REMERCIEMENTS
Je suis redevable de l'aide apportée par mon
directeur de recherche Mr Jacques Barou ainsi que celle de mon directeur de
Master Mr Olivier Ihl pour la rédaction de mon mémoire. Un grand
merci également à Marcel Gauchet, Elikia M'Bokolo, car c'est en
partcipant à leurs séminaires que j'ai pu étoffer ma
problématique et mon sujet. Je tiens également à remercier
mes anciens professeurs Patrick Savidan, Pierre-Henri Tavoillot ainsi qu'Alain
Renaut pour leur concours en matière d'analyse de notre époque
contemporaine si difficile à saisir. Toute ma reconnaissance à
mes parents et à ma famille pour leur soutien matériel et leurs
encouragements. PREFACE
L'Occident s'efforce de porter les Droits de l'Homme et la
Démocratie dans le monde comme s'il s'agissait d'un étendard. Or,
depuis que l'Occident ne se résume plus à la seule aire
atlantique, ce qu'il a gagné en espace géographique, il l'a perdu
en influence intellectuelle. D'autres cultures résistent, d'autres
représentations, d'autres visions du monde et de l'au-delà. La
Chine, Le Brésil et l'Inde s'érigent en puissances
économiques aguerries par l'économie de marché sans aucune
considération pour la Démocratie et les Droits de l'Homme. La
prétention morale et la tendance à l'universel de l'Occident sont
dès à présent contestées par des acteurs inattendus
surgissant au devant de la scène internationale1(*).
Cette recherche consistera à évaluer les
débouchés territoriaux possibles pour une conception commune des
Droits de l'Homme entre l'Afrique et le monde occidental, tel est l'enjeu de ce
mémoire. Cependant, les différences culturelles entre ces deux
parties du monde semblent béantes, l'histoire commune de l'Afrique et de
l'Europe fut conflictuelle et l'est encore à certains égards,
l'insertion économique demeure toute aussi différente pour ces
deux contrées du globe ; ces difficultés ne
représentent que la part visible d'une immense complexité que
l'on ne peut résoudre à mon sens qu'en s'arrogeant le droit
d'user de toutes les disciplines.
TABLE DES MATIERES
Introduction......................................................................p.3
Chapitre I : De la Démocratie en
Occident...................................p.25
I°) Au terme de la
Démocratie.................................................p.25
II°) Le substrat
démocratique...................................................p.39
Chapitre II : De la philosophie
africaine......................................p.62
I°) De l'éthique dans la conception
africaine.................................p.71
II°) La Politique et la Métaphysique :
les universaux comme source de
pouvoir ?.........................................................................................p.87
Chapitre III : De la Coopération
décentralisée..............................p.104
I°) De l'indépendance des Etats
postcoloniaux.............................p.109
II°) La Coopération
décentralisée.............................................p.117
Conclusion.......................................................................p.125
INTRODUCTION
Les principes des droits, de liberté et dignité
humaine énoncés par la Déclaration des Droits de l'Homme
sont universels indépendamment du consensus qu'ils suscitent chez les
hommes et auprès des Etats qui composent la communauté
internationale. Cette portée universelle provient du postulat
intuitionniste selon lequel ils seraient inhérents à
l'Homme, l'affranchissant ainsi des déterminismes sociaux et
traditionnels qui nieraient cette égalité :
« Tout les êtres humains naissent libres et égaux en
dignité et en droit »2(*).
Une conception commune
C'est en partageant cette même conception des Droits de
l'Homme en tant que principes purs et universels que les Etats membres du
Conseil de l'Europe ont pu adopter la Convention européenne des Droits
de l'Homme. Celle-ci constitue une retranscription juridique de principes purs
et universels ; ces derniers donnent une finalité aux divers
systèmes et instruments juridiques participant de cette retranscription.
Peut-on dire que l'interprétation juridique préserve la
portée universelle des Droits de l'Homme, et dans quelle mesure elle
correspond aux principes énoncés par la Déclaration ?
En effet, les systèmes juridiques diffèrent d'un pays à
l'autre, ne serait-ce que par la culture propre à chaque Nation.
Parallèlement, on peut également relever une divergence
philosophique évidente au sujet de l'Homme dans les cultures
africaines et occidentales. A l'instar de l'esclavage, pratique courante chez
les Touaregs dans laquelle le groupe opprimait l'individu. La conception
africaine faisant prévaloir la communauté par rapport à
l'individu, le poids de la tradition n'est pas considéré comme
aliénant pour les hommes dans la mesure où elles structurent
leurs relations sociales ainsi que leurs imaginaires.
La réalisation empirique des principes universels des
Droits de l'Homme semble donc inexorablement affaiblir leur portée
universelle lorsque l'on tente de les retranscrire dans le domaine
juridique ; néanmoins, ils sont à l'origine de la
maximisation concrète du bien être des individus dans le sens
où ils accordent un poids identique au bonheur de chacun. En somme,
l'usage utilitaire des Droits de l'Homme conditionne la culture de soi et du
caractère, de manière à ce que tous soient aptes au
bonheur. C'est la raison pour laquelle, ils constituent un rempart intellectuel
contre toutes formes de superstitions et fondent une éthique
téléologique en tant que principe rationnel. Les valeurs
humanistes sous-jacentes à la Déclaration de 1789 sont-elles
relatives à l'Occident ou universellement valables en dépit du
contexte ou de l'histoire ? Selon Luc Ferry « D'une certaine
façon, la Déclaration des Droits de l'Homme - sur un tout autre
mode et dans un tout autre registre - n'est bien souvent pas autre chose que du
christianisme laïcisé ou
rationalisé »3(*). Effectivement une forme de relativisme culturel
paraît inévitable quoique nécessaire afin qu'un projet
démocratique corresponde au peuple qui en fait l'expérience.
Cependant ce pragmatisme peut avoir des répercussions sur la protection
d'une conception commune des Droits de l'Homme, car s'ils ne servent
qu'à maximiser le bonheur du plus grand nombre de personnes pour les
besoins de la démocratie, pourquoi leur accorder une valeur
transcendante et intemporelle ? Peut-on considérer le bonheur de
tous comme la fin ultime des Droits de l'Homme ? Rawls avait
critiqué le credo téléologique de la conception
utilitariste qui refuse tout point de vue intuitionniste des valeurs au profit
du bien de tous. En dépit de la cohérence de l'analyse
utilitariste sur laquelle repose la théorie politique contemporaine, on
peut s'interroger avec Rawls sur la fin poursuivie par cette doctrine.
Le bonheur n'étant qu'un état psychologique et
relatif de l'homme, peut-on en faire l'objectif final de la politique ?
Premièrement, dans le cadre des Relations Internationales, la
défense des Droits de l'Homme risque d'être
considérée comme une ingérence étrangère
dans les affaires nationales des Etats africains « Il y a une
saisie intellectuelle de la domination qui l'articule au nom des Universaux
(Liberté, Droits de l'Homme, etc.) dans les amphithéâtres
et une saisie vitale de la domination qui, du berceau au tombeau, marque la
chair rouge et fumante d'une culture et d'un continent piétiné et
exilé de la prise de parole »4(*). Accepter de relativiser la
portée universelle des Droits de l'Homme revient-il à assimiler
des principes purs à une spécificité occidentale ?
D'autre part, cette position relativiste expliquerait la
raison pour laquelle les Etats africains contestent les interventions
humanitaires, ou les résistances dont ils font preuve quant à la
transition démocratique prescrite par la Communauté
Internationale.
Ainsi, les idéologies afrocentristes qui se focalisent
sur leurs cultures propres, rejetant toutes autres valeurs
étrangères, expriment également une forme de relativisme.
Elles constituent un repli sur soi et appuient leur rhétorique sur le
matérialisme de Marx, dans le but de promouvoir une vision
anti-impérialiste, qui s'inscrit dans la continuité des
mouvements de libération à l'époque de la
décolonisation. Cependant, même en assumant une conception
relativiste à l'égard des Droits de l'Homme, on ne peut pas
omettre leur force argumentative : ils représentent sur le plan
philosophique, « un cran d'arrêt » (Alain
Renaut) indépassable entre la Société civile et l'Etat, en
tenant lieu d'alternative aux totalitarismes. Le marxisme, dont s'inspiraient
les idéologies afrocentristes, représentait l'adversaire le plus
sérieux de la conception des Droits de l'Homme après
l'absolutisme de Burke. Ces deux tendances prétendaient à
l'universalité, à cette époque le primat absolu de
l'individu sur l'Etat exprimé par la Déclaration de 1789
n'était pas encore solidement ancrée, dans le sens où le
marxisme s'attaquait au credo intellectuel des Droits de l'Homme en affirmant
qu'il s'agissait de principes bourgeois.
Derrière cet antagonisme de façade, se dissimule
une immense complexité philosophique entre deux pensées
infiniment dissemblables. Comment peuvent-elles s'opposer réellement si,
la philosophie de l'histoire de Marx consacre l'idée
d'égalité là où la tradition libérale
traduite par les Droits de l'Homme évoque la liberté. De plus,
par eux-mêmes, « Les Droits de l'Homme ne sont pas une
politique »5(*), ainsi, « Décapé d'une
dimension idéologique à laquelle le commentaire de Marx avait cru
pouvoir le réduire, le texte des Déclarations retrouvait sa
jeunesse et était rendu à sa destination
première »6(*), à savoir la défense de l'individu.
L'effondrement du bloc soviétique marquant la fin du communisme a
sonnée le glas du projet de société proposée par
cette philosophie historiciste : « La modernité a
produit un univers concentrationnaire des théories et le résultat
est toujours le même. Le marxisme chosifié ne porte plus ses
fruits et a sécrété des enclaves »7(*), ainsi Marx est battu.
Mais la perte de cet adversaire n'implique-t-elle pas que la conception des
Droits de l'Homme devienne à présent une politique ?
Des réalités
différentes
Au sortir de la décolonisation, la forme politique des
Etats sévissant en Afrique fait de la modernité un mensonge pour
la population africaine ; qu'il s'agisse de régimes
présidentiels à parti unique comme au Gabon ou de dictatures
militaires comme au Togo, le règne de la corruption et de la violation
des Droits de l'Homme participe à l'exercice de ces pouvoirs
despotiques. « Ces régimes se caractérisent d'abord
par le fait qu'ils ont succédé à des dictatures de divers
types, récemment renversées, dans des pays où la
démocratie pluraliste n'avait historiquement jamais été
bien implanté. On suppose ensuite, plus généralement, que
les systèmes démocratiques postdictatoriaux sont
déformés ou distordus par des situations d'extrême
inégalité sociale, (...) »8(*).
La situation politique de l'Afrique noire est incertaine,
d'autant plus que de nombreux Etats dépendent de l'aide internationale
au développement économique. « Le
libéralisme économique qu'on nous présente comme la voie
s'est mué depuis longtemps en un cynisme ombilical où chacun
amasse en grattant un petit orifice d'où plus rien ne sort, pas
même le plaisir. Le grand mot de culture n'est devenu qu'un alibi pour
justifier tous les snobismes, tandis que l'efficacité organisationnelle
a donné lieu à la prolifération monstrueuse des
administrations qui, rongées par la cancérisation
paperassière, légifèrent, s'enferrent et laissent faire.
Sans parler de toutes les démocratisations qui ne sont que jeu verbal
et prémisses de guerre »9(*).
Au coeur de cette réalité politique, le restant
de la population s'enlise dans la pauvreté quant l'ethnie au pouvoir
jouit d'un accès privilégié aux ressources.
« Ce système de patronage et de clientélisme a
souvent recours à l'artifice électoral pour empêcher toute
contestation démocratique réelle issue des
urnes »10(*). Ce qu'il y a de plus tragique encore, c'est que la
conservation de ce pouvoir arbitraire renforce l'autorité symbolique du
despote.
D'où vient-il que les Droits de l'Homme soient si
difficiles à appliquer sur le plan politique et fassent
l'unanimité sur le plan moral ? Est-ce dû au fait, comme nous
l'a fait entendre Luc Ferry, qu'ils ne sont pas substantiellement nouveaux au
regard de l'histoire occidentale ? Ils constituent une synthèse
pertinente d'un héritage vieux de plusieurs siècles issus du
christianisme, de la Renaissance ainsi que du cartésianisme. En
s'affranchissant de tout relativisme, le noyau irréductible et
anhistorique qui s'inscrit plus aisément dans la modernité
politique, est l'assertion kantienne de l'autonomie telle qu'il l'a
formulé dans son oeuvre « Qu'est-ce que les
lumières » à travers sa citation : Sapere
aude. C'est la capacité de chacun d'apprécier les opinions,
les connaissances qui seront les siennes après les avoir soumises
à la critique. Sur ce point le relativisme semble demeurer silencieux
dans la mesure où les valeurs peuvent parfois être
contradictoires. Ce que l'on peut reprocher à la Déclaration des
Droits de l'Homme, c'est de ne pas avoir tranché d'une manière
suffisamment évidente le primat de la liberté sur
l'égalité parmi les droits fondamentaux.
L'effet positif de ce silence sur le couple
liberté/l'égalité, a conduit à
l'émergence de deux grandes théories politiques antagonistes
telles que le libéralisme et le socialisme. De même, la tradition
du débat contradictoire ou du conflit institutionnalisé
nécessaire au projet démocratique est également
engendré par cette absence de réponses quant à
l'importance de ces deux notions philosophiques. En effet, la raison publique
devra d'autant plus argumenter afin de convaincre le peuple du bien
fondé de ses convictions, si la question de la liberté et de
l'égalité demeure ouverte. Par contre, le libéralisme
comme le socialisme ont éliminé de leurs projets de
société respectifs, la dimension affective de la vie morale
qu'ils ont défendu ; moyennant quoi, ils semblent avoir
oublié qu'il est plus facile de fonder un lien social, une
communauté ou une société sur le sentiment que sur la
raison.
La place de la Raison et de l'Affect
L'économie de marché ainsi que le système
démocratique qui s'est imposé face au socialisme
soviétique provienne de la tradition rationaliste, et ils sont
constitutifs du modèle politique contemporain que l'on nomme
démocratie libérale en Occident. Ces différents
régimes partagent selon leurs institutions, une pratique de la
souveraineté fondée sur le mode de la
représentativité. Cependant, le chômage de masse dont ils
font l'expérience aujourd'hui est corollaire de la crise
économique actuelle, ce qui conduit les représentants à
s'interroger sur leur capacité à mettre en oeuvre une certaine
justice sociale. Mais cette problématique s'avère
différente selon les pays qui ont participé à la
colonisation, car les exclus peuvent également être ressortissants
de l'immigration11(*) et
éprouver du ressentiment à l'égard de leur patrie
d'accueil, ce qui leur donne une autre dimension à l'exclusion et au
chômage. En clair, l'aspect émotionnel ethnicise les questions
sociales inhérentes aux démocraties libérales, c'est sur
ce point précis que la notion d'affect semble pertinente. Selon
une perspective postcoloniale (terme que nous définirons)
l'affect des ressortissants de l'immigration comprend deux
séquences intuitives :
- Un sentiment de faillite datant de la période
coloniale : « Au coeur du traumatisme colonial se situe la
catastrophe d'une dévalorisation individuelle et collective. Nos
institutions et nos traditions, nos valeurs et nos croyances se sont
révélées incapables de nous éviter la domination,
la dépossession et l'humiliation. Que valent-elles
encore ? »12(*). Achille Mbembé illustre ce rapport
émotionnel à la domination de façon éloquente en
nous plongeant dans l'atmosphère de cette sombre époque,
« Partons de la définition de Bataille qui pose
l'animalité en termes d'immédiateté ou, selon ses propres
dires, d'immanence. (...) Certes, le colonisé a une vie biologique. Il a
des désirs. Il a, par exemple, faim et soif. Du point de vue de
l'épistémologie coloniale cependant, nous ne pouvons vraiment
nous identifier, par le sentiment à sa nature, de la même
façon que nous ne pouvons nous identifier à celle d'un
chien : Il n'a ni liberté, ni histoire, ni individualité
proprement dites »13(*). C'est donc cette dimension affective et
émotionnelle qui met à l'épreuve les différents
modèles sociaux en Occident.
- Ce sentiment né lors de la période coloniale
semble persister dans le temps, en s'adaptant au contexte :
« Le traumatisme colonial s'éclaire alors à la
lumière du concept de violence symbolique, entendu moins au sens de
Pierre Bourdieu, comme une violence douce, invisible et masquée, que
comme une souffrance, affichée ou enfouie, liée aux blessures
identitaires subies depuis le temps de la
colonisation »14(*). Face à ce phénomène de
domination nous verrons que deux courants de la philosophie africaine se
démarquent de par leur représentation intellectuelle de cette
domination vécue à l'époque contemporaine toutefois, ils
se rejoignent sur l'approche analytique des méfaits de la colonisation.
« La question de savoir si un abîme infranchissable
sépare l'Afrique de l'Occident est en effet, pour nous, sans objet. Dans
une tentative de forcer l'Afrique à s'expliquer avec elle-même
dans le monde, nous avons essayé de problématiser de la
façon la plus productive possible, certains concepts tirés de la
théorie sociale, (...) Là où ces concepts étaient
manifestement incapables de désigner des figures particulières de
la raison dans l'histoire africaine et dans les pratiques de ce temps, nous
avons forgé de nouveaux vocabulaires. En concentrant notre
réflexion sur ce que nous avons appelé la Postcolonie, le but
n'étant pas de dénoncer le pouvoir en
soi »15(*). Nous venons donc d'introduire le concept de
la « Postcolonie » sur lequel nous nous
pencherons plus longuement au Chapitre III.
L'élimination de l'affect et du sentiment paraît
tenir sa revanche à l'époque contemporaine. Pourquoi ne peut-on
pas fonder un projet politique uniquement sur des principes purs et
rationnels ? De quelle manière et par qui va être
utilisé cet espace laissé vacant par le libéralisme et le
socialisme ? En effet, rares sont les philosophes politiques qu'ils soient
socialistes ou libéraux, ayant pris en compte l'aspect affectif dans
leurs conceptions de l'Homme ; de fait une vision unique de
l'homme rationnel a été promu jusqu'à ce que le
libéralisme l'emporte sur le socialisme. Comme le montre le chapitre
VIII du « Contrat Social » intitulé
« De la religion civile », Rousseau fut le premier
penseur avec Adam Smith à introduire les sentiments et l'affect dans
leurs réflexions. La raison n'a pas la vertu d'être cumulative au
même titre que l'affect, que l'on peut également nommer
« la passion », ainsi la première divise
alors que la seconde rassemble. « Aussi égoïste que
l'homme puisse être supposé, il y a évidemment certains
principes dans sa nature qui le conduisent à s'intéresser
à la fortune des autres et qui lui rendent nécessaire leur
bonheur, quoiqu'il n'en retire rien d'autre que le plaisir de les voir
heureux »16(*). Ce que les tendances politiques actuelles,
régissant la vie démocratique, doivent ajouter et comprendre en
termes de catégories de pensée, c'est la dichotomie entre la
raison et le sentiment.
N'a-t-on pas reproché à Raymond Aron
l'excès de rationalisme lors de la parution de « L'opium
des intellectuels » en comparaison avec la philosophie
existentialiste de Sartre qui promettait à l'aune de sa réflexion
une société idéale ? Afin qu'une conception commune
des Droits de l'Homme puisse irriguer les pans de la vie morale des hommes, que
celle-ci se situe en Afrique ou en Occident, la constitution de nouvelles
catégories est-elle envisageable pour différents types de
philosophies ? En quel sens seront-elles en mesure d'offrir une
intelligibilité suffisante et pertinente du monde actuel, en
dépit des spécificités intrinsèques aux
philosophies africaine et occidentale ?
La philosophie politique occidentale : une
consécration ?
La philosophie politique contemporaine en Occident, a acquis
depuis le XVIème siècle jusqu'à la période
contemporaine une maturité intellectuelle sans équivalent
jusqu'ici ; mais paradoxalement, sa capacité légitime
à penser les problèmes politiques et économiques demeure
insuffisante au vu d'une telle évolution. Sa place magistrale actuelle,
est le fruit de puissants bouleversements intellectuels qui se sont
avérés en mesure de changer le monde
pré-révolutionnaire dans lequel elle a initialement
évolué. C'est au moyen de l'idée démocratique et de
la science, que la philosophie politique a gagné ses lettres de noblesse
en émettant le souhait de s'adresser à tous, en tout lieux, par
une réflexion rationnellement valable sans distinction sociale,
« (...) on a pu dire combien la philosophie occidentale a exclu
les Africains de la trajectoire de la Raison. Les Occidentaux se sont tellement
repentis de cette exclusion qu'ils admettaient comme philosophie africaine tout
ce que les Africains présentaient comme tel »17(*). On pressent
déjà, quoique de manière embryonnaire, une volonté
de constituer une forme d'interdépendance théorique et pratique
entre les individus qui ne va pas sans rappeler le phénomène de
mondialisation que nous connaissons aujourd'hui.
