls détenteurs d'une définition pertinente de l'intérêt général. Ces interlocuteurs tiennent un discours réactionnaire et alarmiste en démontrant de manière assez juste que tous les Etats se doivent de s'adapter à la mondialisation, sous peine de subir un déclin inexorable. Au moyen de formules lapidaires, ils diagnostiquent un patchwork de solutions et de réformes dont un régime politique a besoin pour se redresser, qu'ils aient la moindre compétence en la matière. « Soit l'on considère que la crise reste bénigne, et l'on poursuit la gestion au fil de l'eau, avec une correction à la marge des textes phares de la majorité plurielle - 35 heures et loi de modernisation sociale en tête. Soit la France se trouve effectivement engagée dans l'un de ces cycles de déclin qui rythment son histoire et il convient de mettre en oeuvre la thérapie de choc qui constitue le véritable mandat politique du 21 avril 2002 »99(*).

Ce qui paraît juste dans ce propos, c'est que les réformes les plus dures à orchestrer sont celles qui ont un contenu libéral ; cependant rien ne sert de hâter une réforme aussi juste soit-elle, comme Nicolas Baverez semble le préconiser, au risque de voir celle-ci échouer. Peut-on réellement améliorer le régime sur des thèmes aussi vifs que les retraites, la sécurité sociale, ou la réforme du système éducatif avec des formules déclaratives ? D'ailleurs Thomas Piketty fustige dans un article de Libération publié le lundi 20 novembre 2006, ceux qu'il définit comme de « piètre chercheurs, sans aucune reconnaissance internationale »100(*) qui pensent avoir trouvé la solution aux problèmes de notre époque contemporaine101(*). Le dogmatisme dont ces individus font preuve peut être assimilé à du scientisme102(*), autrement dit c'est l'attitude inconséquente que l'on attribue injustement au paradigme néolibéral. Aux côtés de ce genre nouveau de comportement réactionnaire, il y a également les néo-conservateurs qui affirment avoir le monopôle de l'édification durable du lien social en s'appuyant sur les traditions ou la religion. Cet autre interlocuteur fait abstraction d'un critère déterminant pour une représentation pertinente de la société civile, « (...), la question des retombées de l'entreprise coloniale sur le tissu social et politique des ex-colonisateurs est nouvelle en science politique. » et pour cette raison les valeurs progressistes de la gauche ont un avantage intellectuel indiscutable en s'inscrivant dans la modernité par la valorisation du libre choix individuel contre les visions essentialistes des réactionnaires ou celle des néoconservateurs qui est prosaïque.

1°) La fin de l'idéologie

Loin de s'apparenter à une simple compromission, l'acceptation de l'économie de marché permet à la gauche de discerner ses véritables adversaires, « Ces considérations suggèrent que les sociaux-démocrates devraient regarder d'une manière nouvelle le centre de l'échiquier politique. Les partis sociaux-démocrates ont en effet évolué vers le centre pour des raisons d'opportunisme. Le centre politique, bien sûr, dans le contexte d'une division droite/gauche, ne peut avoir comme signification que le compromis, un milieu entre deux voies plus tranchées »103(*). Le problème de certaines idées politiques contemporaines réside dans la présence de certains éléments essentialistes « au mépris des réalités concrètes »104(*) ; bien que peu nombreux, ces substrats idéologiques fallacieux représentent des failles argumentatives que l'on ne peut justifier que par la conviction. D'où l'intérêt pour la gauche sociale-démocrate de purger son idéologie de croyances injustifiées et de refonder une pensée critique en se donnant pour tâche de saisir les meilleures articulations du monde contemporain, afin que celui-ci fasse progresser l'espace public. « (...) si la gauche et la droite ont moins de significations que par le passé, il en va autrement. L'idée d'un centre actif, ou d'un centre radical au coeur des débats récents chez les sociaux-démocrates, peut être considérée sérieusement »105(*). Que ce soit, les nouveaux « processus de subjectivation » selon Didier Eribon, les nouvelles « formes de vie » d'après Achille Mbembe ou les nouveaux « mécanismes de minorisation » selon Judith Butler106(*), ce sont tout autant de formes différentes d'injustices qui doivent mobiliser la gauche. D'ailleurs, Tony Blair avait émis le souhait de créer une IVème Internationale pour le XXIème siècle alors qu'il participait à un séminaire politique avec les dirigeants de Washington en février 1998107(*).

C'est à cette seule condition que la gauche moderne pourra être en mesure de se confronter idéologiquement avec la droite et rétablir ainsi un véritable dialogue démocratique sur le fond. En effet, si « ni les individus, ni les groupes d'individus, ni les cultures ne peuvent ni ne doivent se dispenser, sur les questions d'ordre pratique, de produire une infinité d'énoncés, pouvons-nous accepter d'abandonner l'idée (ne serait-ce que l'Idée régulatrice) d'un dialogue entre de tels énoncés - renoncement auquel contraindrait immanquablement la constatation que, si ces questions ne sont susceptibles d'aucune vérité, la recherche d'un tel dialogue ne serait qu'une chimère ou une utopie ? »108(*). La notion de « vérité objective » n'est envisageable que dans les sciences dures qui, par différents procédés expérimentaux de falsification109(*) parviennent à démontrer leurs énoncés ; la « vérité » en sciences sociales ne relève pas du même ordre d'idées et doit être argumentée. Bien entendu, le respect d'un protocole commun de description permet de construire une forme d'objectivité mais qui ne peut en aucun cas être apparentée à la « vérité objective » des sciences dures.

En somme, le dialogue est de rigueur pour les délibérations démocratiques quoiqu'il ne puisse se suffire à lui-même. Les interlocuteurs ou les partis politiques modernes doivent mutuellement se reconnaître comme agissant par devoir110(*), et ce par delà les discours rhétoriques auxquels les politiciens ont coutume de se prêter, et malgré les divergences de point de vue sur les modalités d'application concrète des principes démocratiques.

2°) Le pragmatisme comme solution transnationale

La déconstruction de la justice chez les modernes a été orchestrée par le réalisme politique de Machiavel, elle fait acte de rupture vis-à-vis des conceptions anciennes de la justice qui postulaient un ordre cosmique, traditionnel ou divin préexistant. Marx de par sa philosophie de l'histoire a poursuivi ce processus de déconstruction en prenant la conception des Droits de l'Homme comme l'objet de ses critiques. Ce qui résulte de ce processus est une vision positive et désenchanté du monde et de la loi111(*), car celle-ci ne recherche dorénavant qu'une stricte exactitude ou la conformité d'après Kelsen.

A contrario, sans vouloir revenir sur « la positivité du droit », les Théories contemporaines de la justice s'attachent à reconstruire les conditions d'une juste répartition en partant du même fond commun théorique à savoir « l'humanité » : si c'est le maximum de bien qui compose l'humanité alors la conception est utilitariste112(*), si l'humanité est l'idée selon laquelle tout individu doit chercher à vivre une vie qui vaut le coup d'être vécue alors cette vision est rawlsienne et elle est libertarienne lorsqu'on la conçoit en insistant sur la liberté comme son principe intrinsèque fondamental.

Concernant l'autre fond commun aux théories contemporaines de la justice, dont l'assertion est pratique, il se définit d'une part, sur la base de l'acceptation de l'économie de marché en tant que modèle, d'autre part, il repose sur un consensus à propos du système démocratique : « se caractérise par un fond commun de règles, de mécanismes et de conventions : des élections compétitives périodiques et libres pour désigner des représentants sur la séparation des pouvoirs, le pluralisme politique et syndical, la garantie des libertés individuelles et collectives »113(*). Si les oligarchies qui officient à la tête des Etats postcoloniaux ne sont pas prêtes à intégrer le système démocratique dans leurs vies politiques respectives, au sein des populations africaines « De nombreuses autres initiatives économiques font jour, à l'intérieur desquelles le facteur humain se conjugue à une logique économique permettant l'épargne, la solvabilité et l'amélioration des conditions de vie des communautés »114(*). Nous verrons au chapitre 3 comment les valeurs démocratiques peuvent être partagés en Afrique comme en Europe en dépit des obstacles.

F°) Rawls et Nozick : un débat régional ?

Avant de clore ce premier chapitre nous ne retiendrons que les pensées de Rawls et Nozick, afin de distinguer les points sur lesquels ils se rejoignent et ceux sur lesquels ils se distinguent. En effet, Jean-Jacques Sarfati, dans un article qu'il a consacré à la critique de John Rawls par Robert Nozick dans « Anarchie, Etat et Utopie »115(*), avait situé John Rawls en tant que sociale-démocrate dans le sens européen du terme, ce à quoi s'oppose la pensée de Nozick. On peut considérer leur controverse sur la justice sociale comme une continuité du conflit de valeurs entre la droite et la gauche se partageant la charge gouvernementale, mais cette fois-ci les divergences portent sur l'intervention légitime de l'Etat sur la société civile.

Selon les deux auteurs le libéralisme politique n'est possible qu'à condition que les valeurs telles que l'égalité et la liberté fassent figure de crans indépassables de la politique. Toutes conceptions particulières et individuelles du Bien ne peuvent s'opposer aux principes de justice. C'est une aporie que l'Utilitarisme n'est pas parvenu à vaincre. Par conséquent, il s'agit pour les deux auteurs de déterminer une justice qui précède légitimement le Bien. Pour cette raison Rawls et Nozick ne sont pas en accord avec la doctrine Utilitariste dans son exhaustivité, bien qu'ils lui concèdent qu'aucun autre ordre (ni le cosmos, ni la religion) ne peut poser les conditions du partage mieux que l'Utilitarisme.

Les théories contemporaines de la justice de Rawls et de Nozick différent sur leurs conceptions spécifiques du Bien. C'est par le biais d'une légère digression qu'il convient de signaler le respect mutuel que se portent les deux auteurs116(*). C'est dire si le respect que doivent se témoigner la gauche et la droite est loin d'être un acte démagogique, factice et sans utilité, dans le sens où les deux tendances participent à l'élaboration de l'intérêt général la plus pertinente qu'il leur est possible d'instituer concrètement. Notons que cette reconnaissance et ce respect étaient présents chez Thomas Piketty pour M. Friedmann en dépit de leurs convictions politiques.

1°) La justice chez Rawls

L'originalité de la thèse de Rawls concernant sa Théorie de la justice117(*), c'est qu'elle a fourni une tentative de réponse possible au défi représenté par le pluralisme grandissant des sociétés civiles dans les régimes démocratiques. Dès lors, son souci consistera à établir un consensus politique de base qui assure des libertés égales à tous les citoyens sans considération pour leurs origines culturelles, ni de leurs convictions religieuses, ni de leurs projets de vie individuelle.

Rawls décrit la société comme étant constitué de différents individus occupant des positions particulières en vue d'un avantage mutuel, mais en arrière plan de cette société se situe l'économie de marché qui donne un sens au réseau social de redistribution des biens marchands et non-marchands. Cette société pouvant être le théâtre de conflits d'intérêts, Rawls veut donc trouver les principes qui permettent l'arbitrage entre les revendications concurrentes légitimes des acteurs sociaux. Ces principes sont ceux de la justice sociale dont la compréhension correspond à la notion classique de justice distributive. L'idée centrale de Rawls est que tous les biens sociaux premiers à savoir les droits, libertés, revenu, richesse, respect de soi-même, c'est-à-dire, « tout ce qu'un être rationnel désirera quels que soient ses autres désirs »118(*), doivent être distribués de façon égalitaire sauf si une distribution inégale de ces biens devait bénéficier aux plus défavorisés. « L'injustice alors est simplement constituée par les inégalités qui ne bénéficient pas à tous »119(*). Selon lui, un égalitarisme strict étouffera la liberté, telle est son intuition et la raison pour laquelle le renoncement au communisme est justifié.

La justice pour Rawls n'est pas une valeur parmi d'autres mais elle est le canon par lequel sont évaluées toutes les valeurs. En somme, elle est un étalon servant à réconcilier des valeurs conflictuelles. C'est en ce sens que la théorie de la justice est déontologique : Rawls établit la primauté du juste sur toutes les conceptions particulières du Bien. Autrement dit, c'est parce que le sens de la justice ne peut plus être déduit d'un contenu préétabli, et ce, en raison du pluralisme caractérisant les sociétés démocratiques, qu'il est nécessaire de substituer à la conception substantielle de la justice une conception procédurale. Celle-ci dans sa forme parfaite est rare comme toutes choses égales par ailleurs, et c'est un des points sur lequel Nozick est en désaccord. L'idée de cette justice procédurale est que le respect des procédures garanti l'équité.

Si la thèse de Rawls consiste à affirmer que la justice sociale doit reposer sur un modèle procédural, il nous reste à démontrer que la justice elle-même est indispensable et possible dans une économie de marché qui produit son lot d'inégalités, et partant, elle devient intuitivement nécessaire au regard du contexte social dans lequel elle prend forme afin de corriger ces inégalités. Rawls précise qu'il y a des circonstances de la justice120(*), et il les présente sous deux formes : objectives (territoire géographique limité, rareté relative des ressources naturelles, etc.) et subjectives (les individus ont des projets de vie différents). Si ces circonstances viennent à rendre nécessaire la justice en tant que canon à partir duquel arbitrer les conflits d'intérêts, il faut néanmoins qu'elle soit possible. Or, pour Rawls elle est possible car tous les membres de la société civile sont selon lui reconnus comme étant raisonnables et rationnels, ce qui est pour Rawls une double faculté morale des citoyens : d'une part, ils sont capables de développer un sens de la justice comme terme équitable de la cohésion sociale, d'autre part, ils sont en mesure de développer une conception originale et personnelle du Bien. Cette conception étant déterminée par le projet rationnel de vie que les individus forment grâce à leurs facultés de jugement et de délibération. Nous devons remarquer que le domaine rationnel et le champ du raisonnable sont deux idées distinctes, c'est-à-dire que l'on ne peut faire dériver l'une de l'autre, tout en étant complémentaires dans le sens où l'un ne peut exister sans l'autre.

Les débats sur la conception de la justice doivent se déployer sur un arrière fond commun sur lequel tout le monde s'accorde à dire qu'une société démocratique est juste lorsque l'on « ne fait aucune distinction arbitraire entre les personnes dans la fixation des droits et des devoirs de base et quand les règles déterminent un équilibre adéquat entre des revendications concurrentes à l'égard des avantages de la vie sociale »121(*). Pour y parvenir, il reprend à son compte la théorie du contrat qu'il porte à « un plus haut niveau d'abstraction » il en résulte son idée de position originelle (paragraphe 4 et chapitre 3) dans laquelle les acteurs sociaux sont sous le voile d'ignorance (paragraphe 24).

- La position originelle est un cadre fictif où les individus se trouvent dans une situation lors de laquelle leurs différences sociales sont éliminées afin de définir un cadre empirique acceptable pour tous.

- Le voile d'ignorance c'est le retrait de toute information susceptible d'améliorer le sort des individus. Plongés dans ce voile d'ignorance, les individus peuvent être convaincus par la même argumentation générale sur les principes de justice et ce, dans le but de permettre une hiérarchisation des revendications.

Ces deux expériences de pensées doivent conduire à un état d'esprit où la pertinence de la justice procédurale ne doit faire aucun doute pour les différents acteurs. Dans cette situation initiale, les parties prenantes doivent choisir les principes qui détermineront la distribution des biens sociaux premiers en étant soumis à des conditions strictes. En somme, selon Rawls les principes de justice choisis seront équitables car ils auront été choisis dans une situation qui est elle-même équitable. Autrement dit, cette situation initiale hypothétique est un test d'équité nous permettant de nous représenter l'égalité et la liberté des êtres humains en tant que personnes morales au sens kantien du terme. La fiction mis en place par Rawls a un caractère exclusivement heuristique dans la mesure où c'est sur cette base intellectuelle que la justice procédurale peut être conçue.

La position originelle ne décrit pas un contenu mais un cadre théorique, elle correspond à une forme de justice procédurale pure122(*). Les différents acteurs ne créent pas les principes de justice ex nihilo cependant ils font un choix parmi diverses possibilités qui sont acceptables dans le cadre de la culture démocratique123(*). Dès lors, selon Rawls, il sera envisageable pour les différents acteurs de s'accorder sur deux principes : (1) le « principe d'égale liberté » réglant la distribution des droits civiques et politiques. Ce premier principe est égalitaire en tant qu'aucune liberté ne peut être limitée. (2) Le principe régissant l'organisation socio-économique pose l'idée selon laquelle des inégalités sont préférables à une répartition égalitaire de certains avantages économiques et sociaux issus de la coopération sociale. Ce second principe est lui-même constitué de deux sous-principes, l'égalité des chances comme l'accès aux fonctions ouvert à tous, le principe de différence qui est un autre principe de maximisation.

Rawls ne réfute pas le système capitaliste en le diabolisant ou blâmant moralement les inégalités qu'il produit. Sa conviction est qu'il existe un point où la lutte contre les inégalités perd son sens, car l'injustice n'est liée d'après lui qu'à « des inégalités qui ne bénéficient pas à tous »124(*).

2°) La justice chez Nozick

Tout comme Rawls, Nozick écarte l'Utilitarisme et il pense également sa théorie contemporaine de la justice à l'intérieur de l'économie capitaliste et dans un cadre démocratique. Nous allons voir quelle est la particularité de la thèse nozickéenne comparée à celle de Rawls, et quel est son apport sur les réflexions à propos des sociétés démocratiques.

« Nozick, tout comme Hayek, cherche bien à démontrer que la justice est liée à un certains type de relations économiques, à savoir le capitalisme. Son oeuvre majeure, Anarchy, State and Utopia, peut ainsi être lue comme une nouvelle tentative de fondation de cette théorie du libre marché et de l'Etat minimal dont l'objectif est d'établir qu'il y a un rapport d'équivalence et d'implication entre le fait de vouloir la justice et le fait de défendre le marché contre toute ingérence gouvernementale »125(*). D'après Nozick, le capitalisme est un système économique autonome qui ne nécessite pas une intervention étatique particulière. En effet, l'idée du libre échange126(*) est relative à sa conception de la justice, comme l'indique Jean Jacques Sarfati dans son article consacré à Nozick, « Pour savoir à qui appartient un bien, il suffit de s'intéresser aux modalités de son acquisItion. Il n'y a injustice que dans les hypothèses où les règles posées pour la transmission ou l'échange ont été violées par l'un des protagonistes »127(*). En ce sens, la conception de la justice pour Nozick n'est pas pure mais historique, car l'échange en soi est juste sauf si auparavant l'un des protagonistes en a violé les termes par un acte frauduleux ou par une escroquerie. Nous nous devons de préciser que c'est par l'idée de Libre-échange que Nozick peut justifier son Etat minimal128(*), entendu comme le garant des biens et des personnes ; pour illustrer son propos, il prend un exemple on ne peut plus convaincant.

Wilt Chamberlain est un joueur de basket dont le talent attire les foules, si dans le courant de la saison ces personnes décidaient de donner un supplément sur le prix du billet d'entrée afin qu'une part de cette somme lui soit reversé. Au terme de la saison la richesse du joueur sera donc augmentée légitimement sans fraudes, et la question que pose Nozick aux éventuelles objections des sociaux-démocrates est la suivante : « Par quel processus un tel transfert entre deux personnes pourrait-il donner naissance à une revendication légitime de justice distributive sur une portion de ce qui a été transféré, par une tierce personne qui n'avait aucun droit de justice sur la moindre possession des autres avant le transfert ? »129(*). Nozick veut montrer en quoi l'acquisition légitime d'un bien procure à l'individu un droit absolu sur ce bien ce qui invalide par ailleurs une redistribution éventuelle de ce genre de richesses produites. Comme l'indique Patrick Savidan au sujet du même exemple, « L'idée finalement assez effective dans cet exemple est de dire qu'il est absurde, d'un côté, d'exiger que chacun ait une juste part des richesses disponibles et d'empêcher, d'un autre côté, que chacun dispose pleinement des richesses qui lui reviennent »130(*).

Ce que récuse Nozick dans l'idée de justice redistributive des sociaux-démocrates, n'est pas seulement la légitimité de l'intervention étatique dans les échanges qui selon lui n'a pas lieu d'être, mais bien son caractère préventif qui induit une forme de contrainte sur la liberté individuelle. En effet, pour Rawls une société n'est juste que si elle prend en compte le sort des plus défavorisés ce qui induit l'idée de compensation des inégalités. Or, comme le montre Nozick un peu ironiquement, c'est que « Rawls consacre une grande partie de son attention à expliquer les raisons pour lesquelles ceux qui sont le moins dotés ne devraient pas se plaindre de recevoir moins. Son explication, dans sa forme simplifiée, repose sur le fait que, parce que l'inégalité travaille à son avantage, quelqu'un de moins favorisé ne devrait pas s'en plaindre ; il reçoit plus dans le système inégal qu'il ne recevrait dans un système égal »131(*). Cependant ce que Nozick répond à cet argument est qu'il est plausible pour un bon nombre de raisons132(*), que les plus défavorisés ne préfèrent au contraire une égalité radicale des conditions matérielles qu'une réduction des inégalités. Par conséquent, la compensation dont il est question ne peut pas être assez satisfaisante pour améliorer suffisamment leur sort, de plus celle-ci nuit à la liberté de ceux qui contribuent à ce système redistributif. La difficulté soulevée par Nozick peut prendre la forme interrogative suivante : « Pourquoi certains devraient-ils supporter le poids et le coût de la liberté des autres ? »133(*).

Nozick situe la liberté comme point de départ de sa pensée, « Un examen plus approfondi de la théorie nozickéenne des droits de propriété montre que celle-ci s'articule essentiellement autour de trois principes : 1) un principe définissant » échange légitime : ce dont on dispose légitimement peut être librement transmis ; 2) un principe établissant la légitimité de la répartition initiale des droits de propriété sur des choses qui alors peuvent être transmises conformément à 1) ; et 3) un principe de correction de l'injustice qui cherche à résoudre le problème de la réattribution des droits de propriété sur des choses ayant fait l'objet d'une appropriation illégitime »134(*). Cependant, l'individualisme de Nozick est borné par ce qu'il intitule la clause lockéenne135(*) où il précise que nulle ne peut détériorer le Bien des autres par l'acquisition d'un bien. Il emprunte à Locke un exemple : « Une personne n'a pas le droit de s'approprier le seul trou d'eau dans un désert et faire payer à sa guise »136(*).

*

Ces deux conceptions de la justice et de l'Etat s'inscrivent dans la continuité du débat gauche/droite en Occident, à cela près que leurs divergences ne portent que sur des présomptions à propos du primat de l'égalité sur la liberté, ou l'inverse. Cette question de configuration intellectuelle ne pouvant être tranchée d'une manière absolu, du fait de la multiplicité des situations possibles dans lesquelles elle s'introduit, puis au regard de la complexité des sociétés démocratiques actuelles, il revient aux responsables politiques d'apporter des réponses conformément à l'étymologie du terme respondere. La polarisation des deux tendances idéologiques vers un certain nombre d'idées semble nécessaire afin que le clivage gauche/droite ne soit pas appréhendé comme une simple convention formelle dans la vie politique ou une antinomie se suffisant à elle même.

La valeur Internationaliste de gauche devrait être réactualisée afin de pouvoir intégrer un aspect inédit de notre époque contemporaine, celui de la postcolonisation. Il semble important d'être à même de pouvoir établir un rapport de confiance et tenter de contredire le paradigme de la domination énoncé par les théoriciens de la postcolonisation pour qui le néoréalisme est indépassable.

Chapitre II : De la philosophie africaine

Le thème que nous allons aborder dès à présent lors de ce second chapitre, à savoir, « La Philosophie africaine », constitue l'objet principal de notre recherche actuelle. Le manque manifeste de familiarité avec les principaux auteurs ayant déjà traité cette question, est très déconcertant tout comme la radicalité de certaines idéologies sur lesquelles nous aurons l'occasion de nous attarder, qui reprennent des catégories issues de la période coloniale pour développer leur réflexion, telles que : homme noir/homme blanc, Maître/Esclave. De plus, les éléments bibliographiques à ce sujet étant épars ou encore marginaux en terme de publications, il s'avère nécessaire de conduire la réflexion avec une certaine prudence méthodologique afin de s'inscrire réellement dans les controverses en présence.

Nous allons donc tenter de fournir une définition provisoire de la philosophie africaine, en se prêtant à l'exercice ontologique requise et exigée par son autre occidentale afin d'établir une comparaison137(*). Auparavant il semble nécessaire d'opérer une distinction intuitive entre les différents courants existants et susceptibles de répondre à l'appellation de philosophie en relevant les similitudes ainsi que les différences138(*). Lors du développement, nous traiterons de l'idée « d'action morale » (Lukas k. Sosoé) ; au XIIIème139(*) siècle en effet, la tendance à l'universalité dans l'Empire du Mali semblait avoir été toute aussi puissante que celle des Droits de l'Homme.

Dans un second temps, après avoir analyser les conclusions produites par la démonstration précédente, nous allons opérer une mise en perspective de l'histoire politique et sociale en Afrique selon le mode de la « Traversée »140(*) (Jean-Godefroy Bidima) depuis l'entre-deux guerre, période sur laquelle nous tenterons de nous situer philosophiquement en appréhendant les différents moments qui la composent : la colonisation, la décolonisation ainsi que la phase post-coloniale - « appelons-la comme cela, puisqu'il est aussi question d'inventer des termes, de proposer une nouvelle sémantique, peut-être - est à la fois un moment de l'histoire collective, comme de l'histoire individuelle, une forme discursive, une narration individuelle et/ou collective, un lieu géographique et elle peut être aussi, par certains aspects, un paradigme »141(*). Nous verrons entre autre, que la période coloniale a été marquée par deux paradigmes régissant l'action publique de l'empire britannique et français. Ensuite, nous distinguerons quel est l'impact politique et social des idées exprimées par les différents courants de la philosophie africaine, ainsi que leur incidence sur la conception des Droits de l'Homme.

Les pensées africaines

L'enjeu de cette interrogation présente des conséquences éminemment politiques, dans le sens où l'idée d'une philosophie africaine142(*) induit de penser « la subjectivité africaine sur la scène mondiale »143(*) comme l'indique J. N'Soko144(*), il poursuit en soulignant que, « (...) si elle ne permet pas à l'Afrique de rencontrer les exigences nouvelles d'un environnement international plus compétitif que jamais, la philosophie africaine sera vaine »145(*). En effet, si celle-ci ne se limite qu'à une déconstruction intellectuelle de l'histoire des idées, ou à une énième doctrine sotériologique146(*), elle aura peu de chance d'être féconde en tant que pensée autonome. De même si l'objectif à atteindre consiste à penser la réalité africaine à travers des catégories empruntées à la philosophie occidentale le projet semblera futile147(*).

Comme nous l'avons évoqué en introduction, il s'agit manifestement de penser l'idée de l'Homme selon une réflexion inédite en Occident, et « de questionner ce qui a fini par y revêtir l'apparence de l'évidence (dans les domaines du logique, de l'ontologie ou de l'éthique) »148(*). C'est a priori en revisitant les pans de l'histoire politique et sociale de l'Afrique, que nous tenterons de saisir au milieu des vestiges intellectuelles, une explication « Quant à l'échec des doctrines politiques qui visent, depuis quarante ans d'indépendance, à fonder une démocratie africaine, (...) »149(*) ; et que dire des réflexions sur le développement qui n'ont d'égales que leurs retentissants échecs, « Comme le remarque Anthony Giddens, et avec lui la tradition constructiviste, c'est par une analogie abusive que l'on réifie les contraintes sociales en les rapprochant trop facilement des contraintes physiques ou biologiques, avec ce que celles-ci sous tendent de naturel et d'immutabilité »150(*).