En somme, c'est le premier discours rationnel qui
réussisse sa tendance à l'universalité, rejetant ainsi la
représentation moyenâgeuse du monde portée par l'Ancien
Régime. L'idée démocratique et la science rationnelle qui
caractérisent la philosophie politique en Occident, apparaissent dans un
projet de domination intellectuelle du monde afin de « nous
rendre comme maîtres et possesseurs de la
nature »18(*), c'est une entreprise humaine conforme à
l'idéologie des Lumières. L'objectif étant de bâtir
un monde à notre usage, et par là-même, de produire des
effets qui nous sont utiles.
Pour la philosophie politique occidentale, la
démocratie et la science ne sont que des moyens dont la finalité
demeure le bien être des hommes. L'idéologie des Lumières
consiste à désenchanter le monde, à désacraliser la
nature afin de mieux les comprendre en tant que phénomènes,
« De ce point de vue, la matière est complètement
inanimée, dénuée d'esprit, de même que les animaux
et les plantes, également conçus comme
machines »19(*) conformément au cartésianisme.
Cependant, ce projet va produire de manière concomitante un nouveau
phénomène contemporain, à savoir la mondialisation
libérale, qui submerge les hommes. La finalité humaniste que l'on
a assignée à la politique et à la science se retrouvera
dissolue à cause de la genèse de ce phénomène
global.
Au lieu d'observer l'histoire vécue comme un mouvement,
aspirée par une finalité supérieure ainsi que par la
représentation commune d'un grand dessein, la compétition
instaurée par la mondialisation nous pousse à
progresser dans un sens bien particulier ; ce progrès n'est plus
motivé par un idéal humaniste mais uniquement par la logique de
cette concurrence. Au final, peut-on dire d'une manière certaine si ce
progrès est encore synonyme de liberté et d'émancipation
comme ce fut le cas au XVIIIème siècle ? La finalité
humaniste étant remplacée par une fin concurrentielle
imposée par la mondialisation, la philosophie politique contemporaine
est forcée d'admettre que le contrôle de l'histoire échappe
dorénavant aux acteurs économiques et d'autant plus aux
responsables politiques.
L'idéologie des
Lumières
Les Lumières ont affirmé la
nécessité de « comprendre » afin de
rendre la raison autonome et de défendre les droits naturels20(*) par delà les
législations des différents pays ; pourtant nous sommes
perplexes car la profusion du savoir est telle que le monde contemporain est
devenu inintelligible par un trop plein d'expertises. En cela, est-ce une forme
contemporaine d'obscurantisme ?
La philosophie politique contemporaine en Occident avait
sous-estimé les différents obstacles que les Lumières se
sont évertuées à combattre, à savoir :
l'ignorance, la superstition et le fanatisme auxquels elle a opposé le
savoir, la raison, la délibération démocratique ainsi que
le pluralisme politique. Toutefois, les Lumières semblent nous avoir
légué une lecture trop imprécise du champ du savoir
relatif à la politique. Sont-elles toujours en mesure de dompter le
monde contemporain tel qu'il se présente aujourd'hui ?
L'intelligibilité du monde humain semble être une
des questions principales de l'enjeu démocratique. Afin de comprendre ce
monde contemporain, et de pouvoir être en mesure de prendre des
décisions, les responsables politiques ont souvent recours aux
expertises. Cependant, les procédures d'expertises sur lesquels les
responsables politiques se reposent dans le but de pouvoir décider,
engendrent un paradoxe malgré l'honnêteté
idéologique des experts. En effet, les expertises ne suffisent pas
à régler les problèmes ou à obtenir des solutions.
Les expertises sont unilatérales du fait de leurs
spécialisations, alors qu'elles devraient s'inscrire dans un cadre plus
large que le domaine appréhendé ; en conséquence,
cela s'accompagne de la perte du rôle des idées en politique.
Elles découpent des fragments du réel dans le but de les
analyser, là où une intelligibilité d'ensemble est
requise. Ce qu'elles possèdent en propre ce sont des outils de mesures
telles que les statistiques, qui offrent une photographie, d'un
phénomène particulier afin de tenter d'en épuiser les
propriétés au moyen de la description. Les résultats
exacts mais superficiels des expertises ne peuvent pas permettre de penser
l'Etre des phénomènes observés. L'essence intime
des choses que les expertises ne parviennent pas à atteindre, la
philosophie politique doit s'en saisir et se les approprier.
La philosophie politique contemporaine n'est pas un
système, mais une visée confrontée aux multiples
entrées épistémiques, à l'instar des
différents savoirs. Elle doit s'efforcer de dépasser la
sectorisation des connaissances, dans le but d'exploiter l'espace laissé
vacant entre les mesures techniques utilisées par les experts et les
fins suprêmes prescrites par les Droits de l'Homme, car c'est sur la base
de ces deux dimensions que les choix démocratiques engagent les
communautés humaines. « Mais la mondialisation
économique ne crée pas seulement des faits économiques
ayant des conséquences secondaires sur la politique mondiale et sur le
cours du monde. Elle permet aussi à l'action économique
d'envisager de nouvelles sources de
légitimations »21(*). Et plus efficacement encore que l'action publique,
« Les stratégies du capital peuvent alors maximiser leur
pouvoir dans la politique mondiale, selon qu'elles réussissent à
tisser des liens entre le capital et le droit, ou entre le capital et
l'Etat »22(*).
L'époque contemporaine et ses
mutations
Aussi puissante soit-elle, la rationalité
économique dans son assertion néolibérale ne semble pas
être suffisante. En effet, comment expliquer que la plupart des
événements majeurs échappent à la régulation
économique comme le montre l'exemple des attentats terroristes du 11
septembre 2001, ou les catastrophes climatiques qui frappent de plein fouet
certaines régions du globe. Malgré tout, que ce soit les
responsables politiques ou les membres de la société civile, nous
sommes tous portés à croire inconditionnellement aux
régulations devant advenir de la croissance. « (...) dans
quelle mesure les organisations des Nations unies, qui incluent les grandes
organisations financières et commerciales transnationales (FMI,
Banque mondiale, OMC, etc.) contribuent-elles à l'avènement
d'un nouvel ordre de la légitimité et du
pouvoir ? »23(*).
Le néolibéralisme élimine le gouvernement
au profit du marché ; allant de paire avec un
néo-scientisme, son ambition est de remplacer la politique. Si les
sciences de la nature sont en voie de dévoiler les énigmes de
l'univers, les sciences économiques paraissent avoir le même
dessein concernant les problèmes contemporains. Fort de sa
légitimation auprès des différentes organisations
économiques et financières supranationales, la théorie
néolibérale postule son extension à plusieurs
sphères sociales, et, partant, constitue une épistémologie
largement partagée même par ceux qui pensent le combattre. La
prise de pouvoir de notre monde contemporain par ce type de savoirs coiffe les
sociétés démocratiques d'un pouvoir qui ne se gouverne
plus, moyennant quoi, le besoin de philosophie est bien présent afin de
donner un sens à cette reconfiguration économique du monde.
La modernité politique conçue au XVIIIème
siècle et la démocratie ne vont plus de soi : d'une part
à cause de la mondialisation comme phénomène global qui
rend incertaine l'efficacité de l'action publique, et d'autre part,
l'assertion néolibérale de l'économie qui s'évertue
à disqualifier le politique de son champ de compétence. En somme,
il s'agira par la suite de questionner la modernité. Car au delà
des deux obstacles que l'on a précités, elle n'a pas
empêché la barbarie eu égard aux faits historiques relatifs
aux deux guerres mondiales ainsi que la résurgence d'un fléau
caractéristique de notre époque, à savoir le
fondamentalisme. La modernité a-t-elle conduit à la barbarie, ou
la barbarie était-elle inhérente à la
modernité ? Si c'est le cas, alors un ou plusieurs des substrats
constituants cette modernité semblent avoir été
faillibles, dans le sens où la dimension normative des Droits de l'Homme
s'impose très difficilement en nous laissant dans une immense
perplexité.
Pour les modernes, la politique sert à éviter la
mort ainsi que les guerres civiles, et elle progresse en fonction de
l'évitement du pire ou du négatif. « La
démocratie est le pire des régimes à l'exception de tout
les autres », cette citation empruntée à Churchill
semble symptomatique de la modernité. Tout se passe comme si
l'idée du pire motive les réflexions des intellectuels sur la
politique ; par exemple, la science politique nous enseigne comment
fonctionne le politique sans rien nous apprendre sur l'essence du politique.
Elle nous dit qu'il existe une multiplicité de régimes que l'on
se doit de décrire « objectivement »,
c'est-à-dire en restant neutre ; sous couvert de sa
« neutralité axiologique », l'approche
méthodologique des sciences sociales mutile les objets qu'elle traite,
« Le rapport aux valeurs signifie qu'une valeur, comme
l'égalité, qui est l'objet de conflit entre les hommes, devient
un concept qui servira à découper la réalité
examinée par le sociologue, que celui-ci y soit personnellement
attaché ou non. Il est donc une condition de l'interprétation et
de la compréhension des conduites humaines »24(*). Afin d'assigner une
finalité normative viable à la politique, les réflexions
sur l'Etat ne doivent-elles pas être conduites selon l'idée du
meilleur ?
De nouvelles conceptions occidentales de la
Justice
Rawls a élaboré une théorie de la justice
d'un point de vue universel, à partir des sociétés
démocratiques et libérales. Il a développé une
réflexion implicitement constructiviste, dans la mesure où il
tient pour acquis le système démocratique et l'économie de
marché ; au même titre que Pocock, Rawls ne s'est pas
intéressé aux totalitarismes, dont on a pu faire
l'expérience à travers la deuxième guerre mondiale, mais
aux seules limites de la démocratie. La question du totalitarisme a
engendré une floraison de réflexions sur la démocratie
moderne de par certains penseurs tels qu'Arendt, Strauss et Aron qui ont
médité les plus grands drames politiques de leur époque.
Ces intellectuels anti-totalitaires, ayant vécu leurs idées
jusque dans leur chaire, cette douloureuse expérience fut un facteur de
fécondité sans commune mesure pour redonner du fond à la
dimension normative des Droits de l'Homme. En pensant l'idée
démocratique à l'épreuve de son autre, ces auteurs ont pu
s'interroger sur sa spécificité intrinsèque : comment
peut-elle muter en son contraire ? Et comment au nom de la
démocratie, qui avait pour ennemie irréductible et non
réciproque le totalitarisme, on a pu gouverner et surtout
opprimer ?
Suite à l'effondrement du bloc soviétique en
Russie, du régime des Khmers rouges à Phnom Penh au Cambodge, on
sait désormais que le fond idéologique qui régissait ce
type d'Etats totalitaires fut essentiellement une conception holiste qui
accorde un primat de la totalité sur la liberté individuelle.
« De là, holisme désigne le point de vue
méthodologique selon lequel c'est le tout qui donne sens et valeur
à ses parties par la fonction que celles-ci jouent en son
sein (...) »25(*). Mais selon Hannah Arendt, le totalitarisme comme
forme étatique de la barbarie ne peut pas se résumer au seul
holisme. Dans le chapitre IV intitulé « Idéologie
et terreur : un nouveau type de régime »26(*), elle démontre en quoi
les tendances totalitaires ne se limitent pas à la conquête et
à la conservation du pouvoir ; mais à soumettre
l'humanité aux lois de leurs projets politiques : celles de la
nature pour le régime nazi et celle de l'histoire pour le socialisme
soviétique. Avec leurs philosophies de l'histoire respectives Hegel et
Marx seraient en quelque sorte, des pères fondateurs de la barbarie
étatique.
L'avènement d'un paradigme : rupture ou
continuité ?
A l'origine le néolibéralisme,
théorisé par Ludwig Von Mises le maître de Hayek, a servi
à penser aux obstacles éventuels à ériger face au
totalitarisme dans un premier temps, tel que « Reconnaître
l'individu comme juge en dernier ressort de ses propres fins, croire que dans
la mesure du possible ses propres opinions doivent gouverner ses actes, telle
est l'essence de l'individualisme »27(*) ; pour mieux le liquider dans
un second temps, en consacrant la liberté humaine à travers sa
pensée en 1944. En matière d'économie, selon la
thèse de Hayek, l'Etat ne doit pas faire figure de stratège, car
il ne tiendra pas compte de l'immense complexité de la
société civile et de ses membres ; conséquemment, il
imposera sa loi propre aux différentes rationalités en
présence, sans considération pour les conditions sociales des
individus, et c'est ainsi que même en démocratie la
« socialisation de l'économie » conduirait
les hommes d'après Hayek, sur la Route de la servitude. Son
oeuvre que l'on peut considérer comme un manifeste de la pensée
libérale, s'érige en tant qu'antithèse de la pensée
marxiste, d'où l'adoption d'un registre plutôt offensif contre le
totalitarisme. Son argumentation consistait à démontrer qu'aucun
dogme ne peut être construit en ayant pour base la
liberté, néanmoins nous sommes en droit de nous demander
comment se fait-il que le néolibéralisme ait réussi
à démolir les totalitarismes et que les régimes
autoritaires d'Afrique s'en accommodent ?
A l'école de Chicago, le foyer intellectuel du
néolibéralisme, les thèses de Hayek ont été
reprises par Milton Friedman qui a développé ses idées
pour en faire une doctrine, en ne retenant que son aspect économique et
en préservant son ton offensif. Peut-être que ce
réductionnisme économique orchestrée par M. Friedman a
épargné les régimes autoritaires d'Afrique en
abandonnant son efficience politique au profit de la dimension
économique ? Il semble que la dérive scientiste de
l'économie libérale a eu lieu, lors de son succès dans les
années 80 auprès de certains milieux politiques, notamment chez
les Tories de Margaret Thatcher au Royaume-Uni ainsi que chez les
Républicains de Richard Nixon aux Etats-Unis. En effet, on peut
raisonnablement supposer que si Hayek avait démoli la
légitimité d'un pouvoir politique autoritaire en partant du
principe que, « La liberté individuelle est incompatible
avec la suprématie d'un but unique auquel toute la société
est subordonnée en permanence »28(*), ce n'était pas pour
remplacer cette suprématie par celle du marché ou de
celle d'un despote. Nous verrons durant le développement si cette
version scientiste du néolibéralisme agit négativement sur
la conception pratique des Droits de l'Homme dans le monde et notamment en
Afrique ?
L'intégration ou l'assimilation de l'Autre
dans la Mondialisation ?
Outre ces grands chantiers que l'on vient d'exposer et qui
constituent des enjeux majeurs de la philosophie politique contemporaine en
Occident, nous avons vu en premier lieu la question de la mondialisation qui
densifie la circulation des biens, des personnes et des capitaux, en poussant
les différents pays à entrer en compétition les uns avec
les autres, puis les problèmes que posent le scientisme
économique inhérent au néolibéralisme qui, avec
Ludwig Von Mises et Hayek, avait pour tâche principale de démolir
intellectuellement toutes formes de pouvoirs totalitaires, et enfin, ne pouvant
se passer de la méthodologie propre à la science politique, et
plus largement aux sciences sociales, la philosophie politique actuelle se doit
de résoudre les contradictions implicites qui découlent de la
neutralité axiologique. Voici une liste non exhaustive des enjeux
de la philosophie politique contemporaine en Occident, auxquels nous allons
tenter de répondre dans le développement. Néanmoins, il
reste à introduire l'idée d'une philosophie africaine qui demeure
problématique, et se trouvera confronté aux mêmes obstacles
que celle qui se trouve en Occident, avec moins d'arguments. D'ailleurs, si
elle n'est qu'une simple revendication identitaire ou une question
métaphysique superflue, cette philosophie africaine n'a aucune chance de
pouvoir répondre aux apories éventuelles qui se
présenteront lors de la réflexion. Peut-être que nous
devrions commencer par circonscrire cette question de la philosophie africaine
en débutant par une analyse métaphysique des catégories de
l'Autre29(*) en
tant que semblable à soi, et de l'Ailleurs, comme
contrée étrangère.
En posant ainsi le problème, on peut le comprendre de
la manière suivante, c'est la raison qui doit comprendre son
Autre30(*). Le
programme humaniste énonce l'idée selon laquelle, rien de ce qui
est humain ne nous est étranger, il s'agit donc de réactualiser
cette formule aujourd'hui. Pourquoi revendiquer le droit à la
philosophie31(*) ?
Si, en dépit de l'indéniable maturité intellectuelle de la
philosophie politique occidentale, nous ne sommes pas en mesure de comprendre
d'autres expériences humaines ; « La philosophie,
comme la raison, est universelle. Une fois constituée, qu'elle qu'ait
été sa préhistoire, les circonstances ou les vicissitudes
de son émergence, elle a d'emblée son ordre
propre »32(*) bien qu'elles soient aux antipodes de nos propres
valeurs ainsi que de notre manière d'être, il y a lieu de penser
que l'on s'interdit d'enrichir sur le plan normatif le concept d'Homme
évoqué dans la Déclaration de 1789. Et incidemment cet
Ailleurs, pourrait constituer un débouché territorial et
culturel possible afin d'accroître l'influence des Droits de l'Homme
à travers le monde dans le cadre géopolitique. A-t-on
épuisé toute la sémantique de l'idée de
l'Homme telle qu'on la conçoit communément dans les
Droits de l'Homme ? Et si une philosophie africaine s'avèrera
capable de contribuer à enrichir l'idée de l'Homme, il
faudra se demander si ce projet philosophique ne nuira pas à la
tradition libérale, dans le sens où il ne limitera pas les
libertés fondamentales de l'individu mais les explicitera.
Les Droits de l'Homme : évolution
historique d'un cadre éthique
Une mise en perspective de l'histoire des Droits de l'Homme
permet d'identifier trois phases d'évolution de la notion de
Droit : la Déclaration des Droits de l'Homme et du
citoyen, adoptée par l'assemblée nationale française le 26
août 1789, correspond à une première phase où le
Droit est entendu en termes de Liberté. Ensuite, dans
la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,
institué par l'ONU à l'initiative de René Cassin, on a
ajouté des Droits matériels comme le droit au travail,
le droit d'entreprendre que l'Etat se devait dorénavant de garantir.
Enfin, la troisième phase d'évolution sur laquelle on se penche
aujourd'hui à l'ONU, c'est une intelligibilité du Droit
en tant que Culture33(*). Le point de départ de cette
évolution effective de la notion de Droit, fut la
rédaction d'un avant projet de « Déclaration des droits
culturels » que l'Institut Interdisciplinaire d'Ethique et des Droits
de l'Homme a fait part à L'UNESCO, lors de la Conférence de
novembre 2001 concernant les droits culturels des personnes appartenant
à des minorités34(*). Cette volonté d'inscrire dans les Droits de
l'Homme une disposition relative aux droits culturels a été
soutenue par de nombreuses personnalités du monde intellectuel35(*), qui de part leurs oeuvres
antérieures ou contemporaines à la Conférence, ont
légitimé l'initiative de l'IIEDH.
Pendant l'affrontement que le libéralisme a mené
contre les totalitarismes, faute d'anticipation, il n'avait pas perçu
que la sortie de la Guerre froide devait passer par la reconnaissance de la
diversité. Avec la chute du mur de Berlin, d'après l'optimisme
sans faille de Fukuyama dans sa « Fin de l'histoire et le dernier
homme »36(*), la démocratie libérale aurait dû
selon lui s'imposer comme le modèle politique universellement valable.
Les questions que le monde contemporain devait se poser sont les
suivantes : que devient l'Homme une fois l'histoire
achevée ? Dans la mesure où l'histoire récente fut le
théâtre de la barbarie, que reste-t-il du passé au regard
des Droits de l'Homme ? Comment le fanatisme et la superstition ont pu
engendrer des individus éclairés ? Devons-nous seulement
nous féliciter de l'échec du totalitarisme, dans son incarnation
soviétique, ou devons nous tenir compte d'autres réflexions
différentes de la nôtre ? C'est un défi intellectuel
d'envergure dans lequel pourrait s'insérer la
« philosophie africaine », afin de participer
à l'élaboration métaphysique d'une conception commune des
Droits de l'Homme. Or, au vu des positions adverses qui
s'élèveront contre cette forme de progressisme,
« Bien qu'évidemment sains sur le fond, les
réflexes républicains peuvent parfois paralyser la
réflexion »37(*) ; il va falloir être intellectuellement
avisé sur les avancées proposées, car l'Observatoire du
communautarisme38(*)
dénonce la thématique des droits culturels comme une nuisance
juridique et philosophique aux Droits de l'Homme et à la tradition
républicaine. Pierre-André Taguieff a exprimé, à
travers une oeuvre pour le moins pamphlétaire39(*), une vive opposition à
toutes refontes des Droits de l'Homme, en dépit des exigences
identitaires qui rendent flagrante cette carence inhérente à la
Déclaration40(*).
La philosophie africaine en reste
Quant à son propre sort, la philosophie africaine
devrait se donner comme objets de réflexion théorique et
pratique : D'une part pour la dimension théorique, la philosophie
africaine ne doit être inféodée d'aucune manière
pour être philosophique, « Le vaincu se définit par
ses privations, qui proclament en creux la supériorité du
maître, lorsqu'on les énumère »41(*). En effet, si la philosophie
africaine demeure figée par son rapport à la domination du
Maître, alors elle restera en situation d'Esclave.