Dès 1978, A. Elungu151(*) annonçait l'importance primordiale de dépasser les querelles entre plusieurs représentations dominantes opposant l'ethnophilosophie, l'afrocentrisme et la philosophie dite critique152(*), et ce, afin de libérer la réflexion, au lieu de la résumer simplement à être le théâtre d'un affrontement rhétorique infructueux aux yeux du monde. On retrouve une classification similaire dans des ouvrages co-édités par l'UNESCO153(*), cela traduit sur le plan international un certain consensus par rapport à une typographie sommaire des courants de pensées africains :

- L'école culturelle de philosophie : « S'appuie principalement sur les traditions autochtones. Elle correspond à ce qu'on appelle parfois l'ethnophilosophie, mais on préfère la qualifier de culturelle, avant tout parce que ce terme est ici plus précis. Le fait que cette philosophie autochtone soit en grande partir l'oeuvre d'ethnies n'est qu'une caractéristique parmi d'autres de l'école culturelle. La philosophie culturelle tend d'autre part à prendre une forme collective, et se transmet principalement par la parole (nous verrons en quoi cette transmission orale cause un certain préjudice épistémologique). Mais il ne faut pas exagérer le caractère collectif. Il y a eu aussi des innovateurs. Ce corpus de pensées africaines a un caractère sociologique : il englobe le mode de vie d'un peuple, les règles qui le régissent et la sagesse accumulée par les ancêtres de génération en génération, tout en étant parfois guidé par des individus exceptionnels. (...) D'un point de vue chronologique, le courant culturel de la philosophie africaine s'étend sur les phases précoloniale, coloniale et postcoloniale. C'est, presque par définition, le courant le plus ancien et le plus durable de la tradition philosophique africaine. »154(*)

- Le courant idéologique ou afrocentriste : « se caractérise par des préoccupations plus étroitement politiques. Ce courant, qui s'est surtout manifesté durant les périodes coloniales et post-colonial, a produit des oeuvres qui vont du Consciencisme de Nkrumah aux Damnés de la terre de Frantz Fanon. Ce type de philosophie était presque inconnu durant la période précoloniale. La pensée idéologique, dans le sens particulier qu'on donne à ce terme, est essentiellement un produit du colonialisme et de ses séquelles. (...) Durant la période coloniale et post-coloniale, la philosophie idéologique africaine a permis pour la première fois à l'individu de s'affirmer comme la source de toute pensée. On commence à étudier dans la philosophie africaine les idées d'individus comme Amilcar Cabral ou Gamal Abd al-Nasser, et non plus seulement la philosophie d'entités culturelles comme les Zulus ou les Berbères. »155(*)  

- L'école critique : il s'agit de « La troisième école philosophique africaine, après les écoles culturelles et idéologiques, est l'école critique. Tout comme la philosophie idéologique, la philosophie critique est une réaction coloniale et postcoloniale. Autres points communs avec la philosophie idéologique : elle s'exprime essentiellement dans les langues européennes, et elle a profondément subi l'influence de certaines traditions intellectuelles occidentales. Mais tandis que la philosophie idéologique se tourne consciemment vers la politique, l'école critique est plus étroitement théorique. Tandis que la première se préoccupe de la libération, la seconde aspire à être moralement agnostique ou à se détacher de toute valeur. Enfin tandis que la première est souvent nationaliste, la seconde se veut résolument rationaliste. (...) Le courant critique de la philosophie africaine a bien élaboré un concept de libération, mais ce qu'il s'efforce de libérer, c'est la philosophie elle-même et non pas l'Afrique. »156(*)  

A première vue, il paraît plus raisonnable que ces trois courants agissent de concert afin de concevoir une doctrine politique digne de ce nom visant à bâtir un projet démocratique, et réussir à élaborer des stratégies de développement. La pensée autonome ne doit pas considérer la culture, l'idéologie ainsi que la critique rationnelle comme étant distincts, mais comme autant d'entrées épistémiques parmi les savoirs relatifs à la Modernité permettant d'appréhender les phénomènes, notamment dans le domaine politique. « (...) les régimes africains postcoloniaux n'ont pas inventé, de toutes pièces, leurs savoirs du gouvernement. Ces savoirs ressortissaient de plusieurs cultures, héritages et traditions dont les éléments se sont enchevêtrés au long du temps, au point où s'est tissé quelque chose qui fait signe à la coutume sans s'y réduire, et participe de la modernité sans s'y ramener entièrement. L'un de ces savoirs ou rationalités est le commandement colonial »157(*). Ce serait la voie à suivre pour une conception rationaliste qui ferait de ces deux finalités les objectifs principaux de la philosophie africaine.

Sciences sociales et Philosophie

Ainsi, la raison conduirait-elle la philosophie africaine à assimiler intellectuellement un contexte particulier, celui de l'économie de marché et du régime politique représentatif afin de s'inscrire dans la mondialisation. Elle induit une forme de constructivisme naïf prétendant pouvoir transposer abstraitement des modèles politiques et économiques dans une réalité sociale et culturelle pour le moins réticente à leur réception. L'analphabétisme frappant la zone sub-saharienne du continent africain, constitue par exemple une entrave de taille pour l'édification durable d'un système démocratique. Tout comme cette forme de clientélisme ethnique ou territoriale imbriqués dans la pratique même du pouvoir, dans les régimes à parti unique alors qu' « il n'y a pas de connexions a priori ou nécessaire entre l'idée d'Etat et celle d'ensemble ethnique homogène ou géographiquement isolé »158(*). Par ailleurs, une énième recherche sur l'Afrique qui ne se donnerait comme objet de pensée que le développement ou l'établissement de la démocratie n'arrivera qu'à des conclusions qui ne feront que reproduire des lieux communs sans aucune originalité. De plus, une recherche portant sur le développement ou sur un projet démocratique en Afrique, sont autant de réflexions conduisant à penser les moyens de parvenir à promouvoir les Droits de l'Homme sur le continent, ce qui exclut une pensée véritablement philosophique sur la fin : c'est-à-dire l'Homme.

C'est le propre des sciences sociales de délibérer sur les moyens empiriques et non sur les fins indépendamment du lieu où elles sont produites ou de leurs objets spécifiques. Au Sénégal, se trouve le CODESRIA qui est un centre de recherche en sciences sociales ayant établi un programme composé de sept thématiques dans le but de mettre en perspective l'histoire de l'Afrique, et de produire une émulation entre différents chercheurs dans une logique pluridisciplinaire et utilitariste159(*). Cette institution de recherche espère que les effets escomptés auront un effet positif sur le développement économique ou sur les projets démocratiques en ayant l'UNESCO comme principal critique et interlocuteur international. A juste titre, par le biais des sciences sociales de toutes sortes, l'Afrique s'inscrit dans la concurrence organisée par ce phénomène global que l'on nomme la mondialisation ; néanmoins on ne peut considérer que cette activité intellectuelle puisse prétendre à une tendance universelle. En effet, ce « tournant pragmatique » analogue à celui qui a eu lieu dans la philosophie politique contemporaine en Occident160(*) notamment en France, conduira à terme, les penseurs africains devant des problèmes politiques et sociaux similaires à ceux que rencontre les démocraties libérales d'Occident, à savoir : le chômage de masse, l'abstentionnisme, la gestion des flux migratoires ou pour certaines, une crise d'identité politique de la gauche.

Ce qu'il y a de philosophique dans ces anticipations rationnelles de l'histoire de l'Afrique, réside dans l'approche spéculative à propos de la tournure conjoncturelle de l'économie du continent, or c'est un travail que des experts en histoire ou en économie peuvent effectuer d'une manière plus rigoureuse que leurs homologues philosophes. C'est ce qui arrive déjà aux philosophes contemporains en Occident, qui tentent d'acquérir une capacité d'expertise comparable aux juristes et aux économistes, en orchestrant ce tournant pragmatique. Ce projet intellectuel délaisse sa tendance à l'universelle pour être en mesure d'analyser les faits sociaux, ce qui rabat leurs réflexions sur des sujets strictement nationaux. Notre époque contemporaine nous contraint-elle à mettre de côté les vérités absolues, nécessaires, éternelles et immuables au nom de ce pragmatisme ? Pourquoi ne pourrions-nous plus délibérer sur les fins161(*) ? D'autant plus que ce sont ces mêmes fins qui « paralysent la démocratie »162(*).

Le constat de crise de la démocratie partagé par l'ensemble des philosophes en Occident fait l'unanimité indépendamment des préférences partisanes, « De plus en plus, gouverner, c'est mettre en rapport des groupes d'intérêt, des institutions et des acteurs de toute nature, chacun possédant sa logique propre, sa rationalité et ses objectifs »163(*). Des intellectuels révolutionnaires tels qu'Alain Badiou, Slavoj Zizek ou encore Daniel Bensaïd, ont opportunément pris d'assaut cette forme de cécité quant aux solutions éventuelles sur lesquelles la démocratie pourrait se retourner, en prétendant sonner le glas du réformisme qu'ils considèrent inutile164(*). Ce retour théorique de la pensée révolutionnaire ne représente nullement une menace réelle pour le système démocratique, mais il est symptomatique d'une crise quant à la représentation des principes démocratiques ainsi que de l'idée des Droits de l'Homme dans leur traduction empirique sur le champ politique et social. Ceci est-il dû à une forme de sclérose intellectuelle de la représentation de ces principes purs, des préjugés nourris à leur encontre qui égarent la réflexion des plus fervents démocrates. N'y a-t-il pas matière pour la philosophie africaine de contribuer au débat ?

I°) De l'éthique dans la conception africaine

Les Constitutions, La déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ainsi que la charte de l'ONU nous donnent ces fins textuellement parlant, malgré le fait qu'elles soient le fruit d'un consensus parfois abusif165(*). « L'action c'est le lieu de la liberté humaine où la prudence (phronésis) et la démesure (hybris) se mesurent dans un corps à corps imprévisible »166(*) pourtant toutes ces tentatives sont de nature à fournir un contenu particulier à l' « agir moral »167(*) et surtout, elles réussissent à dépasser le rapport « Maître/Esclave »168(*) omniprésent dans ce contexte et dans le sujet que nous traitons. Concernant cette capacité à s'affranchir des déterminations culturelles, des hommes dans l'Afrique du XIIIème siècle ont su s'adresser au monde de manière universelle169(*). Comme le précise Youssouf Tata Cissé en charge de rédiger l'introduction de l'oeuvre d'Aboubakar Fofana, cette charte fut pensée par la Confrérie des chasseurs, une organisation de type maçonnique selon lui, qui prônait « la fraternité universelle »170(*). La déclaration solennelle prononcée en premier lieu à Dakadjalan avait été initialement nommée Manken Kalikan171(*), de plus, « ce jour correspondait en parallèle à l'intronisation de Soundjata Keïta en tant qu'empereur du Mali en 1222 alors même que la comète de Halley avait illuminé les cieux du Mali la nuit précédente »172(*).

1°) Une Charte des Droits de l'Homme ?

Avant de resituer historiquement La Charte du Mandé de 1222, il semble important de noter ses accents à caractères libéraux sans vouloir faire d'anachronisme, dans la mesure où les valeurs humaines qu'elle proclame s'oppose « manifestement à la situation qui prévalait à l'époque en Afrique de l'Ouest, notamment au Mandé. En effet, avec l'expansion de l'Islam et sa conséquence indirecte sur le plan social, l'esclavage, la capture et la vente d'homme par l'homme étaient devenus un fait banal. Dix, voir vingt esclaves se troquaient contre un cheval ou une barre de sel gemme »173(*). Donc, la lutte contre les esclavagistes devenant une évidence, elle fut sans merci et plus sanglante encore « (...) dans le Sahel contre les esclavagistes Soninkés, Maures et Touaregs »174(*). Une fois la lutte achevée, c'est en ces termes qu'elle fut énoncée d'après Aboubakar Fofana :

« Toute vie humaine est une vie

Il est vrai qu'une vie apparaît à l'existence avant une autre vie,

Mais une vie n'est pas plus ancienne,

Plus respectable qu'une autre vie,

De même qu'une vie ne vaut pas mieux qu'une autre vie.

Toute vie étant une vie,

Tout tort causé à une vie exige réparation.

Par, conséquent,

Que nul ne s'en prenne gratuitement à son voisin,

Que nul ne cause du tort à son prochain,

Que nul ne martyrise son semblable.

Que chacun veille sur son prochain,

Que chacun veille sur ses géniteurs,

Que chacun éduque ses enfants,

Que chacun veille sur la terre de ses pères.

Par patrie, pays, ou terre des pères,

Il faut entendre aussi et surtout les hommes :

Car tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface

Connaîtrait le déclin et la désolation.

La faim n'est pas une bonne chose,

L'esclavage n'est pas non plus une bonne chose ;

Il n'y a pas pire calamité que ces choses là, dans ce bas monde.

Tant que nous disposerons du carquois et de l'arc,

La famine ne tuera personne dans le Mandé,

Si d'aventure la famine survient ;

(...) Celui qui a crée la mort

Est celui là même qui a crée la vie.

Celui qui crée la vie

Est celui là même qui crée la mort.

La mort est une vérité, une réalité

Et la résurrection un mensonge,

Une imposture »175(*).

En somme, c'est sans avoir à rougir que les penseurs africains peuvent se référer à cette Charte du Mandé. D'ailleurs, il semblerait qu'aucune autonomie digne de ce nom n'est envisageable pour une société civile ou une pensée qui ne tenteront pas de maîtriser son histoire176(*). Au même titre que les revues que l'on peut lire en Occident, telles que : Le Débat, Les Annales, La revue française de sciences politiques, la dynamisation de ce genre de publications en Afrique permettrait à certains individus d'avoir une prise intellectuelle sur le passé et l'actualité du contient. La Charte du Mandé de 1222 reste encore trop peu connue dans le monde entier, car la diffusion d'ouvrages à ce propos ainsi que des réseaux de distributions efficaces ne sont pas encore institués, « Cette perspective vise délibérément à relativiser l'importance du modèle réaliste, selon lequel les relations internationales s'interprètent exclusivement comme un jeu entre des unités étatiques, qui détiendraient ainsi le monopole de la politique étrangère »177(*). Cependant, des revues africaines178(*) très sérieuses existent, dans lesquelles les comités de lecture observent des règles strictes et assez sélectives quant à la publication d'articles, mais encore une fois, ceci concerne des affaires internes sans véritables tendances à l'universelle.

2°) De l'époque contemporaine

Revenons donc, à ce projet de contribution aux controverses contemporaines : la mondialisation qui est un phénomène global a réussi le pari d'arrêter les guerres en développant l'activité commerciale à l'échelle planétaire, au lieu d'utiliser notre connaissance scientifique dans le but de se détruire mutuellement nous l'utilisons dorénavant pour accroître notre performance économique. L'adaptation à la logique concurrentielle de la mondialisation incline les différentes nations à réformer leurs institutions ainsi que leurs fiscalités afin de satisfaire aux exigences de nouveaux acteurs sur le plan international telles que les firmes multinationales. L'intérêt pour notre réflexion n'est pas de condamner ce système en dévoilant au grand jour ses imperfections intrinsèques, la question ne doit pas être posée en ces termes ; ce que nous allons analyser c'est le système de valeur qui s'y rapporte, ce culte de la performance auquel on adhère plus par contrainte que par conviction. Nous verrons que cela se répercute jusqu'aux relations sociales, alors même qu'en notre for intérieur elle ne semble pas faire pour autant l'unanimité.

A°) L'Homme, la Raison et l'Affect

L'idée qui sous-tend ce système de valeur est celle du savoir rationnel incontestable propre à la science dure179(*), et à l'opposé se situe les croyances d'ordre spirituel, non démontrées et qui ne correspondent pas à cette logique de la performance. Les questions d'ordre spirituel180(*) qui évoquent l'aspect affectif ou irrationnel de la nature humaine ont été oubliées par la philosophie politique contemporaine en Occident, nous allons voir qu'il n'en va pas de même pour la philosophie africaine vue par Tempels181(*). Peut être qu'après avoir Désenchanté le monde (Marcel Gauchet 1985), la rationalité a trouvé mieux que l'affect pour parachever son projet de transformation du monde contemporain. Pourquoi la spiritualité est-elle discréditée au profit de la rationalité ? Le projet n'intéresse-t-il personne à cause du contexte ? Est-ce dangereux de confier ce projet à l'affect de l'Homme, ou faute d'espoir, a-t-on abandonné le pari de poursuivre la transformation du monde ?

C'est avec beaucoup de réserves que nous procéderons à la comparaison des conceptions de Heidegger et de R. P. Tempels au sujet de l'Homme. République de Platon, qui est à la philosophie politique occidentale ce que la Philosophie Bantoue de R. Placide Tempels est à la philosophie africaine, a illustré par le mythe de Gygès182(*) cette hantise qui tourmente le rationalisme occidental. L'affect, le sentiment et les émotions, qui à juste titre menacent constamment ce que la raison est en mesure d'édifier sur le plan politique, ont été mis au ban de la rationalité philosophique et littéralement écartés du projet de transformer le monde « Reste cependant que des nuances existent entre notre mode d'appréhension et celui des Blancs européens. Des nuances et non pas une rupture radicale. En effet, l'esprit humain reste le même à travers toutes les différences culturelles et autres. Dans son mouvement de recherche de la vérité il procède de plusieurs façons : analyse et synthèse, induction et déduction, comparaison et généralisation, intuition et abstraction. (...) Du reste, Senghor lui-même le dit à l'adresse des jeunes d'Afrique qui lui reprochaient de refuser aux Nègres africains la raison discursive, tout comme il semble faire de l'intuition et de l'émotion des qualités exclusivement nègres »183(*). Dans son oeuvre fondatrice de la philosophie politique occidentale, Platon fait un procès sans appel à la partie irrationnelle de la nature humaine ; c'est un legs intellectuel184(*) que semble-t-il, nous n'avions pas jugé bon de questionner pour répondre à des interrogations plus contemporaines sur l'Homme et sur son rapport au monde.

B°) Les limites de la rationalité

Lorsque la rationalité pratique s'adonne à ce culte de la performance et de la réussite, elle modifie le rapport de l'Homme à sa temporalité. Les individus évoluant dans les sociétés civiles contemporaines sont pris dans une logique concurrentielle qui fait de cette temporalité un problème, car on ne sait plus attendre, on manque de patience envers autrui, et parfois envers soi-même. On exige de soi une adaptation sans borne à la concurrence, et ce, en dépit de notre propre santé mentale ou physique.

1°) Le culte de la performance

Que ce soit pour les acteurs ou les Etats, les savoirs ne sont que des moyens d'accroître notre performance individuelle dans le cadre des relations sociales, ou notre performance sur le plan des Relations Internationales, si l'on se trouve à l'échelle étatique. La profusion de connaissances et de savoirs en tout genre ne sert que la vanité humaine, dans le sens où leur utilisation procure un ascendant effectif à son détenteur185(*) sans servir la perfectibilité186(*) de l'homme ; l'usage géopolitique de l'activité économique en est la preuve formelle. Pourquoi le paradigme néoréaliste qui régit le cadre des Relations Internationales demeure-t-il incommensurable et si éloigné de la conception métaphysique de l'Homme pensé par les Lumières ? Le cynisme de la diplomatie est-il à ce point imperméable à des valeurs humanistes et cosmopolites, que la cécité de l'Occident concernant l'Homme en est devenue une donnée irrévocable ? Il faudrait agréger cet ensemble de questionnements afin de les ramener à une seule interrogation : le projet humaniste de maîtrise et de transformation du monde par la raison, que la philosophie politique contemporaine a si admirablement orchestré depuis le XVIIIème siècle, a-t-il laissé l'Homme en chemin et pourquoi ? Cette inflation de connaissances et de savoirs en tout genre augmente indéniablement un potentiel d'action, plongeant par ailleurs l'individu au coeur d'une Modernité complexe. Se dissimuler derrière un principe explicatif unique, tel que la Révolution ou le fait libéral, constituerait en ce sens un refus de la Modernité. Comment expliquer le fossé béant qui se creuse entre la configuration contemporaine du monde et les valeurs humanistes ?

2°) Des peuples primitifs

La rationalité ne semble pas pouvoir appliquer ses principes en tant que tels aux problèmes proprement humains, comme elle pourrait le faire sur les phénomènes naturels. Pourquoi la réalité empirique contrarie-t-elle ainsi l'idée de l'Homme ? Peut être est-ce la nature des principes ou leur statut ontologique qui pose problème ? En effet, selon Tempels la philosophie des Bantoues avait réussi une adéquation intuitive de leur monde à leur métaphysique187(*). La frugalité du milieu dans lequel évoluaient les Bantous, comparée à la complexité du monde contemporain, a-t-elle pu réellement faciliter cette adéquation effective à leur ontologie188(*) ? L'évaluation d'une société dite « complexe » peut-elle se faire uniquement d'un point de vue quantitatif, c'est-à-dire en dénombrant les institutions financières, juridiques et politiques, ou alors, d'après la présence de structures économiques, qui rendent le monde abscons. Cette opinion ne résiste pas à la critique. Nous avons tendance à considérer la rationalité économique comme un fait de la raison extrêmement puissant, car les accords douaniers ainsi que les institutions financières soutiennent cette rationalité sur le plan empirique. Cela donne l'illusion métaphysique que le Capital engendre du Capital dans un processus soi-disant autonome, qui se passera de toute intervention humaine, c'est ce que nous avons développé au chapitre précédent. On en oublie, que le propre du savoir ou devrait on dire son effet pervers, c'est qu'il puisse faire perdre le bon sens à son utilisateur au nom même de cette maîtrise de la réalité extérieure. Alors à quoi bon cette maîtrise ou ce pouvoir, si sa possession se fait au dépend de son possesseur189(*) et de ces principes purs190(*) ?

2°) Les principes et les faits : un hiatus ?

En prenant un autre exemple pour illustrer ce fossé entre la réalité empirique et les principes purs, l'économie de marché valorise surtout la liberté d'entreprendre, tout en possédant certaines entraves qui limitent son bon fonctionnement. Toute personne n'a pas également accès aux prêts bancaires de par la présence de clauses excessivement contraignantes, ce qui restreint une partie de la population à l'accès aux ressources et, partant, l'exercice de leur liberté d'entreprendre, pour se rabattre sur le droit à la consommation. En effet, on peut dépenser une grande période de sa vie pour le confort matériel. C'est une forme de soumission symbolique : le monde contemporain, que l'on s'est donné tant de mal à améliorer depuis le XVIIIème siècle, est dorénavant accepté tel qu'il est. C'est-à-dire complexe et désenchanté, puis surtout aux antipodes du projet humaniste. D'une manière analogue à la ruée vers l'or, nous mettons tout en oeuvre dans l'optique de ce confort matériel. Dans un même registre, nous nous trouvons dans un état de déraison collective, alors que l'acquisition de cet or ou de ce confort matériel n'est pas nécessairement synonyme d'épanouissement et de bonheur191(*).

C°) L'affect dans les institutions démocratiques

Au chapitre précédent nous nous sommes arrêtés à l'aporie selon laquelle c'est un surcroît de démocratie qui met en crise le système démocratique. Si nous rappelons brièvement notre propos, c'est par une assertion post-moderne que l'époque des institutions semblait finie ; étant devenues contre-productives en terme de protection des droits et des libertés fondamentaux de l'individu, elles ne pouvaient plus être des lieux d'investissement de la « vie humaine »192(*) sans que cela nuise aux droits et aux libertés d'autrui.

1°) Marxisme et afrocentrisme

En accordant une pertinence limitée à l'idée de classes sociales telle que Marx l'entendait, nous en avions conclu que la seule liberté à laquelle les « prolétaires » pouvaient prétendre était la liberté politique dans le sens où a priori, l'engagement public demeure ouvert à tous, et qu'à ce titre la décentralisation délègue son pouvoir central à son échelon administratif inférieur selon certaines modalités. Notons que dans une perspective afrocentriste qui, sur certaines thématiques, se rapproche de l'idéologie marxiste dans sa tendance radicale, l'argument évoqué ci-dessus peut s'appliquer à la « diaspora noire »193(*) qui revendiquait le droit à la différence194(*) « Nous les Africains d'outre-mer avons une conscience aiguë de la nécessité de recouvrer l'Afrique. Il s'agit là d'une connexion historique que l'on ne doit pas prendre à la légère, l'Afrique peut se sauver grâce à cette idéologie panafricaine »195(*). Même si ce raisonnement est cohérent, il reste peu persuasif pour ces parties de la population qui revendiquent le droit à des conditions matérielles décentes sans que l'on puisse toucher à leur liberté individuelle. « (...) les études postcoloniales peuvent utilement contribuer à revivifier les problématiques de la science politique contemporaine en plaçant au coeur de leurs questionnements scientifiques l'étude des souffrances et des émotions politiques qui en résultent : ressentiments et culpabilités, crispations identitaires et ambivalences réciproques dans les rapports dominants/dominés »196(*). Nous allons donc questionner la condition sociale des individus les plus défavorisés sur le plan économique ainsi que leur système de valeurs respectifs.

2°) Une mobilité sociale contrariée

Si l'acquisition d'un bien matériel doit passer par un effort qui en devient avilissant pour l'individu, ce dernier doit se passer de ce bien et éviter de s'avilir. Chacun doit être en charge de soi ainsi que de sa propre dignité, car personne d'autre que soi ne peut être plus lucide concernant notre cohérence axiologique197(*) interne. Personne ne peut empêcher un individu d'exercer lui-même sa dignité, ni un parti, ni une association, ni un syndicat, ni un Etat198(*), « (...) l'homme est libre avant d'agir, dès lors qu'il effectue des choix ou réfléchit s'il doit ou non s'engager dans telle ou telle action. Mais dès lors que son choix est fait, une fois engagé dans l'action, sa liberté disparaît et il devient prisonnier des contraintes liées à cette action »199(*). Même en se détachant de ces différentes institutions, les plus défavorisés semblent avoir capitulé devant le défi qui se présente à eux200(*) au profit d'une quête irraisonnée vers des artifices matériels offert par la société de consommation. Cette volonté de ressembler à tout prix à la « classe dite favorisée »201(*) sur le plan de l'apparence sociale, a pour conséquence de drainer le potentiel d'action et de ressource individuelle que la « classe défavorisée » devrait mobiliser pour penser les actions relatives à une ascension sociale digne de ce nom. En somme cette « classe dite défavorisée » échange une dignité réelle contre une dignité sociale fictive.

Ce qui fait défaut aux défavorisés, qu'ils se voient comme des « prolétaires » ou en tant que « diaspora noire » comme aux Etats-Unis202(*), c'est un appui pour agir et exercer leur liberté politique ; nous nous arrêtons plus longuement sur leur condition, car pour eux plus que pour les autres classes sociales la mondialisation peut être un facteur négatif ou positif par rapport à la « paupérisation »203(*). « Aujourd'hui, les problèmes culturels s'imposent avec force. Comment pouvons-nous vivre ensemble ? Comment peut-on concilier concrètement les règles de la vie sociale applicables à tous et les identités culturelles ? »204(*). Il y a un paradoxe lié à des questions axiologiques contemporaines sur lesquelles les plus défavorisés restent en marge : une différence fondamentale réside dans ce que l'on est205(*), ce que l'on a206(*) et ce que l'on représente207(*). Comme la pensée de l'Etre208(*) n'est pas par lui-même synonyme de moralité ni d'un savoir cognitif, les défavorisés plus que les autres ont tendance à valoriser le second et le troisième par rapport au premier. Pourquoi peut-on dire qu'a priori ce genre de raisonnement est faux ? En misant uniquement sur l'apparence sociale, les défavorisés n'optent pas pour le bon choix parmi les actes à entreprendre. Ils ne peuvent faire distinctement un choix pertinent concernant leurs erreurs en ayant oublié qui ils sont au delà de l'apparence sociale209(*). C'est un problème d'identité culturelle ou d'aliénation sociale bénigne pour soi individuellement210(*) mais qui peut fausser les termes d'une mobilité sociale effective pour autrui. En effet, les ménages les plus défavorisés à l'origine cultivent une certaine prudence quant à la dépense dans leur budget, pourquoi délaisser cette prudence après avoir fait l'expérience de l'ascension sociale, pour ensuite se mettre à consommer d'une manière inconsidérée et dilapider le fruit de son action ? Etait-ce le but de tant d'efforts et de tant sacrifices ?

3°) L'individualisme comme valeur

Exercer un droit ou une liberté à notre époque contemporaine, c'est démontrer pragmatiquement qu'ils existent et qu'ils ne sont pas simplement des principes formels pour tout individu. C'est pourquoi la solution révolutionnaire, réhabilitée par des penseurs d'extrême gauche tels que Slavoj Zizek, Alain Badiou ainsi que Daniel Bensaïd, ne sied point à notre réflexion. Elle projette l'actualisation des valeurs humaines dans une hypothétique « société communiste », alors que les régimes représentatifs sont tout à fait en mesure de répondre aux différentes demandes sociales aussi radicales soient-elles211(*). Dans un contexte différent de celui des Etats-Unis, la « classe ouvrière » noire d'Afrique du Sud a par exemple obtenu un droit de grève en 1973 auprès de son gouvernement, sans avoir eu à recours à la solution révolutionnaire. Si l'ascension sociale des défavorisés ne conduit pas nécessairement au bonheur ou qu'elle suscite du remords après coup, c'est que la cohérence axiologique interne de l'individu fut défaillante quand bien même son mode d'action ferait preuve de la prudence réformiste. Ce qui est inconsistant est également illusoire et se manifeste par des déceptions212(*). La vacuité d'une action en termes de contenu se repère lors de sa mise en oeuvre face à la réalité empirique. Avoir du contenu quant à son action, c'est être conscient de son Etre et de son système de valeur, ce qui est synonyme de repère indépendamment de la situation sociale de l'individu213(*). Lorsqu'il n'y a pas de cohérence interne, - comme dans le cas de la solution révolutionnaire, chez qui l'individu est moralement dépendant du groupe social ou ethnique, et disons le, de celui qui est désigné comme le chef de ce groupe - on ne peut pas avoir la capacité de prendre appui sur soi214(*), car l'Etre est auto-justificatif et auto-fondateur215(*), en utilisant le vocabulaire de Hobbes c'est une forme de conatus qui devrait affiner non pas le groupe comme le voudrait les marxistes ou les afrocentristes, mais l'individu en tant qu'homo oeconomicus216(*).

Nous verrons qu'il en va de même pour l'utilisation des savoirs de tout genre et leur capacité de fournir une forme de lisibilité de notre monde contemporain217(*).

II°) La Politique et la Métaphysique : les universaux comme source de pouvoir ?

Affranchi de tout rapport à l'Etre, l'utilisation du savoir scientifique et technologique est synonyme de soumission au savoir, car celui-ci a une emprise sur le réel et sur nous même218(*). D'après Heidegger, en prenant ses distances face à la pensée de l'Etre219(*), l'individu a perdu ce qui fait l'être-humain et s'interdit par ailleurs de concevoir l'Homme. Les expertises sur lesquelles nous avons coutume de nous rabattre lorsqu'un problème surgit, que ce soit dans les Etats du Nord ou du Sud, constituent une production de savoirs basés sur l'Etant220(*). De plus, elles compriment notre temporalité en s'attardant à décortiquer rigoureusement : un fait social particulier, un événement, un personnage historique, des mécanismes économiques ou institutionnels. Cette appréhension technique de la réalité est une manière de disposer de l'Etant, elle concerne également la philosophie politique contemporaine en Occident qui a opéré un « tournant pragmatique » en délaissant la métaphysique et donc la question de l'Etre avec sa tendance à l'universel. Il y a donc deux formes de pensée en jeu dans cette étape de la réflexion, l'une calculante221(*), et l'autre méditante222(*). Par la pensée calculante, on recherche comment, à l'échelle de l'individu ou d'un gouvernement, il est possible de faire plus et mieux, en peu de temps. Ce qui fait défaut à l'individu dans son rapport à l'époque contemporaine n'est pas la puissance qu'il a à sa disposition, mais un souci de maîtrise effective sur les choses qui lui sont extérieures ; idem pour les Etats nationaux qui tentent d'avoir une prise effective sur le cours de l'histoire contemporaine et à venir. Regardons brièvement la manière dont les capitales économiques d'Afrique223(*) s'insèrent dans la mondialisation : que ce soit par les villes portuaires pour Douala, par l'essor industriel pour Cotonou ou tout simplement par la tertiarisation qui a eu lieue à Johannesburg224(*).

Si nous devions donner des exemples concrets de cette pensée calculante à l'échelle individuelle et de l'ascendant que nous lui accordons spontanément de par notre système de valeur, prenons l'exemple des performances du chercheur en science et celles du cadre supérieur en commerce. Leurs apports matériels à la société civile est visible sur le plan empirique, tandis que des résultats d'ordre spirituels tels que le bien-être dû à la pensée méditante sera considéré comme futile faute d'expérimentation. Or, l'action individuelle peut-elle se concevoir uniquement sous la logique de la rentabilité pour être conforme aux exigences de l'époque contemporaine ? En quoi cette finalité pratique répond-elle aux problématiques relatives à la conception de l'Homme ?

Cette pensée calculante exige que l'on sacrifie une part importante de notre propre nature225(*), dans la mesure où elle fait perdre le sens de la modération et de la tempérance. Que faisons-nous pour rester en forme et accroître nos performances ? Nous consommons à cet effet, des drogues, du tabac, de l'alcool ainsi que des boissons énergisantes. On peut déjà raisonnablement affirmer que cette pensée nous exhorte à ignorer des règles de diététique nécessaires pour notre santé226(*), afin de répondre à la logique concurrentielle instituée. De plus, dans notre mode de vie actuel nous sommes constamment sollicités de sorte que l'on ne puisse pas méditer227(*). Les seuls moments éventuels où nous pouvons nous retrouver face à soi, se situent dans l'intimité de notre sphère privée, où l'acte de méditation peut-être mis en concurrence avec un autre rapport à l'Etre, celui de la transcendance révélée228(*) à laquelle l'individu se trouve également en position de soumission symbolique. Par contre, la sérénité au sens où l'entend Heidegger est un mode d'être, une tranquillité spirituelle et ontologique distinct de la sphère morale, du cognitif et du fait religieux ; elle désigne un mode de recueillement en lien avec le transcendant : « La transcendance est premièrement la relation qui, partant de l'étant et grimpant jusqu'à l'être, est relation entre les deux. Mais la transcendance est en même temps la relation qui conduit de l'étant changeant à un étant calme. Transcendance signifie enfin, conformément à l'usage du titre  excellence, ce plus haut étant lui-même, qui est alors nommé également Dieu, d'où résulte une étrange confusion avec la première signification »229(*).

Le temps que l'individu se réapproprie en entrant en relation avec cette forme première de la transcendance, est un temps qu'il aura acquis pour la reconstruction de soi et cette temporalité ne doit pas être gérée sur le mode de la pensée calculante230(*).

A°) Le projet colonial en question

Les coups de semonce les plus notables à l'encontre de l'oeuvre de R. P. Tempels sont venus des deux autres courants antagonistes : la philosophie critique et l'afrocentrisme. F. Eboussi-boulaga a affirmé que « Celle-ci se présente comme une plaidoirie ou une apologétique ; son arme est la rhétorique qui vise la vraisemblance. Son but est en effet de persuader, de faire appel à la bienveillance de celui qui est encore le maître pour se faire connaître de lui »231(*). Le problème de la Philosophie Bantoue c'est qu'elle exprime une pensée émise par l'homme blanc sur l'homme noir, devant servir à affiner l'entreprise coloniale ; bien qu'elle eût le mérite de trouver au prix de beaucoup de maladresses et de contre-sens, un système ontologique chez les bantous, la rigueur intellectuelle de l'ouvrage porte préjudice à la réflexion profonde de l'auteur232(*). « En fait il s'agit d'un ouvrage d'ethnologie à prétention philosophique ou, plus simplement, si on nous permet ce néologisme, d'un ouvrage d'ethnophilosophie »233(*). Mais comme l'a indiqué Elungu « De tous les reproches pertinents qu'Eboussi-Boulaga fait à Tempels et, à travers lui, à tous les philosophes de sa suite, le plus important, qui résume les autres, me paraît être celui d'avoir cru à un système ontologique préexistant aux Bantous et à leurs sociétés. Il ressort, écrit-il, de cette discussion sur la méthode et l'objet que Tempels a voulu expliquer au donné ontologique, une explication de type causale qui remonte aux principes pour rendre compte du devenir et de la contingence. Malheureusement, il a fait du principe une substance capable de rendre en même temps compte de la diversité des attitudes et des comportements, au lieu de recourir à une typologie ou à des modèles structuraux. Ce faisant, Tempels a fait appel à une chose, à une substance comme principe d'explication générale. (...) Face à cette idole, à cette chose, à ce système de pensée-choses imaginairement constitué, la pensée rationnelle non seulement est intrinsèque, mais s'estompe et s'abîme »234(*). Tout en en étant imprégné elle même, la philosophie Bantoue a permis de faire voler en éclat des préjugés colonialistes sur l'homme noir ainsi que les thèses sur la mentalité primitive énoncées par Lévy-Bruhl et son école.

1°) La philosophie Bantoue et les intellectuels occidentaux

Dans un environnement intellectuel et politique majoritairement convaincu des bienfaits de l'entreprise coloniale235(*), « Le plus surprenant c'est l'accueil sympathique que l'ouvrage rencontra chez nombre d'authentiques philosophes. Bachelard le trouve profond et susceptible de fonder, à côté de la métaphysique sur le mode occidental, une méta-dynamique. Lavelle approuve la thèse du missionnaire, Gabriel Marcel également. Jean Wahl y révèle des analogies avec le bergsonisme. Un ethnologue comme Marcel Griaule y voit la confirmation de ses propres conclusions. »236(*). Selon ces auteurs, la controverse suscitée par l'oeuvre de Tempels fut féconde dans le sens où elle a pu élargir la définition même de Philosophie en tant que conception de l'Homme et du Monde. « Le concept de philosophie tend à désigner très généralement toute image du monde et toute sagesse humaine...quels qu'en soient les éléments et les modalités. Le droit à la philosophie devient un droit de l'homme, en dehors de toute question de longitude, de latitude et de couleur de peau. »237(*). Par une argumentation orthodoxe assumée, Heidegger concevait la philosophie comme une activité proprement occidentale, car selon lui la création de concepts n'est possible qu'au moyen de l'étymologie grecque ou latine ; il faut admettre que c'est un paradoxe infiniment problématique quant à la définition de la philosophie. En effet, si l'universalité ne peut être atteinte que par une langue vernaculaire, nous sommes alors en droit de douter de la pertinence de cette idée d'universalité (nous y reviendrons).

Si l'apport de la Philosophie Bantoue est réel, la démonstration consistant à prouver l'existence d'une philosophie africaine est critiquée avec virulence par plusieurs auteurs africains dont F. Eboussi-Boulaga. Il n'a pas de mots assez durs pour dénoncer selon lui l'absurdité d'un tel projet : « Le désir de philosophie est l'un des efforts pour accéder à l'humanité du maître, un des ultimes efforts pour y parvenir ; »238(*). Il y a deux idées dites en creux par l'auteur, avec une pointe manifeste de ressentiment vis-à-vis de la philosophie occidentale : la première est une attaque en règle de l'ontologie aux accents pragmatistes239(*) « de ce que Heidegger nomme la métaphysique et Derrida le logocentrisme (...) »240(*), la seconde idée est d'ordre narcissique plus qu'intellectuel, c'est la rencontre de l'homme blanc détenteur de la Science Moderne241(*).

2°) Rationalité et sagesse : la rencontre de l'Occident

Le discours de l'homme blanc était totalisant, dans la mesure où il embrassait la réalité physique avec plus de profondeur encore que n'ont su le faire les sagesses ancestrales242(*). Loin de sous-estimer l'impact de cette rencontre, notamment sur l'ordre hiérarchique imposé par la tradition des noirs ; nous devons relever que la Révolution copernicienne, sans laquelle l'Occident n'aurait pu faire l'expérience de la Science Moderne, a eu une incidence toute aussi violente sur l'héritage intellectuel d'Aristote et de St Thomas qui fut dominant au XVIème siècle ainsi que sur l'organisation politique de la société civile basée sur les textes bibliques (D'ailleurs, le cardinal Bellarmin dût se résoudre à condamner Galilée afin qu'il abjure243(*)). Comme nous l'avons indiqué ce n'est pas la Science Moderne qui a eu raison du Muntu, entendu comme conception philosophique de la personne chez les Bantous, dans la mesure où elle ne s'évertuait à expliquer les phénomènes naturels en tant qu'Etant, mais bien la volonté dont faisait preuve les blancs pour atteindre l'Etre des choses. Toutefois, l'entreprise coloniale aurait gagné en efficacité en tenant compte de l'ontologie des « colonisés »244(*).

B°) L'Internationalisme et les africains

Sans être d'authentiques philosophes africains, contrairement aux nombreux auteurs que nous avons cités, en conceptualisant l'idée de négritude, Césaire et Senghor ont posé les jalons nécessaires aux controverses sur la philosophie africaine. La lecture conjointe des oeuvres de Léo Frobenius245(*), éminent historien, a permit aux deux hommes de développer ce nouveau concept en empruntant des trajectoires différentes. En effet, dans les oeuvres de Césaire, il y a toute la partie poétique, et en 1939 dans son « Cahier d'un retour au pays natal » il se prononce sur des idées plus politiques. La négritude de Césaire semble être en adéquation avec les valeurs humanistes tandis que celle de Senghor paraît assez alarmiste et pessimiste246(*), qui ne va pas sans rappeler Verlaine. Néanmoins, le but ultime d'un tel concept fut de détruire toute idée de hiérarchisation sociale issue de la colonisation et ses valeurs247(*).

Nous avons explicitement un parti pris envers la pensée d'Aimé Césaire, car contrairement à celle de Senghor sans nier son importance, c'est par ses oeuvres et son engagement qu'un changement social et politique digne de ce nom a pu être exprimé, lorsque la pensée de Senghor ne faisait que balbutier. Par ailleurs, sa foi en l'Occident est aussi suspicieuse et irraisonnée que la haine que portent les afrocentristes contemporains248(*) à son encontre. Aimé Césaire, qui n'était donc pas uniquement poète mais penseur du politique, a effectué une pièce intitulé « Une saison au Congo » afin de mettre en scène dans un registre épique « L'affaire des grands lacs » avec Patrice Lumumba et Mobutu. Le racisme de l'époque étant grandissant à cause des vagues d'immigration de 1930 aux années 1980, c'est tout naturellement que bon nombre d'intellectuels noirs dont Césaire, adhérèrent aux valeurs Internationalistes du Parti Communiste notamment lorsque l'Italie a pris la décision d'envahir l'Ethiopie.

Bien plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale, au moment où la propagande du IIIème Reich gagnait le nord de la France, la communauté antillaise s'était élevée contre les idées racistes des nazis ; quoique la réponse la plus virulente à Goebbels soit venue du député Sénégalais Galandou Diouf influencé par le militantisme de Césaire.

Au moment de l'adoption de la loi-cadre de Gaston Defferre en juin 1956, promulguant ainsi une transition juridique et administrative vers l'indépendance, Mamadou Dia, qui était alors Premier Ministre, voulait accélérer le processus d'indépendance alors que Senghor pensait que les africains n'étaient pas prêts pour l'exercice de leur liberté fondamentale. Cette divergence d'opinion avec Senghor lui valut l'emprisonnement suite à la démission de son poste de Premier Ministre. D'ailleurs, lorsque Senghor a invité Houphouët Boigny, celui-ci rétorqua qu'il ne viendrait qu'à condition que Mamadou Dia, avec qui il partageait certaines convictions, soit libéré. La même année, quand Moscou écrase les militants des démocraties populaires, Césaire qui était pour l'indépendance se sépara de Maurice Thorez.

1°) Du discours populiste

En tant que peuple ou en tant que groupe, l'identité collective est néfaste pour la pensée249(*). Le fondamentalisme américain, israélien, ainsi que celui du monde arabe, pose non-pas le problème d'une identité culturelle mais bien de l'identité collective dans son assertion politique et révolutionnaire250(*). « (...) l'appel au peuple prend sa signification principale de se fixer sur le national. Il s'agit d'un appel au peuple tout entier - supposé homogène (en deçà des divisions en classes) - qui se confond avec la nation rassemblée, dotée d'une unité substantielle et d'une identité permanente »251(*). Si les sociétés sont comprises comme un tout, comment peuvent-elles constituer un tout en mesure de les surplomber ? La fusion des sociétés en entité internationale est problématique sur le plan intuitif, et l'analogie est possible avec des individus voulant fonder une Nation252(*). Cependant, peut-on concevoir une fusion des esprits par le biais de la passion253(*) ? Dans sa « Psychologie des foules » Gustave Lebon a analysé son objet de recherche à travers le prisme révolutionnaire. L'âme collective de Lebon peut former une foule psychologique lors de laquelle les membres perdent leur individualité au profit d'une âme collective qui les fait penser, sentir et agir dans un sens autre que celui qu'ils le voudraient individuellement, alors que la conscience politique est censée élever le libre examen. L'image de l'individu pris dans la foule est comparable à un grain de sable emporté par le tumulte des vagues.

2°) Le holisme comme ennemi de la démocratie

Le « Nous » ne peut exister qu'en tant qu'objet, dans la même logique que le boulangisme, la foule veut être un objet manipulé par les voeux d'un homme. La foule est circonscrite par les discours de l'orateur qui s'adresse à elle, puis elle se constitue conformément à ses souhaits, en somme chacun exige d'être noyé et submergé par la passion des autres et par la voix du chef254(*). Sa rhétorique oriente le regard de la foule dans le sens qu'il aura décidé ; l'exaltation des passions identitaires, n'a de prix que la passivité de l'esprit, ainsi le phénomène identitaire ne peut en aucun cas être conçu comme une activité humaine désaliénante ou en mesure de favoriser son autonomie.

La passion en politique est un instrument destiné à l'action, et non une fin en soi. Y a-t-il une rationalité des passions humaines ? En elle-même l'art oratoire est neutre, il est un organon pratique de l'homme politique « La pratique sans théorie est aveugle ; la théorie sans pratique est vide »255(*). L'éthos et le pathos sont des preuves immédiates de l'assentiment de la foule partisane, et par extension celle du peuple souverain. L'orateur s'adresse donc en premier lieu à celui qui va décider256(*) (Sans nécessairement adhérer aux théories politiques holistes, nous pouvons citer un cas où le communisme en Afrique n'a pas été synonyme d'échec257(*)). Si on extirpe le moment de la passion durant les discours face à l'agora, on transmute ce dernier en dialogue rationnel entre philosophe « Comment empêcher, au moment où le peuple est interrogé, qu'il circule à travers lui aucune espèce de passion collective ? »258(*). Autrement dit, la philosophie politique contient une part de cet élément susceptible de détruire ce que la Raison a pu édifier.

L'orateur habile se sert de lieux communs puissamment ancrés dans la société civile afin de susciter la haine ou l'empathie. Il fait mine de figurer un dépassement de son propre camp au moyen de sa superbe259(*), alors que ce qui est visé, c'est l'espace émotionnel laissé vacant par le candidat adverse « Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres »260(*). En définitive, on est en droit de se demander si la passion est toujours irrationnelle ? A priori, ce n'est pas le cas, dans le sens où nous avons parfois de bonnes raisons de les éprouver. De plus, la finalité de l'orchestration des passions est de produire un jugement ou de le transformer en éveillant d'autres aspects de la nature humaine. Sans que la constitution du « Nous » puisse être qualifiée de projet intellectuel, il y a effectivement une fusion des esprits lors de son émergence.

Faute de pouvoir être totalement écarté de la philosophie africaine, l'afrocentrisme ne doit rester qu'une voie, qu'un courant parmi les autres. En s'inscrivant dans la logique du néoréalisme régissant les Relations Internationales, l'afrocentrisme s'octroie la capacité de capter presque sans partage l'héritage historique, philosophique et politique pour nourrir arbitrairement son propre paradigme intellectuel basé sur la fondation épistémologique261(*). « Notre contribution à la fin de ce siècle est d'introduire dans la philosophie africaine le paradigme de la traversée qui est complémentaire à celui de la fondation »262(*). L'idée de traversée concerne celle de l'esprit, qui ne souffre d'aucune barrière disciplinaire, ni de contraintes intuitives à propos de la vérité, « C'est en désirant la vérité à vide et sans tenter d'en deviner d'avance le contenu qu'on reçoit la lumière. C'est là tout le mécanisme »263(*), d'où la pertinence de vouloir défendre ce que Giddens et Mbembé nomment « la vie » ou les décisions individuelles dont elle est l'objet. « La vie » est l'objet indéfinissable par définition, sur lequel Achille Mbembé a fondé sa théorie progressiste en renonçant aux tendances essentialistes qui nuisent à la pratique.

Sur ce point, il rejoint Rorty, « Pour les pragmatistes, si quelque chose d'utile doit être dit de la vérité, c'est dans le vocabulaire de la pratique plutôt que dans celui de la théorie, de l'action plutôt que de la contemplation »264(*). La théorie critique de la philosophie africaine, a tout intérêt à trouver des valeurs empiriques sur lesquelles elle pourra baser son argumentation, plutôt que de renforcer son édifice intellectuel sur le plan métaphysique comme le fait l'afrocentrisme265(*). Sans doute aurait-on raison de concevoir la démocratie comme une valeur, et non comme un principe pur266(*).

C°) Théorie Critique et Afrocentrisme : quel enjeu pour les valeurs démocratiques ?

Le fait que Barack Obama, en tant que personnalité contemporaine, ne puisse être catégorisable en tant que Blanc ou Noir, africain ou non africain, pour les uns et pour les autres, peut être perçu comme un vecteur en mesure de porter le progressisme dans la théorie critique de la philosophie africaine d'aujourd'hui ; de même que les discours du pasteur noir Martin Luther King, dont son très fameux « I Have a Dream », à défaut de pouvoir démontrer sa validité métaphysique, ils parvenaient à transcender les clivages sociaux ou ethniques. « La pensée critique, parce qu'elle a perdu la naïveté au sens husserlien du terme, entame un divorce avec ce monde et ouvre sur d'autres types de contrats avec la réalité »267(*), de fait, elle divorce également avec l'idéologie radicale que véhicule l'afrocentrisme à l'égard de l'Occident. D'ailleurs, les afrocentristes ont tendance à considérer, les tenants de la théorie critique comme des traîtres, au même titre que la gauche radicale a coutume d'interpeller les socialistes de ce doux sobriquet de « social traître ».

Le propos peut avoir la forme d'une boutade, mais la conception afrocentriste selon laquelle, la « suprématie blanche » exercerait un règne sans partage sur un monde aussi complexe que le notre, relève plus de l'admiration métaphysique que d'une théorie véritablement séparatiste. La teneur populiste de ce type de propagande a indéniablement une capacité à fédérer les masses, là où la théorie critique seule en lice, ne propose que des actions prudentes relatives à la science de gouvernement sans galvaniser les passions individuelles.

1°) La théorie critique : un débouché intellectuel pour la Démocratie

Le but de la théorie critique de la philosophie africaine n'est pas, comme a pu le dire Elungu268(*), de démolir les autres courants à son profit. « En partant de l'ethnologie coloniale réductionniste jusqu'aux tentatives sus-citées, nous voyons se profiler une conception d'une histoire de la philosophie linéaire progressant par dépassements. L'ethnologie réductionniste fut dépassée par les premiers critiques de l'ethnologie (à savoir Tempels, Kagamé, et Lufuluabo, etc.,...). Ceux-ci fondèrent une philosophie nègre, elle même dépassée par les critiques de l'ethnophilosophie »269(*). Ce qui, en son sein, doit être dépassé, est la tendance métaphysique dans l'usage pratique de la rationalité, afin qu'elle conduise jusqu'à son comble ce « tournant pragmatique » murmuré du bout des lèvres par Alain Renaut, qui n'a pas tout à fait renoncé à l'Idéalisme transcendantal270(*) de Kant. Par contre, l'un des méfaits de la Raison pure que nous pouvons retrouver à l'identique dans le domaine pratique, est l'usage dialectique271(*) de la rationalité.

« Il s'agit d'abord de réfléchir, à grands traits, sur les types de rationalités qui, depuis la fin des colonisations directes, ont été mis en oeuvre dans le but de diriger les individus et les multitudes humaines et d'assurer la multiplication des biens et des choses en Afrique subsaharienne. Il s'agit, d'autre part, de s'interroger sur les conditions dans lesquelles cette activité qui consiste à régir la conduite (autrement dit l'activité de gouverner) a récemment, échappé aux mains de ceux qui étaient supposés l'exercer, ouvrant ainsi la voie, non à une quelconque révolution, mais à une situation d'extraordinaire rareté matérielle et à la constitution de nouveaux rapports entre territoire, pouvoir et ressources »272(*). En effet, beaucoup de philosophes africains, indépendamment de leurs courants respectifs ne se détachent pas véritablement « de ce que Heidegger nomme la métaphysique et Derrida le logocentrisme »273(*) qui comme le précise Rorty sont amplement identiques, y compris les afrocentristes, et même Eboussi-Boulaga pour qui l'originalité d'une pensée prévaut sur la démonstration intuitive de son existence.

2°) La Démocratie contre la Métaphysique

La pensée d'Achille Mbembé semble se démarquer de celle de ses homologues philosophes en Occident ainsi que des représentants des courants philosophiques d'Afrique, dans le sens où elle ne présente pas d'éléments argumentatifs essentialistes, sans perdre de sa profondeur. L'absence de barrières disciplinaires lui permet, comme nous allons voir au chapitre suivant, de réfléchir librement sur les problèmes de l'Afrique contemporaine dont les origines sont multiples. « S'agissant de l'activité de gouverner, deux choses viennent tout de suite à l'esprit. D'une part, traiter de la conduite des hommes et de la façon dont elle est régie dans un cadre et avec des instruments étatiques, c'est non seulement s'intéresser à ce qui constitue la force et la raison de l'Etat, mais aussi s'interroger sur les formes même du pouvoir, ses manifestations, les différentes techniques qu'il utilise pour augmenter sa valeur, répartir le produit du travail, assurer l'abondance ou gérer l'indigence et la rareté »274(*). Ajoutons à son propos que l'Afrique s'est convertie à l'idée démocratique mais on ne peut encore parler de transition à l'économie de marché et au régime représentatif, car les oligarchies politiques n'ont instrumentalisé le multipartisme ainsi que la libéralisation économique que dans le but de reproduire leur domination sur la société civile275(*). L'attitude avide de certains acteurs officiant à la tête des Etats africains, alors même qu'ils fustigeaient auparavant la domination occidentale à l'époque du mouvement vers l'indépendance, souffre d'une incohérence historico-politique difficile à justifier pour les futures générations. Il semble que les valeurs démocratiques s'imposeront à la conscience civique des citoyens à venir, quitte à renverser un pouvoir despotique et inapte à protéger la vie ; en tant que principes purs la Démocratie ainsi que les Droits de l'Homme en Afrique ne peuvent répondre à une attente politique. Néanmoins, les valeurs démocratiques peuvent être partagées et transposées dans des réalités très différentes de celles des régions occidentales sans que cela apparaisse comme une ingérence étrangère.

En éliminant la métaphysique de la théorie progressiste et critique de la philosophie africaine, il devient possible d'envisager des solutions viables sur les questions relatives à l'Afrique276(*).

*

La seule critique que l'on peut légitimement émettre à l'encontre de la pensée d'Achille Mbembé, réside peut être dans sa trop grande élasticité pouvant éventuellement nuire à la rigueur intellectuelle nécessaire à toute approche pluridisciplinaire, car « (...) on a l'impression qu'un discours est scientifique dès qu'il est superficiellement cohérent, »277(*). Nous voulons dire par là que ses détracteurs afrocentristes pourraient affirmer que sa pensée n'est que conforme au contexte dans lequel elle a été produite, c'est-à-dire un arrière plan intellectuel façonné de toutes pièces par l'Occident ; sur ce point, les afrocentristes ne peuvent pas être soupçonnés d'opportunisme contrairement aux tenants de la Théorie critique. Toutefois, n'oublions pas que le but de ce courant de la philosophie africaine est d'établir la démocratie en Afrique, ce qui loin d'être acquis au vu des Etats postcoloniaux actuels. Une coopération avec l'Occident semble évidente pour espérer voir un changement politique et social sur le continent africain, alors qu'à ce sujet les afrocentristes veulent préserver un statut-quo s'inscrivant ainsi dans la continuité du néoréalisme dominant.

Chapitre III : De la coopération décentralisée

Les études postcoloniales278(*) qui constitueront le cadre d'analyse de ce dossier, ont connu une floraison en France279(*), notamment par le biais d'ouvrages collectifs depuis 2005/2006, à savoir depuis les émeutes de novembre 2005 qui ont embrasées le pays et dans la continuité, l'apparition du mouvement radical, les Indigènes de la République. Cela étant, un domaine comme celui des études post-coloniales soulèvent des problématiques d'autant plus polémiques dans un cadre républicain. Nous verrons malgré tout que l'action publique que nous allons analyser ne représente pas une entorse à la République mais la promeut hors de ses bases frontalières, dans un contexte post-colonial.

Les études post-coloniales

Pour faire ressortir l'importance et le caractère problématique de l'héritage colonial dans les rapports politiques extérieurs, outre les relations diplomatiques, il faut maintenir la mémoire coloniale vivante, ce qui comprend l'esclavage ou la guerre d'Algérie. Aussi, l'entretien de ces différentes mémoires est par définition conflictuel, car ce sont des mémoires qui ravivent des phases historiques régies par les conflits coloniaux hors des frontières françaises, et par conséquent nous pouvons les interpréter différemment selon les faits historiques, ou les sources que l'on a à notre disposition. Et « la coopération décentralisée »280(*) ne peut s'appuyer que sur ce type de connaissances pour gagner en efficacité sur des territoires post-coloniaux281(*).

L'introduction des études post-coloniales dans une France traditionnellement républicaine, invite à se demander si elles font le jeu ou non du communautarisme et, partant, si elles mettent en cause le projet relatif à l'égalité. Bien souvent, un lien causal et problématique peut être posé par des leaders militants habiles entre la justification du repli communautaire et cet héritage colonial qui selon les cas, se perpétue dans les relations sociopolitiques sous des aspects voilés. Toutes ces réactions ont fait des études post-coloniales un objet fortement politisé et un terrain polémique, ce qui les rend incompatibles avec l'esprit académique qui préfère produire des connaissances neutres dans la mesure du possible, afin que celles-ci puissent servir une action publique éventuelle, et par là l'intérêt général.

Si les enjeux de ce type d'études sont loin de demeurer neutres sur le plan axiologique, a fortiori si elles sont utilisées à des fins politiques, la mise à distance des passions partisanes de celui qui entreprend une recherche sur la post-colonisation s'avère nécessaire afin de ne pas tomber dans le relativisme. En effet la neutralité axiologique est une des clés de leur implantation dans le secteur académique qui n'est pas acquise, mais aussi du succès de la coopération décentralisée282(*) qui pourra réutiliser ce savoir à bon escient.

Cependant, les premiers référents de ce genre d'études étaient des néo-marxistes - Gramsci et Negri -, et c'est notamment le cas des « subalterns studies » de la fin des années 1970 et du début des années 1980, ces tendances révolutionnaires s'opposant de facto à la vision plutôt réformiste et moderne de la coopération décentralisée283(*). Ensuite la deuxième orientation était post-moderniste, elle fut marquée par l'oeuvre intitulée « l'Orientaliste »284(*) en 1980 (dans l'espace intellectuel démocratico-libéral c'est l'orientation dominante des études post-coloniales). Le but ici, est de restaurer la différence culturelle et de rompre avec l'idée marxiste dominante dans les études post-coloniales, énonçant que la seule solidarité possible est celle qui repose sur la conscience de classes285(*).

Il s'agit de développer dans ce chapitre le fait que les solidarités peuvent reposer sur d'autres critères de valeurs et autres systèmes d'appartenance que ceux de type holistes, et que le réformisme est concevable dans les territoires post-coloniaux. En somme, qu'une action publique est possible en dépit des pesanteurs historiques et politiques bien réelles qui en freineraient les effets positifs286(*).