D'autre part, survient la question de la place du continent africain dans la
mondialisation sur le plan pratique, ainsi que sa situation de
marginalisation42(*). Si ce dernier thème ne concerne que
l'Afrique a priori, nous allons voir durant le développement que celui
de la mondialisation à des répercussions assez similaires dans
les deux philosophies que nous étudierons. Là aussi se sont deux
sujets d'importante envergure qu'il s'agira de penser. Comment subsumer ce
foisonnement de trajectoires historiques et ces diverses cultures politiques
inhérentes aux cinquante Etats africains aussi différents les uns
que les autres, sous un concept unique et commode tel que l'Afrique ? En
terme de participation à la mondialisation, outre certains faits
historiques que nous nous attacherons à développer par la suite,
on sait pertinemment de par les recherches d'histoire à ce
sujet43(*) que
l'Afrique française libre a été partie prenante
dans les deux guerres mondiales. En effet, les tirailleurs
sénégalais entre autres ont combattus aux côtés des
forces françaises et des Alliés plus largement, afin de renverser
le IIIème Reich.
La situation du continent africain dans la
mondialisation
D'un point de vue économique, l'Afrique a
également été frappé par la Crise de 1929 qui a
précédé la deuxième guerre mondiale ; et plus
tard en 1980, conformément à la vague néolibérale
qui influença les régimes politiques en Occident, les pays
d'Afrique ont dû signer des programmes d'ajustements structurels avec des
réductions drastiques de leurs dépenses publiques. En somme,
c'est indifféremment des contextes mondiaux que les politiques
économiques de rigueur ont été appliquées à
travers le monde. Cette vision d'austérité caractéristique
de la théorie néolibérale, fut énoncée par
le prix Nobel d'économie Milton Friedman puis relayé par le FMI
ainsi que par la Banque Mondiale. Elle a conduit un bon nombre d'Etats
africains à s'endetter lourdement auprès de ces instances
internationales, ce qui les a intégrés aux systèmes
financiers mondiaux mais sur le mode de la dépendance. Cependant
à des fins géopolitiques, de prospection pétrolière
ou toutes choses égales par ailleurs, le continent demeure fortement
courtisé par les Etats-Unis d'Amérique, par l'Union
européenne et surtout par la Chine. Cette dernière faisant
prévaloir « L'or noir avant les Droits de
l'Homme »44(*) en Afrique, elle multiplie les contrats
économiques avec les Etats, là où les institutions
financières leur imposent des clauses peu avantageuses. C'est sans
aucune condition politique que la Chine négocie son aide à
l'Afrique, comme le justifiait l'agence de presse officielle Chine
Nouvelle en décembre 200545(*) ; en ce sens la position du continent est
déterminante pour que les Droits de l'Homme soient diffusés dans
le monde contemporain.
En effet, que ce soit au Brésil, en Inde ou en Chine,
ces régimes politiques du Sud deviennent des puissances
économiques à l'influence non-négligeable sans se
préoccuper de la Démocratie ou des Droits de l'Homme ;
l'Afrique a déjà les moyens de constituer des pôles
financiers afin de s'insérer dans la mondialisation, notamment avec
l'Afrique du Sud, le Kenya, le Nigeria ainsi que le Sénégal qui
exerce une forte influence sur les régions voisines. Toutefois,
l'exigence économique imposée par la concurrence en termes
d'adaptation structurelle doit-elle prévaloir sur l'impératif
politique conduisant à la Démocratie ? Ce modèle
politique qui conçoit le peuple en tant que souverain est-il
réellement une spécificité occidentale ou un leurre
visant à reconduire une forme de domination ? En somme, le continent
africain peut-il faire oeuvre de débouché territorial pour la
Démocratie sur le long terme, en dépit des obstacles tels que la
corruption, des guerres civiles ou des coups d'Etat ?
Nous avons vu se dessiner plusieurs problématiques
autour de la conception des Droits de l'Homme, notamment sur sa portée
universelle, son incidence sur le rapport entre l'individu et la
communauté, ainsi que sur la question concernant la dichotomie entre la
raison et l'affect. A partir de ces différents sujets relatifs à
une conception commune des Droits de l'Homme, on est en droit de se demander
s'il existe une scission fondamentale entre une philosophie africaine et la
philosophie politique contemporaine en Occident ? Et nous nous demanderons
également si une analyse critique de la mondialisation en tant que
phénomène global, n'est envisageable qu'à partir de
connaissances situées.
Dans un premier temps, nous analyserons ce sujet avec la
philosophie politique contemporaine en Occident comme point de départ.
Sa maturité intellectuelle nous permettra d'analyser les grandes lignes
de la problématique ici présente, en utilisant les outils
conceptuels et les controverses des différents auteurs. Mais nous
verrons que celle-ci a néanmoins des difficultés à
s'ériger durablement au dessus des savoirs spécialisés
à savoir l'économie, le droit et l'histoire dans le sens
où elle partage avec eux la capacité de rendre le monde
intelligible. En guise d'amorce nous analyserons le paradigme économique
néolibéral, nous nous appuierons ensuite sur la pensée de
Anthony Giddens et sa « Troisième voie »,
puis, pour conclure, sur le débat entre Rawls et Nozick à
propos de la forme de l'Etat démocratique.
Secondement, quant à la philosophie africaine dont
l'existence ne manque pas d'être problématique, est-elle une
revendication identitaire ou une question métaphysique superflue ?
Peut-elle se contenter d'être un simple mimétisme de la
philosophie occidentale sans spécificités propres, et en quoi
peut-elle contribuer à moderniser l'idée d'Homme
énoncé dans les Droits de l'Homme ? Nous allons distinguer
trois moments importants concernant son édification possible :
premièrement, l'africanisme en tant que savoirs constitués sur
les africains à travers l'oeuvre du Père R. Placide
Tempels46(*), puis nous en
viendrons au moment de l'afrocentrisme comme synthèse de la philosophie
marxiste et du nationalisme en Afrique, qui a émergé lors de la
période de la décolonisation. Et enfin, celui de la philosophie
africaine qui a suscité l'intérêt de cette recherche.
Troisièmement, nous allons tenter de valider
l'hypothèse universaliste de la conception des Droits de l'Homme et de
la Démocratie. Ainsi, nous nous situerons dans la continuité
intellectuelle du libéralisme politique en prenant pour commencement
l'individu dans son rapport au monde. Ce chapitre sera consacré à
l'étude d'une action publique, la Coopération
décentralisée Franco-Burkinabé sur laquelle il est permis
d'envisager un cosmopolitisme minimal.
Chapitre I : De la Démocratie en
Occident
I°) Au terme de la Démocratie
« Néolibéralisme » ;
ce terme semble négativement connoté, idéal
économique et norme libérale souveraine pour les uns, il
constitue pour d'autres une aberration pour ne pas dire un repoussoir absolu.
Les surprenantes sorties de Philippe Seguin47(*) suivi de celle de Pierre Mauroy48(*), à l'encontre de cette
forme d'économie, sont des manifestations de l'hostilité qu'il
peut susciter. Lorsque Pascal Salin, professeur d'économie à
l'université de Paris-Dauphine, publie son livre en 200049(*), il s'oppose à
l'assimilation du néolibéralisme en tant que
« pensée unique » ou
« consensus mou » résultant d'une vision
constructiviste de la société, qui monopoliserait ainsi le
terrain des idées, conduisant à une déformation de la
philosophie libérale et à son rejet.
A cet instant présent de la réflexion, nous
analyserons tout d'abord le néolibéralisme en tant que paradigme
économique contemporain, en nous interrogeant sur les postulats
fondamentaux sur lesquels il repose. Nous verrons par la suite à travers
la pensée d'Anthony Giddens, quelles sont ses implications sur les
idéologies politiques contemporaines, « (...)
l'écriture postcoloniale a eu un double impact sur les
humanités et les sciences sociales. Le premier est d'avoir
radicalisé la critique du récit linéaire d'un
progrès qui se diffuserait depuis un centre européen jusqu'aux
multiples périphéries ou semi-périphéries, pour
emprunter le vocabulaire d'Immanuel Wallerstein. »50(*). Ainsi que les
conséquences effectives du néolibéralisme sur la forme
légitime de l'Etat moderne que ce sont disputés J. Rawls et R.
Nozick51(*), ainsi
qu'Achille Mbembé à travers son analyse de l'Etat
postcolonial.
A°) Le paradigme néolibéral et ses
contradicteurs
Le présent paragraphe, a ceci d'iconoclaste, qu'il ne
tentera pas de déconstruire rationnellement le credo du sulfureux
paradigme néolibéral ; bien au contraire, il tentera de
démontrer l'intérêt qu'il peut y avoir à le
renforcer, là réside toute la difficulté. Il ne s'agit pas
uniquement de le critiquer en mettant en lumière ses imperfections ou de
promouvoir un autre régime économique ex nihilo, mais bien de
penser le contrôle éventuel de mécanismes complexes.
1°) La fonction initiale
Le paradigme néolibéral fut à l'origine,
un instrument pratique et théorique dont la fonction première
était de détruire sans appel le totalitarisme et son exercice
autoritaire du pouvoir politique, comme on a pu le voir avec Hayek et Von
Mises. C'était donc un dispositif conceptuel efficace dont l'usage
aurait dû être limité après avoir atteint son but.
Cependant l'histoire de la pensée économique, que nous exposerons
brièvement, nous montre qu'il a répondu à un besoin
idéologique au sortir des Trente Glorieuses dans les années 1960.
En quel sens le terreau historique fut propice à la réception de
cette théorie économique ad hoc52(*) a priori ? Et
qu'est-ce qui nourrit malgré tout ce néolibéralisme, alors
même que son accréditation actuelle se trouve démentie par
la mise en lumière de ses lacunes ?
Tout en restant mal compris le néolibéralisme
est pourtant l'objet d'attaques virulentes, notamment celles de Bourdieu qui
qualifie celui-ci d'« Institution pratique d'un monde darwinien
de la lutte de tous contre tous, à tous les niveaux de la
hiérarchie » dans « l'Essence du
néolibéralisme »53(*). On stigmatise souvent le
néolibéralisme en tant que défense utilitariste de
l'économie de marché, ou encore comme un individualisme à
situer automatiquement à droite de l'échiquier politique. C'est
au prix de nombreux amalgames, dût à une grille de lecture
marxiste au sens strict du paradigme économique
néolibéral, que Bourdieu a néanmoins perçu
« (...) la subordination des Etats nationaux aux exigences de la
liberté économique ». Son approche holiste est
manichéenne, dans le sens où selon lui, cette forme
d'économie favorisera systématiquement la « classe
dominante » qui ignore toute propension à la
solidarité. A cause de la synchronisation parfaite de deux mouvements
médiatiques, à savoir les forums de Davos et de Porto
Alegre, cette vision absolue est relayée dans le monde sous la
forme de représentations exclusives du Progrès.
2°) Un progrès différé
Le mouvement altermondialiste véhicule une autre
idée du Progrès et de la Modernité et ce, contre le
paradigme néolibéral. « (...), si cette conception
des modernités alternatives liquide bien les présupposés
hiérarchisant insultant des anciennes théories de la
modernisation, elle n'abolit pas le problème de
fond »54(*). Les préjugés nourris
à l'égard du néolibéralisme, proviennent de ce type
de simplifications qui éludent la complexité ainsi que la teneur
effective des problèmes qu'ils causent dans la réalité
sociale. Si, à son corps défendant, le marché a permis de
réduire la puissance publique, c'est au profit de la prégnance
des libertés individuelles. Les sociétés civiles
étant dorénavant ouvertes au monde, le marché exhorte le
politique à redéfinir son rôle et à transformer
l'Etat- nation, afin d'appréhender cette ouverture qui constitue une
donnée inédite de l'époque contemporaine pour l'Occident
comme pour l'Afrique. Les politiques keynésiennes de relance par la
demande, qui ont été largement pratiquées lors de la
période des Trente Glorieuses, se sont trouvées en situation
d'échec, d'une part face à un phénomène
économique protéiforme, à savoir la stagflation, d'autre
part, l'aveu d'échec du néoclassicisme fut patent à cause
d'un contexte fort hostile relatif aux deux crises
pétrolières.
B°) Le versant économique
L'école de Chicago a édifié sa doctrine
néolibérale sur les décombres de la pensée
économique de l'école néoclassique de Keynes qui
prônait une intervention correctrice de l'Etat. Cette dernière fut
en partie victime d'un environnement peu favorable à son succès,
mais c'est plus particulièrement l'ouverture des sociétés
civiles qui s'est avéré fatale au keynésianisme. Le
paradigme néolibéral a invalidé l'idée walrassienne
de « concurrence pure et parfaite », selon
laquelle tous les acteurs économiques sont décrits comme
identiques et plongés dans un environnement homogène, au
même titre que celui qui inspire la Cour de Justice des
Communautés Européennes. En effet, les régulations
orchestrées par l'action publique dans le cadre national sont
nécessairement moins efficaces avec l'ouverture des
sociétés or, le néolibéralisme de Friedman prescrit
« (...) la recherche d'un cadre stable et de règles
claires pour les agents économiques (réduction des
déficits publics, analyse des risques inflationnistes, annonce d'un taux
de change souhaité) au lieu d'une volonté d'agir sur leurs
comportements par une action discrétionnaire non
anticipée »55(*).
1°) Des résultats économiques
nuancés
L'impact du monétarisme néolibéral de
Friedman a non seulement influencé les politiques économiques de
Nixon et de Thatcher dans les années 80, ramenant ainsi la croissance
économique dans leurs nations respectives, mais le Chili a
également soutenu ce courant et a pu profiter d'une embellie
économique. Les Chicago Boys ont fait figure de conseillers du prince,
faisant de leurs pays un tigre économique indiscutable56(*). « (...) un
modèle n'a pas besoin de correspondre à ce qui est connu, il peut
donc être faiblement explicatif mais produire des succès
prédictifs suffisants en qualité et en quantité. La
position instrumentaliste de Friedman justifie la production de lois
régionales expliquant et testant des relations entre faits observables
impliqués par la théorie »57(*). Par contre, l'aide
financière, sous forme de prêts, contrôlée par le FMI
imposant en contrepartie une politique d'austérité, a
été dommageable pour beaucoup de pays d'Afrique ; en effet,
ceux-ci devaient trancher dans les budgets destinés à
l'éducation, l'emploi et la santé pour pouvoir obtenir leurs
financements conformément aux exigences de l'idéologie
néolibérale, or tout ces domaines touchent de près
l'Indice de Développement Humain et constituent des bases non
négligeables pour établir un système démocratique.
Dans les années 1990, ce fut d'ailleurs l'objet de vives
polémiques entre Michel Camdessus et les Ministres de l'économie
et des finances des Etats africains, car la rigueur économique n'avait
pas les mêmes conséquences en Démocratie qu'en terre
postcoloniale. Les experts du FMI énoncent leurs conclusions en partant
du principe que la Démocratie est acquise pour l'Etat demandeur sans
tenir compte des contextes particuliers, c'est une forme d'abstraction malvenue
faisant fi du dédale de la réalité empirique. Nous allons
donc nous interroger sur ce processus institué par le paradigme
néolibéral, qui s'avère en mesure de ramener la
croissance58(*), et nous
demander si ces changements politiques et sociaux que le marché
opère sur les sociétés civiles, sont autant profitables
pour les systèmes démocratiques que pour les autres formes de
régimes politiques.
2°) Une société postcoloniale
réticente
L'introduction du marché comme fait social dans la
société civile, semblerait être à l'origine d'une
certaine reconfiguration de la liberté individuelle à
l'époque contemporaine, « (...) parce que les rapports
géopolitiques se brouillent. D'un côté, un monde de la
continuelle montée en puissance ; de l'autre, outre-Occident, un
monde qui se défait, un monde dont les traditions, les racines
historiques ont été ou altérées ou coupées,
qui se réapproprie son histoire, ses manières de la dire et de la
faire. Il s'interroge aussi sur son identité, il doit affronter ses
propres incertitudes. Dans la réalité postcoloniale, nous nous
renvoyons de l'un à l'autre notre incertitude et notre
incompréhension, qui n'est pas simplement une incompréhension
mutuelle mais l'incompréhension de ce que nous devenons tous dans ce
monde-ci, tel qu'il se fait, vite, trop vite sans
doute »59(*). En établissant une distinction entre la
liberté politique, qui consiste entre autre à pouvoir voter, se
réunir en association, exprimer ses opinions, penser ou pratiquer
librement le culte de son choix, tandis que la liberté économique
nous confère le droit d'entreprendre, d'acquérir des biens
matériels, de consommer, de faire des contrats et d'échanger.
Cette liste n'est pas exhaustive mais elle permet néanmoins de concevoir
que le néolibéralisme n'est donc pas qu'une théorie
économique qui repose sur le libre fonctionnement du marché.
Utilisant son héritage libéral comme fondement, c'est une
véritable anthropologie qui se donne pour finalité de penser des
acteurs à l'échelle micro-économique.
3°) Liberté et responsabilité
C'est de part ces différentes libertés que
l'individu se rapporte à toutes les sphères de son existence
sociale et à la société d'échange dans laquelle il
évolue. Celles-ci étant pensées dans un contexte de
rareté, le néolibéralisme admet l'inhérence d'un
lot d'inégalités sociales intrinsèques à chaque
société civile, la question économique et sociale devenant
ainsi une forme d'éthique sans être une politique digne de ce nom,
« Quand nous parlons de la globalisation, il nous faut
considérer comment les nations globalisantes se débrouillent de
la diversité et de la différence interne, comment nos propres
paysages intimes, indigènes, doivent être redessinés pour y
inclure ceux qui sont leurs nouveaux citoyens, ou ceux dont la présence
citoyenne a été annihilée ou marginalisée. Le
succès ou l'échec de la globalisation commence chez
soi »60(*)
dans tous les sens du terme. Le fond intellectuel de ce paradigme énonce
la pertinence qu'il y a à bâtir une théorie sur la base de
la responsabilité individuelle afin d'harmoniser des
intérêts particuliers qu'il juge plus à même
d'être en adéquation avec les différents vécus des
individus, plutôt que d'admettre un intérêt
général imposé par l'Etat central qui subsumera
indistinctement les réalités sociales.
C°) La place de la liberté politique
En opérant cette distinction entre liberté
politique et économique, le paradigme néolibéral se trouve
dans la continuité de la pensée exprimée par Benjamin
Constant qui situait déjà la liberté comme point de
départ réflexif dans ses « Principes
politiques ». Selon lui le commerce, qui est un état
embryonnaire de la mondialisation, décloisonne les
sociétés qui auparavant assuraient le cadre dans lequel les
individus pouvaient évaluer ensemble l'intérêt
général. De plus, échappant à la verticalité
du pouvoir politique, cette activité commerciale dans sa dimension
internationale est en ce sens un principe anti-absolutiste.
1°) L'hypothèse de Benjamin Constant
L'époque moderne que Benjamin Constant décrit
dans ses oeuvres, a posé des jalons politiques et historiques qui
interfèrent sur notre époque contemporaine. A certains
égards, l'une comme l'autre sont caractérisées par le
renoncement à la guerre, ce qui place la vie privée comme la
première des préoccupations individuelles, reléguant ainsi
partiellement la vie publique. La participation à la vie de la
cité telle que la concevait les Anciens, à savoir le
dévouement au bien public et à la communauté politique,
demeure la condition sine qua non d'une citoyenneté pleinement
vécue dont on ne doit pas faire le deuil selon l'auteur.
Néanmoins, cette vision ne pouvant plus être prise comme telle par
les individus à l'heure actuelle, la responsabilisation prescrite par le
néolibéralisme devrait semble-t-il se traduire par un engagement
des acteurs dans la vie politique et sociale afin qu'ils réalisent leurs
propres choix de vie et qu'ils puissent jouir de leurs libertés.
2°) La liberté à l'épreuve de la
société civile
Il peut être pertinent de relever un autre des jalons
politico-historiques pour nous permettre d'analyser l'influence du
néolibéralisme à notre époque contemporaine.
Benjamin Constant avait évoqué une contradiction infime mais
irréductible à l'idée de gouvernement représentatif
qui peut être résolue à l'aide de la circonscription du
concept de liberté individuelle en ses différentes
déclinaisons à savoir : liberté politique et
liberté économique. Nous ne retiendrons que la liberté
politique pour tenter de résoudre les deux difficultés que pose
cette idée de gouvernement représentatif. Ces difficultés
sont de deux ordres, logique et fonctionnelle. Intuitivement, lorsque l'on vote
pour une personne lors d'une élection, la raison qui nous pousse
à faire d'elle notre représentant c'est que ses
intérêts coïncident avec les nôtres. Or, en faisant de
cette personne un représentant, on convertit nécessairement sa
situation et par là-même ses intérêts. Ensuite,
concernant le fonctionnement du gouvernement représentatif, il est en
quelque sorte, victime de l'autonomie de la société civile. En
effet, cette autonomie est un gain considérable du point de vue des
libertés fondamentales et individuelles, mais elle accroît par
ailleurs la demande sociale ainsi que la capacité de faire pression sur
le gouvernement. Ces données paralysent leur action dans le sens
où les gouvernants craignent d'entreprendre certaines initiatives sous
peine d'échouer, ce qui provoque une montée de la frustration
sociale de la population. En somme, le paradigme néolibéral nous
met en face d'un phénomène particulier que l'on pourrait
qualifier paradoxalement de surcroît démocratique. La
résolution de ces difficultés semble indissociable du
problème de l'usage de notre propre liberté politique.
Ironiquement, il semble que le paradigme
néolibéral ne puisse faire amende honorable auprès de
l'opinion publique que si le citoyen ressent le besoin d'user de sa
liberté politique. Mais afin de rester en cohérence avec son
héritage libéral dont il se réclame, ce paradigme
économique ne peut forcer les individus à être libres.
D°) Les succès et les limites du
néolibéralisme comme théorie
Si l'on schématise ce paragraphe sur le
néolibéralisme, on peut retenir que cette théorie
économique a répondu aux questions relatives à notre
époque contemporaine sur fond de crises pétrolières et de
chômage de masse. La lignée keynésienne prônant une
intervention correctrice de l'Etat dans le cadre d'une macro-économie
non-équilibrée et caractérisée par l'incertitude,
si l'on tient compte de l'ouverture des sociétés civiles, n'a eu
d'égale que son retentissant échec là où le
néolibéralisme a su apporter des réponses
appropriées quant à l'imperfection des marchés ainsi que
sur l'anticipation du comportement des acteurs. Le néolibéralisme
en tant que théorie économique provient d'un remaniement en
profondeur de son héritage politique ; elle est en ce sens une
théorie ad hoc, dans le sens où elle déploie ses
vecteurs en vue de répondre aux objectifs qu'on lui a assigné
sans y déroger. Ayant fourni la plus pertinente et la plus rigoureuse
des réflexions sur la réalité sociale jusqu'à
présent, le scientisme qu'on lui impute à juste titre semble
être dû à cet aspect. Mais ce que nous allons analyser
dès à présent, afin de clore ce paragraphe, ce sont les
soubassements empiriques susceptibles d'être questionnés.
1°) La question économique et sociale comme
problème
La théorie économique néolibérale,
pose parfois problème sur le plan de sa construction argumentative,
notamment sur les aspects de l'héritage libéral qu'elle
réutilise : s'il semble bien difficile de contester intuitivement
le bien-fondé de la responsabilisation des individus qui permettrait une
adéquation plus juste des intérêts particuliers à
l'intérêt général, il en résulte que
l'engagement des citoyens dans la vie politique et sociale apparaît
nécessaire afin que la démocratie représentative puisse
coexister avec le système économique néolibéral.
Néanmoins, en raison des inégalités économiques et
sociales inhérentes aux sociétés civiles modernes, tous
les individus ne sont pas égaux face à la liberté
d'entreprendre, comme si les sphères de la liberté individuelle
pouvaient se concurrencer mutuellement selon le contexte économique de
l'individu. Il devient nécessaire de saisir l'origine de cette aporie
présente dans la théorie néolibérale, qui ne
favorise pas tous les aspects de la liberté individuelle.
En somme, toute personne ne peut pas jouir comme elle l'entend
de sa liberté économique. La liberté politique consistant
en partie à pouvoir s'engager dans la vie publique, coïncide avec
la transformation de l'Etat moderne qui délègue ses
compétences à ses échelons administratifs
inférieurs tels que les régions ou les pouvoirs municipaux, dans
lesquels tout citoyen est sollicité afin de participer au pouvoirs
locaux sur le mode de la gouvernance61(*). « Que l'on souhaite réaffirmer
la matérialité historique du local, ou insister sur les
repositionnements que les processus de globalisation imposent, il faut garder
à l'esprit le fait que le discours théorique, les
catégories, tendent par nature à occulter la
spécificité du local. (...) En ce sens, une théorie
postcoloniale doit articuler précisément le local et le global,
doit comprendre les processus qui mènent des formes locales aux
universaux »62(*). Ainsi, la théorie néolibérale
ne s'inscrit guère en porte à faux avec le contexte social
qu'elle décrit, cependant la liberté politique est admise comme
un moyen de compenser les inégalités économiques dont sont
victimes les moins aisés. La liberté politique étant,
selon la rationalité néolibérale, le moyen terme par
lequel les plus démunis sur le plan matériel peuvent
également contribuer à l'intérêt
général.
2°) Un excès de Démocratie ?
Cette étape du raisonnement néolibéral
semble moins convaincante, car si la pérennité d'une
société civile repose sur l'usage de la liberté politique
comme moyen compensatoire pour les plus lésés, il n'en demeure
pas moins que les plus avantagés pourront jouir à la fois de leur
liberté économique et de leur liberté politique. Enfin,
sur la situation évoquée plane l'ombre du Free-Rider ou
passager clandestin, énoncé par l'économiste et sociologue
Mancur Olson63(*), qui
d'après la théorie du choix rationnel, n'a aucun
intérêt à assumer une responsabilité
supplémentaire ou un coût que d'autre pourraient prendre en
charge64(*). Cette
théorisation sociologique de l'individualisme comme fait social,
effectué par Olson, concerne plus les catégories
lésées économiquement que les plus avantagés. Cela
met en lumière une faille majeure du néolibéralisme, dans
la mesure où l'on peut supposer que les lésés
préfèreront plutôt tirer un avantage individuel de la
situation précaire dans laquelle ils se trouvent au lieu de
d'entreprendre une action collective et coûteuse. Cette faille du
paradigme néolibéral se situant sur le plan local est cependant
loin de remettre en cause l'édifice intellectuel de cette théorie
économique. Mais il paraît important de démontrer et
d'examiner ses limites théoriques intrinsèques avant d'analyser
les contingences politiques, économiques et sociales qui viennent
démentir ses présupposés au nom de facteurs qui lui sont
essentiellement extérieurs.
E°) Néolibéralisme et
Postcolonisation
De facto, certains Etats postcoloniaux d'Afrique se trouvent
peu adaptés à la concurrence internationale, la centralisation
étant vitale pour la conservation du pouvoir politique.
« La délinquance juvénile ou ce que l'on
désigne comme tel apparaît ainsi comme l'un des indicateurs du
niveau de structuration inégalitaire et répressive des pouvoirs
africains »65(*). Dans ce contexte, il ne s'agit pas d'une absence
d'engagement civique de la part de la population africaine, car
« Face à des Etats incapables de travailler à
aménager les conditions qui permettent à leurs citoyens de
gérer eux-mêmes leur existence, l'on a vu des groupes de jeunes,
véritables pionniers, faire procéder à
l'aménagement de villes sorties des
marécages »66(*).
1°) Pouvoir despotique et liberté
L'exercice de la liberté politique au coeur d'une
réalité postcoloniale semble également envisageable tant
qu'elle ne représente pas une menace aux yeux des représentants
du pouvoir en place. « Ce qui rend l'Etat actuel inadapté
en Afrique, ce n'est point son étrangeté culturelle. C'est le
fait qu'il ne se soit organisé de telle manière à
constituer une réponse adéquate aux questions inédites
surgies du milieu et de l'histoire des sociétés africaines. (...)
La faim, la maladie, l'ignorance et l'absence de libertés exigent des
formes d'organisations appropriées à des situations de faim, de
maladie, d'ignorance et d'absence de libertés. Ce n'est pas à
l'Etat de chercher à résoudre ces questions. C'est aux hommes
eux-mêmes qui les affrontent de les
résoudre »67(*). L'analyse libérale de la
société postcoloniale émise par Achille Mbembé,
rejoint celle de Benjamin Constant concernant la liberté politique.
On constate que les pays les plus mondialisés comme la
Chine ou le Japon ont réussi à associer une puissance
économique forte à une balance commerciale positive ; si
les Etats-Unis cumulent ces deux avantages, leur économie propre est
loin d'être tournée vers le monde. En plus du développement
de la phase économique tertiaire, l'immense superficie du territoire
national américain leur permet d'exploiter une importante
activité agricole ou industrielle selon les zones géographiques.
Mais ce n'est pas cet aspect contingent qui retiendra notre attention.
2°) Néolibéralisme revendiquée et
gestion nationale pragmatique
La politique intérieure des Etats-Unis est affranchie
d'éléments idéologiques particuliers au profit d'un
pragmatisme assumé ; preuve en est, quelles soient
démocrates ou républicaines, keynésiennes ou
néolibérales, toutes ces options peuvent s'accommoder en creusant
toujours plus le déficit public sans être
inquiétées. De droit, l'économie internationale est
solidaire de celle des Etats-Unis par les accords de Brettons Wood qui a
institué le dollar comme seule monnaie d'échange en l'indexant
sur l'once d'or. Ainsi, la moindre crise susceptible de menacer
l'équilibre économique et financière des Etats-Unis se
répandrait incidemment sur la stabilité économique des
différents partenaires commerciaux. En ce sens, l'Union
européenne, la Chine et le Japon comme beaucoup d'autres acteurs
économiques, se voient contraints d'acheter les bons du trésors
américain, ce qui résorbe leur déficit public. En sachant
que l'émission de billets de banque ne coûte rien, le
déficit public fait office de levier économique à moindre
frais. Voici un aspect unilatéral de la configuration économique
internationale qui ne profite manifestement qu'à un seul acteur, il
serait malencontreux d'attribuer cet état de fait à la
théorie néolibérale. Néanmoins, un aspect qui
apparaît plus litigieux dans les échanges internationaux peut
être imputé au paradigme en question.
F°) Un usage géopolitique de la
dévaluation monétaire
Si certains acteurs économiques tels que l'Allemagne et
la Suède parviennent à tirer parti d'une situation peu favorable
à l'Union européenne, l'euro fort que la Banque Centrale
Européenne s'évertue à maintenir est néfaste pour
des pays comme la France. En effet, certains pays concurrents des Etats-Unis
subissent leur politique monétaire et se retrouvent lésés
par les dévaluations perpétuelles du dollar. C'est un moyen de
pression macro-économique considérable qui fausse la concurrence
internationale.
1°) Un juste réquisitoire
Tout se passe comme-ci les politiques structurelles des
différentes puissances économiques, suivaient la même
logique que celle de la géopolitique de type réaliste68(*), pour qui seuls les
intérêts nationaux priment dans les relations extérieures.
Ce qui perdure de la théorie néolibérale dans le cadre des
échanges internationaux indépendamment des contextes
spécifiques à chaque nation, c'est l'usage de la
dévaluation monétaire. En somme, c'est l'usage
géopolitique de certains présupposés économiques du
paradigme néolibéral, qui pose problème dans le cadre des
échanges internationaux ; car dans cette optique, la politique
extérieure se résume à une simple promotion de l'image
nationale à travers le monde, le but étant de trouver des moyens
supranationaux pour légitimer la diffusion du Soft Power. On
est en droit de se demander comme Ulrich Beck si, à l'heure de la
mondialisation, cette finalité assignée par la théorie
néolibérale est encore valide ?
2°) De la prépondérance du
néoréalisme dans les Relations Internationales
Il semblerait, en évitant l'écueil de la
diatribe pamphlétaire, que la faille fondamentale du paradigme
néolibéral réside dans son incapacité à
dépasser la quête d'intérêts nationaux.
« En d'autres termes : le nationalisme méthodologique
- qui consiste à persister dans l'idée que le méta-jeu
politique mondial est et reste un jeu de dames national - s'avère
extrêmement coûteux. Il obstrue la perspective et empêche par
là même de découvrir de nouveaux coups et de nouvelles
ressources de pouvoir. Qui plus est, la possibilité de transformer le
méta-jeu, dont les règles prévoient un perdant pour un
gagnant, ou des perdants uniquement, (...) »69(*). Le
néolibéralisme paraît motivé par une vision
orthodoxe de la souveraineté nationale, qui entrave toutes
possibilités de penser des formes de régulations d'ampleur
globale, réduisant la politique à une fonction
tribunitienne, alors même que la mondialisation exige une vue d'ensemble,
« Un débat critique s'est noué autour de
l'interprétation néolibérale de ces évolutions
concomitantes et plus ou moins effectives qui les naturalise ou les
réifie en bloc sous l'appellation générique de
globalisation, et qui se présente comme un pur constat empirique, comme
la reconnaissance d'un fait brut pour ainsi dire dépourvue d'histoire et
presque sans acteurs, (...) Les analyses antilibérales, à
l'inverse, déchiffrent dans ce discours de la globalisation une
idéologie économiciste asservie aux intérêts du
capital multinational, expression de la phase la plus avancée du
capitalisme postindustriel, qui se caractérise par le règne de
l'information et de la consommation, et dont l'emprise planétaire
s'insère bel et bien dans un continuum historique, car elle n'est en
réalité que le dernier prolongement du colonialisme et de
l'impérialisme européen »70(*).
Ce paradigme nécessite-t-il une martingale dont seuls
certains Etats auraient le secret. Relevons par ailleurs que cet aspect du
néolibéralisme n'atteint point la valeur scientifique de cette
théorie économique énoncé par Milton Friedmann,
dont la rigueur et l'honnêteté intellectuelle a permis à de
nombreux pays développés ou non, de faire face aux crises
provoquées par les chocs pétroliers.
II°) Le substrat démocratique
La discussion ainsi que les conflits sur l'organisation de la
société civile semblent constituer une donnée
récurrente de la vie politique, Anthony Giddens va même
jusqu'à dire que « L'essence de la politique est le combat
entre des visions et des politiques »71(*). La distinction de ces visions
se traduisait dans le cadre de controverses, comme on a pu déjà
le voir à Rome entre les populares et
optimates72(*),
cela a perduré lors de la Révolution de 1789 où pour la
première fois le clivage s'est manifesté en termes de Gauche et
de Droite. L'irréductibilité de ces idées politiques
eût un effet structurant pour la vie démocratique : d'une
part pour instituer progressivement l'alternance, qui situe les partis
politiques soit dans l'opposition soit dans la majorité, d'autre part,
cela favorise la culture de la démocratie car les différentes
positions sont contraintes de participer à l'intérêt
général en dépit de leurs divergences et de se
reconnaître mutuellement comme légitimes. Cette
« reconnaissance de
l'hétérogénéité des
valeurs »73(*) semble aller de soi dans nos démocraties
libérales, alors que pour Alain Renaut et Sylvie Mesure elle est une
donnée indépassable et un acquis déterminant, quoique
contingent, du projet démocratique. Nous nous demanderons donc quels
comportements peut-on relever face à ce changement ? Ensuite, en
quel sens, doit-on considérer cette idée de reconnaissance
mutuelle exprimée par Alain Renaut et Sylvie Mesure ? Et en tant
que donnée contingente de la vie politique, a-t-elle un impact sur ce
que Anthony Giddens nomme « l'essence de la
politique » ?
Il y a à l'état embryonnaire dans ce clivage
Gauche/Droite, né pendant la période post-révolutionnaire,
un accord minimal concernant un certain nombre de valeurs politiques modernes
dont les Droits de l'Homme. En ce sens, les divergences portaient plus sur les
modalités d'application effective de ce principe. Il a bien fallu que la
modernité politique finisse par reléguer plusieurs idées
anti-démocratiques qui régissaient encore la vie politique
après la Révolution :
- Les Réactionnaires : c'est un
« Terme apparu pendant la Révolution française et
désignant (pour le fustiger) celui qui veut revenir à
l'Ancien Régime. Le mot sera utilisé par les progressismes
ultérieurs pour dénoncer leurs adversaires. Alors que le
conservateur veut le maintien de l'ordre actuel, le réactionnaire veut
le retour à un ordre ancien disparu dont il a la nostalgie (le
fascisme, en réactualisant les corporations, fut en cela
réactionnaire) »74(*). Celui qui a polarisé ce terme dans le but de
désigner les positions anti-révolutionnaires fut Benjamin
Constant, ceux-ci voyaient la Révolution comme un signe de la Providence
conforme aux souhaits divins dont la finalité est d'éprouver la
foi des fidèles.
- Les Conservateurs : qui « Qualifie
l'attitude politique de celui (citoyen ou collectif) qui juge le
maintien de l'ordre établi préférable à son
changement et a fortiori à son bouleversement. Terme opposé
à la fois à réactionnaire, à réformiste et
à révolutionnaires. Renvoyant originellement à la fonction
de celui qui est chargé de conserver un droit, un privilège, le
mot a pris son sens politique actuel pendant la Révolution
française »75(*). Cette attitude exprime une certaine prudence
vis-à-vis du changement et préfère de loin conserver la
société dans son état présent ; cela se
traduit par une forme de vision fonctionnaliste de la société
civile. Radcliffe Brown affirmait que la société est une
totalité, une structure dont toutes les pièces participent
à son équilibre. C'est la raison pour laquelle il
considère qu'il serait malvenu d'en extraire un élément au
risque que tout l'édifice social s'effondre.
- Les Révolutionnaires : ils portent une vision
politique radicale qui consiste à changer la totalité de la
société, de ces valeurs ainsi que ses institutions. Leurs
méthodes diffèrent de celles des réformistes dans la
mesure où ils prétendent attaquer le problème à la
racine en voulant faire table rase du passé.
- Les Réformistes : ils défendent une
« Doctrine et pratiques selon lesquelles l'ordre existant peut
être amélioré graduellement dans le cadre des institutions
présentes. Le réformisme, accusé d'opportunisme et de
trahison par ses adversaires, fait l'économie de la catastrophe
révolutionnaire »76(*). Les réformistes pensent que l'on peut
modifier la société progressivement par les actions syndicales ou
par les négociations, ce qui offre également la
possibilité de revenir sur d'éventuelles erreurs tout en
entretenant la culture du débat. C'est le comportement le plus proche
des tendances politiques dont nous faisons l'expérience à
l'époque contemporaine.
A°) Convergences idéologiques et divergences
partisanes
Malgré les entrecoupements possibles entre les
différentes positions, seule l'attitude réformiste parvenait
à réunir durablement des tendances de Gauche comme de Droite
autour d'un même projet démocratique, là où les
trois autres représentations exprimaient avec virulence leur haine de la
démocratie en restant plus ou moins hostiles aux courants politiques
internes à leurs groupes. En se reconnaissant comme légitimes, la
Gauche et la Droite ont ainsi répondu à un enjeu
démocratique quasiment imperceptible mais nécessaire, pour
l'approfondissement intellectuel de leurs héritages politiques
respectifs. « Le changement des conditions historiques a conduit
à l'émergence d'un ensemble de problème et de
possibilité qui ne rentrent pas dans le schéma gauche-droite. On
peut citer les questions d'environnement, du travail et de l'identité
personnelle et culturelle. Bien sûr, les valeurs de la justice sociale et
de l'émancipation sont liées à tout cela, mais chacun de
ces problèmes recoupent ces valeurs »77(*). N'ayant plus besoin de devoir
prouver perpétuellement leur attachement à l'idée
démocratique ou républicaine, il fut dorénavant possible
pour ces deux idéologies politiques de se tourner vers le monde autant
que vers les affaires nationales, et, partant, de se moderniser.
Cependant, depuis la consécration du
néolibéralisme dont nous avons longuement parlé, il
semblerait que seule la droite ait pris d'une manière suffisamment
pertinente le pouls de l'époque contemporaine, en prenant à son
compte l'idée de l'individu. Alors que cet individualisme moderne est
dû à un recul du conservatisme traditionnel et des pratiques
encadrées par la coutume, et qu'il ne correspond, « ni au
thatchérisme, ni à l'individualisme marchand, ni à
l'atomisation. Au contraire, il correspond à un individualisme
institutionnalisé. La plupart des droits et créances de l'Etat
providence, par exemple, sont destinés aux individus plutôt qu'aux
familles. Dans de nombreux cas, ils présupposent l'emploi. L'emploi
à son tour implique l'éducation, et tous les deux
présupposent la mobilité. Toutes ces exigences poussent les gens
à se constituer comme individus : à se projeter, se
comprendre et se décrire comme individus »78(*). En somme pour Beck, c'est
davantage un fait social conditionné par la mondialisation que par
l'influence des marchés. Dans son état actuel, la doctrine
socialiste n'est pas en mesure de saisir les enjeux politiques contemporains,
faute d'avoir suffisamment modernisé sa lecture du monde. En effet, elle
se méprend à propos de l'individualisme en le confondant avec
l'égoïsme ; alors que la notion d'individualisme s'apparente
plus à un nouveau modèle de société, la gauche
l'associe à une dérive dont la source n'est autre que celle de la
société de consommation.
B°) Le cas de la Gauche aujourd'hui
La gauche, incarnée par le Parti Socialiste en France,
paye un lourd tribut à cause de ce contresens lors des élections
présidentielles79(*). L'égoïsme contre lequel les socialistes
luttent est plutôt un trait psychologique invariant présent dans
toutes sociétés plus qu'une déviance, ce qui n'a pas
échappé à la droite. Or, l'identité, la tradition,
du socialisme dont le rêve fut de fonder « la
société sans classe »80(*) semble devoir rester tapie au
fond de leur conscience, la dure réalité ayant fait plier
l'utopie, cet idéal demeure toutefois sous forme de principe
régulateur au sens kantien81(*). En somme, sur le plan intellectuel il paraît
tout à fait légitime de revenir sur la notion de
liberté que l'on utilise dans son idéologie afin de lui
donner une dimension pratique, si celle-ci s'avère caduque pour la
modernité.