Sociologie historique de l'Etat et Politiques Publiques

Nous connaissons les travers d'une des ramifications de la Science Politique, à savoir celle qui a trait à l'analyse des Politiques Publiques. En effet dès la fin du XIX°siècle, il s'est constitué aux Etats-Unis une science de l'administration notamment, suite à l'appel de Woodrow Wilson en 1887 et à son étude de l'administration. Il étudiera celle-ci dans l'optique de montrer la perfection de l'objet. On part alors du principe que l'administration est rationnelle287(*), contrairement à la politique288(*). Et dans une perspective méthodologique en rupture avec la tradition sociologique antérieure, l'acteur est réintroduit dans l'étude de l'administration publique, car il n'est pas rationnel, et en même temps il n'est plus considéré comme un simple exécutant. Cette excessive modélisation inhérente à l'analyse des Politiques Publiques, a été prise en compte par l'approche de Mr Peter Knoepfel par l'introduction des « Ressources » et de leur utilisation par les acteurs, ceci a permis d'appréhender des réalités différentes comme celles relatives aux territoires post-coloniaux.

Longtemps, l'étude des sciences politiques furent réticentes aux sciences sociales, or avec Charles Tilly se met en place une sociologie historique de l'Etat, où l'on voit que ce dernier est un processus de domination politique et historiquement situé, et cette définition est aussi valable en Occident que dans le continent Africain289(*). D'où le recours important à des travaux de secondes mains (Badie et Birnbaum, sociologie de l'Etat). Dans une démarche très macro, portant sur de longues périodes, ces travaux vont nourrir le néoinstitutionnalisme historique, avec des réflexions sur ce qui détermine un Etat fort ou faible, d'après son degré de décentralisation ; mais par extension, « C'est le paradigme de la domination qui nous retiendra ici, parce qu'il règne presque sans partage dans les études politiques, parce qu'il est au coeur des postcolonial studies. »290(*). Si la politique publique que nous allons étudier dès à présent s'appuie sur le savoir produit par les études postcoloniales, quelle sera sa finalité ? La coopération décentralisée va-t-elle remettre en cause la domination Nord/Sud, ou reproduire ces schémas binaires hérités de la colonisation ?

Cette analyse vise à faire émerger des réponses éventuelles à deux questions principales. (I) Comment synthétiser l'histoire coloniale de manière à en saisir les éléments résiduels dont se servent les Etats en Afrique sub-saharienne. Secondement, au sein de cette même partie, nous nous demanderons dans quelle mesure le régime à parti unique, qui est une pratique politique courante en Afrique, procède de l'histoire coloniale en en perpétuant la mise en oeuvre.

(II) En usant du modèle théorique de Peter Knoepfel nous appréhenderons cette coopération décentralisée, son bilan et ses limites intrinsèques à travers le cas de la France et celui du Burkina-Faso.

I°) De l'indépendance des Etats post-coloniaux : quel impact sur la territorialité contemporaine

Il n'est point d'idéologies d'indépendances qui n'aient eu une forte influence sur les divers territoires post-coloniaux actuels, sans véritablement rompre avec les représentations et les réalités en vigueur dans les problématiques nées pendant la colonisation, et lors des différents processus d'indépendance ; autrement dit, le legs colonial est perpétué d'une certaine manière par ces même, Etats africains qui, il n'y a pas si longtemps, s'étaient élevés face à lui. S'interroger sur le type d'Etat qui doit prendre la place des structures politiques coloniales en pleine déconstruction, et se demander sur quelles bases politiques l'Etat post-colonial sera édifié, revient à questionner un fait social très courant dans les régimes politiques en Afrique sub-saharienne à savoir, le « parti unique ».

L'influence de la Révolution française sur les mouvements d'émancipation des peuples colonisés, s'est exprimé avec une très grande force ; du principe de souveraineté se déduit sans peine le droit du peuple à disposer de lui-même291(*), le principe selon lequel chaque peuple doit avoir son Etat propre a ainsi constitué le principal levier de la première décolonisation, qui se fonda avant tout sur l'idée d'un droit à la démocratie et sur celle d'un droit à l'autonomie.

A°) Le socialisme comme opportunité idéologique : le fait identitaire sous-jacent

Après 1945, toute la politique menée par l'ONU consista à ancrer un tel droit dans le principe de nationalité qui avait émergé, avec Herder et Maurras dans l'Europe du XIX°siècle. Cette première idéologie de la décolonisation, s'est vite trouvée relayer par une seconde strate idéologique issue de l'URSS ; précisons que l'angle anti-colonialiste soviétique, est assez paradoxal dans la mesure où elle se comportait en Russie et avec ses propres démocraties populaires comme une puissance coloniale.

1°) Le léninisme et les Etats post-coloniaux

Celle-ci avait une double origine doctrinale et politique292(*) : l'impérialisme, était considéré par Lénine comme le stade suprême du capitalisme293(*). Il soutenait que la guerre qui faisait rage en 1914 était celle du partage du monde, entre des puissances capitalistes cherchant des issues aux contradictions internes qui rongent leur système économique au plan national. Ceux-ci étant fondé sur la propriété privée des moyens de production, Lénine affirmait que dans les colonies, les indigènes payaient le lourd tribut du choix de vie de quelques uns ayant optés de vivre selon la logique du profit ou de la plus value du capital. Lénine expliquait que l'étape la plus récente du développement du capitalisme, celle du capitalisme monopolistique, et celle de l'essor du capitalisme financier, se traduisait à travers le besoin de trouver de nouvelles ressources naturelles et de forces de travail à exploiter par de nouveaux marchés, afin d'échapper aux crises dûes à la surproduction. Et la thèse de Lénine dans cet essai, c'est qu'à travers l'effondrement du capitalisme et la rupture universelle avec le principe de l'appropriation de la propriété privée des moyens de production, les anciennes nations colonisatrices vont essayer de sauver leur système économique en prolongeant encore l'existence du capitalisme.

En se déchirant mutuellement, en une guerre économique mondiale, ainsi qu'une lutte pour les colonies294(*), les pays capitalistes révélaient donc que cette lutte aboutira à un monde entièrement partagé entre les grandes puissances et que ce sera la dernière tentative de la bourgeoisie internationale pour échapper à son destin, à savoir l'effondrement du système qu'elle avait mis en place depuis plusieurs siècles en Europe.

C'est la raison pour laquelle Lénine termina cette analyse doctrinale en identifiant la critique de la politique coloniale à la lutte contre l'exploitation du travail par le capital. Cette composante anti-impérialiste politiquement, indépendamment de sa dimension doctrinale issue de la philosophie marxiste-léniniste, a précisé sa tonalité après l'échec rencontré en Europe par un certain nombre de mouvements révolutionnaires, notamment celui des spartakistes allemands en 1918. Dans ces conditions, il devenait urgent de considérer que le socialisme n'était pas le privilège de l'Occident industrialisé et qu'il pouvait tout aussi bien s'implanter là où, disait Lénine, en prenant l'exemple du Turkménistan où le prolétariat industriel n'existe pratiquement pas.

Politiquement cela ouvrait donc sur une stratégie, car l'idée de l'organisation soviétique est simple, elle peut sans difficulté s'implanter dans un cadre de rapport prolétarien que dans une situation plus féodale. Avec l'aide du prolétariat des pays avancés, les pays moyenâgeux pouvaient accéder au communisme, tout en évitant le stade capitaliste.

C'était une option nouvelle par rapport à l'orthodoxie marxiste, que Zinoviev avait exprimé en 1920, au nom de l'international communiste devant un bon nombre de pays colonisés. En 1945, cette idée a été réactualisée par Jdanov dans son rapport sur l'idéologie communiste du 22 septembre 1947, dans lequel il prend acte au nom de Staline de la fin de ce qu'avait été l'alliance des pays colonisés à l'Est comme à l'Ouest contre Hitler, qui selon lui rassemble l'URSS ainsi qu'un certain grand nombre de pays colonisés tels que l'Egypte, l'Indonésie et le Viêt-Nam. Ce qui divise une nouvelle fois le monde en deux à la faveur de laquelle de nombreux leaders provenant de peuples colonisés ont, par opportunisme, superposés la marche vers l'indépendance à celle de l'avancée vers le socialisme.

Dans cette optique, non seulement le capitalisme comme tout impérialisme, devenait l'ennemi de l'émancipation des peuples, mais ne pouvaient plus être tenu comme un modèle de développement socio-économique295(*). La place prise par le communisme dans les idéologies de la décolonisation a eu ceci de particulier, qu'elle a convertie d'une manière provisoire le sens nationaliste des mouvements d'indépendance en révolution socialiste, ne serait-ce que sur les choix en matière de politique économique de certains pays colonisés. Ensuite, précisons que le camp anti-impérialiste n'était pas homogène, car les intérêts de l'URSS et ceux des pays colonisés ne se superposent point, ce qui a produit l'émergence de ce que l'on nomme le Tiers-mondisme de par la Conférence de Bandung en 1955 qui imputait le sous-développement aux pays occidentaux. Cette conférence a eu pour effet de démontrer en quoi les mouvements d'indépendances étaient loin d'être assimilables à l'idéologie communiste. Bandung a ouvert l'espace d'une interrogation nouvelle sur ce qui, outre le développement économique, est de l'ordre de l'héritage de la phase coloniale296(*). Cette interrogation a consisté à infléchir le Tiers Monde dans le sens d'une mise en cause de l'assimilationnisme de la gestion coloniale française en particulier297(*), qui a conduit à placer au coeur des nouvelles nations africaines, l'appel à la reconnaissance des identités culturelles.

2°) Idéologie, Identité et Territoire

Cette voie est plutôt centrée sur une protestation identitaire dont la colonisation en avait nié la particularité, l'assimilation produisant un phénomène d'aliénation chez les peuples colonisés a conduit les intellectuels issus des pays colonisés à se mettre en quête d'une identité perdue, d'où la thématique de la « Négritude » qui en fournit un exemple flagrant. La montée de cette affirmation identitaire a pu tout aussi bien diviser territorialement que réunir les peuples colonisés298(*) : d'une part elle les réunissait autour d'une conscience partagée de la dépossession qui les avait privé de leur mémoire, de leur identité culturelle, de leurs valeurs, d'autre part elle contenait aussi en elle la possibilité de les diviser car les découpages territoriaux effectués par les occidentaux, ont souvent été reconduit par les régimes politiques à parti unique issus des mouvements d'indépendance. Ces régimes politiques qui, par le biais de leurs représentants, revendiquaient leurs identités différenciées, s'apprêtaient à savoir à leur dépend, qu'après la tragédie de la colonisation, les solidarités créées par les distinctions identitaires299(*) engendrent fatalement des conflits territoriaux meurtriers et durables300(*) dans les sociétés post-coloniales301(*), malgré les formes de solidarité qu'elle a pu forger contre les colons d'Occident.

L'objectif des études post-coloniales est polycentrique dans le sens où il s'agit de savoir ce qu'avait été le colonialisme, ou les colonialismes ; et révéler l'empreinte de ces pouvoirs coloniaux dans les relations internationales entre les anciens pays colonisateurs et les anciennes colonies, si l'on aborde la question de la justice globale.

Ces réflexions correspondent à des questions de politique interne sur les conditions et les modalités relatives au développement économique - nous verrons pourquoi celui-ci est disparate selon les territoires et les ethnies - ou la nature et les formes du pouvoir en contexte de pauvreté et de transition démocratique.

« Le mot postcolonial traduit cette situation d'enchevêtrement des temps et des territoires. »302(*). Tout l'intérêt étant de déterminer à l'ère post-coloniale ce qui relève du colonialisme dans les rapports de pouvoir, toutes choses étant égales par ailleurs. Ceux-ci pouvant à la fois être internes à une société civile ou se manifester entre les Etats concernés par le fait colonial.

B°) Parti unique et République bananière.

1°) Les causes macro économiques et territoriales du sous développement

En bon libéral, Rawls soutenait que le sous-développement des pays africains n'était pas un problème de compensation pour les méfaits de la colonisation, car elle est due aux oligarchies locales et corrompues qui officient depuis bien longtemps déjà à la tête des régimes politiques en Afrique et à des problèmes structurels. Mais il n'y a pas que cela, c'est une question de contrôle du pouvoir, de parti politique et d'une administration qui fonctionne.

Sur la première raison que donne Rawls sur le développement des pays sous-développés en Afrique, il y a effectivement de la corruption, des problèmes de structures, mais aussi des problèmes qui proviennent de la rencontre entre le continent africain et le fait colonial. Il n'en est pas moins que, le concept de tribalisme303(*) invalide partiellement la thèse de Rawls à propos des origines causales du sous-développement en Afrique, et par conséquent il faut se poser la question de la légitimité du gouvernement d'une société juste dans un environnement post-colonial, où les réalités africaines sont très différentes.

Il s'agit de renouer avec Rawls les questions de légitimation, et d'aborder la question des partis uniques et du pluripartisme304(*) ; car même dans les pays où il y a plusieurs partis politiques, ce ne sont pas des partis dans le sens technique du terme comme nous avons coutume de l'entendre en Science Politique, ce sont plutôt des associations d'intérêts créées de toutes pièces par le pouvoir en place, par le biais de connivences intra-ethniques ou pécuniaires au sens strict. Cela donne ainsi l'apparence du pluripartisme tout en conservant intact la nature réelle du pouvoir305(*).

2°) La préférence territoriale et régionale

Le parti unique a longtemps été utilisé pour faire bloc au tribalisme. Si le régime du parti unique a été un remède au tribalisme, il s'agit ici de montrer en quoi il constitue également un relais du colonialisme et qu'au lieu de servir de cran d'arrêt au tribalisme, il l'exaspère et produit de grandes et fortes inégalités régionales et territoriales. La provenance régionale du chef de l'Etat déterminera le lieu où les grands travaux de développement se feront en premier lieu.

Les membres de chacun de ces groupes, se disent liés, soit par le sol - donc par le territoire -, soit par le sang, mais beaucoup plus par l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes par rapport aux autres groupes : comment expliquer que des groupes ethniques récemment formés historiquement puissent éprouver un sentiment d'appartenance aussi puissant ?

Le tribalisme est plus un sentiment qui se forme par l'interaction avec les autres groupes et qui détermine la conduite des individus appartenant au même groupe vis-à-vis d'un autre groupe. C'est dire si, le tribalisme est par essence de même nature que le nationalisme et le patriotisme. Le nationalisme étant la forme la plus aboutie et accomplie du tribalisme. La pauvreté des régions en Afrique vient de la préférence arbitraire du chef de l'Etat pour tel ou tel territoire auquel il décide de céder des ressources. A l'instar de Madagascar où Marc Ravalomana privilégie économiquement l'ethnie Merina au sein de la capitale, dont il est issu, au détriment de la côte, où se situe par exemple l'ethnie Antefasy.

II°) La Coopération décentralisée

Malgré la prépondérance du rôle de l'Etat-nation dans le cadre des relations internationales, les collectivités territoriales françaises ont pu trouver la possibilité de conduire une action publique, que l'on désigne sous la dénomination de « coopération décentralisée »306(*). Appuyé par l'article 72307(*) de la Constitution sur l'autonomie des collectivités territoriales en matière de prise de décisions, et ce, alors même que la mondialisation et la construction européenne sont devenues des évidences pour l'ensemble des acteurs de la société civile, les collectivités territoriales ne pouvaient se désintéresser de ce contexte européen et international, même sans disposer expressément de compétences dans ce domaine. « En effet, c'est au sortir de la Seconde Guerre Mondiale que les peuples d'Europe, à travers les jumelages, se sont engagés dans des échanges avec leurs voisins, plus ou moins proches, afin de préserver la paix entre eux. Ces rapports d'amitié se sont noués et se sont intensifiés suite au processus d'indépendance des pays anciennement colonisés, sans que l'Etat n'ait eu à en définir le cadre. Ce n'est qu'avec la loi du 2 mars 1982 qu'une première tentative de réglementation est initiée face aux libres pratiques des collectivités territoriales, en exigeant des régions qu'elles soumettent leurs projets de coopération transfrontalière à une autorisation du gouvernement. »308(*).

A°) Les principaux acteurs de la coopération décentralisée

L'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements est une gouvernance à caractère protéiforme, à savoir : transfrontalière et transnationale309(*). Dans la terminologie retenue par le Ministère des Affaires Etrangères, l'expression coopération décentralisée désigne sous ce vocable, l'ensemble des actions de coopération internationale menées dans un intérêt commun, au moyen de conventions, par les collectivités territoriales françaises et étrangères, ainsi que leurs groupements, dans le cadre de leurs compétences.

Ce projet d'autonomie des collectivités territoriales a suscité au premier abord une certaine méfiance, mais à force de pédagogie cette vision de la gouvernance locale a finalement été soutenue par l'Etat :

- Une délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales a été instituées en 1983 dans la foulée de la loi du 2 mars 1982, afin de coordonner et de conforter les initiatives locales.

- La loi d'orientation n°92-125 du 6 février 1992 pour l'administration territoriale de la République a ensuite crée une Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD) chargée d'établir un état de la coopération décentralisée et de formuler toute proposition tendant à la renforcer. Le décret du 9 mai 2006, en a réduit le nombre de membre mais en a ouvert la composition à côté des trois grandes associations nationales d'élus (communes, départements, régions), à celles spécialisées sur l'internationale (Cités Unies France310(*) et l'Association Française du Conseil des Communes et Régions d'Europe311(*)), l'objectif est de faire de la CNCD l'instrument privilégié du dialogue entre l'Etat et les collectivités locales dans le sens d'une meilleure coordination et d'une plus grande complémentarité sur le plan international. Le CNCD est présidée par le Premier ministre et, en son absence, par le ministre qu'il aura désigné.

En empruntant le vocabulaire de Peter Knoepfel, la CNCD est l'entité qui représente l'Autorité Politico-administrative312(*) principale en charge de veiller à la bonne conduite de cette action publique. Comme nous l'avons vu précédemment, la coopération décentralisée est novatrice tout en cultivant une certaine prudence politique dans le sens où elle s'inscrit en continuité avec les politiques de jumelage, celles qui s'occupent du co-développement313(*) et surtout celles des ONG présentes sur le terrain, entre autres EDUKAFASO314(*) et l'AFVP, si on prend le cas du Burkina Faso. Ce sont les ONG qui font figure de Bénéficiaires Finaux315(*), car la coopération décentralisée sert à améliorer qualitativement leurs initiatives sans empiéter sur leurs programmes d'action316(*).

Les sommes consacrées par les collectivités territoriales à l'action extérieure sont estimées à 230 millions d'euros en 2005, dont 115 millions d'aide publique au développement dirigée vers des partenaires de pays en développement. Les communes totalisent près de 53% de cette somme avec 122 millions d'euros, devant les régions (84 millions d'euros, soit 36% du total) et les départements (24 millions d'euros soit 10,6%). Leurs impacts sur les finances locales restent limités puisqu'elles représentent généralement moins de 1% du budget relatif au fonctionnement des collectivités.

Dans une perspective libérale et micro, qui sur ce point précis est en opposition idéologique avec ce qui a été fait antérieurement en matière de jumelage et de co-développement, nous situerons en tant que Groupes Cibles317(*) les femmes318(*) sur qui reposent le bien être des ménages dans les régions d'Afrique frappées par la pauvreté et la famine.

B°) Les limites intrinsèques de la Coopération décentralisée

C'est à cette étape de la réflexion, que l'apport cognitif dû aux études post-coloniales paraît nécessaire, car il s'agit de clarifier un contexte étranger et de faciliter l'analyse des experts participant à la politique publique par l'intermédiaire de la CNCD. En effet, ce n'est pas tant la version iconoclaste de l'histoire coloniale que ce genre d'études est en mesure de fournir, que son appréhension descriptive du présent des territoires coloniaux, qui permettra de faire gagner en efficacité la coopération décentralisée en matière de gouvernance. L'adhésion des acteurs étrangers à l'esprit de la politique publique est primordiale afin que celle-ci puisse atteindre ses objectifs par lesquels ils doivent également se sentir impliqués ; ce qui ne va pas de soi, c'est qu'en général sans l'aval du chef du village aucunes actions quelles qu'elle soit n'a de chances d'aboutir. Pour ce faire, les autorités politico-administratives ainsi que les groupes cibles doivent faire preuve de pédagogie avant la mise en oeuvre de la politique publique319(*), et ce d'autant plus si celle-ci est transfrontalière, sa dépendance envers les acteurs des contrées extérieures constitue une zone d'incertitude à ne pas négliger.

En général, toute politique publique a des objectifs explicites ou latents, d'après le modèle développé par Peter Knoepfel dans son « triangle des acteurs » (voir : schéma page 65). L'Hypothèse d'intervention, définie le changement de comportement que l'on cherche à obtenir du Groupes Cibles en question, et c'est a priori ce pourquoi la politique publique fut émise. Tandis que l'Hypothèse causale est plus idéologique dans le sens où elle est le reflet de la représentation d'un problème public par des bénéficiaires finaux qui ont souvent leurs propres systèmes de valeurs320(*). Ces derniers étant associés à l'élaboration d'une politique publique, leur intérêt à terme est que l'Hypothèse d'intervention coïncide avec leur Hypothèse causale.

« La Chine est actuellement le troisième partenaire des pays africains pour un commerce qui a démarré dans les années 1970 avec des secteurs de prédilection comme les matériaux de construction, le textile et la pharmacopée. Aujourd'hui l'ambition de la Chine est de pénétrer avec force dans les services, l'électronique, le textile et l'habillement, les infrastructures, la transformation sur place de certains minerais et même la prise de participation dans certaines grandes entreprises africaines. »321(*). Ce partenariat économique avec la Chine, peut être bénéfique sur le plan de la vélocité du développement économique, plus encore que celle de la coopération décentralisée ; cependant leurs accords ne tiennent pas compte du respect des Droits de l'Homme sur le continent africain, (le régime de Hu Jintao soutient activement celui de Omar Al Bachir sans aucunes considérations démocratiques). Sur ce point l'Hypothèse causale prend tout son sens, car elle a pour but de promouvoir les valeurs relatives aux Droit de l'Homme et, partant, de la Démocratie dans un espace territorial situé à l'étranger. En effet, nous pouvons percevoir dans l'actualité, que plusieurs régimes non-démocratiques, s'accommodent aisément de l'économie de marché (La Chine, L'Inde, ou à certains égards le Brésil).

Il est nécessaire de mesurer l'impact de la coopération décentralisée, en utilisant les rapports officiels sur la coordination franco-burkinabé, pour laquelle l'effectivité avérée de cette politique publique transfrontalière semble mesurée mais encourageante, « Le critère de l'effectivité s'applique lors de l'évaluation des impacts. Il mesure le degré d'adéquation entre les objectifs normatifs d'une politique et le comportement réel des groupes cibles. »322(*) :

Un premier bilan a été opéré courant 1997, en constatant plusieurs éléments :

- Un fonctionnement effectif des structures décisionnelles locales et une reconnaissance par la population de leur rôle.

- Une méthode suivie en continu permettant, en cas de dysfonctionnement, un recentrage des projets.

- L'émergence de problèmes classiquement dérivés de la mise en place de structures décentralisées et notamment des questions (non-résolues liées au statut de l'élu, au choix budgétaire entre les investissements collectifs et individuels et au rapport avec l'Etat

- Un développement adapté aux besoins locaux323(*).

Les difficultés sociologiques majeures :

- Les relations entre ces nouvelles structures et le pouvoir coutumier des chefs traditionnels qu'il faut respecter et comprendre au risque de faire échouer toute démarche ainsi qu'avec l'Etat constituent une question fondamentale.

- La multiplicité des intervenants (coopérations multilatérales, bilatérales et ONG) avec des approches parfois contradictoires renvoie à la problématique d'amélioration de la coordination de ces différentes interventions au niveau départemental notamment.

- L'absence de cadre juridique permettant une reconnaissance de ces nouvelles structures pose un réel problème324(*).

Sur le plan de la Science Politique, la difficulté est de taille ; Simon Compoaré qui fut Maire de Ouagadougou en 1995, était donc contemporain de cette gouvernance territoriale. Il semble inutile de préciser, ne serait-ce que par le patronyme du Président actuel, le népotisme manifeste logé en arrière plan ternissant l'optimisme de ce bilan. Il est permis de croire que la forme même du régime burkinabé a causé du tort à l'Hypothèse causale sous-jacente à la coopération décentralisée, le Chef d'Etat a désigné la région et le territoire sur lequel elle devait opérer. En somme, malgré le fait que les résultats obtenus en matière de développement économique par cette gouvernance territoriale soient encourageants à maints égards, elle a indirectement favorisé le pouvoir en place au dépend des régions burkinabé qui en avait le plus besoin.

*

Au final, un problème inhérent à l'Hypothèse d'intervention porte préjudice à notre gouvernance territoriale dans le sens où, la volonté d'intervenir sur le développement économique d'un pays post-colonial nécessite que le Chef de l'Etat soit en accord avec cette action, au risque de violer la souveraineté de cet Etat. Les intentions politiques les plus neutres ne doivent pas menacer l'équilibre institué par le pouvoir en place, que celui-ci soit légitime ou non ; par conséquent les répercussions symboliques et idéologiques sur la coopération décentralisée sont majeures, car contre son gré elle alimente un régime à parti unique dont les valeurs ne lui correspondent pas. C'est un aspect de la question du développement économique en Afrique sub-saharienne, qui comme on a pu le voir ne se pose pas au régime Chinois. On est donc en droit de se demander quel doit être la forme politique de l'Hypothèse d'intervention ?

Sa forme actuelle étant trop diplomatique, elle cultive des relations d'amitié avec des partenaires étatiques parfois illégitimes, reproduisant ainsi cette configuration internationale contestée par les penseurs du post-colonialisme. Mais il semblera que l'ingérence ne soit pas davantage approprié, et ce même à des fins humanitaires ou de développement économique. En définitive, une politique publique telle que la coopération décentralisée, doit prendre la peine d'appréhender le terrain sur lequel elle va s'appliquer, d'autant plus si celui-ci est un territoire post-colonial. Il ne s'agit pas d'aller à l'encontre de réalités sociales aux antipodes des nôtres, ni de se compromettre auprès d'un régime autoritaire pour autant, mais de discerner ce que la gouvernance en question veut obtenir en terme de résultats effectifs325(*), et avec l'aide de quels partenaires. D'où la pertinence de l'approche micro pour ce type de politique publique dont le but immédiat n'est guère de restaurer la démocratie en tant que régime.

CONCLUSION

En définitive, ce que nous pouvons retenir de cette recherche concernant les Droits de l'Homme et la Démocratie, menacés par une époque contemporaine qui les relègue en tant que particularités occidentales, il est vain de tenter d'exporter le système démocratique hors de ses bases frontalières sans susciter des contestations. Toutefois, les valeurs relatives à la Démocratie et aux Droits de l'Homme font consensus autour de projets sur le plan local comme on a pu le voir au chapitre III sur la Coopération décentralisée ; il ne s'agit point d'éduquer mais d'édifier un espace commun afin de promouvoir ces valeurs dans le continent Africain. Les changements sociaux et politiques en mesure de distiller chez les citoyens cette si précieuse culture démocratique, ne doivent provenir que de la société civile, de l'échelon local des pouvoirs publics et des initiatives individuelles. En somme, le biais idéologique et philosophique par lequel les valeurs démocratiques peuvent être diffusées est éminemment libéral. C'est sur ce point qu'une conception intellectuelle commune devient importante, car bon nombres de solidarités sociales en Afrique sont établies par des communautés traditionnelles et ethniques ce qui nuit à l'action individuelle.

Immergé dans une réalité postcoloniale, si le système démocratique a montré ses limites, il n'en va pas de même pour les valeurs démocratiques qui n'ont cette dimension coercitive.

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* 1 Le Point 1865, 12 juin 2008, p. 7 dans l'article intitulé Et les Droits de l'homme ? de Claude Imbert

* 2 Art. 1er de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789

* 3 Marcel Gauchet, Le religieux après la religion, éd, Livre de Poche, Paris, 2007, p.23

* 4 Jean-Godefroy Bidima, Théorie critique et modernité négro-africaine. De l'Ecole de Francfort à la Docta spes africana, publications de la Sorbonne, 1993

* 5 Marcel Gauchet, dans « Le Débat », juillet-août, 1980

* 6 Alain Renaut et Luc Ferry, Philosophie politique, Tome 3, « des Droits de l'homme à l'idée républicaine », éd PUF, Paris, 1988, p.8

* 7 Jean-Godefroy Bidima, op. Cit, p. 10

* 8 Pierre-André Taguieff, L'illusion populiste. Essai sur les démagogies de l'âge démocratique, éd. Flammarion, 2007, p. 269 du Chapitre VI intitulé Les nouvelles démocraties : des néopopulismes ?

* 9 Jean-Godefroy Bidima, ib idem

* 10 Dominique Chagnollaud, Science Politique, 5ème édition Dalloz, mars 2004, p. 95 dans Les régimes autoritaires à la partie B sur les Typologies.

* 11 Comme le Sénégal, Madagascar, Le Mali, l'Algérie ou le Cameroun, pays pour lesquels le rapport à la colonisation fut conflictuel.

* 12 Sous la direction de Marie-Claude Smouts préface de George Balandier, La situation postcoloniale, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 2007, p. 410 dans L'importance des dimensions émotionnelles dans les études postcoloniale.

* 13 Achille Mbembé, De la postcolonie. Essai sur l'imagination politique dans l'Afrique contemporaine, éd. Karthala, août 2000, p. 241 au chapitre 5 intitulé du Hors-Monde.

* 14 Sous la direction de Marie-Claude Smouts, ib idem

* 15 Achille Mbembé, op. cit, p. 33 de l'introduction

* 16 Adam Smith, Théories des sentiments moraux, éd PUF, Quadrige, 1999, p.23

* 17 Philosophies africaines : traversée des expériences. Rue Descartes Collège international de philosophie, juin 2002, Revue publiée avec le concours du Centre National du Livre, PUF, juillet 2002.

L'auteur évoque implicitement la Philosophie Bantoue du Père R. P. Tempels en particulier et par extension l'animisme.

* 18 Descartes, Discours de la méthode, VI, « Bibl. de la Pléiade », Paris, éd. Gallimard, pp.168-169

* 19 Ama Mazama, L'impératif afrocentrique, éd. Menaibuc, 2003, p. 102 dans La faillite de l'Occident

* 20 Christian Godin, Dictionnaire de philosophie, éd. Fayard, Paris, septembre 2004, p. 369 voir la définition du Droit Naturel : « ensemble des principes censés dériver de la nature des hommes et de leurs rapports mutuels indépendamment de et antérieurement à toute convention particulière. Droit naturel s'oppose à droit positif. (...) On appelle jus naturalisme la théorie du droit naturel qui donne à celui-ci une supériorité théorique et axiologique sur les droits positifs, et jus naturalistes les théoriciens et partisans du jus naturalisme. L'état de nature peut signifier deux choses contradictoires selon que l'on conçoit la société en continuité avec lui ou en rupture avec lui. (...) ».

* 21 Ulrich Beck, Pouvoir et contre-pouvoir à l'heure de la mondialisation, éd, Champs Flammarion, département Aubier, Paris, 2003, p.234

* 22 Ulrich Beck, ibidem, p.234

* 23 Ulrich Beck, op. Cit, p.236

* 24 Raymond Boudon, Dictionnaire de sociologie, « Neutralité axiologique », éd, Larousse, Paris, avril 2003, p.163

* 25 Christian Godin, Dictionnaire de philosophie, « Holisme », Librairie Arthème Fayard, éd, du Temps, 2004, p.578

* 26 Hannah Arendt, Le système totalitaire, trad. J.-L. Bourget, R. Davreu et P. Lévy, éd, le Seuil, 1972

* 27 Friedrich Von Hayek, La Route de la servitude, trad. G. Blumberg, éd, PUF, coll. Quadrige, 1993, p.49

* 28 Friedrich Hayek, op. cit, p. 149

* 29 Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 347 dans L'altérité de l'intérieur : « L'autre est la figure de l'étranger décrite et analysée par Georg Simmel dans ses travaux au début du XX° siècle. (...) C'est une figure à la fois externe et interne. Elle est proche et lointaine. Elle est dedans pour mieux pouvoir marquer les limites de l'entre-soi ».

* 30 Philosophies africaines : traversée des expériences, op. Cit, p. 79 dans la partie II intitulé La connaissance de l'Autre et ses difficultés majeures : « Le dynamisme déterminant de l'autre et des autres dans la constitution du moi individuel ne place pas les choses et les êtres humains dans un rapport d'égalité ».

* 31 F. Eboussi-Boulaga, La crise du Muntu. Authenticité africaine et philosophie, éd. Présence Africaine, 25 bis rue des Ecoles, Paris 5ème, 62 rue Carnot, Dakar, décembre 1997, p. 12 de la Problématique : « La philosophie fait partie de la définition humaine, à tout le moins elle est le propre de l'homme considéré comme animal parlant, raisonnable. (...) Revendiquer la philosophie c'est donc réclamer son dû, exercer son humanité et exiger qu'elle soit reconnue ».

* 32 F. Eboussi-Boulaga, ib idem

* 33 http://www.unifr.ch/iiedh/

http://www.aidh.org/ONU_GE/Comite_Drtcult/Images/signataires.pdf

* 34 http://www.unesco.org/culture

* 35 Amartya Sen, Un nouveau modèle économique, chapitre 10 consacré à la culture et aux Droits de l'Homme, éd, Odile Jacob Poche, 2003, p.479

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* 36 Fukuyama Francis, La fin de l'histoire et le dernier homme, éd, Flammarion, Paris, 1992, p.81-170 il décrit le point final de l'évolution idéologique de l'humanité ainsi que l'universalisation de la démocratie occidentale comme forme finale du gouvernement humain. C'est selon lui un mode de vie qui s'homogénéise à l'échelle de la planète dont l'extension institutionnelle est mondiale

* 37 Alain Renaut, Modèle social : la chimère française, éd, textuel, Paris, 2006, p. 104

* 38 http://www.communautarisme.net

* 39 Pierre-André Taguieff, Les Contre-Réactionnaires. Le progressisme entre illusion et imposture, éd, Denoël, Paris, 2007

* 40 Ama Mazama, op. Cit, p. 148 dans le mimétisme paradigmatique : « (...) Les Africains ne pourront se libérer véritablement de cette hégémonie que lorsqu'ils assumeront à nouveau leur propre historicité ». Pour certains courants de la philosophie africaine pour lesquels l'idéologie est primordiale, le droit à la philosophie est synonyme de réactivation de la dialectique marxiste qui s'est échoué aux abords de la fin des mouvements d'indépendance. Pour ce courant le droit à la philosophie n'est pas un dû comme chez F. Eboussi-Boulaga, mais une conquête s'inscrivant dans la continuité du mouvement d'indépendance. On devine déjà deux courants distincts qui se démarquent à propos de la philosophie de l'histoire.

* 41 F. Eboussi-Boulaga, op. Cit, p. 16

* 42 Conférence de la Bibliothèque Nationale de France, département Droit, Economie, Politique de Mai 2006 dont le thème fut : Comment l'Afrique sortira a-t-elle de la marginalisation ? De Jean-François Bayart chercheur au CERI spécialiste de la question africaine

* 43 Général De Gaulle, Mémoires de guerre, chapitre intitulé L'Appel 1940-1942, éd, Plon, Paris, 1989, p. 97-128 sur L'Afrique

* 44 http://afrik.com/article9773.html,

* 45 Ibid.

* 46 R. P. Tempels, La philosophie bantoue, éd, Présence Africaine, Paris, 1949

* 47 D'après son article publié dans Le Monde du 18 janvier 1997

* 48 Ibid., 25 janvier 1997

* 49 Pascal Salin, Libéralisme, éd, Odile Jacob, Paris, 2000

* 50 Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 242 du chapitre 5 intitulé Promesses et embûches du postcolonial

* 51 Ib idem, p. 242 : « Cette brèche a permis de faire passer au premier plan les modernités multiples ou dites parfois alternatives ».

* 52 Christian Godin, Dictionnaire de philosophie, Librairie Arthème Fayard, éd, du temps, 2004, p.39 « (...) Selon Karl Popper (1902-1994), une explication est ad hoc si elle est imaginée pour répondre à un problème particulier et n'est pas testable indépendamment de ce dont elle est censée rendre compte »

* 53 http://www.monde-diplomatique.fr/1998/03/BOURDIEU/10167

* 54 Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 210 dans le chapitre 4 intitulé Le projet critique

* 55 Etienne Barel, Christophe Beaux, Emmanuel Kesler, Olivier Sichel, Economie politique contemporaine, éd, Armand Colin, Paris, 2002, p. 33

* 56 Y. Dezalay et B. G. Garth, La mondialisation des guerres de palais. La restructuration du pouvoir d'Etat en Amérique latine entre notables du droit et « Chicago Boys », éd, Le Seuil, Paris, 2002, p. 187-194. Dans ces pages, les auteurs ont démontrés que le Chili a accepté d'être le laboratoire des thèses néolibérales et, partant, que celles-ci sont en mesure de produire de la croissance pour peu que l'Etat daigne ne pas intervenir dans l'ordre spontané généré par les actions humaines.

* 57 Jean Leca, Pourquoi la philosophie politique. Petit traité de science politique 1, Presses de Sciences Po, septembre 2001

* 58 André Kaspi, Les Américains, les Etats-Unis de 1607 à nos jours, éd, Seuil, Paris, octobre 1986, dans la 4ème partie sur Les Etats-Unis à l'heure du reaganisme, p. 594 « (...) l'embellie survient en 1983. La progression du PNB est spectaculaire : 3,7 % en 1983, + 6,8 % en 1984. Pour l'année 1983 et les six premiers mois de l'année 1984, la croissance correspond à un taux annuel de 7,5 %. La Bourse repart. Le taux chômage s'abaisse peu à peu, au point d'atteindre 7,5 % en 1984. L'inflation semble jugulée : 3,2 % en 1983 et 4,2 % en 1984 ». Comme le démontre André Kaspi à travers ses chiffres et des faits historiques, ce n'est pas R. Reagan mais R. Nixon qui est à l'origine de la croissance économique dont les Etats-Unis ont fait l'expérience dans les années 80. En effet, Nixon fut fragilisé par l'affaire du Watergate et a voulu sauver les meubles en prenant l'initiative du tournant économique néolibéral, dont les effets n'ont été visibles qu'en 1983. Ces réformes structurelles prenant un certains temps avant d'en montrer les conséquences, Reagan s'est logé dans la continuité idéologique sans entraver la politique économique monétariste entreprise sous le mandat de Nixon.

* 59 Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 24 de la Préface

* 60 Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 53 de l'introduction

* 61 Raymond Boudon, Philippe Besnard, Mohammed Cherkaoui, Bernard-Pierre Lécuyer, Dictionnaire de sociologie, éd, Larousse, Paris, avril 2003, p. 108, « (...) pour la science politique, la gouvernance est définie comme un processus de coordination d'acteurs, de groupes sociaux, d'institutions (au-delà et en deçà du gouvernement) pour atteindre des buts propres discutés et définis collectivement dans des environnements fragmentés, incertains. La gouvernance renvoie alors à l'ensemble d'institutions, de réseaux, de directives, de réglementations, de normes, d'usages politiques et sociaux, d'acteurs publics et privés qui contribuent, à la stabilité d'une société et d'un régime politique, à son orientation, à la capacité de diriger, à la capacité de fournir des services et à assurer sa légitimité (Commaille, Jobert 1999).

* 62 Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 96 du chapitre 1 Les littératures postcoloniales comparées

* 63 Christian Godin, Dictionnaire de Philosophie, éd, du temps, Librairie Arthème Fayard, Paris, 2004, p. 950, définition du passager clandestin provenant de l'oeuvre d'Olson intitulé La logique de l'action collective (1965). Pour tout individu, l'engagement dans une action collective (une grève par ex.) est coûteux. Il a donc tout intérêt (au sens de la théorie du choix rationnel) à ne pas y participer puisque de toute façon il profitera des acquis obtenus, s'il y en a. Comment dès lors expliquer que les gens se mobilisent tout de même ? Mancur Olson émet l'hypothèse qu'ils répondent à des incitations sélectives sous formes de récompense symbolique ou de pression de leur entourage.

* 64 Dominique Chagnollaud, Science Politique, 5ème édition, Dalloz, Paris, mars 2004, p. 193 section 1, partie A, sur « Le paradoxe d'Olson » dans lequel l'auteur s'interroge selon la logique du choix rationnel : pourquoi participait-il ainsi à une grève alors que son issue ne peut amener que des bénéfices collectifs ? Comme le dit l'auteur, il n'a pas besoin de s'engager pour en profiter.

* 65 Achille Mbembé, Les jeunes et l'ordre politique en Afrique boire, éd. L'Harmattan, collection Logiques sociales dirigée par Dominique Desjeux, mai 1985, p. 82 du chapitre 3 intitulé Des politiques de jeunesses en milieu africain.

* 66 Achille Mbembé, op. Cit, p. 193 du chapitre 6 intitulé Quelles alternatives.

* 67 Achille Mbembé, op. Cit, p. 219

* 68 B. Soccol, Manuel de Relations Internationales, éd, Centre de Publications Universitaires, Le Périscope, Paris, août 2001, p. 156 dans le chapitre 1 de la troisième partie intitulé « L'institutionnalisation des relations internationales », où il est question du « Courant conflictuel » en l'occurrence la conception réaliste qui est évoquée ci-dessus. « Si, selon le général prussien Clausewitz, la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens, nous devons souligner que les conflits sont caractéristiques de la société internationale (...) le réalisme qui apparaît après la Seconde Guerre mondiale est marqué par le rejet de l'idéalisme wilsonien dont le nazisme et les atrocités de la guerre ont montrés les limites. Le nouvel ordre international d'inspiration libérale et socialiste qui, en 1918, devait remplacer le Concert des nations, a été un échec (...) La société internationale reste fragmentée entre des Etats souverains qui s'expriment en terme de puissance. Les conflits ne sont alors que l'expression politique de la rivalité étatique ».

* 69 Ulrich Beck, Pouvoir et contre-pouvoir à l'ère de la mondialisation, traduit de l'allemand par Aurélie Duthoo, éd, Champs Flammarion, Paris, octobre 2005, p. 31. L'auteur explique que toutes théories contemporaines dignes de ce nom se doivent de penser selon les règles ordonnées par la mondialisation. En effet, le nationalisme méthodologique est d'après l'auteur, une forme de jeu de dame dont les règles caduques demeurent très limitées au regard de ce qu'il nomme : « L'échiquier du pouvoir ». Ces nouvelles règles conformes à la mondialisation, s'apparentent selon l'auteur à un jeu d'échec qui s'appuiera sur les contingences afin de déployer ses nombreuses stratégies devant lesquelles le nationalisme méthodologique reste muet faute de répondant.

* 70 Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 203 au chapitre 4 intitulé Projet critique.

* 71 Anthony Giddens, Tony Blair, La Troisième Voie. Le renouveau de la social-démocratie, Polity Press, Cambridge, 1998 pour la première édition. Préface de Jacques Delors, traduit de l'anglais par Laurent Bouvet, Emilie Colombani et Frédéric Michel, éd, Seuil, Paris, avril 2002 pour la seconde édition, p. 55 dans la partie intitulé Gauche et Droite

* 72 Jean-Luc Lamboley, Lexique d'histoire et de civilisation romaines, éd, ellipses seconde édition revue et corrigée, Paris, 1995, p. 295 voir la définition de Populares (parti populaire) : « courant politique qui, dans la tradition de la démocratie grecque, préconise l'accroissement des pouvoirs de la plèbe et une politique sociale. Les populares, s'opposent aux optimates. Les principaux chefs de ce courant sont Marius, Clodius, César  ».

* 73 A. Renaut, S. Mesure, La guerre des dieux. Essai sur la querelle des valeurs, éd, Grasset, Paris, octobre 1996, p. 125 dans le Liminaire de la deuxième partie que les auteurs ont intitulés Paix et guerre entre les valeurs

* 74 Christian Godin, Dictionnaire de philosophie, Librairie Arthème Fayard, éd, du temps, Paris, 2004, p. 1110

* 75 Christian Godin, op. Cit, p. 249

* 76 Christian Godin, op. Cit, p. 1125

* 77 A. Giddens, op. Cit, p. 59

* 78 Ulrich Beck, The cosmopolitan manifesto, New Statesman, 20 mars 1998

* 79 L'élection présidentielle en France, est un défi politique national devant lequel le Parti Socialiste se montre particulièrement peu convaincant. Et ce, notamment pour les électeurs qui depuis 1995, ont accordé à trois reprises leur suffrages à la droite. Si nous nous replongeons dans l'histoire de la Vème République française, combien de fois la gauche a-t-elle remporté les élections présidentielles ? En 1981 et en 1988, elle a donc gagné par deux fois grâce aux candidatures successives de François Mitterrand ; faute d'avoir de nouveau un tel profil dans son parti aujourd'hui, il semble inenvisageable qu'elle puisse compter uniquement sur une stratégie basée la séduction électorale d'une de ses personnalités qu'elle pense capable de remporter la magistrature suprême. Peut-elle faire l'économie d'une véritable modernisation de ses idées politiques ?

* 80 sous la direction de Serge Berstein, Marc Lazar, Gaetano Manfredonia, Pierre Milza, Jean-Luc Pouthier, Jacques Prévotat, Nicolas Roussellier, Etienne Schweisguth, Michel Winock, Les cultures politiques en France, éd, du seuil, Paris 1999, janvier 2003 pour l'avant propos et pour la présente édition, voir le chapitre 6 intitulé La culture socialiste dans la partie sur l'Anticommunisme et/ou Union de la gauche p. 225

* 81 Kant, Critique de la raison pratique, présentation et traduction par Jean-Pierre Fussler, éd, GF Flammarion, Paris, 2003, p. 150 de la 1er Partie du Livre I au chapitre I où il est « La raison spéculative ne s'accroît pas, par là, en ce qui concerne sa pénétration, mais elle le fait en ce qui concerne la garantie de son concept problématique de la liberté, auquel on procure ici de la réalité objective qui, bien qu'elle ne soit pas pratique, n'en est pas moins indubitable ».

* 82 Se référer au débat présidentiel de 1974 entre V. Giscard d'Estaing et F. Mitterrand

* 83 Serge Berstein, op. Cit, p. 226

* 84 Ouvrage collectif réalisé sous la direction d'Alain Renaut, Les philosophies politiques contemporaines, Tome V, éd, Calmann-Lévy, Paris, octobre 1999, p. 69 dans le chapitre I intitulé Merleau-Ponty VS Sartre. L'existentialisme, le marxisme et le problème de l'humanisme réel rédigé par Malgorzata Kowalska. Il est question dans ce chapitre de deux trajectoires, l'une suivie par Merleau-Ponty que l'on a traitée ci-dessus et l'autre concerne l'option politique de Sartre qui sans le dire pratiquait l'idée de Révolution permanente par le biais d'une pensée orthodoxe.

* 85 Raymond Boudon, op. Cit, p. 243 dans la définition des Valeurs : « Les valeurs sont l'expression de principes généraux, d'orientations fondamentales et d'abord de préférence et de croyances collectives. Dans toute société, la détermination des objectifs s'effectue à partir d'une représentation du désirable et se manifeste dans ses idéaux collectifs. Ces valeurs qui, systématiquement ordonnées, s'organisent en une vision du monde apparaissent très souvent comme un donné irréductible, un noyau stable, un ensemble de variables indépendantes. »

* 86 Christian Godin, op. Cit, p. 833. Dans la définition de la Morale : « (...) La substitution de l'éthique à la morale qui entraîne le remplacement du bien par le bon témoigne du triomphe de l'individualisme contemporain. »

* 87 Alain Renaut, Sylvie Mesure, op. cit, p. 44 où les deux auteurs signalent qu' « A bien des égards, c'est en effet vis-à-vis du pouvoir pratique de la raison comme telle, et non pas simplement vis-à-vis de cas limites, que toute la réflexion contemporaine n'a cessé d'être hantée depuis maintenant près d'un siècle par l'ombre de cette thèse qu'avait si formidablement et si redoutablement affirmée Max Weber selon laquelle les jugements de valeur les plus fondamentaux (éthiques, esthétiques, politiques), non seulement se valent, mais sont antagonistes. »

* 88 The Economist, cité dans Courrier international n° 205, 6-12 octobre 1994.

* 89 Anthony Giddens, op. Cit, p. 29

* 90 Anthony Giddens, op. Cit, p. 28

* 91 Serge Berstein, op. Cit, p. 410 dans le chapitre 11 traitant du Déclin et recomposition des cultures politiques, dans la partie sur La droite face à la crise de la modernité

* 92 Ouvrage collectif sous la direction d'Alain Renaut, op. Cit, p. 117 au chapitre III rédigé par Charles Larmore sur Repenser l'humanisme et la démocratie. La philosophie politique en France depuis vingt ans dans la partie sur l'Histoire

* 93 Serge Berstein, ibid.

* 94 Voir le séminaire organisé par le Collège de Philosophie du 29 mars dont le thème développé fut « Pourquoi la démocratie n'aime-t-elle pas le pouvoir ? » dans lequel Marcel Gauchet et Luc Ferry sont intervenus

* 95 Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 271 au chapitre 5 Promesses et embûches

* 96 Jean-François Bayart, La politique africaine de François Mitterrand, éd. Karthala, Paris, 1984, p. 127

* 97 Jean-François Bayart, op. Cit, p. 110

* 98 Dominique Chagnollaud, op. Cit, p. 236 dans le chapitre sur Les partis politiques

* 99 Nicolas Baverez, La France qui tombe, éd, Perrin, Paris, août 2003, p. 109 au chapitre 5 intitulé Quand la France se réveillera.

* 100 http://www. Jourdan.ens.fr/piketty/fichiers/presse/Libération218077.FRphp.htm, ce lien nous conduit à sa page personnelle où il confie tout le bien qu'il pense de ceux qui se réclament du néolibéralisme d'une manière dogmatique. Il relève que les vrais économistes néolibéraux et compétents en la matière sont très peu, et que la figure majeure de ce courant est décédée ; sans partager les solutions de Milton Friedmann, il salut son intégrité intellectuelle et ses analyses savantes et techniques.

* 101 La chronique de Nicolas Baverez intitulé, Le libéralisme politique, clef du XXIème siècle, dans Les Echos du mardi 27 novembre 2007, p. 21

* 102 Christian Godin, op. Cit, p. 1185 dans la définition du Scientisme : « Terme devenu péjoratif utilisé pour dénoncer l'abus d'un certain positivisme (...) ».

* 103 Anthony Giddens, op. Cit, p. 60

* 104 Christian Godin, op. Cit, p. 440

* 105 Anthony Giddens, ibid.

* 106 http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=96894 par Geoffroy de Lagasnerie

* 107 Think Tank International, www.policy-network.net

* 108 Alain Renaut, Sylvie Mesure, op. Cit, p. 72

* 109 Christian Godin, op. Cit, p. 489 voir la définition de la Falsifiabilité : « Chez Karl Popper (1902-1994), qualité des énoncés et des théories susceptibles d'être infirmés par des preuves universellement recevables. La falsifiabilité est le critère du caractère scientifique de certains types d'énoncé et de théorie ».

* 110 C'est dans une assertion kantienne qu'il faut concevoir ces termes. Alain Renaut dans l'Essai sur la querelle des valeurs, a cité Kant affirmant « (...) qu'il n'y a rien qui soit absolument bon, si ce n'est une volonté bonne, c'est-à-dire une pure volonté d'agir par devoir » p. 69, néolibéraux et sociaux démocrates doivent avoir confiance en leur capacité respective à servir l'intérêt général et donc à agir par devoir. D'où la nécessité pour la gauche démocratique de moderniser son idéologie, car c'est à cette condition qu'elle pourra percevoir le monde avec discernement.

* 111 Christian Godin, op. Cit, p. 369 à la définition du Droit positif : « ensemble de règles juridiques que les membres d'une société doivent appliquer ou respecter sous peine de sanctions. (...) Le positivisme juridique est la conception selon laquelle le seul droit réel est le droit positif ».

* 112 Christian Godin, op. Cit, p. 1386 dans la définition de l'Utilitarisme : « Philosophie individualiste et libérale fondée par J. Bentham (1748-1832) et continuée par J.S Mill (1806-1873). Elle pose le bonheur comme la fin suprême de l'existence et la satisfaction des intérêts comme le moyen pour l'atteindre. Une vie heureuse est celle dans laquelle la somme des plaisirs l'emporte sur celle des déplaisirs. Même si le bonheur est une affaire de subjectivité, il est possible selon Bentham de procéder à un calcul des plaisirs et donc de donner un critère objectif du bonheur. Une même logique est appliquée à la société dans son ensemble : une société sera réputée plus heureuse qu'une autre si la somme des situations heureuses l'emporte sur celle des situations malheureuses. J.S Mill ajoute à ce calcul la considération de la qualité des plaisirs, de manière à écarter l'accusation égoïste portée par l'utilitarisme : l'altruisme, donc le sacrifice de ses intérêts propres au profit de ceux d'autrui, peut représenter pour l'individu un plaisir plus grand que la satisfaction immédiate de son intérêt personnel. (...) ».

* 113 Dominique Chagnollaud, op. Cit, p. 74 section 2 du chapitre 2 portant sur Les régimes démocratiques.

* 114 Achille Mbembé, op. Cit, p. 194

* 115 http://.philagora.net/droit/rawls-anarchie-etat1.htm

* 116 Robert Nozick, Anarchie, Etat et utopie, pour la première édition Basic Books, Inc., Publishers, New York, 1974, pour la traduction française, éd, PUF libre échange, Paris, juillet 1988 p. 228 dans la section II où il est question de La théorie de Rawls : « Théorie de la justice est une oeuvre systématique de grande envergure, puissante, profonde et subtile, dans le domaine de la philosophie politique et morale, et qui n'a pas son équivalent depuis que John Stuart Mill a écrit son oeuvre, si l'on peut les comparer. C'est une source d'idées éblouissantes, qui s'intègrent dans un ensemble extrêmement élégant. Les philosophes de la politique doivent désormais ou bien travailler à l'intérieur de la théorie de Rawls, ou bien expliquer pourquoi ils ne le font pas. Les considérations et les distinctions que nous avons développées sont éclairées et aident à éclairer la présentation magistrale que Rawls donne d'une conception qui offrirait une autre solution. Même ceux qui restent non convaincus après s'être débattus avec la vision systématique de Rawls, apprendront beaucoup à l'étudier de près ».

* 117 John Rawls, Théorie de la justice, éd, Point Seuil, Paris, 1997

* 118 John Rawls, op. Cit, p. 122 au paragraphe 15

* 119 John Rawls, op. Cit, p. 93 au paragraphe 11

* 120 John Rawls, ibid., au paragraphe 22

* 121 John Rawls, op. cit, p. 31

* 122 John Rawls, ibid, paragraphe 14

* 123 John Rawls, ibid, paragraphe 21

* 124 John Rawls, ibid, paragraphe 11

* 125 Ouvrage collectif d'Alain Renaut, op. Cit, p. 362 sur La philosophie politique anglo-américaine contemporaine dans la partie intitulée Le libertarisme de Nozick rédigée par Patrick Savidan

* 126 Jean-Yves Capul, Olivier Garnier, Dictionnaire d'Economie et de sciences sociales, éd, Hatier, Paris, juin 2002, p. 136 sur le Libre-échange où dans la partie portant sur Les fondements, il est dit que « Le libre-échange correspond à une doctrine économique, née au tournant du XVIIIème et XIXème siècles, qui préconise la liberté du commerce entre les nations et la suppression de toutes les entraves aux échanges (droits de douanes, contingentements). (...) David Ricardo, avec Les principes de l'économie politique et de l'impôt (1817), est le fondateur des théories libérales de l'échange internationale qui montrent que le commerce ne désavantage aucun des participants, chacun ayant tout à y gagner ». L'idée de Libre-échange présente dans cette définition n'est qu'un fondement intellectuel sur lequel s'appuie le libertarianisme de Nozick, ce qu'il garde de cette assertion du Libre-échange c'est son caractère intrinsèquement autonome.

* 127 http://www.philagora.net/droit/rawls-anarchie-etat1.htm se reporter à son Exposé préalable de la philosophie politique de R. Nozick

* 128 Robert Nozick, op. Cit, p. 187 il définit l'Etat comme « celui dont les pouvoirs les plus étendus peuvent être justifiés. Tout Etat aux pouvoirs plus étendus viole le droit des gens  ».

* 129 Robert Nozick, Anarchie, op. Cit, p. 202 dans la deuxième partie intitulée Au-delà de l'Etat minimal ? au moment qu'il nomme Comment la liberté bouleverse les modèles

* 130 Ouvrage collectif d'Alain Renaut, op. Cit, p. 369 se référer à L'argument pragmatique

* 131 Robert Nozick, op. Cit, p. 243

* 132 Comme l'indique Jean-Jacques Sarfati dans son article à travers l'exemple des étudiants

* 133 Robert Nozick, op. Cit, p. 105

* 134 Ouvrage d'Alain Renaut, op. Cit, p. 363

* 135 Robert Nozick, op. Cit., p. 223 dans La clause restrictive

* 136 Robert Nozick, op. Cit., p. 225

* 137 Et ce, quand bien même F. Eboussi-Boulaga philosophe africain qui a juste titre trouve absurde l'acte de démontrer l'existence d'une philosophie quelle qu'elle soit, dès lors que l'on admet l'ontologie qui par définition englobe sous l'idée de philosophie chacune des visions du monde exprimées par les hommes. Toutefois, l'intérêt que nous aurons à nous prêter à cet exercice philosophique de démonstration fustigé par l'auteur, résidera dans l'apport en terme de connaissances historiques et philosophiques rares qui enrichirons notre argumentation, et d'instruire les lecteurs éventuels sur l'existence d'une philosophie africaine.

* 138 L'ontologie de Tempels, des afrocentristes et celle de Heidegger présentes certaines similitudes alors même que les afrocentristes blâment l'Occident de la façon la plus radicale.

* 139 La Charte du Mandé de 1222 proclamé par la Confrérie des chasseurs.

* 140 La notion de « Traversée » ainsi que son auteur le professeur Jean-Godefroy Bidima, seront présentés durant cette partie du développement.

* 141 Sous la direction de Marie-Claude Smouts, La situation postcoloniale, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 2007, p. 345 dans L'altérité de l'intérieur rédigé par Nacira Guénif-Souilamas

* 142 Monu M. Uwodi, La philosophie et l'africanité : critique d'un intellectualisme fermé, éd. l'Harmattan, Paris 5ème, 2003, p. 150 dans g-1 La philosophie africaine de la traversée chez Bidima : « Cherchant à dépasser une certaine manière de philosopher fréquente chez les intellectuels africains, J. G. Bidima a décidé de considérer la culture de la traversée chez les Africains. La question, qui l'intéresse, porte surtout sur ce qui constitue l'identité de l'Africain dans la culture africaine moderne très marquée par l'occidentalisation. La question qu'il se pose est la suivante : comment se manifeste l'identité du sujet africain, à travers les diverses composantes de la culture africaine d'aujourd'hui, fortement marquée par la modernité européanisée ? (...) En refusant d'examiner la question de l'origine, il se démarque donc des ethnologues africains qui sont occupés à fouiller dans le passé africain à la recherche d'une philosophie déjà donnée ». Comme le fit le professeur Cheik Anta Diop et son prestigieux assistant le philosophe Théophile Obenga, qui ont consacré leurs travail sur l'Afrique Antique. Cependant, il n'y a que les afrocentristes contemporains qui peuvent jouir de ses connaissances spécialisées, car leur paradigme intellectuel est celui de la fondation.