1°) Les illusions de la gauche
Une représentation orthodoxe de la liberté,
comme l'exprime la pensée révolutionnaire est
exclusive et s'arroge « Le monopôle du
coeur »82(*) en déniant à l'idéologie de
droite une vision humaniste de l'Homme. Comme suit, le spectre de la
révolution plane en permanence dans l'esprit de la gauche
révolutionnaire plus que sur l'Europe, et elle préserve sa
doctrine intacte sans jamais accéder au gouvernement, et ce, au profit
de cette pensée politique orthodoxe. La gauche démocratique se
démarque des révolutionnaires dans le sens où :
« Révolutionnaire sans révolution, parti ouvrier
sans ouvriers, exerçant désormais le pouvoir étatique sans
rêver de le conquérir, le Parti socialiste a progressivement
émergé de ses origines pour devenir un pilier du système
démocratique pluraliste, à l'instar des autres partis socialistes
ou sociaux-démocrates d'Europe. Son histoire et sa mémoire
l'embarrassent plus qu'elles ne l'aident dans le nouveau rôle qui lui est
imparti, mais cette culture résiduelle qu'elles lui donnent garde une
fonction identitaire dont bien d'autres formations politiques sont
dépourvues »83(*). Evoquant M. Merleau-Ponty qui voyait jour
après jour le communisme contredit par l'histoire
réelle, Alain Renaut traite de cette conversion intellectuelle et
idéologique en ces termes dans son ouvrage collectif :
« Sans jamais renoncer à l'idéal humaniste et
universaliste, il a assez vite fini par penser que cet idéal, quoiqu'il
ne puisse jamais être vraiment réalisé, interviendrait plus
efficacement - telle l'idée régulatrice kantienne - dans le
dialogue démocratique, et donc dans un régime libéral ou
parlementaire, qu'à l'occasion d'un bouleversement
révolutionnaire »84(*). Ainsi, la lutte contre les inégalités
sociales devient un thème structurant pour la gauche moderne.
Doit-on voir cette révision idéologique telle
une compromission politique, comme le dénonce les partis
révolutionnaires, ou est-ce une tentative d'opposer au
néolibéralisme une représentation toute aussi ambitieuse
pour penser le monde contemporain ? Et on peut se demander comment penser
une lutte dont les objectifs changent avec les sociétés ?
2°) Une adaptation au monde
La modernisation des idées de gauche implique une
réflexion adaptée à l'époque contemporaine, ainsi
qu'une révision intellectuelle de la représentation du sujet en
tant qu'il n'est plus un point de départ fixe. Son rapport
axiologique85(*) doit
être appréhendé afin de pouvoir répondre de
manière pertinente à ses nouveaux
besoins individuels86(*) ; en effet, en se montrant moins rigide sur la
question sociale, l'économie de marché a su apporter des
réponses dans ce domaine. L'avènement d'un modèle
économique alternatif ne parut guère nécessaire et le
conflit s'est déplacé sur le plan des valeurs87(*). En réformant la clause
IV de leurs statuts qui énonçait « la
propriété collective des moyens de production, de distribution et
d'échange », Tony Blair a incarné cette
modernisation88(*). C'est
à ce prix que les Travaillistes ont semble-t-il conquis durablement le
pouvoir au dépend des Conservateurs en 1997. Cette clause IV, qui
était au parti Travailliste ce que le Congrès d'Epinay est au
Parti Socialiste, paraît être le type d'archaïsmes dont la
gauche moderne doit se débarrasser.
C°) Un programme politique et des valeurs
Si on schématise les deux idéologies en
présence, comme l'a fait Anthony Giddens dans son oeuvre en gardant
à l'esprit que les tableaux suivants sont idéal-typiques, dans le
sens où les aspects choisis sont grossis, on peut percevoir que les
différents points forts ainsi que les points faibles de la nouvelle
droite et de la vieille gauche :
Le néolibéralisme (La nouvelle droite)89(*)
- Gouvernement minimal
- Société civile autonome
- Fondamentalisme marchand
- Autoritarisme moral et individualisme économique
puissant
- Marché du travail libre comme tous les autres
- Acceptation de l'inégalité
- Nationalisme traditionnel
- Aide sociale en dernier recours
- Modernisation linéaire
- Faible conscience écologique
- Théorie réaliste de l'ordre international
- S'inscrit dans le cadre du monde bipolaire
La social-démocratie classique (la vieille
gauche)90(*)
- Large engagement de l'Etat dans la vie économique et
sociale
- L'Etat domine la société civile
- Collectivisme
- Gestion keynésienne de la demande et corporatisme
- Rôle limité des marchés :
économie mixte ou sociale (de marché)
- Plein emploi
- Egalitarisme fort
- Etat-providence universel, protégeant les citoyens
« du berceau à la tombe. »
- Modernisation linéaire
- Faible conscience écologique
- Internationalisme
- S'inscrit dans le cadre du monde bipolaire
A la vue de ces deux descriptions, on peut relever que le
néolibéralisme a évacué plus de
préjugés relatifs au domaine économique que la
social-démocratie tels que : le collectivisme, l'Etat-providence
universel ainsi que cette vision de l'Etat dominant la société
civile. En ce sens, les discours néolibéraux semblent plus
efficaces en faisant preuve de pragmatisme au regard du marché ou des
inégalités, là où la social-démocratie ne
peut opposer à l'argumentaire de droite, qu'une vaine rhétorique
moralisatrice dont la finalité n'est autre que la préservation
d'un statut quo. De fait, cette acceptation ambiguë de l'économie
de marché est fatale à l'idéologie sociale
démocrate car elle constitue pour ses adversaires
néolibéraux une vacuité idéologique qu'ils peuvent
exploiter au gré des circonstances. Par conséquent, les
débats donnent l'apparence d'un certain déséquilibre en
termes de répondant entre les deux interlocuteurs dans la mesure
où, l'un apporte des réponses économiques concrètes
et se trouve parfois amené à prôner le changement pour
promouvoir la liberté d'entreprendre, lorsque l'autre ne fait que
blâmer son adversaire.
A l'opposé, sur le plan des valeurs la
social-démocratie l'emporte sur la droite mise à mal par la
modernité : « Dans le domaine des valeurs morales et
religieuses, la droite est confrontée au déclin lent mais
régulier de sa base électorale
traditionaliste »91(*). Luc Ferry et Alain Renaut justifient cette analyse
en affirmant que, « (...) les critères qu'elles nous
offraient autrefois n'étant plus disponibles. Ferry et Renaut ne sont
pas les seuls parmi les philosophes français contemporains à
concevoir ainsi notre situation. Claude Lefort, par exemple, dessine le
même portrait d'un monde où aucun principe moral n'a plus le
statut d'une vérité acquise. Mais qui plus est, il déclare
qu'un tel monde constitue le foyer de la démocratie
moderne »92(*). En somme, l'ascendance d'une valeur sur une autre
demeure relative et limitée dans le temps ; des idées
jugées caduques peuvent redevenir importantes pour l'ensemble de
l'opinion publique sur des thèmes de société tels que
l'avortement ou la peine de mort, les discours de gauche semblent plus
rassembleurs car comme l'indique Serge Berstein « (...) les
tenants de la tradition ne sont plus suffisamment nombreux dans
l'électorat pour lui assurer la victoire, mais demeurent trop nombreux
pour qu'on puisse négliger leur point de vue »93(*). L'antinomie intellectuelle
entre les présupposés rationalistes du
néolibéralisme et ce conservatisme traditionnel assumés
par ce que Giddens appelle « la nouvelle droite »
apparaissent manifestement contradictoires ; Luc Ferry a qualifié
cette aporie de « schizophrénie
aiguë »94(*). En se situant du côté de la
pensée critique, la gauche a de ce point de vue un ascendant
intellectuel sans équivoque sur la droite, « Les
études postcoloniales sont prisonnières de la fiction du
post-national, ce qui leur interdit de comprendre que la formation de
l'Etat-nation est une dimension de la globalisation, y compris de
l'expérience coloniale. Les études postcoloniales tendent
à réifier le legs colonial, d'en faire une essence. Elles ne
comprennent pas qu'il n'y a d'universalisation que par réinvention de la
différence. (...) Leur avantage comparatif par rapport à la
sociologie historique du politique est des plus maigres, pour ne pas rester
dans l'euphémisme »95(*).
Néanmoins, aucune des deux idéologies ne
parviennent à proposer sur le plan des questions internationales un
programme digne de ce nom sans l'édifier en réaction
vis-à-vis de celui de l'adversaire y compris la conception postcoloniale
qui se situe plutôt à gauche, d'où les nombreuses
similitudes suivantes : la modernisation linéaire, la faible
conscience écologique ainsi que l'inscription dans le cadre bipolaire
sont autant de points sur lesquels on ne peut les départager. Cependant,
l'Internationalisme pour la sociale démocratie et la Théorie
réaliste de l'ordre international pour les néolibéraux,
constituent les points de divergences en terme de représentation des
Relations Internationales.
D°) Misère de l'internationalisme
L'orthodoxie idéologique de la gauche est devenue un
obstacle pour une appréhension pertinente de la diplomatie et ce,
d'autant plus pour promouvoir leurs valeurs internationalistes et
égalitaristes à travers le monde : « Face au
continent, l'extrême gauche s'est cantonnée dans un discours
anti-impérialiste sclérosé et ne répond à
aucun des problèmes du jour ; (...) Le Parti communiste, quant
à lui, n'a pas de politique africaine autre qu'évanescente et
stéréotypée. (...) Néanmoins, le Parti socialiste a
été prisonnier, au cour des années soixante-dix, d'une
schématisation dépendantiste du Tiers monde qui ne le
prédisposait pas à affronter les réalités de la
décennie suivante »96(*). L'aide au développement à l'adresse du
continent africain, édifiait une autre forme de domination postcoloniale
dans laquelle cet état de dépendance fut
perpétué car, la gauche n'a pas su rompre avec les
réseaux locaux qui étaient hostiles à leur
internationalisme, et elle n'a pas reconfiguré son programme politique
même dans les domaines où ses prises de positions étaient
plus constructives que celles de la droite. Etait-ce raisonnable de
bâtir une politique extérieure sans remettre en cause des groupes
d'intérêts en mesure de nuire aux objectifs de la gauche ?
Toutefois, « Il serait puéril d'accorder
à cette mouvance une cohérence, par exemple foccardienne ou
maçonnique qu'elle n'eut jamais unanimement. D'âpres conflits,
d'ordre partisan, associatif, matériel ou personnel, la
déchirent »97(*). Voilà pourquoi les thèses
conspirationnistes ou manichéennes ne restent vraies qu'au prix de sauts
intuitifs, de raccourcis et de simplifications hasardeuses, alors que le
phénomène de domination postcoloniale est bien réel.
E°) Bilan pour la démocratie
Ce que l'on peut retenir de cette approche comparative de la
droite et de la gauche, est une égalité idéologique de
façade sous-tendue par un monopôle de la scientificité
accaparé par la droite. Afin que la rivalité soit effective et
profitable à la vie démocratique, car tel est l'enjeu ultime de
cette partie, la gauche doit bannir tout concept de totalité de son
lexique, notamment ceux qu'elle a coutume d'utiliser dans la sphère
économique comme nous l'avons vu précédemment. Au
même titre que Tony Blair, sa position sur l'économie de
marché doit être claire. Elle doit également se penser au
delà du cadre de l'Etat-Nation pour avoir le recul et
l'objectivité nécessaire concernant la saisie des
phénomènes économiques en particulier. Comment ce
consensus autour de l'économie de marché va-t-il modifier les
comportements des différents acteurs politiques ? Et en quoi ce
changement est-il profitable pour la gauche ?
L'élimination de la représentation marxiste
pourrait conduire la gauche à analyser le réel tel qu'il est,
sans le percevoir d'une manière prophétique en prétendant
l'appréhender par le biais d'un principe explicatif unique.
« L'explication par la fin des idéologies politiques, pour
séduisante qu'elle soit, ignore tout simplement que celles-ci, loin de
mourir, se transforment. Et si la modernité porteuse de
rationalité et d'individualisme permet de relativiser les
systèmes globaux d'explication du monde, les idéologies
extrémistes retrouvent aussi droit de cité face à celles
du compromis » 98(*). Dans cette optique, la gauche ne se trouvera pas
dépourvue d'arguments face aux déclinologues qui pensent
être les seuls détenteurs d'une définition pertinente de
l'intérêt général. Ces interlocuteurs tiennent un
discours réactionnaire et alarmiste en démontrant de
manière assez juste que tous les Etats se doivent de s'adapter à
la mondialisation, sous peine de subir un déclin inexorable. Au moyen de
formules lapidaires, ils diagnostiquent un patchwork de solutions et de
réformes dont un régime politique a besoin pour se redresser,
qu'ils aient la moindre compétence en la matière.
« Soit l'on considère que la crise reste bénigne,
et l'on poursuit la gestion au fil de l'eau, avec une correction à la
marge des textes phares de la majorité plurielle - 35 heures et loi de
modernisation sociale en tête. Soit la France se trouve effectivement
engagée dans l'un de ces cycles de déclin qui rythment son
histoire et il convient de mettre en oeuvre la thérapie de choc qui
constitue le véritable mandat politique du 21 avril
2002 »99(*).
Ce qui paraît juste dans ce propos, c'est que les
réformes les plus dures à orchestrer sont celles qui ont un
contenu libéral ; cependant rien ne sert de hâter une
réforme aussi juste soit-elle, comme Nicolas Baverez semble le
préconiser, au risque de voir celle-ci échouer. Peut-on
réellement améliorer le régime sur des thèmes aussi
vifs que les retraites, la sécurité sociale, ou la réforme
du système éducatif avec des formules déclaratives ?
D'ailleurs Thomas Piketty fustige dans un article de Libération
publié le lundi 20 novembre 2006, ceux qu'il définit comme de
« piètre chercheurs, sans aucune reconnaissance
internationale »100(*) qui pensent avoir trouvé la solution aux
problèmes de notre époque contemporaine101(*). Le dogmatisme dont ces
individus font preuve peut être assimilé à du
scientisme102(*),
autrement dit c'est l'attitude inconséquente que l'on attribue
injustement au paradigme néolibéral. Aux côtés de ce
genre nouveau de comportement réactionnaire, il y a également les
néo-conservateurs qui affirment avoir le monopôle de
l'édification durable du lien social en s'appuyant sur les traditions ou
la religion. Cet autre interlocuteur fait abstraction d'un critère
déterminant pour une représentation pertinente de la
société civile, « (...), la question des
retombées de l'entreprise coloniale sur le tissu social et politique des
ex-colonisateurs est nouvelle en science politique. » et pour
cette raison les valeurs progressistes de la gauche ont un avantage
intellectuel indiscutable en s'inscrivant dans la modernité par la
valorisation du libre choix individuel contre les visions essentialistes des
réactionnaires ou celle des néoconservateurs qui est
prosaïque.
1°) La fin de l'idéologie
Loin de s'apparenter à une simple compromission,
l'acceptation de l'économie de marché permet à la gauche
de discerner ses véritables adversaires, « Ces
considérations suggèrent que les sociaux-démocrates
devraient regarder d'une manière nouvelle le centre de
l'échiquier politique. Les partis sociaux-démocrates ont en effet
évolué vers le centre pour des raisons d'opportunisme. Le centre
politique, bien sûr, dans le contexte d'une division droite/gauche, ne
peut avoir comme signification que le compromis, un milieu entre deux voies
plus tranchées »103(*). Le problème de certaines idées
politiques contemporaines réside dans la présence de certains
éléments essentialistes « au mépris des
réalités concrètes »104(*) ; bien que peu
nombreux, ces substrats idéologiques fallacieux représentent des
failles argumentatives que l'on ne peut justifier que par la conviction.
D'où l'intérêt pour la gauche sociale-démocrate de
purger son idéologie de croyances injustifiées et de refonder une
pensée critique en se donnant pour tâche de saisir les meilleures
articulations du monde contemporain, afin que celui-ci fasse progresser
l'espace public. « (...) si la gauche et la droite ont moins de
significations que par le passé, il en va autrement. L'idée d'un
centre actif, ou d'un centre radical au coeur des débats récents
chez les sociaux-démocrates, peut être considérée
sérieusement »105(*). Que ce soit, les nouveaux « processus
de subjectivation » selon Didier Eribon, les nouvelles
« formes de vie » d'après Achille Mbembe ou
les nouveaux « mécanismes de minorisation »
selon Judith Butler106(*), ce sont tout autant de formes différentes
d'injustices qui doivent mobiliser la gauche. D'ailleurs, Tony Blair avait
émis le souhait de créer une IVème Internationale pour le
XXIème siècle alors qu'il participait à un
séminaire politique avec les dirigeants de Washington en février
1998107(*).
C'est à cette seule condition que la gauche moderne
pourra être en mesure de se confronter idéologiquement avec la
droite et rétablir ainsi un véritable dialogue
démocratique sur le fond. En effet, si « ni les individus,
ni les groupes d'individus, ni les cultures ne peuvent ni ne doivent se
dispenser, sur les questions d'ordre pratique, de produire une infinité
d'énoncés, pouvons-nous accepter d'abandonner l'idée
(ne serait-ce que l'Idée régulatrice) d'un dialogue entre de
tels énoncés - renoncement auquel contraindrait immanquablement
la constatation que, si ces questions ne sont susceptibles d'aucune
vérité, la recherche d'un tel dialogue ne serait qu'une
chimère ou une utopie ? »108(*). La notion de
« vérité objective » n'est
envisageable que dans les sciences dures qui, par différents
procédés expérimentaux de falsification109(*) parviennent à
démontrer leurs énoncés ; la
« vérité » en sciences sociales ne
relève pas du même ordre d'idées et doit être
argumentée. Bien entendu, le respect d'un protocole commun de
description permet de construire une forme d'objectivité mais qui ne
peut en aucun cas être apparentée à la
« vérité objective » des sciences
dures.
En somme, le dialogue est de rigueur pour les
délibérations démocratiques quoiqu'il ne puisse se suffire
à lui-même. Les interlocuteurs ou les partis politiques modernes
doivent mutuellement se reconnaître comme agissant par devoir110(*), et ce par delà les
discours rhétoriques auxquels les politiciens ont coutume de se
prêter, et malgré les divergences de point de vue sur les
modalités d'application concrète des principes
démocratiques.
2°) Le pragmatisme comme solution transnationale
La déconstruction de la justice chez les modernes a
été orchestrée par le réalisme politique de
Machiavel, elle fait acte de rupture vis-à-vis des conceptions anciennes
de la justice qui postulaient un ordre cosmique, traditionnel ou divin
préexistant. Marx de par sa philosophie de l'histoire a poursuivi ce
processus de déconstruction en prenant la conception des Droits de
l'Homme comme l'objet de ses critiques. Ce qui résulte de ce processus
est une vision positive et désenchanté du monde et de la
loi111(*), car celle-ci
ne recherche dorénavant qu'une stricte exactitude ou la
conformité d'après Kelsen.
A contrario, sans vouloir revenir sur « la
positivité du droit », les Théories contemporaines
de la justice s'attachent à reconstruire les conditions d'une juste
répartition en partant du même fond commun
théorique à savoir
« l'humanité » : si c'est le maximum de
bien qui compose l'humanité alors la conception est
utilitariste112(*), si
l'humanité est l'idée selon laquelle tout individu doit
chercher à vivre une vie qui vaut le coup d'être vécue
alors cette vision est rawlsienne et elle est libertarienne lorsqu'on la
conçoit en insistant sur la liberté comme son principe
intrinsèque fondamental.
Concernant l'autre fond commun aux théories
contemporaines de la justice, dont l'assertion est pratique, il se
définit d'une part, sur la base de l'acceptation de l'économie de
marché en tant que modèle, d'autre part, il repose sur un
consensus à propos du système démocratique :
« se caractérise par un fond commun de règles, de
mécanismes et de conventions : des élections
compétitives périodiques et libres pour désigner des
représentants sur la séparation des pouvoirs, le pluralisme
politique et syndical, la garantie des libertés individuelles et
collectives »113(*). Si les oligarchies qui officient à la
tête des Etats postcoloniaux ne sont pas prêtes à
intégrer le système démocratique dans leurs vies
politiques respectives, au sein des populations africaines « De
nombreuses autres initiatives économiques font jour, à
l'intérieur desquelles le facteur humain se conjugue à une
logique économique permettant l'épargne, la solvabilité et
l'amélioration des conditions de vie des
communautés »114(*). Nous verrons au chapitre 3 comment les valeurs
démocratiques peuvent être partagés en Afrique comme en
Europe en dépit des obstacles.
F°) Rawls et Nozick : un débat
régional ?