* 143 Zacharie Habimana Makamba, Courants actuels de la philosophie africaine, « Philosophie et culture » dans Espace Afrique, 2, Louvain-la-Neuve, Académia, 2002, p. 855

* 144 J. N'Soko Swa-Kabamba, Choisir la démocratie ou mourir, dans HABIMANA Makamba, Zacharie (éd.), Courants actuels de la philosophie africaine. (Espace Afrique, 2). Louvain-la-Neuve, Bruylant, 2002, 73-83

* 145 Zacharie Habimana Makamba, ibid., p. 855

* 146 Elungu P. E. A, Eveil philosophique africain, éd. L'harmattan, Paris 5ème, février 1985, p. 121 : « P. Hountondji insiste, à juste titre, sur la nécessité de l'élaboration théorique, destinée avant tout à ses concitoyens, à ses compatriotes, sur la nécessité de mettre sur pied des discours théoriques des Africains pour les Africains, en vue de la construction d'une société démocratique où domine la discussion engendrant la raison, la science, la philosophie ainsi que la liberté de tous et de chacun ». Nous nous apercevrons que les différents courants de la philosophie africaine opèrent un constat sans concession de la situation politique et sociale de l'Afrique, mais ils divergent sur les actions à mener.

* 147 Elungu P. E. A, op. Cit, p. 120 : « Marcien Towa qui, d'une façon à la fois critique et positive, adopte cette position - en se référant d'ailleurs à un philosophe des plus représentatifs de la conscience européenne - Hegel- s'explique très nettement à ce sujet. S'il est vrai que la philosophie européenne moderne se préoccupe essentiellement de développer l'emprise de l'homme sur le milieu physique et humain par la médiation d'un savoir rigoureux, scientifique et libre, alors elle pourrait bien constituer le domaine privilégié de la culture européenne, qu'il importe d'explorer avec soin afin de percer le secret de la victoire de l'Europe sur nous et par là-même de découvrir la voie de notre libération ».

* 148 Zacharie Habimana Makamba, ibid., p. 855

* 149 Zacharie Habimana Makamba, ibid., p. 855

* 150 Coordonné par Jean-Claude Ruano-Borbalan et Bruno Choc, Le Pouvoir. Des rapports individuels aux relations internationales, Sciences Humaines Editions, Diffusion PUF, avril 2002, p. 65 dans Quand l'individu se joue des contraintes rédigé par Michel de Coster

* 151 Alphonse Elungu est l'auteur de recherches importantes à propos de la philosophie africaine notamment, Construire l'Afrique, construire le monde, dans Grandes conférences universitaires 1966-1967. Kinshasa, Université Lovanium, 1967, 18-28, ainsi que, Le message philosophique de Karl Jaspers, dans Cahiers philos, afric. (1972) n.1, 41-60.

* 152 M. Hegba, Afrique de la raison, Afrique de la foi, éd. Karthala, Paris, 1995 cet auteur avait procédé à une première distinction entre l'ethnophilosophie et la philosophie critique.

* 153 A. A. Mazrui, C. Wondji, Histoire générale de l'Afrique, vol. VIII. L'Afrique depuis 1935, éd. Présence Africaine, Edicef, Unesco, Paris, 1998 p. 420 du Chapitre 21 que les auteurs ont intitulés Tendances de la philosophie et de la science en Afrique, se référer à la partie sur les Trois Courants Philosophiques.

* 154 A. A. Mazrui, C. Wondji, op. Cit, p. 421

* 155 A. A. Mazrui, C. Wondji, op. Cit, p. 422

* 156 A. A. Mazrui, C. Wondji, op. Cit, p. 425

* 157 Achille Mbembé, De la postcolonie. Essai sur l'imagination politique dans l'Afrique contemporaine, éd. Karthala, Paris 13ème, août 2000, p. 42 du chapitre 1 intitulé Du Commandement

* 158 Stéphane Chauvier, Justice internationale et solidarité, éd. Jacqueline Chambon, Nîmes, janvier 1999, p. 86 au chapitre 5 intitulé Les principes de la justice internationale sont les principes d'une équitable séparation politique des hommes.

Ces aspects du sujet seront approfondis au chapitre suivant.

* 159 http://www.codesria.org/French/pdf_files/arts_humanities_fr.pdf : les thèmes récurrents et perspectives dans la formation du canon africain sont

- Langage et production intellectuelle en Afrique

- Idéologie et technique employées pour l'élaboration de canons

- Genre et élaboration de canons

- L'esclavage et le colonialisme dans les productions africaines artistiques et culturelles

- La diaspora, les relations avec la diaspora et l'héritage africain

- Le panafricanisme face à la menace de la mondialisation

- Reconstituer l'héritage artistique de l'Afrique et promouvoir la renaissance africaine

Autant de sujets de recherche pour les sciences sociales, mais qui ne constituent que des supports épistémologiques pour une philosophie africaine qui voudrait prétendre à l'universelle.

* 160 Se référer à la philosophie politique appliquée de Alain Renaut, notamment dans Qu'est-ce qu'une politique juste ? Essai sur la question du meilleur régime, éd. Grasset, 2004, GLF 2005 ainsi que dans Qu'est-ce qu'un peuple libre ? Libéralisme ou républicanisme, éd. Grasset, 2005. De part ses oeuvres, Alain Renaut explique à ses lecteurs pourquoi il est dorénavant nécessaire selon lui de délaisser la dimension métaphysique de la politique quoique de manière provisoire afin de se tourner vers une approche pratique de la rationalité. La légitimité des réflexions métaphysiques à propos de l'Homme et de la Politique a été durablement, si ce n'est définitivement, fragilisée par des découvertes telles qu'Auschwitz ou le Lager, dans lesquelles la rationalité a travaillé en vue de détruire les hommes. Daniel Tanguay qui est professeur de philosophie à l'Université d'Ottawa a travaillé sur cette conversion intellectuelle (voir : http://www.mondecommun.com/upload/PDF/Tanguay.pdf)

* 161 Aristote, Ethique de Nicomaque, Livre III, éd. GF, Paris, 1965. Chapitre 5, p. 74 : « La fin étant l'objet de la volonté, les moyens en vue de cette fin étant l'objet de délibération et de choix, il s'ensuit que les actes relatifs à ces moyens seront exécutés d'accord avec le choix réfléchi et accomplis de plein gré. C'est là encore le domaine où se manifeste l'action génératrice des vertus. La vertu dépend donc de nous, ainsi que le vice. »

* 162 Voir l'article de Marcel Gauchet intitulé, Les droits de l'homme paralysent la démocratie, dans Libération du 8 novembre 2007

* 163 Jean-Claude Ruano-Borbalan et Bruno Choc, op. Cit, p. 103 dans Sciences politiques les métamorphoses du pouvoir.

* 164 Se référer à l'article intitulé, Ces intellos qui rejettent la démocratie, qui constitue l'autre pièce du dossier conçut par Libération

* 165 Voir la charte des Droits de l'Homme de 1948, qui au sortir de la seconde guerre mondiale fut le produit d'une synthèse monstrueuse entre le socialisme et le libéralisme.

* 166 Jean-Godefroy Bidima, La philosophie négro-africaine, éd. PUF, 73, avenue Ronsard, 41100 Vendôme, Août, 1995, p. 119 dans la partie sur Le langage, l'action et la création.

* 167 Alain Renaut, op. Cit, p. 410 dans la partie intitulé, La réaction communautarienne, rédigé par Lukas K. Sosoé où l'auteur affirme que : « L'agir moral est précisément une invitation à l'arrachement à mes déterminations. L'expérience morale ou la possibilité de délibérer et non d'accomplir en tout moment et en toutes circonstances ce dont je sens le besoin immédiat reste un argument déterminant en faveur de cet arrachement qui est toujours déjà présupposé, si l'agir moral doit avoir un sens. L'expérience de la réflexion morale nous révèle que, malgré notre situation dans le monde, nous sommes supposés capables de nous libérer, jusqu'à un certain point, de l'ordre de celui-ci, c'est-à-dire de la chaîne de la causalité de la nature et des déterminations culturelles et autres pour poser nos valeurs et affirmer notre autonomie dans les limites de ce que peut atteindre un sujet raisonnable fini. C'est d'ailleurs ce qu'atteste fort clairement la figure du héros, du saint, celle de ceux qui, envers et contre tous, ont su défendre et même mourir pour leurs convictions ».

* 168 Une dichotomie qui sous-tend également notre sujet de recherche, car pour que la pensée philosophique africaine soit autonome et libre, elle doit pouvoir s'affranchir de ces catégories du Maître et de l'Esclave qui hantent l'imaginaire de l'africain. Nous verrons par la suite en quel sens ces catégories persistent.

* 169 Calligraphies de Aboubakar Fofana, La Charte du Mandé et autres traditions du Mali, éd. Albin Michel, Paris 14ème, 22 rue Huygens, mars 2003.

Je tiens à préciser que les numéros de pages ne sont pas présents dans cet ouvrage, à défaut j'indiquerai les paragraphes pour que l'on puisse s'y repérer et suivre mon propos.

* 170 Se référer au second paragraphe de l'introduction écrite par Youssouf Tata Cissé

* 171 Plusieurs traductions sont proposées pour le rédacteur de l'introduction : Injonction au monde, le Serment du Mandé ou Serment des chasseurs. Nous ne nous risquerons pas à affirmer si toutes ces définitions sont également valables.

* 172 Ibid., paragraphe 3

* 173 Ibid., paragraphe 4

* 174 Ibid., paragraphe 4

* 175 Aboubakar Fofana, op. Cit, se reporter au développement.

* 176 F. Eboussi-Boulaga, La crise du Muntu. Authenticité africaine et philosophie. Collection Présence Africaine, 25 bis, rue des écoles, Paris 5ème , 62 rue Carnot, Dakar, au Chapitre III sur La vision morale du monde p. 67 où Eboussi-Boulaga exprime l'idée qu'il a de l'enjeu principal de la philosophie africaine : « A travers la remise en cause de ses façons de travailler, de s'organiser, de se représenter, c'est l'humanité même de l'homme traditionnel qui devient douteuse, puisqu'elle autorise l'asservissement effectif ou éventuel. Pour se réconcilier avec lui-même et pour lui-même, il se doit de rendre compte des rapports qu'entretiennent le traditionnel et le rationnel : plus concrètement, il aura à manifester si l'art de vaincre sans raison peut se séparer de la raisonnabilité ou comment celle-ci ne peut subsister sans celui-là, sans la rationalité ».

* 177 Jean-Claude Ruano-Bobalan et Bruno Choc, op. Cit, p. 138 dans Le pouvoir des réseaux rédigé par Ariel Colonomos

* 178 Jeune Afrique, Menaibuc ou Présence Africaine

* 179 Richard Rorty, Science et solidarité : la vérité sans le pouvoir, traduit de l'américain par Jean-Pierre Cometti, éd. de L'Eclat, France, 1990 pour la traduction française, p. 46 au chapitre II intitulé La science comme solidarité : « Dans notre culture, les notions de science, rationalité, objectivité et vérité sont étroitement apparentées. La science est considérée comme une discipline qui offre une vérité objective, dure : la vérité qui correspond à la réalité, la seule qui soit digne de ce nom. Les humanistes comme les philosophes, les théologiens, les historiens et les critiques littéraires sont obligés de se soucier de savoir si la qualité de scientifique peut leur être reconnue, autrement s'ils ont le droit de tenir leurs conclusions, indépendamment du soin apporté à l'argumentation, pour dignes de recevoir la qualification du vrai. Nous tendons à identifier la recherche de la vérité objective avec l'usage de la raison, ce qui nous pousse à voir dans les sciences de la nature des paradigmes de la rationalité. D'autre part, nous voyons dans la rationalité un enchaînement de procédures préétablies, une question de méthode et c'est pourquoi nous tendons à utiliser méthodique, rationnel, scientifique et objectif comme s'il s'agissait de synonymes. »

* 180 Christian Godin, op. Cit, p. 1248 se rapporter aux définitions de la Spiritualité et du Spirituel :

- « 1. Nature spirituelle, qualité de ce qui est esprit, et non point corps ou matière. Opp. À matérialité. 2. L'ensemble des phénomènes de nature religieuse qui concernent l'âme et les rapports qu'elle entretient avec la transcendance. »

- l'étymologie de la définition suivante est cruciale pour la suite de la réflexion « adj. (lat. spiritualis). Les sens vont de l'anima (dimension religieuse) à l'animus (dimension intellectuelle) - leur unité étant donnée par l'idée d'un ordre étranger au corps et supérieur à lui. 1. Relatif à la vie religieuse de l'âme, à ses rapports avec la transcendance. Opp. À charnel, sensuel, matériel. (...) 4. Affranchi de la matière et de la vie sensible, qui semble indépendant d'elle (plaisir spirituel, parenté spirituelle). Syn. D'intellectuel. Opp. À matériel. »

* 181 R. Placide Tempels, La Philosophie Bantoue, traduit du Néerlandais par A. Rubbens, imprimé aux Presses Alpha, collection Présence Africaine, 26 rue du Delta Paris 9ème, 1er semestre 1948 Chapitre II sur L'ontologie des Bantous dans la partie a°) La notion de l'être : « (...) La métaphysique considérée comme discipline méthodique et la sagesse humaine, que l'on désigne comme conception du monde, considèrent ou embrassent les réalités qu'on retrouve dans tout être de l'univers. Pareilles réalités sont notamment l'origine, le devenir, le changement, la croissance, l'anéantissement ou l'achèvement des êtres, la causalité active et passive, et plus particulièrement la nature de l'être en soi, vecteur essentiel de ces phénomènes ou modes universels. Par ces réalités tous les êtres ont quelque chose de commun ou d'identique. ». C'est en possédant une vision dynamique de l'Etre que le statut ontologique de la philosophie décrite par Tempels permet d'appréhender différents phénomènes devant lesquels l'ontologie occidentale semble inappropriée.

* 182 Platon texte établi et traduit par Emile Chambry, La République, Livres I à X, éd. Gallimard, Société d'édition « Les Belles Lettres », 1989, pour les livres I à VII et 1982 pour les livres VIII à X. p. 51 du livre II 359 c à 360 d, c'est le mythe de Gygès raconté par Glaucon à Socrate : « (...) Donnons à à l'homme de bien et au méchant un égal pouvoir de faire ce qu'il leur plaira ; suivons-les ensuite et regardons où la passion va les conduire : nous surprendrons l'homme de bien s'engageant dans la même route que le méchant, entraîné par le désir d'avoir sans cesse davantage, désir que toute nature poursuit comme un bien, mais que la loi ramène de force au respect de l'égalité. Le meilleur moyen de leur donner le pouvoir dont je parle, c'est de leur prêter le privilège qu'eut autrefois, dit-on Gygès, l'aïeul du Lydien. Gygès était un berger au service du roi qui régnait alors en Lydie. A la suite d'un grand orage et d'un tremblement de terre, le sol s'était fendu, et une ouverture béante s'était formée à l'endroit où il paissait son troupeau. Etonné à cette vue, il descendit dans ce trou, et l'on raconte qu'entre autres merveilles il aperçut un cheval d'airain, creux, percé de petites portes, à travers lesquelles ayant passé la tête il vit dans l'intérieur un homme qui était mort, selon toute apparence, et dont la taille dépassait la taille humaine. Ce mort était nu ; il avait seulement un anneau d'or à la main. Gygès le prit et sortit. Or les bergers s'étant réunis à leur ordinaire pour faire au roi leur rapport mensuel sur l'état des troupeaux, Gygès vint à l'assemblée, portant au doigt son anneau. Ayant pris place parmi les bergers, il tourna par hasard le chaton de sa bague par-devers lui en dedans de sa main, et aussitôt il devint invisible à ses voisins, et l'on parla de lui, comme s'il était parti, ce qui le remplit d'étonnement. En maniant de nouveau sa bague, il tourna le chaton en dehors et aussitôt il redevint visible. Frappé de ces effets, il refit l'expérience pour voir si l'anneau avait bien ce pouvoir, et il constata qu'en tournant le chaton à l'intérieur il devenait invisible ; à l'extérieur, visible. Sûr de son fait, il se fit mettre au nombre des bergers qu'on députait au roi. Il se rendit au palais, séduisit la reine, et avec son aide attaqua et tua le roi, puis s'empara du trône. Supposons maintenant deux anneaux comme celui-là. Mettons l'un au doigt du juste, l'autre au doigt de l'injuste ; selon toute apparence, nous ne trouverons aucun homme d'une trempe assez forte pour rester fidèle à la justice et résister à la tentation de s'emparer du bien d'autrui, alors qu'il pourrait impunément prendre au marché ce qu'il voudrait, entrer dans les maisons pour s'accoupler à qui lui plairait, tuer les uns, briser les fers des autres, en un mot être maître de tout faire comme un dieu parmi les hommes. En cela, rien ne le distinguerait du méchant, et ils tendraient tous deux au même but, et l'on pourrait voir là une grande preuve qu'on n'est pas juste par choix, mais par contrainte, vu qu'on ne regarde pas la justice comme un bien individuel, puisque partout où l'on croit pouvoir être injuste, on ne s'en fait pas faute. Tous les hommes en effet croient que l'injustice leur est beaucoup avantageuse individuellement que la justice, et ils ont raison de le croire, si l'on s'en rapporte au partisan de la doctrine que j'expose. Si en effet un homme, devenu maître d'un tel pouvoir, ne consentait jamais à commettre une injustice et à toucher au bien d'autrui, il serait regardé par ceux qui seraient dans le secret comme le plus malheureux et le plus insensé des hommes. Ils n'en feraient pas moins en public l'éloge de sa vertu, mais à dessein de se tromper mutuellement dans la crainte d'éprouver eux-mêmes quelque injustice. Voilà ce que j'avais à dire sur ce point. »

* 183 A. J. Smet, Philosophie africaine. Textes choisis II, préface par Mgr Tshibangu T, éd. Presses Universitaires du Zaïre B.P 13.399, Kinshasa, 1975, voir le chapitre sur Octave Ugirashebuja dans lequel il traite de La position négative de la pensée de Senghor p. 318.

* 184 R. Placide Tempels, La philosophie Bantoue, traduit du Néerlandais par A. Rubbens, imprimé aux Presses Alpha, coll. Présence Africaine, 26 rues du Delta, Paris 9 ème 1er semestre, 1948. P. 34 : « La pensée occidentale chrétienne, ayant adoptée les formules de la philosophie grecque, et peut-être sous l'influence de celle-ci, définit le plus souvent cette réalité commune à tous les êtres, ou si l'on veut, l'être comme tel : la réalité qui est, quelque chose qui existe, ce qui est. Sa métaphysique a été basée sur un concept fondamental plutôt statique de l'être. (...) Nous, occidentaux, voyons dans la force un attribut de l'être, et nous avons élaboré une notion de l'être dégagée de la notion de force. Il semble que les primitifs n'ont pas interprété ainsi la réalité. Leur notion de l'être est essentiellement dynamique. ». C'est un point crucial que nous ne manquerons pas de relever dans une comparaison entre l'ontologie de type occidentale est celle qui se rapporte à l'Afrique ; en effet, le contenu métaphysique de la conception de l'idée de l'Homme est en question, doit on saisir l'Homme en tant qu'Etre statique conformément à la conception ontologique occidentale, ou dans une perspective nouvelle doit-on concevoir l'Etre et la Force constitutives de l'idée de l'Homme.

* 185 Hobbes, Léviathan, traduction, introduction, notes et notices par Gérard Mairet, éd. Gallimard, Paris, 2000, p. 187 au chapitre I que Hobbes a intitulé De l'Homme dans lequel sa partie 11 traite De la diversité des moeurs : « C'est pourquoi je place au premier rang, à titre de penchant universel de tout genre humain, un désir inquiet d'acquérir puissance après puissance, désir qui ne cesse seulement qu'à la mort. Et la cause de cela n'est pas toujours que l'on espère une jouissance plus grande que celle qu'on vient déjà d'atteindre, ou qu'on ne peut se contenter d'une faible puissance, mais qu'on ne peut garantir la puissance et les moyens de vivre bien dont on dispose dans le présent, sans en acquérir plus. C'est ce qui fait que les rois dont la puissance est la plus grande orientent leurs efforts en vue de la garantir, à l'intérieur par les lois et à l'extérieur par les guerres. (...) ». En gardant à l'esprit que Hobbes dépeint dans ses oeuvres un portrait peu reluisant de la nature humaine, on peut constater que son anthropologie sur l'Homme est très déterministe dans le sens où ce dernier est régit par le Conatus c'est-à-dire une propension à fuir la mort violente. Selon l'auteur ce n'est pas par sociabilité naturelle que l'Homme entre en société. Ce qu'il y a de remarquable chez Hobbes réside dans l'idée que cette insociabilité naturelle prend forme dans la société civile sous de quête ininterrompue de la jouissance, de la gloire ; les désirs sont pour l'auteur, constamment renouvelés une fois assouvis. Si la pertinence de sa théorie demeure somme toute discutable lorsqu'on la conçoit dans les sociétés civiles contemporaines à l'inverse, le plan des Relations Internationales dominé par la vision on ne peut plus pessimiste de Clausewitz s'accorde tout à fait avec la philosophie politique de Hobbes.

* 186 Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat Social ou Principes du droit politique, Discours sur les Sciences et les Arts, Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes, Lettre à M. d'Alembert, Considérations sur le Gouvernement de Pologne, Lettre à Mgr de Beaumont, Archevèque de Paris, éd. Garnier Frères, 6, rue des Saints-Pères, Paris, 1963. p. 65 : « Après avoir montré que la perfectibilité, les vertus sociales, et les autres facultés que l'homme naturel avait reçues en puissance, ne pouvaient jamais se développer d'elles-mêmes, qu'elles avaient besoin pour cela du concours fortuit de plusieurs causes étrangères, qui pouvaient ne jamais naître, et sans lesquelles il fût demeuré éternellement dans sa condition primitive, il me reste à considérer et à rapprocher les différents hasards qui ont pu perfectionner la raison humaine en détériorant l'espèce, rendre un être méchant en le rendant sociable, et d'un terme si éloigné, amener enfin l'homme et le monde au point où nous le voyons. »

* 187 R. Placide Tempels, op. Cit, Chapitre V intitulé Ethique Bantoue dans la partie I sur Les normes du bien et du mal, ou l'éthique objective p. 81 c°) Le droit positif des Bantous cadre avec leur morale ontologique : « De même que pour les Bantous, c'est le muntu vivant qui est, de par les dispositions divines, la norme du droit positif. Nous pourrions d'ailleurs, la montrer avec la même rigueur logique que c'est le muntu qui est la norme de la langue, de la grammaire, de la géographie, de toute la vie et de tout ce que la vie met en rapport avec le muntu. ». Le muntu que Tempels a évoqué à plusieurs reprises dans cette citation désigne la personne humaine au centre de leur ontologie.

* 188 Nous faisons allusion à la pensée de Lévy-Bruhl qui dans une perspective discontinuiste, considérait la mentalité primitive comme l'état archaïque de l'évolution humaine et qui selon lui, serait indifférente à la rigueur intellectuelle. Raymond Boudon, Philippe Besnard, Mohamed Cherkaoui, Bernard-Pierre Lécuyer, op. Cit, p. 134 où Lévy-Bruhl est définit comme un « sociologue et ethnologue français (Paris 1857-1939). Professeur de philosophie à la Sorbonne, auteur de La Morale et la science des moeurs (1903) fondateur de l'Institut d'ethnologie, Lévy-Bruhl est connu surtout par ses livres de sociologie consacrés à la mentalité primitive, notamment la Mentalité primitive (1922). Il désignait ainsi un type de pensée qui, à son avis, était radicalement différent de celui de nos sociétés modernes, notamment par son indifférence à la logique, et que l'on observe dans les sociétés dites primitives étudiées par les ethnographes. Cette mentalité, qu'il appelait aussi prélogique, se caractérise principalement par le fait qu'elle repose non point sur nos principes rationnels de l'identité et de la non-contradiction, mais sur celui de la participation, qui amène les primitifs à croire qu'un être ou un objet peut être à la fois lui-même et autre chose, et qu'il y a des liens invisibles entre des êtres différents (...). ». Ce type de conceptions qui posaient une hiérarchie entre les hommes fut partiellement remis en cause par l'oeuvre de Tempels allant à contre-courant des idées politiques et philosophiques dominantes de l'époque portant sur l'Afrique. C'est ce que Friedrich Hegel disait, cité dans un article du monde diplomatique sur le site http://www.monde-diplomatique.fr/2007/HEGEL/15275 et publié en Novembre 2007, dans lequel l'auteur de l'article a relevé un extrait de La raison dans l'Histoire : « Ce continent n'est pas intéressant du point de vue de sa propre histoire, mais par le fait que nous voyons l'homme dans un état de barbarie et de sauvagerie qui l'empêche encore de faire partie intégrante de la civilisation. L'Afrique, aussi loin que remonte l'histoire, est restée fermée, sans lien avec le reste du monde (...) ». En mettant en lumière leur système ontologique développé Tempels, a suscité des controverses sur l'idée d'une philosophie africaine, ce qui était à peine concevable avant 1945.

* 189 Jean-Godefroy Bidima, Théorie critique et modernité africaine, de l'Ecole de Francfort à la docta Spes africana, Paris, publications de la Sorbonne, série philosophie, 1993, p. 256 dans la partie intitulée Vers un autre paradigme où il est dit : « En critiquant les retombées technologiques, on suppose que la science dans ses principes est neutres, et que c'est bien l'utilisation malveillante des technocrates et des politiques qui la rende inhumaine. Le problème serait donc, celui des hommes qui ne savent pas utiliser la technoscience, quant à celle-ci, sa pureté n'a d'égale que sa neutralité axiologique ». Bidima est un philosophe camerounais de la seconde génération, formé à Paris I qui a enseigné au Collège Internationale de Philosophie et en Allemagne.

* 190 R. Placide Tempels, ibid., p. 81 : « Si le droit de propriété, le régime foncier, la dévolution successorale, l'organisation clanique et interclanique ancienne ou l'organisation politique plus récente, bref si toute la législation positive ou conventionnelle ne peut être tirée par déduction logique nécessaires des données ontologiques de la philosophie bantoue, tout au moins est-il conventionnel qu'il puisse paraître, s'adapte parfaitement dans le cadre de la philosophie et de la morale bantoue telle que nous l'avons décrite. »

* 191 Nous faisons allusion au Droit au bonheur évoqué par la Déclaration d'Indépendance des Etats-Unis de 1776 que Jean-Eric Branaa dans, La Constitution Américaine et les institutions, coll. Les essentiels de la civilisation anglo-saxonne dirigée par D. Frison aux éditions Ellipses, Paris, avril 2003, p. 22 du chapitre 2 sur La Constitution : « Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructrice de ce but, le peuple a le droit de le changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement. »

* 192 L'amélioration qualitative de la « vie humaine » est l'objet sur lequel se rejoignent Achille Mbembe et Anthony Giddens bien qu'ils le formulent différemment. Au Chapitre précédent Achille Mbembe évoquait la défense des nouvelles « formes de vie » tandis que Giddens parlait de protection de la « politique de la vie » à la page 60 de son oeuvre sur la Troisième voie. Après avoir exposé les thèses afrocentristes durant cette partie, nous verrons que la « défense de la vie » est l'objet politique du versant progressiste de la philosophie africaine sur lequel nous achèverons notre chapitre.

* 193 Bien entendu le but n'est pas de maintenir ces catégories qui brident la pensée et conçoivent l'Homme d'un point de vue totalitaire et centré sous un concept on ne peut plus problématique que celui de « Peuple Noir » qui subsume des individus selon leur couleur de peau. Le terme de Diaspora concerne surtout les communautés ethniques vivant sur un autre territoire que l'Afrique telles que la minorité noire afro-américaine qui a vu différents prédicateurs charismatiques comme Malcolm X ou Louis Farrakhan véhiculant une vision radicale du communautarisme dans laquelle ils affirment leur attachement à la zone sub-saharienne du continent africain.

* 194 Cette notion de « Diasporas noires » est, pour le courant de pensée afrocentriste, une étape préalable à l'idée de « Panafricanisme » ( : « Mouvement visant à resserrer l'unité et la solidarité des peuples africains. » définition du Dictionnaire Hachette éd. 2007). C'est un sens politique radical et transnational que le courant afrocentriste contemporain semble vouloir assigner à l'Union Africaine en s'inscrivant dans la logique du néoréalisme des Relations Internationales. A l'origine ce terme fut utilisé par l'ancien Président du Ghana Kwamé N'Nkrumah afin de fédérer les chefs d'Etats et de gouvernements autour du projet de fondation de l'OUA en 1963 à Addis-Abeba en Ethiopie : http://www.africa-union.org/root/ua/index.htm

* 195 Molefi Kete Asante, L'Afrocentricité, traduction par Ama Mazama, éd. Menaibuc, Paris, 2003, p. 185. Le lecteur est endroit de se demander pourquoi effectuer un rapprochement apparemment arbitraire entre la philosophie marxiste et la philosophie africaine de type afrocentriste. Dans sa version contemporaine l'afrocentrisme émerge surtout en Occident chez les membres de la « Diaspora noire » qui se trouvent en métropole (aux Etats-Unis, en Europe et aux Antilles). Tout comme le marxisme, l'afrocentrisme commence sa réflexion sur une analyse implacable de la société civile qui serait tenue par une « ethnocratie blanche » qu'il va falloir renverser quoiqu'il arrive. En définitive, les thèses de philosophie africaine les plus radicales vis-à-vis de l'Occident viennent surtout des individus vivant en Occident.