Avant de clore ce premier chapitre nous ne retiendrons que les
pensées de Rawls et Nozick, afin de distinguer les points sur lesquels
ils se rejoignent et ceux sur lesquels ils se distinguent. En effet,
Jean-Jacques Sarfati, dans un article qu'il a consacré à la
critique de John Rawls par Robert Nozick dans « Anarchie, Etat et
Utopie »115(*), avait situé John Rawls en tant que
sociale-démocrate dans le sens européen du terme, ce à
quoi s'oppose la pensée de Nozick. On peut considérer leur
controverse sur la justice sociale comme une continuité du conflit de
valeurs entre la droite et la gauche se partageant la charge gouvernementale,
mais cette fois-ci les divergences portent sur l'intervention légitime
de l'Etat sur la société civile.
Selon les deux auteurs le libéralisme politique n'est
possible qu'à condition que les valeurs telles que
l'égalité et la liberté fassent figure
de crans indépassables de la politique. Toutes conceptions
particulières et individuelles du Bien ne peuvent s'opposer aux
principes de justice. C'est une aporie que l'Utilitarisme n'est pas parvenu
à vaincre. Par conséquent, il s'agit pour les deux auteurs de
déterminer une justice qui précède légitimement le
Bien. Pour cette raison Rawls et Nozick ne sont pas en accord avec la
doctrine Utilitariste dans son exhaustivité, bien qu'ils lui
concèdent qu'aucun autre ordre (ni le cosmos, ni la religion) ne peut
poser les conditions du partage mieux que l'Utilitarisme.
Les théories contemporaines de la justice de Rawls et
de Nozick différent sur leurs conceptions spécifiques du
Bien. C'est par le biais d'une légère digression qu'il
convient de signaler le respect mutuel que se portent les deux
auteurs116(*). C'est
dire si le respect que doivent se témoigner la gauche et la droite est
loin d'être un acte démagogique, factice et sans utilité,
dans le sens où les deux tendances participent à
l'élaboration de l'intérêt général la plus
pertinente qu'il leur est possible d'instituer concrètement. Notons que
cette reconnaissance et ce respect étaient présents chez Thomas
Piketty pour M. Friedmann en dépit de leurs convictions politiques.
1°) La justice chez Rawls
L'originalité de la thèse de Rawls concernant sa
Théorie de la justice117(*), c'est qu'elle a fourni une tentative de
réponse possible au défi représenté par le
pluralisme grandissant des sociétés civiles dans les
régimes démocratiques. Dès lors, son souci consistera
à établir un consensus politique de base qui assure des
libertés égales à tous les citoyens sans
considération pour leurs origines culturelles, ni de leurs convictions
religieuses, ni de leurs projets de vie individuelle.
Rawls décrit la société comme
étant constitué de différents individus occupant des
positions particulières en vue d'un avantage mutuel, mais en
arrière plan de cette société se situe l'économie
de marché qui donne un sens au réseau social de redistribution
des biens marchands et non-marchands. Cette société pouvant
être le théâtre de conflits d'intérêts, Rawls
veut donc trouver les principes qui permettent l'arbitrage entre les
revendications concurrentes légitimes des acteurs sociaux. Ces principes
sont ceux de la justice sociale dont la compréhension correspond
à la notion classique de justice distributive. L'idée centrale de
Rawls est que tous les biens sociaux premiers à savoir les droits,
libertés, revenu, richesse, respect de soi-même,
c'est-à-dire, « tout ce qu'un être rationnel
désirera quels que soient ses autres
désirs »118(*), doivent être distribués de
façon égalitaire sauf si une distribution inégale de ces
biens devait bénéficier aux plus défavorisés.
« L'injustice alors est simplement constituée par les
inégalités qui ne bénéficient pas à
tous »119(*). Selon lui, un égalitarisme strict
étouffera la liberté, telle est son intuition et la
raison pour laquelle le renoncement au communisme est justifié.
La justice pour Rawls n'est pas une valeur parmi d'autres mais
elle est le canon par lequel sont évaluées toutes les
valeurs. En somme, elle est un étalon servant à
réconcilier des valeurs conflictuelles. C'est en ce sens que la
théorie de la justice est déontologique : Rawls
établit la primauté du juste sur toutes les conceptions
particulières du Bien. Autrement dit, c'est parce que le sens
de la justice ne peut plus être déduit d'un contenu
préétabli, et ce, en raison du pluralisme caractérisant
les sociétés démocratiques, qu'il est nécessaire de
substituer à la conception substantielle de la justice une conception
procédurale. Celle-ci dans sa forme parfaite est rare comme toutes
choses égales par ailleurs, et c'est un des points sur lequel Nozick est
en désaccord. L'idée de cette justice procédurale est que
le respect des procédures garanti l'équité.
Si la thèse de Rawls consiste à affirmer que la
justice sociale doit reposer sur un modèle procédural, il nous
reste à démontrer que la justice elle-même est
indispensable et possible dans une économie de marché qui produit
son lot d'inégalités, et partant, elle devient intuitivement
nécessaire au regard du contexte social dans lequel elle prend forme
afin de corriger ces inégalités. Rawls précise qu'il y a
des circonstances de la justice120(*), et il les présente sous deux formes :
objectives (territoire géographique limité, rareté
relative des ressources naturelles, etc.) et subjectives (les individus ont des
projets de vie différents). Si ces circonstances viennent à
rendre nécessaire la justice en tant que canon à partir duquel
arbitrer les conflits d'intérêts, il faut néanmoins qu'elle
soit possible. Or, pour Rawls elle est possible car tous les membres de la
société civile sont selon lui reconnus comme étant
raisonnables et rationnels, ce qui est pour Rawls une double faculté
morale des citoyens : d'une part, ils sont capables de développer
un sens de la justice comme terme équitable de la cohésion
sociale, d'autre part, ils sont en mesure de développer une conception
originale et personnelle du Bien. Cette conception étant
déterminée par le projet rationnel de vie que les individus
forment grâce à leurs facultés de jugement et de
délibération. Nous devons remarquer que le domaine rationnel et
le champ du raisonnable sont deux idées distinctes, c'est-à-dire
que l'on ne peut faire dériver l'une de l'autre, tout en étant
complémentaires dans le sens où l'un ne peut exister sans
l'autre.
Les débats sur la conception de la justice doivent se
déployer sur un arrière fond commun sur lequel tout le monde
s'accorde à dire qu'une société démocratique est
juste lorsque l'on « ne fait aucune distinction arbitraire entre
les personnes dans la fixation des droits et des devoirs de base et quand les
règles déterminent un équilibre adéquat entre des
revendications concurrentes à l'égard des avantages de la vie
sociale »121(*). Pour y parvenir, il reprend à son compte la
théorie du contrat qu'il porte à « un plus haut
niveau d'abstraction » il en résulte son idée de
position originelle (paragraphe 4 et chapitre 3) dans laquelle les
acteurs sociaux sont sous le voile d'ignorance (paragraphe 24).
- La position originelle est un cadre fictif
où les individus se trouvent dans une situation lors de laquelle leurs
différences sociales sont éliminées afin de définir
un cadre empirique acceptable pour tous.
- Le voile d'ignorance c'est le retrait de toute
information susceptible d'améliorer le sort des individus.
Plongés dans ce voile d'ignorance, les individus peuvent
être convaincus par la même argumentation générale
sur les principes de justice et ce, dans le but de permettre une
hiérarchisation des revendications.
Ces deux expériences de pensées doivent conduire
à un état d'esprit où la pertinence de la justice
procédurale ne doit faire aucun doute pour les différents
acteurs. Dans cette situation initiale, les parties prenantes doivent choisir
les principes qui détermineront la distribution des biens sociaux
premiers en étant soumis à des conditions strictes. En somme,
selon Rawls les principes de justice choisis seront équitables car ils
auront été choisis dans une situation qui est elle-même
équitable. Autrement dit, cette situation initiale hypothétique
est un test d'équité nous permettant de nous représenter
l'égalité et la liberté des êtres humains en tant
que personnes morales au sens kantien du terme. La fiction mis en place par
Rawls a un caractère exclusivement heuristique dans la mesure où
c'est sur cette base intellectuelle que la justice procédurale peut
être conçue.
La position originelle ne décrit pas un
contenu mais un cadre théorique, elle correspond à une forme de
justice procédurale pure122(*). Les différents acteurs ne créent pas
les principes de justice ex nihilo cependant ils font un choix parmi
diverses possibilités qui sont acceptables dans le cadre de la culture
démocratique123(*). Dès lors, selon Rawls, il sera envisageable
pour les différents acteurs de s'accorder sur deux principes : (1)
le « principe d'égale liberté »
réglant la distribution des droits civiques et politiques. Ce premier
principe est égalitaire en tant qu'aucune liberté ne peut
être limitée. (2) Le principe régissant l'organisation
socio-économique pose l'idée selon laquelle des
inégalités sont préférables à une
répartition égalitaire de certains avantages économiques
et sociaux issus de la coopération sociale. Ce second principe est
lui-même constitué de deux sous-principes,
l'égalité des chances comme l'accès aux fonctions
ouvert à tous, le principe de différence qui est un
autre principe de maximisation.
Rawls ne réfute pas le système capitaliste en le
diabolisant ou blâmant moralement les inégalités qu'il
produit. Sa conviction est qu'il existe un point où la lutte contre les
inégalités perd son sens, car l'injustice n'est liée
d'après lui qu'à « des inégalités qui
ne bénéficient pas à tous »124(*).
2°) La justice chez Nozick
Tout comme Rawls, Nozick écarte l'Utilitarisme
et il pense également sa théorie contemporaine de la justice
à l'intérieur de l'économie capitaliste et dans un cadre
démocratique. Nous allons voir quelle est la particularité de la
thèse nozickéenne comparée à celle de Rawls, et
quel est son apport sur les réflexions à propos des
sociétés démocratiques.
« Nozick, tout comme Hayek, cherche bien
à démontrer que la justice est liée à un certains
type de relations économiques, à savoir le capitalisme. Son
oeuvre majeure, Anarchy, State and Utopia, peut ainsi être lue comme une
nouvelle tentative de fondation de cette théorie du libre marché
et de l'Etat minimal dont l'objectif est d'établir qu'il y a un rapport
d'équivalence et d'implication entre le fait de vouloir la
justice et le fait de défendre le marché contre toute
ingérence gouvernementale »125(*). D'après Nozick, le
capitalisme est un système économique autonome qui ne
nécessite pas une intervention étatique particulière. En
effet, l'idée du libre échange126(*) est relative à
sa conception de la justice, comme l'indique Jean Jacques Sarfati dans son
article consacré à Nozick, « Pour savoir à
qui appartient un bien, il suffit de s'intéresser aux modalités
de son acquisItion. Il n'y a injustice que dans les hypothèses où
les règles posées pour la transmission ou l'échange ont
été violées par l'un des
protagonistes »127(*). En ce sens, la conception de la justice
pour Nozick n'est pas pure mais historique, car l'échange en soi est
juste sauf si auparavant l'un des protagonistes en a violé les termes
par un acte frauduleux ou par une escroquerie. Nous nous devons de
préciser que c'est par l'idée de Libre-échange
que Nozick peut justifier son Etat minimal128(*), entendu comme le
garant des biens et des personnes ; pour illustrer son propos, il prend un
exemple on ne peut plus convaincant.
Wilt Chamberlain est un joueur de basket dont le talent attire
les foules, si dans le courant de la saison ces personnes décidaient de
donner un supplément sur le prix du billet d'entrée afin qu'une
part de cette somme lui soit reversé. Au terme de la saison la richesse
du joueur sera donc augmentée légitimement sans fraudes, et la
question que pose Nozick aux éventuelles objections des
sociaux-démocrates est la suivante : « Par quel
processus un tel transfert entre deux personnes pourrait-il donner naissance
à une revendication légitime de justice distributive sur une
portion de ce qui a été transféré, par une tierce
personne qui n'avait aucun droit de justice sur la moindre possession des
autres avant le transfert ? »129(*). Nozick veut montrer en quoi
l'acquisition légitime d'un bien procure à l'individu un droit
absolu sur ce bien ce qui invalide par ailleurs une redistribution
éventuelle de ce genre de richesses produites. Comme l'indique Patrick
Savidan au sujet du même exemple, « L'idée
finalement assez effective dans cet exemple est de dire qu'il est absurde, d'un
côté, d'exiger que chacun ait une juste part des richesses
disponibles et d'empêcher, d'un autre côté, que chacun
dispose pleinement des richesses qui lui reviennent »130(*).
Ce que récuse Nozick dans l'idée de justice
redistributive des sociaux-démocrates, n'est pas seulement la
légitimité de l'intervention étatique dans les
échanges qui selon lui n'a pas lieu d'être, mais bien son
caractère préventif qui induit une forme de contrainte
sur la liberté individuelle. En effet, pour Rawls une
société n'est juste que si elle prend en compte le sort des plus
défavorisés ce qui induit l'idée de compensation des
inégalités. Or, comme le montre Nozick un peu ironiquement, c'est
que « Rawls consacre une grande partie de son attention à
expliquer les raisons pour lesquelles ceux qui sont le moins dotés ne
devraient pas se plaindre de recevoir moins. Son explication, dans sa forme
simplifiée, repose sur le fait que, parce que l'inégalité
travaille à son avantage, quelqu'un de moins favorisé ne devrait
pas s'en plaindre ; il reçoit plus dans le système
inégal qu'il ne recevrait dans un système
égal »131(*). Cependant ce que Nozick répond à cet
argument est qu'il est plausible pour un bon nombre de raisons132(*), que les plus
défavorisés ne préfèrent au contraire une
égalité radicale des conditions matérielles qu'une
réduction des inégalités. Par conséquent, la
compensation dont il est question ne peut pas être assez satisfaisante
pour améliorer suffisamment leur sort, de plus celle-ci nuit à la
liberté de ceux qui contribuent à ce système
redistributif. La difficulté soulevée par Nozick peut prendre la
forme interrogative suivante : « Pourquoi certains
devraient-ils supporter le poids et le coût de la liberté des
autres ? »133(*).
Nozick situe la liberté comme point de
départ de sa pensée, « Un examen plus approfondi de
la théorie nozickéenne des droits de propriété
montre que celle-ci s'articule essentiellement autour de trois principes :
1) un principe définissant » échange
légitime : ce dont on dispose légitimement peut être
librement transmis ; 2) un principe établissant la
légitimité de la répartition initiale des droits de
propriété sur des choses qui alors peuvent être transmises
conformément à 1) ; et 3) un principe de correction de
l'injustice qui cherche à résoudre le problème de la
réattribution des droits de propriété sur des choses ayant
fait l'objet d'une appropriation illégitime »134(*). Cependant,
l'individualisme de Nozick est borné par ce qu'il intitule la clause
lockéenne135(*) où il précise que nulle ne peut
détériorer le Bien des autres par l'acquisition d'un
bien. Il emprunte à Locke un exemple : « Une personne
n'a pas le droit de s'approprier le seul trou d'eau dans un désert et
faire payer à sa guise »136(*).
*
Ces deux conceptions de la justice et de l'Etat s'inscrivent
dans la continuité du débat gauche/droite en Occident, à
cela près que leurs divergences ne portent que sur des
présomptions à propos du primat de
l'égalité sur la liberté, ou l'inverse.
Cette question de configuration intellectuelle ne pouvant être
tranchée d'une manière absolu, du fait de la multiplicité
des situations possibles dans lesquelles elle s'introduit, puis au regard de la
complexité des sociétés démocratiques actuelles, il
revient aux responsables politiques d'apporter des réponses
conformément à l'étymologie du terme respondere.
La polarisation des deux tendances idéologiques vers un certain nombre
d'idées semble nécessaire afin que le clivage gauche/droite ne
soit pas appréhendé comme une simple convention formelle dans la
vie politique ou une antinomie se suffisant à elle même.
La valeur Internationaliste de gauche devrait être
réactualisée afin de pouvoir intégrer un aspect
inédit de notre époque contemporaine, celui de la
postcolonisation. Il semble important d'être à même de
pouvoir établir un rapport de confiance et tenter de contredire le
paradigme de la domination énoncé par les théoriciens de
la postcolonisation pour qui le néoréalisme est
indépassable.
Chapitre II : De la philosophie africaine
Le thème que nous allons aborder dès à
présent lors de ce second chapitre, à savoir, « La
Philosophie africaine », constitue l'objet principal de notre
recherche actuelle. Le manque manifeste de familiarité avec les
principaux auteurs ayant déjà traité cette question, est
très déconcertant tout comme la radicalité de certaines
idéologies sur lesquelles nous aurons l'occasion de nous attarder, qui
reprennent des catégories issues de la période coloniale pour
développer leur réflexion, telles que : homme
noir/homme blanc, Maître/Esclave. De
plus, les éléments bibliographiques à ce sujet
étant épars ou encore marginaux en terme de publications, il
s'avère nécessaire de conduire la réflexion avec une
certaine prudence méthodologique afin de s'inscrire réellement
dans les controverses en présence.
Nous allons donc tenter de fournir une définition
provisoire de la philosophie africaine, en se prêtant à l'exercice
ontologique requise et exigée par son autre occidentale afin
d'établir une comparaison137(*). Auparavant il semble nécessaire
d'opérer une distinction intuitive entre les différents courants
existants et susceptibles de répondre à l'appellation de
philosophie en relevant les similitudes ainsi que les
différences138(*). Lors du développement, nous traiterons de
l'idée « d'action morale » (Lukas k.
Sosoé) ; au XIIIème139(*) siècle en effet, la tendance à
l'universalité dans l'Empire du Mali semblait avoir été
toute aussi puissante que celle des Droits de l'Homme.
Dans un second temps, après avoir analyser les
conclusions produites par la démonstration précédente,
nous allons opérer une mise en perspective de l'histoire politique et
sociale en Afrique selon le mode de la
« Traversée »140(*) (Jean-Godefroy Bidima)
depuis l'entre-deux guerre, période sur laquelle nous tenterons de nous
situer philosophiquement en appréhendant les différents moments
qui la composent : la colonisation, la décolonisation ainsi que la
phase post-coloniale - « appelons-la comme cela,
puisqu'il est aussi question d'inventer des termes, de proposer une nouvelle
sémantique, peut-être - est à la fois un moment de
l'histoire collective, comme de l'histoire individuelle, une forme discursive,
une narration individuelle et/ou collective, un lieu géographique et
elle peut être aussi, par certains aspects, un
paradigme »141(*). Nous verrons entre autre, que la période
coloniale a été marquée par deux paradigmes
régissant l'action publique de l'empire britannique et français.
Ensuite, nous distinguerons quel est l'impact politique et social des
idées exprimées par les différents courants de la
philosophie africaine, ainsi que leur incidence sur la conception des Droits de
l'Homme.
Les pensées africaines
L'enjeu de cette interrogation présente des
conséquences éminemment politiques, dans le sens où
l'idée d'une philosophie africaine142(*) induit de penser « la
subjectivité africaine sur la scène
mondiale »143(*) comme l'indique J. N'Soko144(*), il poursuit en soulignant
que, « (...) si elle ne permet pas à l'Afrique de
rencontrer les exigences nouvelles d'un environnement international plus
compétitif que jamais, la philosophie africaine sera
vaine »145(*). En effet, si celle-ci ne se limite qu'à une
déconstruction intellectuelle de l'histoire des idées, ou
à une énième doctrine sotériologique146(*), elle aura peu de chance
d'être féconde en tant que pensée autonome. De même
si l'objectif à atteindre consiste à penser la
réalité africaine à travers des catégories
empruntées à la philosophie occidentale le projet semblera
futile147(*).
Comme nous l'avons évoqué en introduction, il
s'agit manifestement de penser l'idée de l'Homme selon une
réflexion inédite en Occident, et « de questionner
ce qui a fini par y revêtir l'apparence de l'évidence
(dans les domaines du logique, de l'ontologie ou de
l'éthique) »148(*). C'est a priori en revisitant les pans de l'histoire
politique et sociale de l'Afrique, que nous tenterons de saisir au milieu des
vestiges intellectuelles, une explication « Quant à
l'échec des doctrines politiques qui visent, depuis quarante ans
d'indépendance, à fonder une démocratie africaine,
(...) »149(*) ; et que dire des réflexions sur le
développement qui n'ont d'égales que leurs retentissants
échecs, « Comme le remarque Anthony Giddens, et avec lui
la tradition constructiviste, c'est par une analogie abusive que l'on
réifie les contraintes sociales en les rapprochant trop facilement des
contraintes physiques ou biologiques, avec ce que celles-ci sous tendent de
naturel et d'immutabilité »150(*).
Dès 1978, A. Elungu151(*) annonçait l'importance primordiale de
dépasser les querelles entre plusieurs représentations dominantes
opposant l'ethnophilosophie, l'afrocentrisme et la philosophie dite
critique152(*), et ce,
afin de libérer la réflexion, au lieu de la résumer
simplement à être le théâtre d'un affrontement
rhétorique infructueux aux yeux du monde. On retrouve une classification
similaire dans des ouvrages co-édités par l'UNESCO153(*), cela traduit sur le plan
international un certain consensus par rapport à une typographie
sommaire des courants de pensées africains :
- L'école culturelle de philosophie :
« S'appuie principalement sur les traditions autochtones.
Elle correspond à ce qu'on appelle parfois l'ethnophilosophie, mais on
préfère la qualifier de culturelle, avant tout parce que ce terme
est ici plus précis. Le fait que cette philosophie autochtone soit en
grande partir l'oeuvre d'ethnies n'est qu'une caractéristique parmi
d'autres de l'école culturelle. La philosophie culturelle tend d'autre
part à prendre une forme collective, et se transmet principalement par
la parole (nous verrons en quoi cette transmission orale cause un certain
préjudice épistémologique). Mais il ne faut pas
exagérer le caractère collectif. Il y a eu aussi des innovateurs.
Ce corpus de pensées africaines a un caractère
sociologique : il englobe le mode de vie d'un peuple, les règles
qui le régissent et la sagesse accumulée par les ancêtres
de génération en génération, tout en étant
parfois guidé par des individus exceptionnels. (...) D'un point
de vue chronologique, le courant culturel de la philosophie africaine
s'étend sur les phases précoloniale, coloniale et postcoloniale.
C'est, presque par définition, le courant le plus ancien et le plus
durable de la tradition philosophique africaine. »154(*)
- Le courant idéologique ou afrocentriste : «
se caractérise par des préoccupations plus étroitement
politiques. Ce courant, qui s'est surtout manifesté durant les
périodes coloniales et post-colonial, a produit des oeuvres qui vont du
Consciencisme de Nkrumah aux Damnés de la terre de Frantz Fanon. Ce type
de philosophie était presque inconnu durant la période
précoloniale. La pensée idéologique, dans le sens
particulier qu'on donne à ce terme, est essentiellement un produit du
colonialisme et de ses séquelles. (...) Durant la
période coloniale et post-coloniale, la philosophie idéologique
africaine a permis pour la première fois à l'individu de
s'affirmer comme la source de toute pensée. On commence à
étudier dans la philosophie africaine les idées d'individus comme
Amilcar Cabral ou Gamal Abd al-Nasser, et non plus seulement la philosophie
d'entités culturelles comme les Zulus ou les
Berbères. »155(*)
- L'école critique : il s'agit de « La
troisième école philosophique africaine, après les
écoles culturelles et idéologiques, est l'école critique.
Tout comme la philosophie idéologique, la philosophie critique est une
réaction coloniale et postcoloniale. Autres points communs avec la
philosophie idéologique : elle s'exprime essentiellement dans les
langues européennes, et elle a profondément subi l'influence de
certaines traditions intellectuelles occidentales. Mais tandis que la
philosophie idéologique se tourne consciemment vers la politique,
l'école critique est plus étroitement théorique. Tandis
que la première se préoccupe de la libération, la seconde
aspire à être moralement agnostique ou à se détacher
de toute valeur. Enfin tandis que la première est souvent nationaliste,
la seconde se veut résolument rationaliste. (...) Le courant
critique de la philosophie africaine a bien élaboré un concept de
libération, mais ce qu'il s'efforce de libérer, c'est la
philosophie elle-même et non pas l'Afrique. »156(*)
A première vue, il paraît plus raisonnable que
ces trois courants agissent de concert afin de concevoir une doctrine politique
digne de ce nom visant à bâtir un projet démocratique, et
réussir à élaborer des stratégies de
développement. La pensée autonome ne doit pas considérer
la culture, l'idéologie ainsi que la critique rationnelle comme
étant distincts, mais comme autant d'entrées
épistémiques parmi les savoirs relatifs à la
Modernité permettant d'appréhender les phénomènes,
notamment dans le domaine politique. « (...) les régimes
africains postcoloniaux n'ont pas inventé, de toutes pièces,
leurs savoirs du gouvernement. Ces savoirs ressortissaient de plusieurs
cultures, héritages et traditions dont les éléments se
sont enchevêtrés au long du temps, au point où s'est
tissé quelque chose qui fait signe à la coutume sans s'y
réduire, et participe de la modernité sans s'y ramener
entièrement. L'un de ces savoirs ou rationalités est le
commandement colonial »157(*). Ce serait la voie à suivre pour
une conception rationaliste qui ferait de ces deux finalités les
objectifs principaux de la philosophie africaine.
Sciences sociales et Philosophie
Ainsi, la raison conduirait-elle la philosophie africaine
à assimiler intellectuellement un contexte particulier, celui de
l'économie de marché et du régime politique
représentatif afin de s'inscrire dans la mondialisation. Elle induit une
forme de constructivisme naïf prétendant pouvoir transposer
abstraitement des modèles politiques et économiques dans une
réalité sociale et culturelle pour le moins réticente
à leur réception. L'analphabétisme frappant la zone
sub-saharienne du continent africain, constitue par exemple une entrave de
taille pour l'édification durable d'un système
démocratique. Tout comme cette forme de clientélisme ethnique ou
territoriale imbriqués dans la pratique même du pouvoir, dans les
régimes à parti unique alors qu' « il n'y a
pas de connexions a priori ou nécessaire entre l'idée d'Etat et
celle d'ensemble ethnique homogène ou géographiquement
isolé »158(*). Par ailleurs, une énième
recherche sur l'Afrique qui ne se donnerait comme objet de pensée que le
développement ou l'établissement de la démocratie
n'arrivera qu'à des conclusions qui ne feront que reproduire des lieux
communs sans aucune originalité. De plus, une recherche portant sur le
développement ou sur un projet démocratique en Afrique, sont
autant de réflexions conduisant à penser les moyens de parvenir
à promouvoir les Droits de l'Homme sur le continent, ce qui exclut une
pensée véritablement philosophique sur la fin :
c'est-à-dire l'Homme.
C'est le propre des sciences sociales de
délibérer sur les moyens empiriques et non sur les fins
indépendamment du lieu où elles sont produites ou de leurs objets
spécifiques. Au Sénégal, se trouve le CODESRIA qui est un
centre de recherche en sciences sociales ayant établi un programme
composé de sept thématiques dans le but de mettre en perspective
l'histoire de l'Afrique, et de produire une émulation entre
différents chercheurs dans une logique pluridisciplinaire et
utilitariste159(*).
Cette institution de recherche espère que les effets escomptés
auront un effet positif sur le développement économique ou sur
les projets démocratiques en ayant l'UNESCO comme principal critique et
interlocuteur international. A juste titre, par le biais des sciences sociales
de toutes sortes, l'Afrique s'inscrit dans la concurrence organisée par
ce phénomène global que l'on nomme la mondialisation ;
néanmoins on ne peut considérer que cette activité
intellectuelle puisse prétendre à une tendance universelle. En
effet, ce « tournant pragmatique » analogue
à celui qui a eu lieu dans la philosophie politique contemporaine en
Occident160(*) notamment
en France, conduira à terme, les penseurs africains devant des
problèmes politiques et sociaux similaires à ceux que rencontre
les démocraties libérales d'Occident, à savoir : le
chômage de masse, l'abstentionnisme, la gestion des flux migratoires ou
pour certaines, une crise d'identité politique de la gauche.
Ce qu'il y a de philosophique dans ces anticipations
rationnelles de l'histoire de l'Afrique, réside dans l'approche
spéculative à propos de la tournure conjoncturelle de
l'économie du continent, or c'est un travail que des experts en histoire
ou en économie peuvent effectuer d'une manière plus rigoureuse
que leurs homologues philosophes. C'est ce qui arrive déjà aux
philosophes contemporains en Occident, qui tentent d'acquérir une
capacité d'expertise comparable aux juristes et aux économistes,
en orchestrant ce tournant pragmatique. Ce projet intellectuel délaisse
sa tendance à l'universelle pour être en mesure d'analyser les
faits sociaux, ce qui rabat leurs réflexions sur des sujets strictement
nationaux. Notre époque contemporaine nous contraint-elle à
mettre de côté les vérités absolues,
nécessaires, éternelles et immuables au nom de ce
pragmatisme ? Pourquoi ne pourrions-nous plus délibérer sur
les fins161(*) ?
D'autant plus que ce sont ces mêmes fins qui « paralysent
la démocratie »162(*).
Le constat de crise de la démocratie partagé par
l'ensemble des philosophes en Occident fait l'unanimité
indépendamment des préférences partisanes,
« De plus en plus, gouverner, c'est mettre en rapport des groupes
d'intérêt, des institutions et des acteurs de toute nature, chacun
possédant sa logique propre, sa rationalité et ses
objectifs »163(*). Des intellectuels révolutionnaires tels
qu'Alain Badiou, Slavoj Zizek ou encore Daniel Bensaïd, ont
opportunément pris d'assaut cette forme de cécité quant
aux solutions éventuelles sur lesquelles la démocratie pourrait
se retourner, en prétendant sonner le glas du réformisme qu'ils
considèrent inutile164(*). Ce retour théorique de la pensée
révolutionnaire ne représente nullement une menace réelle
pour le système démocratique, mais il est symptomatique d'une
crise quant à la représentation des principes
démocratiques ainsi que de l'idée des Droits de l'Homme dans leur
traduction empirique sur le champ politique et social. Ceci est-il dû
à une forme de sclérose intellectuelle de la
représentation de ces principes purs, des préjugés nourris
à leur encontre qui égarent la réflexion des plus fervents
démocrates. N'y a-t-il pas matière pour la philosophie africaine
de contribuer au débat ?
I°) De l'éthique dans la conception
africaine
Les Constitutions, La déclaration des Droits de l'Homme
et du citoyen de 1789 ainsi que la charte de l'ONU nous donnent ces fins
textuellement parlant, malgré le fait qu'elles soient le fruit d'un
consensus parfois abusif165(*). « L'action c'est le lieu de la
liberté humaine où la prudence (phronésis) et la
démesure (hybris) se mesurent dans un corps à corps
imprévisible »166(*) pourtant toutes ces tentatives sont de nature
à fournir un contenu particulier à l' « agir
moral »167(*) et surtout, elles réussissent à
dépasser le rapport
« Maître/Esclave »168(*) omniprésent dans
ce contexte et dans le sujet que nous traitons. Concernant cette
capacité à s'affranchir des déterminations culturelles,
des hommes dans l'Afrique du XIIIème siècle ont su s'adresser au
monde de manière universelle169(*). Comme le précise Youssouf Tata Cissé
en charge de rédiger l'introduction de l'oeuvre d'Aboubakar Fofana,
cette charte fut pensée par la Confrérie des chasseurs, une
organisation de type maçonnique selon lui, qui prônait
« la fraternité universelle »170(*). La déclaration
solennelle prononcée en premier lieu à Dakadjalan avait
été initialement nommée Manken Kalikan171(*), de plus, « ce
jour correspondait en parallèle à l'intronisation de Soundjata
Keïta en tant qu'empereur du Mali en 1222 alors même que la
comète de Halley avait illuminé les cieux du Mali la nuit
précédente »172(*).
1°) Une Charte des Droits de l'Homme ?
Avant de resituer historiquement La Charte du Mandé de
1222, il semble important de noter ses accents à caractères
libéraux sans vouloir faire d'anachronisme, dans la mesure où les
valeurs humaines qu'elle proclame s'oppose « manifestement
à la situation qui prévalait à l'époque en Afrique
de l'Ouest, notamment au Mandé. En effet, avec l'expansion de l'Islam et
sa conséquence indirecte sur le plan social, l'esclavage, la capture et
la vente d'homme par l'homme étaient devenus un fait banal. Dix, voir
vingt esclaves se troquaient contre un cheval ou une barre de sel
gemme »173(*). Donc, la lutte contre les esclavagistes devenant
une évidence, elle fut sans merci et plus sanglante encore
« (...) dans le Sahel contre les esclavagistes Soninkés,
Maures et Touaregs »174(*). Une fois la lutte achevée, c'est en
ces termes qu'elle fut énoncée d'après Aboubakar
Fofana :
« Toute vie humaine est une vie
Il est vrai qu'une vie apparaît à l'existence
avant une autre vie,
Mais une vie n'est pas plus ancienne,
Plus respectable qu'une autre vie,
De même qu'une vie ne vaut pas mieux qu'une autre
vie.
Toute vie étant une vie,
Tout tort causé à une vie exige
réparation.
Par, conséquent,
Que nul ne s'en prenne gratuitement à son
voisin,
Que nul ne cause du tort à son prochain,
Que nul ne martyrise son semblable.
Que chacun veille sur son prochain,
Que chacun veille sur ses géniteurs,
Que chacun éduque ses enfants,
Que chacun veille sur la terre de ses pères.
Par patrie, pays, ou terre des pères,
Il faut entendre aussi et surtout les hommes :
Car tout pays, toute terre qui verrait les hommes
disparaître de sa surface
Connaîtrait le déclin et la
désolation.
La faim n'est pas une bonne chose,
L'esclavage n'est pas non plus une bonne
chose ;
Il n'y a pas pire calamité que ces choses là,
dans ce bas monde.
Tant que nous disposerons du carquois et de l'arc,
La famine ne tuera personne dans le Mandé,
Si d'aventure la famine survient ;
(...) Celui qui a crée la mort
Est celui là même qui a crée la
vie.
Celui qui crée la vie
Est celui là même qui crée la mort.
La mort est une vérité, une
réalité
Et la résurrection un mensonge,
Une imposture »175(*).
En somme, c'est sans avoir à rougir que les penseurs
africains peuvent se référer à cette Charte du
Mandé. D'ailleurs, il semblerait qu'aucune autonomie digne de ce nom
n'est envisageable pour une société civile ou une pensée
qui ne tenteront pas de maîtriser son histoire176(*). Au même titre que les
revues que l'on peut lire en Occident, telles que : Le Débat, Les
Annales, La revue française de sciences politiques, la dynamisation de
ce genre de publications en Afrique permettrait à certains individus
d'avoir une prise intellectuelle sur le passé et l'actualité du
contient. La Charte du Mandé de 1222 reste encore trop peu connue dans
le monde entier, car la diffusion d'ouvrages à ce propos ainsi que des
réseaux de distributions efficaces ne sont pas encore institués,
« Cette perspective vise délibérément
à relativiser l'importance du modèle réaliste, selon
lequel les relations internationales s'interprètent exclusivement comme
un jeu entre des unités étatiques, qui détiendraient ainsi
le monopole de la politique étrangère »177(*). Cependant, des revues
africaines178(*)
très sérieuses existent, dans lesquelles les comités de
lecture observent des règles strictes et assez sélectives quant
à la publication d'articles, mais encore une fois, ceci concerne des
affaires internes sans véritables tendances à l'universelle.
2°) De l'époque contemporaine
Revenons donc, à ce projet de contribution aux
controverses contemporaines : la mondialisation qui est un
phénomène global a réussi le pari d'arrêter les
guerres en développant l'activité commerciale à
l'échelle planétaire, au lieu d'utiliser notre connaissance
scientifique dans le but de se détruire mutuellement nous l'utilisons
dorénavant pour accroître notre performance économique.
L'adaptation à la logique concurrentielle de la mondialisation incline
les différentes nations à réformer leurs institutions
ainsi que leurs fiscalités afin de satisfaire aux exigences de nouveaux
acteurs sur le plan international telles que les firmes multinationales.
L'intérêt pour notre réflexion n'est pas de condamner ce
système en dévoilant au grand jour ses imperfections
intrinsèques, la question ne doit pas être posée en
ces termes ; ce que nous allons analyser c'est le système de valeur qui
s'y rapporte, ce culte de la performance auquel on adhère plus par
contrainte que par conviction. Nous verrons que cela se répercute
jusqu'aux relations sociales, alors même qu'en notre for intérieur
elle ne semble pas faire pour autant l'unanimité.
A°) L'Homme, la Raison et l'Affect
L'idée qui sous-tend ce système de valeur est
celle du savoir rationnel incontestable propre à la science
dure179(*), et à
l'opposé se situe les croyances d'ordre spirituel, non
démontrées et qui ne correspondent pas à cette logique de
la performance. Les questions d'ordre spirituel180(*) qui évoquent l'aspect
affectif ou irrationnel de la nature humaine ont été
oubliées par la philosophie politique contemporaine en Occident, nous
allons voir qu'il n'en va pas de même pour la philosophie africaine vue
par Tempels181(*). Peut
être qu'après avoir Désenchanté le
monde (Marcel Gauchet 1985), la rationalité a trouvé mieux
que l'affect pour parachever son projet de transformation du monde
contemporain. Pourquoi la spiritualité est-elle
discréditée au profit de la rationalité ? Le projet
n'intéresse-t-il personne à cause du contexte ? Est-ce
dangereux de confier ce projet à l'affect de l'Homme, ou faute
d'espoir, a-t-on abandonné le pari de poursuivre la transformation du
monde ?
C'est avec beaucoup de réserves que nous
procéderons à la comparaison des conceptions de Heidegger et de
R. P. Tempels au sujet de l'Homme. République de Platon, qui
est à la philosophie politique occidentale ce que la Philosophie Bantoue
de R. Placide Tempels est à la philosophie africaine, a illustré
par le mythe de Gygès182(*) cette hantise qui tourmente le rationalisme
occidental. L'affect, le sentiment et les émotions, qui à juste
titre menacent constamment ce que la raison est en mesure d'édifier sur
le plan politique, ont été mis au ban de la rationalité
philosophique et littéralement écartés du projet de
transformer le monde « Reste cependant que des nuances existent
entre notre mode d'appréhension et celui des Blancs européens.
Des nuances et non pas une rupture radicale. En effet, l'esprit humain reste le
même à travers toutes les différences culturelles et
autres. Dans son mouvement de recherche de la vérité il
procède de plusieurs façons : analyse et
synthèse, induction et déduction, comparaison et
généralisation, intuition et abstraction. (...) Du
reste, Senghor lui-même le dit à l'adresse des jeunes d'Afrique
qui lui reprochaient de refuser aux Nègres africains la raison
discursive, tout comme il semble faire de l'intuition et de l'émotion
des qualités exclusivement nègres »183(*). Dans son oeuvre
fondatrice de la philosophie politique occidentale, Platon fait un
procès sans appel à la partie irrationnelle de la nature
humaine ; c'est un legs intellectuel184(*) que semble-t-il, nous n'avions pas jugé bon
de questionner pour répondre à des interrogations plus
contemporaines sur l'Homme et sur son rapport au monde.
B°) Les limites de la rationalité
Lorsque la rationalité pratique s'adonne à ce
culte de la performance et de la réussite, elle modifie le rapport de
l'Homme à sa temporalité. Les individus évoluant
dans les sociétés civiles contemporaines sont pris dans une
logique concurrentielle qui fait de cette temporalité un
problème, car on ne sait plus attendre, on manque de patience envers
autrui, et parfois envers soi-même. On exige de soi une adaptation sans
borne à la concurrence, et ce, en dépit de notre propre
santé mentale ou physique.
1°) Le culte de la performance
Que ce soit pour les acteurs ou les Etats, les savoirs ne sont
que des moyens d'accroître notre performance individuelle dans le cadre
des relations sociales, ou notre performance sur le plan des Relations
Internationales, si l'on se trouve à l'échelle étatique.
La profusion de connaissances et de savoirs en tout genre ne sert que la
vanité humaine, dans le sens où leur utilisation procure un
ascendant effectif à son détenteur185(*) sans servir la
perfectibilité186(*) de l'homme ; l'usage géopolitique
de l'activité économique en est la preuve formelle. Pourquoi le
paradigme néoréaliste qui régit le cadre des Relations
Internationales demeure-t-il incommensurable et si éloigné de la
conception métaphysique de l'Homme pensé par les
Lumières ? Le cynisme de la diplomatie est-il à ce point
imperméable à des valeurs humanistes et cosmopolites, que la
cécité de l'Occident concernant l'Homme en est devenue
une donnée irrévocable ? Il faudrait agréger cet ensemble
de questionnements afin de les ramener à une seule interrogation :
le projet humaniste de maîtrise et de transformation du monde par la
raison, que la philosophie politique contemporaine a si admirablement
orchestré depuis le XVIIIème siècle, a-t-il laissé
l'Homme en chemin et pourquoi ? Cette inflation de connaissances
et de savoirs en tout genre augmente indéniablement un potentiel
d'action, plongeant par ailleurs l'individu au coeur d'une Modernité
complexe. Se dissimuler derrière un principe explicatif unique, tel que
la Révolution ou le fait libéral, constituerait en ce sens un
refus de la Modernité. Comment expliquer le fossé béant
qui se creuse entre la configuration contemporaine du monde et les valeurs
humanistes ?
2°) Des peuples primitifs
La rationalité ne semble pas pouvoir appliquer ses
principes en tant que tels aux problèmes proprement humains, comme elle
pourrait le faire sur les phénomènes naturels. Pourquoi la
réalité empirique contrarie-t-elle ainsi l'idée de
l'Homme ? Peut être est-ce la nature des principes ou leur
statut ontologique qui pose problème ? En effet, selon Tempels la
philosophie des Bantoues avait réussi une adéquation intuitive de
leur monde à leur métaphysique187(*). La frugalité du milieu dans lequel
évoluaient les Bantous, comparée à la complexité du
monde contemporain, a-t-elle pu réellement faciliter cette
adéquation effective à leur ontologie188(*) ? L'évaluation d'une
société dite « complexe » peut-elle se faire
uniquement d'un point de vue quantitatif, c'est-à-dire en
dénombrant les institutions financières, juridiques et
politiques, ou alors, d'après la présence de structures
économiques, qui rendent le monde abscons. Cette opinion ne
résiste pas à la critique. Nous avons tendance à
considérer la rationalité économique comme un fait de la
raison extrêmement puissant, car les accords douaniers ainsi que les
institutions financières soutiennent cette rationalité sur le
plan empirique. Cela donne l'illusion métaphysique que le Capital
engendre du Capital dans un processus soi-disant autonome, qui se passera de
toute intervention humaine, c'est ce que nous avons développé au
chapitre précédent. On en oublie, que le propre du savoir ou
devrait on dire son effet pervers, c'est qu'il puisse faire perdre le bon sens
à son utilisateur au nom même de cette maîtrise de la
réalité extérieure. Alors à quoi bon cette
maîtrise ou ce pouvoir, si sa possession se fait au dépend de son
possesseur189(*) et de
ces principes purs190(*) ?