* 196 Sous la direction de Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 65 dans Un postcolonial stratégique

* 197 Christian Godin, op. Cit, p. 1108 se rapporter à la définition de la rationalité axiologique : « (...) celle qui, pour Max Weber (1864-1920), caractérise les actions animées par une fin considérée comme absolue, (...) »

* 198 Nous citons ces différentes organisations car ce sont elles qui avaient le devoir de s'occuper de la partie défavorisé de la Société civile durant le paradigme du Welfare State ou Etat Providence après la seconde guerre mondiale.

* 199 Jean-Claude Ruano-Borbalan et Bruno Choc, op. Cit, p. 62 dans la sous partie intitulée La maîtrise de l'action

* 200 En quoi l'usage de cette Liberté politique peut être un atout pour l'action ?

* 201 Celle-ci étant « La bourgeoisie » pour les marxistes ou « l'éthnocratie blanche » pour les afrocentristes.

* 202 Avec la Nation de l'Islam nous avons l'illustration d'un communautarisme radicale, le NAACP est plus modéré (voir : www.naacp.org/), en France nous avons des groupes similaires qui partagent l'afrocentrisme d'une manière différente. Parmi les communautaristes modérés il y a le Cran (voir : www.lecran.org/), et puis il y en qui ont une tendance plus radicale comme AfricaMaat ( http://www.africamaat.com/) ou l'organisation de l'ex porte-parole de la Tribu K Kemi Seba ( www.seba-wsr.com).

* 203 Raymond Boudon, Philippe Besnard, Mohamed Cherkaoui, Bernard-Pierre Lécuyer, op. Cit. p. 173 voir définition : « On parle de paupérisation lorsque, dans une société donnée, des couches sociales entières s'appauvrissent régulièrement, c'est-à-dire voient leur revenus et leurs patrimoines diminuer de façon constante. (...) »

* 204 Jean-Claude Ruano-Borbalan et Bruno Choc, op. Cit, p. 106 dans la sous partie sur Les fondements de la démocratie

* 205 Concerne l'Etre par opposition à l'Etant sur le plan ontologique.

* 206 Concerne ce qui a trait à la propriété

* 207 Celle-ci représente l'apparence sociale vers laquelle nos systèmes de valeurs convergent d'une façon arbitraire.

* 208 Martin Heidegger, traduit de l'allemand par Henry Corbin, Roger Munier, Alphonse de Waelhens, Walter Biemel, Gérard Granel, André Préau, Questions I, Qu'est-ce que la métaphysique ? Ce qui fait l'être-essentiel d'un fondement ou « raison », De l'essence de la vérité, Contribution à la question de l'être, Identité et différence, éd. nrf Gallimard, Paris, 1968 pour la traduction française. Se reporter p. 214 : « (...) Dans quel sens apparaît l'être, s'il s'agit de la sécurité de l'étant ? Dans le sens de ce qui est toujours et partout fixable, c'est-à-dire représentable. Descartes, qui comprenait l'être ainsi, trouva la subjectivité du subjectum dans l'ego cogito de l'homme fini. L'apparition de la forme métaphysique de l'homme comme source de la donation de sens est l'ultime conséquence de l'acceptation de l'être-humain en tant que subjectum déterminant. A la suite de quoi la forme intrinsèque de la métaphysique se modifie, forme qui consiste dans ce qu'on peut appeler la transcendance. »

* 209 Les variations de l'Etre dans la société civile où le sujet évolue sont de différentes sortes : la qualité sociale, l'identité culturelle ou nationale, la formation universitaire, l'identité religieuse.

* 210 On peut dire le choix consistant à mettre l'accent sur l'apparence ou la possession en dépit de l'Etre, provoque une crise individuelle interne au sujet qui fausse incidemment les termes de son action.

* 211 Un défi devant lequel la démocratie libérale aux Etats-Unis a su faire face au moyen de politiques d'affirmative action ou de reconnaissance du droit à la différence. Quoique leur modèle social communautariste reste assez choquant pour une conception républicaine qui prône l'idée du « vivre-ensemble ».

De même pour la condition ouvrière qui constitue le fer de lance de l'idéologie marxiste, si la solution révolutionnaire aux Etats-Unis ne semblait pas souhaitable ici non plus, ce n'est pas tant que les partenaires sociaux soient moins actifs mais la négociation, donc « le réformisme » a permit d'améliorer le sort des travailleurs sans actions collectives de type révolutionnaires.

* 212 Plus grande sera la déception pour les individus qui espèrent une action collective de type révolutionnaire, que ce soit pour les Prolétaires ou la Diaspora, ou ceux dont l'action individuelle est inconsistante.

* 213 R. Placide Tempels, op. Cit, p. 83 d°) La ténacité du Muntu dans la pensée de son droit et la conséquence de son attachement à sa sagesse fondamentale et à sa philosophie : « (...) Plus sa pensée est haute, plus ses arguments se trouvent enracinés dans sa conception philosophique et plus sa sagesse et son comportement sont ontologiques, plus tenace sera-t-il, plus audacieux s'avancera-t-il pour la défense de son bon droit. C'est dans la défense de son droit, que le non-civilisé apparaît le mieux en tant que personnalité, parce que son droit (tout comme sa religion d'ailleurs) repose sur l'essence intime de son humanité, sur sa conception du monde et sur sa philosophie. ». C'est la permanence du vécu ontologique des Bantous qui est intéressant à analyser et semble-t-il, qui se trouve en mesure de constituer un apport incontournable pour remédier à la crise du système démocratique et de la responsabilité individuelle. La conception dynamique de l'Etre ne fige pas l'individu en tant qu'Etant, la Force intrinsèque à leur idée de l'Etre donne tout son sens à la responsabilité individuelle vidée de son contenu face à la mondialisation.

* 214 R. Placide Tempels, op. Cit, p. 66 dans le Chapitre IV intitulé La théorie du Muntu ou la psychologie Bantoue, partie I sur Le Muntu ou la personne voir dans le développement a°) Le Muntu est une force vive, une force personnelle : « Les Bantous voient dans l'homme, la force vivante la force ou l'être qui possède la vie vraie, pleine et élevée. L'homme est la force suprême, la plus puissante parmi les autres êtres créés. » Tempels entend par les autres êtres les végétaux ainsi que les animaux investis eux aussi d'une force de moindre envergure.

Cette citation démontre que ce qui doit être valorisé est l'Homme entendu comme individu et non le groupe à l'instar des idées afrocentristes.

* 215 Voilà pourquoi il est difficile de désigner sous un concept maladroit tel que « les classes sociales » ou « les défavorisés » car si l'enjeu réel pour la condition ouvrière est économique pour les idéologies marxistes, l'enjeu est plus politique, et donc d'un autre ordre pour les revendications de type afrocentristes : A quelles conditions une reconnaissance du droit à la diversité culturelle s'inscrit dans le cadre de l'humanisme juridique ? En enrichissant le cadre démocratico-libérale sans le brader, c'est-à-dire en présentant des droits culturels sans qu'ils puissent limiter les libertés fondamentales de l'individu ; elle doit se concevoir comme un approfondissement et une explicitation de Droits de l'Homme déjà existant et reconnu. D'ailleurs, la prise en compte de droit culturel conçut comme droit individuel doit pouvoir subir les restrictions prévues par la loi pour la sauvegarde du public et pour la protection des droits et des libertés de chacun, et ce, quand bien même le droit de vivre en communauté serait reconnu.

* 216 Christian Godin, op. Cit, p. 583 dans la définition de Homo : « l'être humain schématique tel que se le représente l'économie politique classique et la philosophie utilitariste : un individu rationnel cherchant en toutes circonstances le maximum d'avantages et le minimum d'inconvénient. Le modèle minimise ou exclut la spécificité de la dimension imaginaire (morale ou religieuse) de l'être humain ainsi que la particularité du milieu ». En somme, la démonstration par le biais de la méthode comparative que nous venons de conclure a servi à redonner un sens et du contenu à cette idée de l'individu dans les sociétés démocratiques en accordant une valeur relative à la spiritualité.

* 217 Ce propos englobe autant les acteurs sociaux que les Etats nationaux.

* 218 R. Placide Tempels, op. Cit, p. 68 : « Connaissance et sagesse sont des forces vitales suivant leurs conceptions. Déjà nous avons signalé que la véritable connaissance, la vraie sagesse consiste à comprendre la nature et l'action des forces autres, que telle est pour eux la vraie connaissance : intelligence métaphysique des forces, ou des êtres. ». En ce sens, l'ontologie de Heidegger et celle de la philosophie africaine se rejoignent, pour le moins concernant leurs visions respectives de la technique. 

* 219 Martin Heidegger, traduction André Préau, Question III, « Sérénité », éd. Gallimard p. 12-14 : « Le manque croissant de pensée repose ainsi sur un processus qui atteint le plus vif de l'homme contemporain : l'homme d'aujourd'hui est en fuite devant la pensée. Cette fuite devant la pensée est le fondement du manque de pensée. Mais il appartient à cette fuite devant la pensée que l'homme ne veut ni la voir ni la reconnaître. L'homme contemporain contestera au contraire toute idée d'une fuite devant la pensée. Il affirmera, et il aura raison, qu'à aucune époque on n'a autant planifié, on n'a poussé si loin la recherche, on a si passionnément expérimenté aujourd'hui. C'est vrai. Cette profusion de sagacité et de réflexions est d'une grande utilité. Une telle pensée demeure indispensable. Mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une pensée d'un genre particulier. »

* 220 Donc c'est une production de savoirs sur ce qu'il y a de plus particulier.

* 221 Martin Heidegger, Question III, op. Cit, p. 12-14 : « Ce qu'elle a de particulier est que lorsque nous planifions, cherchons, menons nos entreprises, nous comptons avec des circonstances données. Nous les prenons en compte dans le calcul qui vise un but déterminé. Nous escomptons des résultats déterminés. Ces comptes, ce calcul, caractérisent toute pensée planificatrice et toute recherche. Une telle pensée reste alors un calcul, même si elle n'utilise pas de chiffres ni de machine à calculer, ni ne met oeuvre de puissants moyens de calcul. (...) Elle calcul des possibles toujours nouveaux, toujours plus prometteurs et en même temps plus économiques. La pensée calculante nous presse d'une opportunité à une autre. La pensée calculante ne se tient jamais tranquille, elle ne prend pas le temps de réfléchir, de méditer. La pensée calculante n'est pas une pensée qui réfléchit, elle n'est pas une pensée qui médite le sens présent de tout ce qui est. »

* 222 Ibid. « C'est de cette méditation que nous voulons parler lorsque nous disons que l'homme contemporain est en fuite devant la pensée. Mais, nous objecte-t-on, la méditation pure et simple plane très au dessus de la réalité. Elle a perdu contact avec le sol. Elle n'est pas adaptée à la gestion des affaires courantes. Elle n'apporte rien pour les réalisations pratiques. Et on ajoute que la méditation pure, la réflexion endurante, serait trop « élevée » pour l'entendement commun. Il y a là quelque chose de vrai, c'est que la pensée méditante exige parfois un niveau élevé d'effort. Elle demande qu'on apprenne et s'exerce très longuement. Elle a besoin plus que tout autre artisanat qu'on y mette beaucoup de soin. Elle doit aussi savoir attendre, comme le paysan, que le blé lève et vienne à maturité. Par ailleurs, chacun peut emprunter les voies de la méditation à sa propre manière et dans ses propres limites. Pourquoi ? Parce que l'homme est l'être-pensant, c'est-à-dire méditant. »

* 223 Capitales économiques entendues comme milieu d'affaires ou pôles financiers.

* 224 Toutes ces villes observent une stratégie élaborée en fonction des exigences de la mondialisation en faisant bonne usage des ressources régionales qui peuvent intéresser le marché mondial. Loin de remettre en cause l'utilité de cette intégration économique, la réflexion a pour but de mettre en lumière que cette nécessité ne doit pas prévaloir sur « le principe de vie » ou sur l'amélioration des « formes de vie ».

* 225 Molefi Kete Asante, op. Cit, p. 143 où rejoignant la pensée de Heidegger le professeur Asante écrit : « La science, en Occident, a fait place à une solide implantation de la technique. Alors que la science se révèle comme la discipline mentale, il n'en est pas de même pour la technique. Il ne nous reste plus qu'à croire que la technique est la source de tout ce que l'Occident entreprend, qu'il y a ni âme, ni sentiment, ni émotion, seulement la technique. Il s'agit d'une politique de manipulation d'objets et de substances qui nie l'importance de l'homme ». Il est troublant que ces deux philosophies s'accordent indistinctement sur la critique de la technique en dépit de leurs divergences fondamentales sur la place de l'Homme.

* 226 Ces boissons énergisantes excessivement riches en caféines ou en produits excitant de différentes sortes, sont de plus en plus consommés chez les cadres, les étudiants, les sportifs chez lesquels la consommation est monnaie courante. L'absorption de ce genre de substances, malgré les normes sanitaires en vigueurs, restent néfastes pour l'organisme (effets secondaires non-désirés : problèmes cardiaques, problèmes de concentration, d'insomnies). En général, les Ministère de la Santé ne manquent pas de le préciser sur l'emballage. Un rapport très intéressant aborde le sujet dans ce site http://www.univers-sante.ucl.ac.be/agir/alcool/annexe_reaction_juin_06.pdf , ils mettent l'accent sur les étudiants mais ils élargissent parfois le propos afin de démontrer que c'est fait social plus général.

* 227 Martin Heidegger, Questions III, op. Cit, p. 15-16 : « (...) A chaque heure de chaque jour ils sont captivés par la télévision et la radio. A chaque semaine son film, qui les transporte dans un monde qui n'en est pas un, un théâtre d'apparences souvent banales. Partout un magazine est à portée de main. Tout ce qui permet aux moyens techniques modernes de l'information de sans cesse interpeller, assaillir et tracasser l'être humain, tout cela est devenu aujourd'hui beaucoup plus proche de lui que le champ autour de sa ferme, (...) Plus encore : la perte de l'enracinement n'est pas seulement causée par des circonstances et évènements extérieurs, et elle ne repose pas seulement sur la négligence et le mode de vie superficiel des hommes. »

* 228 Raymond Boudon, Philippe Besnard, Mohamed Cherkaoui, Bernard-Pierre Lécuyer, op. Cit, p. 199 dans la définition de la Religion où weber évoque le christianisme : « (...) La modernité qu'il a contribué à créer élimine sa présence de la sphère publique, le cantonnant au privé, où il entre en concurrence avec l'art, les loisirs, la famille, etc. (...) »

* 229 Martin Heidegger, Questions I, op. Cit, p. 215

* 230 Martin Heidegger, Questions III, op. Cit. p. 22-23 : « (...) Nous pouvons utiliser les objets techniques et en même temps dans cet usage instrumental conserver envers eux notre liberté, de manière à ce que nous soyons à chaque fois dans le lâcher-prise. Nous pouvons faire usage des objets techniques comme on doit en faire usage. Mais nous pouvons ce faisant laisser ces objets reposer en eux-mêmes comme quelque chose qui ne nous concerne pas dans notre intériorité et notre authenticité. Nous pouvons dire oui à l'inévitable utilisation des objets techniques et nous pouvons en même temps leur dire non, dans la mesure où nous leur interdisons de nous accaparer et ainsi de fausser notre essence, de la troubler et de finalement la dévaster. (...) Mais si nous disons de cette manière à la fois oui et non aux objets techniques, ne rendons-nous pas notre relation au monde technique ambiguë et incertaine ? Tout au contraire. Notre relation au monde technique en devient merveilleusement simple et paisible. Nous introduisons les objets techniques dans notre monde quotidien et en même temps nous les laissons dehors, c'est-à-dire que nous les laissons reposer en eux-mêmes en tant que choses, qui ne sont rien d'absolu, mais dépendent elles-mêmes d'un niveau plus élevé. Je voudrais appeler d'un mot ancien cette position de oui et de non simultanés au monde technique : la sérénité envers les choses. »

* 231 F. Eboussi-Boulaga, La crise du Muntu. Authenticité africaine et philosophie, coll. Présence africaine, 25 bis, rue des Ecoles Paris 5ème, 62 rue Carnot, Dakar, p. 7 de la Préface.

* 232 R. Placide Tempels s'excuse plusieurs fois durant le développement de la réflexion à cause de ses terminologies, des champs lexicaux utilisés afin de rendre compte de la Philosophie Bantoue.

* 233 Paulin J. Hountoundji sur, La philosophie africaine, éd. François Maspero, 1, place Paul-Painlevé, Paris 5ème arrondissement, parution en janvier 1977, p. 14 dans I. Archéologie : l'ethnophilosophie occidentale.

* 234 Elungu P. E. A, op cit, p. 117

* 235 Le 6 mai 1931 a eu lieue l'exposition coloniale, inaugurée par Gaston Doumergue au bois de Vincennes qui a accueillit durant 6 mois plus de 6 millions de visiteurs ; s'inscrivant dans une longue tradition colonialiste datant de 1889 jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, plusieurs expositions avaient pour but de célébrer le colonialisme triomphant et ses vertus. Nous avons dit que l'environnement intellectuel et politique était majoritairement acquis à l'action coloniale car il nous faut apporter certaines nuances sur ce propos. En effet, un grand nombre d'organisations politiques ainsi que des mouvements littéraires se sont insurgés contre ce genre d'exposition, notamment les communistes fidèles à leur tradition Internationaliste, tout comme certains libéraux isolés par leur parti politique mais convaincus de la nécessité de reconnaître une liberté fondamentale aux primitifs, les tenants du courant surréaliste tels que Michel Leiris et André Schaffner ont également rejoins cette cause qui à l'époque était encore marginale dans la société civile, car le regard artistique qu'ils portaient sur l'Autre fut positif.

* 236 Marcien Towa, Essai sur la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle, éd. CLE, Yaoundé, 1971, p. 10 au chapitre I intitulé Existe-t-il une philosophie africaine ?

* 237 Marcien Towa, ibid.

* 238 F. Eboussi-Boulaga, op. Cit. p. 16

* 239 Christian Godin, op. Cit. p. 1016 se reporter à la définition du Pragmatisme : « Philosophie fondée par les Américains Ch. S. Peirce (1839-1914) et William James (1842-1910) et proposant la valeur pratique comme critère de vérité. Les orientations générales du pragmatisme rejoignent celles de l'empirisme et de l'utilitarisme dont il dérive. Après avoir remarqué que nos croyances sont, en réalité, des règles pour l'action, Peirce soutient que pour développer le contenu d'une idée, il suffit de déterminer la conduite qu'elle est propre à susciter. En d'autres termes, le contenu d'un objet de pensée est la somme des effets que nous pouvons nous représenter de cet objet. Un concept donné sera analysé à travers les propositions dans lesquelles il est utilisé et l'analyse de ces propositions pourra être exprimée comme une conjonction des propositions qui expriment ses conséquences pratiques. Par conséquences pratiques, Peirce entend les propositions conditionnelles de la forme s'il y a P, alors Q, dans lesquelles ce qui précède établit qu'une certaine action volontaire est en train de se faire dans une situation donnée et la conséquence décrit certains phénomènes visibles résultant de cette action. ».

* 240 Richard Rorty, Science et solidarité. La vérité sans le pouvoir, traduit de l'américain par Jean-Pierre Cometti éd. L'éclat, France, octobre 1990, p. 10 de la Préface

* 241 Celle qui fut réalisé par de brillants savants tels que Copernic, Galilée ainsi que Newton qui avaient en commun une représentation métaphysique de leur activité scientifique (comme celle que l'on retrouve dans les recherches fondamentales). Leurs théories scientifiques respectives, nécessitaient qu'ils s'affranchissent de l'espace et du temps pour pouvoir mathématiser le réel et rendre lisible les conditions relatives à l'apparition des phénomènes naturels. Que ce soit l'hypothèse de l'héliocentrisme, celle du principe d'inertie ou encore celle de la chute des corps, il a bien fallut qu'ils mettent entre parenthèses leurs impressions sensibles et leurs connaissances antécédentes pour réussir à percer la réalité sans l'usage de dispositifs techniques élaborés.

* 242 R. Placide Tempels, op. Cit. p. 45 où Tempels décrit la rencontre en ces termes : « Le blanc, phénomène nouveau surgissant dans le monde bantou, ne pouvait être aperçu que suivant les catégories de la philosophie traditionnelle des Bantous. Le blanc fut donc incorporé dans l'univers des forces, à la place qui lui revenait suivant la logique du système ontologique bantou. L'habileté technique du blanc les frappait. Le blanc semblait être maître des grandes forces naturelles. Il fallait donc admettre que le blanc était un aîné, la force vitale du blanc est telle que contre lui les manga, ou l'application des forces agissantes naturelles dont disposent les noirs, paraissent dépourvues d'effet. »

* 243 Pour une fois c'est l'usage positif de la rationalité qui menace la foi.

* 244 Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, 1er édition en 1950, 5ème édition, Paris, Présence Africaine, 1970, p. 39 où Césaire met en scène un dialogue fictif entre le Père Tempels et un colon : « (...) Obtenez qu'en tête de la hiérarchie des forces vitales bantoues, prenne place le Blanc, et le Belge singulièrement, et plus singulièrement encore Albert et Léopold, et le tour est joué. On obtiendra cette merveille : le Dieu bantou sera garant de l'ordre colonialiste belge et sera sacrilège tout Bantou qui osera y porter la main ».

* 245 http://tekur-ucad.refer.sn/IMG/pdf/Magueye_Kasse.pdf.

* 246 Marcien Towa, Léopold Sédar Senghor : Négritude ou Servitude ?, éd. CLE, Yaoundé, 1971, p. 100-101 : « La thèse fondamentale de Senghor est certainement l'émotivité du nègre, thèse exposée pour la première fois en détail dans un texte important intitulé Ce que l'homme nous apporte. Le premier souci de Senghor y est de définir l'âme nègre. Comment y parvenir ? Répudiant toute méthode rationnelle, il affirme, sans justification, que le fil d'Ariane est l'émotivité -féminité : L'émotion est nègre comme la raison est hellène ».

* 247 Marcien Towa, op. Cit, p. 107-108 : « Autrement dit, le nègre, tant qu'il demeure tel, n'a pas sa place, en tout cas, pas de place égale à celle du blanc, dans un monde fondé sur la raison et la science ». Il est manifeste, que la position de Senghor est conservatrice à propos de l'orde établi.

* 248 Ama Mazama, L'impératif afrocentrique, éd. Menaibuc, Paris, 2003, p. 15 sur La suprématie blanche : Idéologie et Pratiques dominantes : « La résignation et l'acceptation de la suprématie blanche, pour être courantes, n'en sont pas moins, bien évidemment manufacturées. Nous voulons dire par-là, le résultat d'un long processus de propagande, systématique et organisé, afin de nous placer et nous maintenir dans un état de subjugation mentale vis-à-vis de l'Occident ».

* 249 Kwamé Nkrumah, Le Consciencisme, éd. Payot, Paris, 1965, p. 120 : « La révolution sociale doit donc s'appuyer fermement sur une révolution intellectuelle, dans laquelle notre pensée et notre philosophie soient axées sur la rédemption de notre société. Notre philosophie doit trouver ses armes dans le milieu et les conditions de vie du peuple africain. C'est à partir de ces conditions que doit être crée le contenu intellectuel de notre philosophie. L'émancipation du continent africain, c'est l'émancipation de l'homme ». La force et la verve rhétorique de Nkrumah est indéniable, cependant il passe littéralement à côté de son projet d'émancipation en appuyant sa réflexion sur cette idée holiste de « peuple ».

* 250 Molefi Kete Asante, op. Cit, p. 9 du chapitre 1 sur Les Fondements Essentiels : « L'Afrocentricité est l'élément fondamental de la régénération humaine. Dans la mesure où elle fait partie de l'existence des millions d'Africains sur le continent et dans la Diaspora, elle deviendra révolutionnaire. Elle a un but, conférant un sens réel de destinée, fondée sur l'histoire et l'expérience. L'état psychologique de l'Africain sans Afrocentricité est devenu un sujet de grande préoccupation. Au lieu de regarder vers l'extérieur à partir de son propre centre l'individu non-afrocentrique se comporte de façon négativement prévisible. Les images, symboles, styles de vie et façons d'être de cet individu sont contradictoires et de ce fait même, s'opposent à une croissance et à un développement individuels et collectifs ».

* 251 Pierre-André Taguieff, L'illusion populiste. Essai sur les démagogies de l'âge démocratique, éd. Flammarion, mars 2007, p. 227 sur Le populisme identitaire

* 252 Elungu P. E. A, op. Cit, p. 70 dans la partie sur L'Afrique à la recherche de son idéologie, se référer au moment intitulé Le Panafricanisme : « En Afrique, le panafricanisme reste lié à Kwamé Nkrumah. C'est lui, en effet, qui l'a importé ; c'est lui qui, le premier, a lutté avec ardeur sans pareille pour sa réalisation, (...) »

* 253 Ama Mazama, op. Cit, p. 178 dans La Philosophie africaine : « Le principe fondamental de la philosophie africaine est celui de l'unité de l'être. En effet, l'articulation première de la métaphysique africaine est l'énergie cosmique qui traverse et habite tout ce qui est au monde. Cette énergie cosmique dont tout participe, les humains comme les animaux, les plantes comme les minéraux, les objets comme les phénomènes, fournit une essence commune à tous et de ce fait même, assure l'unité fondamentale de tout ce qui est ».

* 254 Molefi Kete Asante, op. Cit, p. 19 : «L'Afrocentricité ne vous convertit pas en faisant appel à la haine ou à la convoitise, à la rapacité ou à la violence. En tant qu'idéologie consciente la plus élevée, elle affirme ses principes, motive ses adhérents et gagne les prudents par la force de sa vérité ».

* 255 Kwamé Nkrumah, op. Cit, p. 13 au chapitre sur le Consciencisme

* 256 Elungu P. E. A, op. Cit, p. 71 dans la partie a°) Du panafricanisme au nationalisme : « Parti du panafricanisme comme idée, Nkrumah doit déboucher sur le panafricanisme comme réalité. Ce chemin est long et périlleux. En fait, Nkrumah a fait beaucoup mais n'est pas arrivé au bout du parcours, il a été renversé en cours de route par les forces mêmes qui devaient servir à la réalisation de son rêve ».

* 257 Sous la direction de Yénouyaha Georges Madiéga et Oumarou Nao, Burkina Faso. Cent ans d'histoire, 1895-1995, Tome 2, éd. Karthala-P.U.O sur les presses de la Nouvelle Imprimerie Laballery, 58500, Clamecy, décembre, 2003, p. 1275 au 2- Les politiques de développement auto-centré (1983-1987) : « Dans une stratégie de développement auto-entretenu, le taux de croissance recherché doit être optimum sous réserve du maintien de l'indépendance de l'économie nationale. Le rôle du plan devient central. L'investissement public se réalise aussi dans le secteur productif. L'Etat contrôle le capital privé par le biais d'un code des investissements restrictif. La priorité est accordée aux facteurs de productions internes : le choix des technologies intermédiaires est prôné. (...) L'application de cette politique de développement auto-centrée a donné des résultats : le taux de croissances des importations diminue de 4,2 à 0,9 %, celui des consommations publiques de 4,9 à 0,9 %, des consommations privées de 3,6 à 3,2 % ; le taux de croissance de la production baisse de 3,5 à 2,5 %. En revanche, le taux de croissance des exportations augmente de 0,5 % ». (Voir le tableau situé à la page suivante p. 1276 où il est indiqué que de 1980 à 1987 le PIB était de 5,6%, la production industrielle (PID) de 3,9% et la production agricole (PAG) de 6,1%. Jusqu'à aujourd'hui, le Burkina Faso n'a jamais connu un bilan économique aussi positif que sous l'ère de Thomas Sankara).

* 258 Simone Weil, Note sur la suppression générale des parties politiques, éd. Climat, Paris, mars, 2006, p. 34

* 259 Simone Weil, op. Cit, p. 24 : « Ainsi sur le continent d'Europe le totalitarisme est le péché originel des partis. C'est d'une part l'héritage de la Terreur, d'autre part l'influence de l'exemple anglais, qui installa les partis dans la vie publique européenne ». Bien que ce soit à demi-mots, il est véritablement question de la vie politique, quelque soit la nature de l'organisation politique, celles-ci sont néfastes pour la pensée elles la cloisonnent de par ses dogmes idéologiques. Et pour le continent africain, cette question est d'autant plus importante, car quand bien même le clivage gauche/droite sera dépassé, n'oublions pas qu'il n'est souvent qu'un prétexte pour dissimuler des clivages ethniques tels que : Merina/Antefasy à Madagascar, Utu/Tutsi au Rwanda.

* 260 Simone Weil, op. Cit, p. 35

* 261 Martin Bernal, Black Athena. Les racines afro-asiatiques de la civilisation classique, Volume II Les sources écrites et archéologiques, traduit de l'américain par Nicole Genaille, éd. PUF, 73, avenue Ronsard 41100 Vendôme, novembre 1999, p. 9 : « Deux journaux d'extrême droite, le New Criterion et le National Review, ont attaqué ma position politique. Dans le premier, le critique, qui avait clairement lu Black Athena et réfléchi sur l'ouvrage, admettait qu'il puisse contenir des arguments intéressants (...) »

* 262 J. G. Bidima, op. Cit, p.123 dans son oeuvre La philosophie négro-africaine.

* 263 Simone Weil, op. cit, p. 51

* 264 Richard Rorty, Conséquences du pragmatisme, éd. Seuil, Paris, novembre, 1993, p. 303 au chapitre 9 intitulé Pragmatisme, relativisme et irrationalisme

* 265 Richard Rorty, Objectivisme, relativisme et vérité, éd. PUF, 73 avenue Ronsard, 41100 Vendôme, mars, 1994, p. 201 dans la 3ème partie sur La priorité de la démocratie sur la philosophie : « Dans la mesure où il ne croit pas qu'en matière de théorie politique, nous ayons besoin de nous considérer comme les détenteurs d'une essence qui précède l'histoire, Rawls n'admettrait pas, avec Sandel, qu'une théorie de la nature du sujet moral, en un certain sans nécessaire, non contingent et antérieur à toute expérience particulière puisse nous être de quelque utilité ». Nous pouvons remarquer par ailleurs, que la notion de démocratie est absente de la philosophie afrocentriste.

* 266 Richard Rorty, op. Cit, p. 192 : « Ce compromis jeffersonien sur la relation de la perfection spirituelle et de la politique publique présente deux aspects. Sous son aspect absolutiste, il stipule que tout être humain, toute révolution particulière mise à part, possède la totalité des croyances que réclame la vertu civique. Ces croyances ont leurs sources dans une faculté humaine universelle : la conscience, dont la possession définit l'essence humaine spécifique de tout être humain. C'est cette faculté qui confère à l'individu sa dignité et ses droits. Mais il existe aussi un aspect pragmatique, aux termes duquel l'individu qui découvre dans sa conscience des croyances en accord avec la politique commune, mais que les croyances qu'il partage avec ses concitoyens ne permettent pas de sacrifier sa conscience sur l'autel de l'intérêt public ». Sur ce point Rorty valide notre argumentation précédente sur l'utilité des croyances spirituelles, si celles-ci peuvent renforcer l'individu aux côtés d'autres éléments.

* 267 Mamoussé Diagne, De la philosophie et des philosophes en Afrique noire, préface de Paulin J. Hountondji, éd. IFAN, B.P 206, Dakar, éd. Karthala, 22-24 bld Arago, Paris, p. 68 au chapitre III dans la partie I intitulé La fonction critique et auto-critique.

* 268 Elungu P. E. A, op. Cit, p. 113 sur Les philosophies critiques : « L'intention des philosophes de ce nouveau courant ne semble pas être de rechercher, à travers la critique des autres formes de pensée, à dégager ce qui doit être l'image d'une philosophie africaine. Au contraire, à leurs yeux, cette notion de philosophie africaine est critiquable au nom du concept spécifique de philosophie. C'est ce concept qu'ils s'efforcent d'éclaircir et de préciser, qu'ils proposent, ainsi défini, en programme rigoureux d'investigations philosophiques ».

* 269 J. G. Bidima, Théorie Critique et modernité négro-africaine, p. 177

* 270 Kant, Critique de la raison pure, traduction et présentation par Alain Renaut, Aubier, Paris, 1997, éd. GF Flammarion, 2ème édition corrigée en 2001, p. 124 au chapitre sur l'esthétique transcendantale : « Les explications que nous donnons enseignent par conséquent la réalité (c'est-à-dire la validité objective) de l'espace à l'égard de tout ce qui peut s'offrir à nous extérieurement comme objet, mais en même temps l'idéalité de l'espace à l'égard des choses, dès lors qu'elles sont appréciées par la raison en elles-mêmes, c'est-à-dire sans que soit prise en compte la constitution de notre sensibilité. Nous affirmons en ce sens la réalité empirique de l'espace (à l'égard de toute expérience externe possible), tout en affirmant son idéalité transcendantale, c'est-à-dire qu'il n'est rien dès que nous omettons la condition de la possibilité de toute expérience et que nous l'admettons comme quelque chose qui est au fondement des choses en elles-mêmes ». Si les conditions d'apparition de la chose en soi sont relatives à la structure de notre sensibilité, en tant qu'elle nous apparaît de manière spatio-temporelle sous la forme de phénomènes, les jugements synthétiques a priori ne peuvent être énoncés que par la Raison pure (celle dont on se sert pour l'activité scientifique), en aucun cas pour la Raison pratique.

* 271 Kant, op. Cit, p. 329 dans I. De l'apparence transcendantale : « Nous avons nommé plus haut la dialectique en général une logique de l'apparence. Cela signifie pas qu'elle soit une théorie de la vraisemblance ; car celle-ci est une vérité, mais connue par des principes insuffisants, dont la connaissance est donc assurément défectueuse, sans pour autant être par là même trompeuse, et qui ne doit donc pas être séparée de la partie analytique de la logique ». Il en fut ainsi de la Philosophie Bantoue de Tempels qui avait entre-aperçut un système ontologique pour lequel ses bases cognitives n'étaient suffisantes pour pouvoir l'appréhender dans sa quintessence. Toutefois, ce qui demeure de ses investigations ethnophilosophiques c'est la perception de la double temporalité inhérente à la vision bantoue qui s'ajoute donc, à la vision linéaire et occidentale de la temporalité ainsi qu'à la nature cyclique de la temporalité orientale.

* 272 Achille Mbembé, De la postcolonie. Essai sur l'imagination politique dans l'Afrique contemporaine, éd. Karthala, Paris 13ème, août 2000, p. 41 au chapitre 1 intitulé Du Commandement

* 273 Richard Rorty, Science et solidarité, la vérité sans le pouvoir, traduit de l'américain par Jean-Pierre Cometti, éd. L'éclat, France, octobre 1990, p. 10

* 274 Achille Mbembé, De la Postcolonie. Essai sur l'imagination politique dans l'Afrique contemporaine, éd. Karthala, Paris, 2000, p. 41 au chapitre 1 intitulé Du commandement

* 275 Achille Mbembé, Jean-François Bayart, C. Toubabor, Le politique par le bas en Afrique noire. Contributions à une problématique de la démocratie, éd. Karthala, Paris, 1992, p. 62 au 2. La revanche des sociétés africaines : « L'un des enjeux de la vie politique mouvementée de l'Afrique noire porte sur l'installation de situations autoritaires, voire totalitaires ou tyranniques, se reproduisant au delà de cycles institutionnels. (...) Même dans des contextes de dégradation du système représentatif, des institutions résistent, qui persistent à trouver leur inspiration dans le libéralisme, telle la presse ou la justice au Kenya et en Sierra Leone. Et l'aménagement interne des régimes autoritaires est volontairement posé en termes de démocratisation, en Côte-d'Ivoire notamment ».

* 276 Achille Mbembé, Les jeunes et l'ordre politique en Afrique noire, logiques sociales collection dirigée par Dominique Desjeux, éd. L'harmattan, Paris, 1985, p. 211 dans Ré-inventer l'Etat : « Contrairement à ce que laisse penser une vision romantique du peuple, le champ sociale dans lequel s'inscrit la domination en Afrique n'est pas seulement traversé de courants d'uniformisation. (...) Les réseaux qui lient les jeunes à l'Etat sont, par conséquent, tissés de complexités qu'il importe de saisir par un retour sur les vécus quotidiens, eux-mêmes compris à l'intérieur d'un ensemble social plus vaste ».

* 277 Alan Sokal, et Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, éd. Odile Jacob, Paris, 1997, p. 281 dans l'oubli de l'empirisme. Nous disons cela car la Théorie critique de la philosophie africaine plus que les autres courants, peut être frappé par le conformisme intellectuel dont il est question dans « L'affaire Sokal ».

* 278 Sous la direction de Marie-Claude Smouts, La situation postcoloniale. Les postcolonial studies dans le débat français, préface de Georges Balandier, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, Paris, 2007, p. 24 : « Le postcolonial désigne une situation qui est celle, de fait, de tous les contemporains. Nous sommes tous, en des formes différentes, en situation postcoloniale. Parce que la mondialisation nous porte au doute quant à notre identité, et que nous étendons avec ces nouveaux Nouveaux Mondes un univers où nous nous découvrons un peu égarés, étrangers dans le sens que Simmel donnait au terme. »

* 279 Sous la direction de Marie-Claude Smouts, op. cit, p. 25 : « Au travers d'une production foisonnante et souvent polémique, se dessine ce que l'on peut appeler un théorème postcolonial à la française fondé sur trois proposition : le fait colonial fait partie intégrante de l'histoire de notre présent ; la domination coloniale a bouleversé les sociétés d'outre-mer, elle a aussi profondément marqué les anciennes métropoles ; pour maintenir son unité nationale, la France doit assumer son passé colonial et reconnaître les traces qui en subsistent. »

* 280 http://www.expatries.senat.fr/coopération_decentralisee.html : « La coopération décentralisée englobe toutes les relations d'amitié, de jumelage ou de partenariat nouées entre les collectivités locales françaises et les collectivités équivalentes d'autres pays. Plus généralement, on y inclut différentes formes d'assistance ou échanges d'expériences avec des structures publiques locales étrangères. Composante importante de la présence française à l'étranger, les actions de coopération décentralisée offrent aussi, pour nos compatriotes expatriés, l'occasion d'établir des contacts privilégiés avec les collectivités territoriales qui s'y impliquent. Le Sénat a entendu bien marquer l'importance qu'il accorde à ce volet typique de son activité internationale, en se dotant, au sein de son bureau, d'une délégation à la coopération décentralisée. »

* 281 Bertrand Badie et Marie-Claude Smouts, Le retournement du monde, sociologie de la scène internationale, 3ème éd. revue et mise à jour, Presses de Sciences Po et Dalloz, Paris, octobre 1999, p. 34 dans Le Territoire en question : « La territorialisation du politique, propre au mode étatique, relève également d'un type culturel qu'on ne saurait universaliser : la référence à un territoire fini, doté de frontières légitimes et servant de fondement à l'exercice de l'autorité politique, correspond à une invention propre à l'histoire occidentale et qui apparaît à la fin du Moyen Age avec la construction de l'Etat. »

* 282 Colloque organisé sous le Haut patronage de Mr. Christian Poncelet président du Sénat, Mr. Jean-Pierre Raffarin Premier ministre, sur La coopération décentralisée : mode d'emploi, ce colloque a eu lieu à Paris au Palais du Luxembourg le mercredi 22 octobre 2003, les débats ont été animés par Pierre Henri Gergonne et Emmanuel Kessler journalistes à Public Sénat, se référer à la publication Les colloques du Sénat Les Actes à la page 13 dans l'Introduction : « La coopération décentralisée doit aujourd'hui trouver un second souffle. Projet vaste et ambitieux dont le Sénat se veut partie prenante, il suppose l'établissement d'un bilan pour apprécier le chemin parcouru depuis les premiers jumelages nés dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, puis après l'intervention de la loi du 6 janvier 1992, qui a consacré les pratiques très diverses, désormais rangée sous la bannière de la coopération décentralisée. Derrière ces termes, ce sont des milliers d'initiatives locales, imaginatives et fécondes, qui se déploient un peu partout dans le monde à l'initiative des collectivités territoriales françaises et avec le concours d'opérateurs multiples : ONG, associations, bailleurs internationaux, experts... Les résultats de ces actions de proximité complètent les politiques nationales en faveur de la coopération et en démultiplient les effets. »

* 283 Anthony Giddens, Les conséquences de la modernité, éd. L'harmattan Théorie sociale contemporaine, Paris 5ème, octobre 2006, p. 162 dans Le réalisme utopique où d'après l'auteur toutes théories critiques contemporaines, notamment les études post-coloniales qui régissent la coopération décentralisée, doivent avoir certaines caractéristiques : « Elle doit être sociologiquement sensible, attentive aux transformations institutionnelles immanentes que la modernité ouvre constamment vers le future. Elle doit être politiquement, géopolitiquement, tactique, dans le sens d'une reconnaissance que les engagements moraux et la bonne foi peuvent eux-mêmes être potentiellement dangereux dans un monde lourd de risques majeurs. Elle doit créer des modèles de la bonne société non limités à la sphère de l'Etat-nation, ni seulement à celle des dimensions institutionnelles de la modernité. »

* 284 Edward Saïd, L'Orientalisme. L'Orient crée par L'Occident, Paris, Seuil, 2005, 1er édition en 1980.

* 285 Les colloques du Sénat, op. Cit, p. 29 dans la partie sur Les grands dossiers de la coopération décentralisée : « La coopération décentralisée va jouer un rôle crucial au cours des prochaines décennies. Dans le contexte de restrictions budgétaire qui accompagnera le processus d'élargissement de l'Europe, elle permettra de prolonger la mission de solidarité des Etats. Aussi, il est essentiel de se pencher sur le mode d'emploi, l'ingénierie, de la coopération. »

* 286 Sous la direction de Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 423 dans Quelle science politique pour les études postcoloniales rédigées par Astrid Von Buzekist : « L'idée, en revanche, devient plus problématique, lorsque se pose la question de l'action politique. Car si, comme le disait Freund, l'essence du politique est par définition immuable, toute entreprise de subversion de l'ordre de domination est nécessairement vaine, sourde aux leçons de l'histoire. Or à l'évidence, les postcolonial studies ne peuvent prolonger jusqu'à ce point la logique de leur démonstration et, lorsqu'elles doivent se prononcer sur le sens de leur combat, elles se partagent entre les trois options de la déconstruction, de l'action révolutionnaire et de la procédure démocratique. »

* 287 Sous la direction de Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 364 dans Les séquelles de la colonisation dans les institutions étatiques : « L'Etat postcolonial apparaît ainsi marqué, comme l'ont montré depuis longtemps les travaux pionniers de Jean-François Bayart sur l'Etat africain, d'une irréductible spécificité, Etat néopatrimonial, dont la logique de fonctionnement se situerait aux antipodes de la rationalité wébérienne. »

* 288 Achille Mbembé, De la postcolonie. Essai sur l'imagination politique dans l'Afrique contemporaine, éd. Karthala, Paris 13ème, août 2000, p. 69 : « La pratique générale du pouvoir s'est cependant, globalement située dans la continuité de la culture politique coloniale et dans le prolongement des aspects les plus despotiques des traditions ancestrales, elles-mêmes réinventées pour la circonstance. C'est l'une des raisons pour lesquelles le potentat postcolonial était hostile à la délibération publique, et ses critères de jugement et d'action se souciaient peu de la distinction entre le justifié et l'arbitraire. ». Cela induit que les catégories d'analyse, les critères que l'on considère comme objectifs ainsi que le prisme proprement occidental qui module notre représentation doit intégrer les réalités locales et les coutumes afin que l'Action Publique ici présente ne finisse pas lettre morte.

* 289 Bertrand Badie, op. Cit, p. 203 dans La résistance des Etats : « Reflétant un modèle exogène, l'Etat en Afrique et en Asie est faible, coupé des réalités sociales qu'il essaye désespérément de capter par l'usage de techniques clientélistes. Il ne dispose que d'une allégeance citoyenne mesurée, tandis que ses liens avec les communautés qui le composent sont ténus et fragiles. Plongeant dans les profondeurs de l'histoire et des cultures multiséculaires, l'Etat occidental est, quant à lui, troublé par les territorialités multiples auxquelles il doit faire face, par les réseaux qui lui sont rebelles et par une mobilité qui met en échec les principes le fondaient. »

* 290 Sous la direction de Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 417 dans Quelle science politique pour les études postcoloniales ?

* 291 Charte des Nations Unies au second alinéa de l'article 1

* 292 Sous la direction de Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 184 dans La critique matérialiste néomarxiste : « Bien entendu, on sait de quel délitement des certitudes de la gauche traditionnelle la théorie postcoloniale est issue. Elle est fille des ébranlements idéologiques et politiques engendrés depuis vingt ans chez les intellectuels radicaux par le reflux de la croyance dans le progrès linéaire des sociétés, la prise de conscience des aspects répressifs de l'Etat-nation, l'effondrement du modèle socialiste de société, l'échec des promesses économiques et sociales de la décolonisation suivi par l'apparition de fractures et d'inégalités majeures entre les pays du Sud eux-mêmes, le déclin de la classe ouvrière et l'essor de la consommation, (...) la montée parallèle des particularismes et des revendications identitaires. »

* 293 François Châtelet, Olivier Duhamel, Evelyne Pisier, Histoires Idées Politiques, éd. Puf, Vendôme, octobre 1989, p. 163 dans L'étape impérialiste : Lénine. « Au fil de ses réfutations des thèses révisionnistes, Lénine est amené à mettre au point une analyse nouvelle du capitalisme, ou, si l'on préfère, un prolongement de l'analyse marxiste du capitalisme par la théorie de l'impérialisme. Le régime capitaliste est entré dans une nouvelle étape, la dernière avant son effondrement, l'étape impérialiste.

* 294 François Châtelet, Olivier Duhamel, Evelyne Pisier, ib idem, « La lutte pour le partage du monde, lutte entre les groupes capitalistes pour la conquête de nouveaux secteurs, lutte entre Etats capitalistes pour l'occupation coloniale. »

* 295 François Châtelet, Olivier Duhamel, Evelyne Pisier, ib idem. « Les conséquences que Lénine attribue à cette transformation du capitalisme ne sont pas exactement celles envisagées par Rudolf Hilfering ou Raso Luxembourg, desquels il s'est inspiré pour concevoir la théorie de l'impérialisme. Lénine récuse la vision apocalyptique de la révolutionnaire allemande. Les contradictions du système mondial ne déboucheront pas sur une auto-destruction du régime aussi longtemps que la lutte des classes ne mettra pas un terme à l'existence du capitalisme. Celui-ci manifeste des capacités d'adaptation : la constitution d'une oligarchie financière, née de l'impérialisme, permet l'amélioration économique du sort de la classe ouvrière, l'atténuation de la lutte des classes et la récupération d'une partie du mouvement ouvrier, la corruption d'une aristocratie ouvrière. »

* 296 Sous la direction de Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 17 : « Pour moi, le postcolonial commence en 1955, à Bandung, avec la Conférence des pays non-engagés se voulant neutres par rapport aux deux blocs. Il y a là un événement qui est une affirmation politique, mais d'abord culturelle et historique. On se réapproprie son histoire. »

* 297 Véronique Dimier, Le discours idéologique de la méthode coloniale chez les français et les britanniques, de l'entre-deux guerres à la décolonisation (1920-1960), co-édité par le Centre d'Etude d'Afrique Noire de l'Institut d'Etudes Politiques de Bordeaux et les éditions Karthala, 22-24 bld Arago, Paris, 1998, p. 39 : « Les nombreuses tentatives françaises pour prouver au monde que la France savait également mener une politique indigène et un gouvernement indirect digne de ce nom devaient donc s'avérer vaines au bout du compte. A long terme, c'est bien d'ailleurs la version anglaise qui finira par s'imposer dans les analyses historiques ou anthropologique portant sur la période coloniale. Il est vrai que cette version anglaise est portée par des universitaires bénéficiant de toute l'aura intellectuelle et scientifique d'institutions aussi prestigieuses qu'Oxford ou la LSE (...) ».

* 298 François Châtelet, Olivier Duhamel, Evelyne Pisier, op. Cit, p. 229 sur L'identité : « Par delà la diversité des situations, la problématique de la libération s'est partout posée en termes de quête d'identité. L'analyse purement économique des effets de l'impérialisme ne saurait suffire, il faut, plus largement, dénoncer l'aliénation coloniale. Et ce que le colonialisme a divisé, il faut le réunir par des solidarités nouvelles. Et lorsque, comme souvent, l'identité retrouvée se veut socialiste, c'est dans un sens inhabituel. »

* 299 Bertrand Badie, Marie-Claude Smouts, op. cit, p. 36 : « Les relations entre Etats africains font apparaître les mêmes remise en cause : la citoyenneté ivoirienne passe souvent après l'identification à l'ethnie Dan, Baoulé ou Senoufo ; pour peu que celles-ci s'étendent sur l'ordre des relations inter-étatiques, comme le révèle clairement la guerre civile libérienne, entretenue et compliquée par des solidarités transfrontalières qui unissent, par exemple, les Dan ivoiriens et les Dan libériens. ». Des stratégies politiques similaires peuvent être identifiées dans d'autres régions d'Afrique, le fait qu'elles soient basées sur des dimensions identitaires contrarie l'idée d'un développement uniforme du territoire national. Par exemple, la culture Fanti est celle d'une ethnie ghanéenne minoritaire que John Kufuor ex-président a érigée en culture nationale, lors de son accès au pouvoir afin de valoriser sa région originaire. De même pour le Centrafrique pour qui la culture Ngbandis fut promue en culture nationale.

* 300 Bertrand Badie, op. Cit, p. 130 : « L'institution territoriale se défait ainsi à mesure qu'elle manifeste ses ambiguïtés, ses pertes de sens et son instrumentalisation à des fins qui desservent sa capacité régulatrice. Captée par l'énonciation identitaire, elle devient purement et simplement une aporie qui non seulement porte atteinte à sa légitimité, mais la rend aussi génératrice de conflits qui désormais ignorent les compromis. »

* 301 Bertrand Badie, op. Cit, p. 191 : « La guerre civile chez l'autre, des poussées d'autoritarisme ou une répression sanglante engagent alors une responsabilité internationale qui, du Rwanda à la Somalie, du Libéria au Kurdistan, retire au principe de territorialité sa valeur absolu. »

* 302 Sous la direction de Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 32 dans De la situation postcoloniale au postcolonial.

* 303 Raymond Boudon, Philippe Besnard, Mohamed Cherkaoui, Bernard-Pierre Lécuyer, Dictionnaire de sociologie, éd. Larousse, Paris, avril 2003, p. 239 dans la définition de la Tribu : « La tribu repose ainsi sur le principe de l'affrontement à chaque niveau d'unités de puissances à peu près égales. Il s'instaure ainsi un équilibre général fondé sur des équilibres successifs, qui garantit à tous une certaine sécurité. Chaque niveau de la segmentation a les organes politiques nécessaires pour assurer à ce niveau les intérêts communs. (...) A mesure que l'on monte de niveau en niveau, les conflits sont de moins en moins maîtrisés et la guerre de plus en plus sauvage. »

* 304 http://www.oepu.paris-sorbonne.fr se reporter à la Journée d'études organisée par Alain Renaut sur la thématique suivante : Le gouvernement des sociétés postcoloniales, dans laquelle Lukas Sosoé, qui est Professeur à l'université du Luxembourg, a effectué une intervention sur l'Ere postcoloniale : l'exemple des partis politiques. Le cas de l'Afrique noire sub-saharienne.

* 305 Dominique Chagnollaud, Science Politique, 5ème édition Dalloz, Paris, mars 2004, p. 94 sur Les régimes autoritaires : « Les régimes autoritaires se caractérisent par le refus du jeu démocratique (élections libres, compétition électorale). Ils contrôlent la vie politique dans ses diverses expressions, avec plus ou moins de réussite. (...) En ce sens, l'essentiel est d'assurer une apparence d'unanimité sans rechercher à conquérir les individus. Ils tolèrent d'autres éléments de socialisation autre que l'Etat ou le parti unique. C'est en ce sens que Linz (1969) a pu dire que les régimes autoritaires sont de systèmes à pluralisme limité mais sont responsables, sans idéologies directive élaborée ni volonté de mobilisation intensive ou extensive, sauf à certains moments de leur développement. »

* 306 http://www.expatries.senat.fr/coopération_dcentralisee.html Lire la fiche mise en ligne par le Sénat à ce propos.

* 307 Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute autre collectivité territoriale est crée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa. Les collectivités territoriales ont vocation à prendre des décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon.

* 308 Elizabeth Dau, La coopération décentralisée, mémoire de recherche en droit public sous la direction du professeur Jean-Charles Froment à l'Université de Grenoble II en 2007, p. 14 -Le monopôle de l'Etat remise en cause par l'émergence des collectivités locales sur la scène internationale : l'expérience française.

* 309 Bertrand Badie, Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 66 dans Le contournement de l'Etat : « Les relations transnationales peuvent dès lors être définies comme toute relation qui, par volonté délibérés ou par destination, se construit dans l'espace mondial au-delà du cadre étatique national et qui se réalise en échappant au moins partiellement au contrôle ou à l'action médiatrice des Etats. »

* 310 http://www.cites-unies-France.org

* 311 http://www.afccre.asso.fr

* 312 Peter Knoepfel, Corinne Larrue, Frédéric Varone, Analyse et pilotage des politiques publiques, éd. Helbing & Lichtenhahn, Genève, Bâle, Munich, 2001, p. 53 du chapitre 3 : Les acteurs des politiques publiques dans la partie 3.3 Les types d'acteurs : « (...) les acteurs politico-administratifs qui sont investis du pouvoir public. »

* 313 http://www.afd.fr

* 314 http://www.edukafaso.org

* 315 Peter Knoepfel, Corinne Larrue, Frédéric Varone, ib idem, p. 53 : « (...) qui sont les acteurs qui supportent les effets négatifs dudit problème et dont la situation devrait être améliorée suite à la mise en oeuvre de l'intervention publique. »

* 316 L'article L. 1115-1 du code des collectivités territoriales est désormais comme suit : « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la France, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d'aide au développement. Ces conventions précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers (...). En outre, si l'urgence le justifie, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en oeuvre ou financer des actions à caractères humanitaire. »

* 317 Peter Knoepfel, Corinne Larrue, Frédéric Varone, ib idem, p. 53 : « (...) et en groupes tiers, affectés indirectement par la politique publique, soit positivement, soit négativement. »

* 318 Elizabeth Dau, op. Cit, p. 84  à la partie 1-La question de l'implication des femmes : « La question de l'implication des femmes est une question récurrente en ce qui concerne le développement de manière générale. Que ce soit pour la sauvegarde de la diversité biologique, parce qu'elles sont détentrices des savoirs traditionnels qui permettent de préserver une cohabitation durable entre les hommes et leur environnement dans certaines régions du monde ; ou que ce soit du fait de leur rôle majeur dans le développement local sous l'effet de la migration massive de leurs époux ; ou enfin, parce que la question de leur double discrimination dans les pays d'accueil des migrations, les femmes comptent parmi les acteurs du développement et c'est à ce titre qu'il convient de les impliquer plus largement. ». Nous entendons par le mot libéral, une idéologie reposant sur la responsabilité individuelle.

* 319 Centre National de la Formation Publique Territoriale et le Ministère des affaires étrangères coopération et francophonie, Gestion et organisation d'une collectivité territoriale. L'apport de la coopération décentralisée et bilatérale dans le contexte de l'Afrique sub-saharienne, collection du développement local, éd. du CNFPT, Paris, 1998, p. 87 dans la partie 4- L'appuie du Conseil Général du Territoire de Belfort aux communautés villageoises de deux départements burkinabés, au chapitre 4 intitulé Quelques réalisations : « Avec la création d'un fond de solidarité international doté de 0,1% de son budget en 1995, le Conseil Général du Territoire de Belfort entend promouvoir l'ouverture au monde du département, en développant la solidarité avec les pays les plus pauvres. Cette politique s'appuie sur le tissu associatif départemental, comme lieu d'expression à la base d'une citoyenneté de solidarité par delà les frontières, qu'il convient d'encourager et de renforcer. Toute action d'appui du développement au Sud est ainsi accompagnée d'un programme de sensibilisation, d'éducation au développement et d'échanges interculturels, visant à changer le regard du Nord sur le Sud. »

* 320 Le Robert en partenariat avec L'Express, Altlas Géopolitique & Culturel. Les grands enjeux démographiques, économiques, politiques, sociaux et culturels du monde contemporain, Dictionnaire Le Robert pour l'édition originale, 1999, Dictionnaire Le Robert-Vuef pour la présente édition, réalisée en exclusivité pour GROUPE EXPRESS. P. 11 dans la première partie intitulée Le monde en question : « Des acteurs internationaux (organisations interétatiques, ONG) ignorent la ligne de partage entre l'intérieur et l'extérieur et demandent des comptes aux Etats sur le respect des droits de l'homme, la prise en compte des minorités, l'application des règles économiques et financières internationales. »

* 321 Sous la direction du Professeur Moustapha Kassé, avec la collaboration du Professeur Abdoulaye Diagne, et de Mme Gnouka Touré Diouf, Ministre Conseiller à la Présidence, Coalition contre les Accords de Partenariat Economique et pour l'ouverture d'un dialogue avec l'Union Européenne en vue de construire un partenariat équitable, Vaste rassemblement pour le développement et l'unité de l'Afrique, Imp : Flash Iprim - 33 842 76 40, Janvier 2008, p. 19 dans l'encadré 12.

* 322 Peter knoepfel, Corinne Larrue, Frédéric Varone, op. Cit, p. 262 au chapitre 10 : L'évaluation des effets des politiques publiques.

* 323 Centre National de la Formation Publique Territoriale, op. Cit, p. 90 D- Premier bilan dans la partie 4- sur L'appui du Conseil Général du Territoire de Belfort aux communautés villageoises de deux départements burkinabé.

* 324 Centre National de la Formation Publique Territoriale, op. Cit, p. 91 E- Les problèmes identifiés

* 325 http://www.grandesvilles.org/IMG/pdf_Appel_a_contrat_2007_2009-2.pdf : En effet parmi les objectifs viables et pragmatiques nous pouvons apercevoir dans ce fichier : la présence économique, la campagne d'information et d'éducation aux normes environnementales, financements de projets, etc....






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