2°) Les principes et les faits : un
hiatus ?
En prenant un autre exemple pour illustrer ce fossé
entre la réalité empirique et les principes purs,
l'économie de marché valorise surtout la liberté
d'entreprendre, tout en possédant certaines entraves qui limitent son
bon fonctionnement. Toute personne n'a pas également accès aux
prêts bancaires de par la présence de clauses excessivement
contraignantes, ce qui restreint une partie de la population à
l'accès aux ressources et, partant, l'exercice de leur liberté
d'entreprendre, pour se rabattre sur le droit à la consommation. En
effet, on peut dépenser une grande période de sa vie pour le
confort matériel. C'est une forme de soumission symbolique : le
monde contemporain, que l'on s'est donné tant de mal à
améliorer depuis le XVIIIème siècle, est dorénavant
accepté tel qu'il est. C'est-à-dire complexe et
désenchanté, puis surtout aux antipodes du projet humaniste.
D'une manière analogue à la ruée vers l'or, nous mettons
tout en oeuvre dans l'optique de ce confort matériel. Dans un même
registre, nous nous trouvons dans un état de déraison collective,
alors que l'acquisition de cet or ou de ce confort matériel n'est pas
nécessairement synonyme d'épanouissement et de
bonheur191(*).
C°) L'affect dans les institutions
démocratiques
Au chapitre précédent nous nous sommes
arrêtés à l'aporie selon laquelle c'est un surcroît
de démocratie qui met en crise le système démocratique. Si
nous rappelons brièvement notre propos, c'est par une assertion
post-moderne que l'époque des institutions semblait finie ;
étant devenues contre-productives en terme de protection des droits et
des libertés fondamentaux de l'individu, elles ne pouvaient plus
être des lieux d'investissement de la « vie
humaine »192(*) sans que cela nuise aux droits et aux
libertés d'autrui.
1°) Marxisme et afrocentrisme
En accordant une pertinence limitée à
l'idée de classes sociales telle que Marx l'entendait, nous en avions
conclu que la seule liberté à laquelle les
« prolétaires » pouvaient prétendre
était la liberté politique dans le sens où a priori,
l'engagement public demeure ouvert à tous, et qu'à ce titre la
décentralisation délègue son pouvoir central à son
échelon administratif inférieur selon certaines modalités.
Notons que dans une perspective afrocentriste qui, sur certaines
thématiques, se rapproche de l'idéologie marxiste dans sa
tendance radicale, l'argument évoqué ci-dessus peut s'appliquer
à la « diaspora noire »193(*) qui revendiquait le droit
à la différence194(*) « Nous les Africains d'outre-mer avons
une conscience aiguë de la nécessité de recouvrer
l'Afrique. Il s'agit là d'une connexion historique que l'on ne
doit pas prendre à la légère, l'Afrique peut se sauver
grâce à cette idéologie
panafricaine »195(*). Même si ce raisonnement est cohérent,
il reste peu persuasif pour ces parties de la population qui revendiquent le
droit à des conditions matérielles décentes sans que l'on
puisse toucher à leur liberté individuelle. « (...)
les études postcoloniales peuvent utilement contribuer à
revivifier les problématiques de la science politique contemporaine en
plaçant au coeur de leurs questionnements scientifiques l'étude
des souffrances et des émotions politiques qui en
résultent : ressentiments et culpabilités, crispations
identitaires et ambivalences réciproques dans les rapports
dominants/dominés »196(*). Nous allons donc questionner la condition sociale
des individus les plus défavorisés sur le plan économique
ainsi que leur système de valeurs respectifs.
2°) Une mobilité sociale contrariée
Si l'acquisition d'un bien matériel doit passer par un
effort qui en devient avilissant pour l'individu, ce dernier doit se passer de
ce bien et éviter de s'avilir. Chacun doit être en charge de soi
ainsi que de sa propre dignité, car personne d'autre que soi ne peut
être plus lucide concernant notre cohérence axiologique197(*) interne. Personne ne peut
empêcher un individu d'exercer lui-même sa dignité, ni un
parti, ni une association, ni un syndicat, ni un Etat198(*), « (...)
l'homme est libre avant d'agir, dès lors qu'il effectue des choix ou
réfléchit s'il doit ou non s'engager dans telle ou telle action.
Mais dès lors que son choix est fait, une fois engagé dans
l'action, sa liberté disparaît et il devient prisonnier des
contraintes liées à cette action »199(*). Même en se
détachant de ces différentes institutions, les plus
défavorisés semblent avoir capitulé devant le défi
qui se présente à eux200(*) au profit d'une quête irraisonnée vers
des artifices matériels offert par la société de
consommation. Cette volonté de ressembler à tout prix à la
« classe dite favorisée »201(*) sur le plan de l'apparence
sociale, a pour conséquence de drainer le potentiel d'action et de
ressource individuelle que la « classe
défavorisée » devrait mobiliser pour penser les
actions relatives à une ascension sociale digne de ce nom. En somme
cette « classe dite défavorisée »
échange une dignité réelle contre une dignité
sociale fictive.
Ce qui fait défaut aux
défavorisés, qu'ils se voient comme des
« prolétaires » ou en tant que
« diaspora noire » comme aux Etats-Unis202(*), c'est un appui pour agir et
exercer leur liberté politique ; nous nous arrêtons plus
longuement sur leur condition, car pour eux plus que pour les autres
classes sociales la mondialisation peut être un facteur
négatif ou positif par rapport à la
« paupérisation »203(*).
« Aujourd'hui, les problèmes culturels s'imposent avec
force. Comment pouvons-nous vivre ensemble ? Comment peut-on concilier
concrètement les règles de la vie sociale applicables à
tous et les identités culturelles ? »204(*). Il y a un paradoxe
lié à des questions axiologiques contemporaines sur lesquelles
les plus défavorisés restent en marge : une
différence fondamentale réside dans ce que l'on est205(*), ce que l'on
a206(*) et ce
que l'on représente207(*). Comme la pensée de l'Etre208(*) n'est pas par
lui-même synonyme de moralité ni d'un savoir cognitif, les
défavorisés plus que les autres ont tendance à valoriser
le second et le troisième par rapport au premier. Pourquoi peut-on dire
qu'a priori ce genre de raisonnement est faux ? En misant uniquement sur
l'apparence sociale, les défavorisés n'optent pas pour le bon
choix parmi les actes à entreprendre. Ils ne peuvent faire distinctement
un choix pertinent concernant leurs erreurs en ayant oublié qui ils sont
au delà de l'apparence sociale209(*). C'est un problème d'identité
culturelle ou d'aliénation sociale bénigne pour soi
individuellement210(*)
mais qui peut fausser les termes d'une mobilité sociale effective pour
autrui. En effet, les ménages les plus défavorisés
à l'origine cultivent une certaine prudence quant à la
dépense dans leur budget, pourquoi délaisser cette prudence
après avoir fait l'expérience de l'ascension sociale, pour
ensuite se mettre à consommer d'une manière
inconsidérée et dilapider le fruit de son action ? Etait-ce
le but de tant d'efforts et de tant sacrifices ?
3°) L'individualisme comme valeur
Exercer un droit ou une liberté à notre
époque contemporaine, c'est démontrer pragmatiquement qu'ils
existent et qu'ils ne sont pas simplement des principes formels pour tout
individu. C'est pourquoi la solution révolutionnaire,
réhabilitée par des penseurs d'extrême gauche tels que
Slavoj Zizek, Alain Badiou ainsi que Daniel Bensaïd, ne sied point
à notre réflexion. Elle projette l'actualisation des valeurs
humaines dans une hypothétique « société
communiste », alors que les régimes représentatifs
sont tout à fait en mesure de répondre aux différentes
demandes sociales aussi radicales soient-elles211(*). Dans un contexte
différent de celui des Etats-Unis, la « classe
ouvrière » noire d'Afrique du Sud a par exemple obtenu un
droit de grève en 1973 auprès de son gouvernement, sans avoir eu
à recours à la solution révolutionnaire. Si l'ascension
sociale des défavorisés ne conduit pas nécessairement au
bonheur ou qu'elle suscite du remords après coup, c'est que la
cohérence axiologique interne de l'individu fut défaillante quand
bien même son mode d'action ferait preuve de la prudence
réformiste. Ce qui est inconsistant est également illusoire et se
manifeste par des déceptions212(*). La vacuité d'une action en termes de contenu
se repère lors de sa mise en oeuvre face à la
réalité empirique. Avoir du contenu quant à son action,
c'est être conscient de son Etre et de son système de
valeur, ce qui est synonyme de repère indépendamment de la
situation sociale de l'individu213(*). Lorsqu'il n'y a pas de cohérence interne, -
comme dans le cas de la solution révolutionnaire, chez qui l'individu
est moralement dépendant du groupe social ou ethnique, et disons le, de
celui qui est désigné comme le chef de ce groupe - on ne peut pas
avoir la capacité de prendre appui sur soi214(*), car l'Etre est
auto-justificatif et auto-fondateur215(*), en utilisant le vocabulaire de Hobbes c'est une
forme de conatus qui devrait affiner non pas le groupe comme le
voudrait les marxistes ou les afrocentristes, mais l'individu en tant
qu'homo oeconomicus216(*).
Nous verrons qu'il en va de même pour l'utilisation des
savoirs de tout genre et leur capacité de fournir une forme de
lisibilité de notre monde contemporain217(*).
II°) La Politique et la Métaphysique :
les universaux comme source de pouvoir ?
Affranchi de tout rapport à l'Etre,
l'utilisation du savoir scientifique et technologique est synonyme de
soumission au savoir, car celui-ci a une emprise sur le réel et sur nous
même218(*).
D'après Heidegger, en prenant ses distances face à la
pensée de l'Etre219(*), l'individu a perdu ce qui fait
l'être-humain et s'interdit par ailleurs de concevoir l'Homme.
Les expertises sur lesquelles nous avons coutume de nous rabattre lorsqu'un
problème surgit, que ce soit dans les Etats du Nord ou du Sud,
constituent une production de savoirs basés sur l'Etant220(*). De plus, elles
compriment notre temporalité en s'attardant à décortiquer
rigoureusement : un fait social particulier, un événement,
un personnage historique, des mécanismes économiques ou
institutionnels. Cette appréhension technique de la
réalité est une manière de disposer de l'Etant,
elle concerne également la philosophie politique contemporaine en
Occident qui a opéré un « tournant
pragmatique » en délaissant la métaphysique et
donc la question de l'Etre avec sa tendance à l'universel. Il y
a donc deux formes de pensée en jeu dans cette étape de la
réflexion, l'une calculante221(*), et l'autre méditante222(*). Par la pensée
calculante, on recherche comment, à l'échelle de l'individu ou
d'un gouvernement, il est possible de faire plus et mieux, en peu de temps. Ce
qui fait défaut à l'individu dans son rapport à
l'époque contemporaine n'est pas la puissance qu'il a à sa
disposition, mais un souci de maîtrise effective sur les choses qui lui
sont extérieures ; idem pour les Etats nationaux qui tentent
d'avoir une prise effective sur le cours de l'histoire contemporaine et
à venir. Regardons brièvement la manière dont les
capitales économiques d'Afrique223(*) s'insèrent dans la mondialisation : que
ce soit par les villes portuaires pour Douala, par l'essor industriel pour
Cotonou ou tout simplement par la tertiarisation qui a eu lieue à
Johannesburg224(*).
Si nous devions donner des exemples concrets de cette
pensée calculante à l'échelle individuelle et de
l'ascendant que nous lui accordons spontanément de par notre
système de valeur, prenons l'exemple des performances du chercheur en
science et celles du cadre supérieur en commerce. Leurs apports
matériels à la société civile est visible sur le
plan empirique, tandis que des résultats d'ordre spirituels tels que le
bien-être dû à la pensée méditante sera
considéré comme futile faute d'expérimentation. Or,
l'action individuelle peut-elle se concevoir uniquement sous la logique de la
rentabilité pour être conforme aux exigences de l'époque
contemporaine ? En quoi cette finalité pratique répond-elle
aux problématiques relatives à la conception de
l'Homme ?
Cette pensée calculante exige que l'on sacrifie une
part importante de notre propre nature225(*), dans la mesure où elle fait perdre le sens
de la modération et de la tempérance. Que faisons-nous pour
rester en forme et accroître nos performances ? Nous consommons
à cet effet, des drogues, du tabac, de l'alcool ainsi que des boissons
énergisantes. On peut déjà raisonnablement affirmer que
cette pensée nous exhorte à ignorer des règles de
diététique nécessaires pour notre santé226(*), afin de répondre
à la logique concurrentielle instituée. De plus, dans notre mode
de vie actuel nous sommes constamment sollicités de sorte que l'on ne
puisse pas méditer227(*). Les seuls moments éventuels où nous
pouvons nous retrouver face à soi, se situent dans l'intimité de
notre sphère privée, où l'acte de méditation
peut-être mis en concurrence avec un autre rapport à
l'Etre, celui de la transcendance
révélée228(*) à laquelle l'individu se trouve
également en position de soumission symbolique. Par contre, la
sérénité au sens où l'entend Heidegger est un
mode d'être, une tranquillité spirituelle et ontologique distinct
de la sphère morale, du cognitif et du fait religieux ; elle
désigne un mode de recueillement en lien avec le transcendant :
« La transcendance est premièrement la relation qui,
partant de l'étant et grimpant jusqu'à l'être, est relation
entre les deux. Mais la transcendance est en même temps la relation qui
conduit de l'étant changeant à un étant calme.
Transcendance signifie enfin, conformément à l'usage du titre
excellence, ce plus haut étant lui-même, qui est alors
nommé également Dieu, d'où résulte une
étrange confusion avec la première
signification »229(*).
Le temps que l'individu se réapproprie en entrant en
relation avec cette forme première de la transcendance, est un temps
qu'il aura acquis pour la reconstruction de soi et cette temporalité ne
doit pas être gérée sur le mode de la pensée
calculante230(*).
A°) Le projet colonial en question
Les coups de semonce les plus notables à l'encontre de
l'oeuvre de R. P. Tempels sont venus des deux autres courants
antagonistes : la philosophie critique et l'afrocentrisme. F.
Eboussi-boulaga a affirmé que « Celle-ci se
présente comme une plaidoirie ou une apologétique ;
son arme est la rhétorique qui vise la vraisemblance. Son but est en
effet de persuader, de faire appel à la bienveillance de celui qui est
encore le maître pour se faire connaître de
lui »231(*). Le problème de la Philosophie Bantoue c'est
qu'elle exprime une pensée émise par l'homme blanc sur l'homme
noir, devant servir à affiner l'entreprise coloniale ; bien qu'elle
eût le mérite de trouver au prix de beaucoup de maladresses et de
contre-sens, un système ontologique chez les bantous, la rigueur
intellectuelle de l'ouvrage porte préjudice à la réflexion
profonde de l'auteur232(*). « En fait il s'agit d'un ouvrage
d'ethnologie à prétention philosophique ou, plus simplement, si
on nous permet ce néologisme, d'un ouvrage
d'ethnophilosophie »233(*). Mais comme l'a indiqué Elungu
« De tous les reproches pertinents qu'Eboussi-Boulaga fait
à Tempels et, à travers lui, à tous les philosophes de sa
suite, le plus important, qui résume les autres, me paraît
être celui d'avoir cru à un système ontologique
préexistant aux Bantous et à leurs sociétés. Il
ressort, écrit-il, de cette discussion sur la méthode et l'objet
que Tempels a voulu expliquer au donné ontologique, une explication de
type causale qui remonte aux principes pour rendre compte du devenir et de la
contingence. Malheureusement, il a fait du principe une substance capable de
rendre en même temps compte de la diversité des attitudes et des
comportements, au lieu de recourir à une typologie ou à des
modèles structuraux. Ce faisant, Tempels a fait appel à une
chose, à une substance comme principe d'explication
générale. (...) Face à cette idole, à
cette chose, à ce système de pensée-choses imaginairement
constitué, la pensée rationnelle non seulement est
intrinsèque, mais s'estompe et s'abîme »234(*). Tout en en étant
imprégné elle même, la philosophie Bantoue a permis de
faire voler en éclat des préjugés colonialistes sur
l'homme noir ainsi que les thèses sur la mentalité primitive
énoncées par Lévy-Bruhl et son école.
1°) La philosophie Bantoue et les intellectuels
occidentaux
Dans un environnement intellectuel et politique
majoritairement convaincu des bienfaits de l'entreprise coloniale235(*), « Le plus
surprenant c'est l'accueil sympathique que l'ouvrage rencontra chez nombre
d'authentiques philosophes. Bachelard le trouve profond et susceptible de
fonder, à côté de la métaphysique sur le mode
occidental, une méta-dynamique. Lavelle approuve la thèse du
missionnaire, Gabriel Marcel également. Jean Wahl y révèle
des analogies avec le bergsonisme. Un ethnologue comme Marcel Griaule y voit la
confirmation de ses propres conclusions. »236(*). Selon ces auteurs, la
controverse suscitée par l'oeuvre de Tempels fut féconde dans le
sens où elle a pu élargir la définition même de
Philosophie en tant que conception de l'Homme et du Monde.
« Le concept de philosophie tend à désigner
très généralement toute image du monde et toute sagesse
humaine...quels qu'en soient les éléments et les
modalités. Le droit à la philosophie devient un droit de l'homme,
en dehors de toute question de longitude, de latitude et de couleur de
peau. »237(*). Par une argumentation orthodoxe assumée,
Heidegger concevait la philosophie comme une activité proprement
occidentale, car selon lui la création de concepts n'est possible qu'au
moyen de l'étymologie grecque ou latine ; il faut admettre que
c'est un paradoxe infiniment problématique quant à la
définition de la philosophie. En effet, si l'universalité ne peut
être atteinte que par une langue vernaculaire, nous sommes alors en droit
de douter de la pertinence de cette idée d'universalité (nous y
reviendrons).
Si l'apport de la Philosophie Bantoue est réel, la
démonstration consistant à prouver l'existence d'une philosophie
africaine est critiquée avec virulence par plusieurs auteurs africains
dont F. Eboussi-Boulaga. Il n'a pas de mots assez durs pour dénoncer
selon lui l'absurdité d'un tel projet : « Le désir
de philosophie est l'un des efforts pour accéder à
l'humanité du maître, un des ultimes efforts pour y
parvenir ; »238(*). Il y a deux idées dites en creux par
l'auteur, avec une pointe manifeste de ressentiment vis-à-vis de la
philosophie occidentale : la première est une attaque en règle de
l'ontologie aux accents pragmatistes239(*) « de ce que Heidegger nomme la
métaphysique et Derrida le logocentrisme
(...) »240(*), la seconde idée est d'ordre narcissique plus
qu'intellectuel, c'est la rencontre de l'homme blanc détenteur de la
Science Moderne241(*).
2°) Rationalité et sagesse : la rencontre
de l'Occident
Le discours de l'homme blanc était totalisant, dans la
mesure où il embrassait la réalité physique avec plus de
profondeur encore que n'ont su le faire les sagesses ancestrales242(*). Loin de sous-estimer
l'impact de cette rencontre, notamment sur l'ordre hiérarchique
imposé par la tradition des noirs ; nous devons relever que la
Révolution copernicienne, sans laquelle l'Occident n'aurait pu faire
l'expérience de la Science Moderne, a eu une incidence toute aussi
violente sur l'héritage intellectuel d'Aristote et de St Thomas qui fut
dominant au XVIème siècle ainsi que sur l'organisation politique
de la société civile basée sur les textes bibliques
(D'ailleurs, le cardinal Bellarmin dût se résoudre à
condamner Galilée afin qu'il abjure243(*)). Comme nous l'avons indiqué ce n'est pas la
Science Moderne qui a eu raison du Muntu, entendu comme conception
philosophique de la personne chez les Bantous, dans la mesure où elle ne
s'évertuait à expliquer les phénomènes naturels en
tant qu'Etant, mais bien la volonté dont faisait preuve les
blancs pour atteindre l'Etre des choses. Toutefois, l'entreprise
coloniale aurait gagné en efficacité en tenant compte de
l'ontologie des « colonisés »244(*).
B°) L'Internationalisme et les africains
Sans être d'authentiques philosophes africains,
contrairement aux nombreux auteurs que nous avons cités, en
conceptualisant l'idée de négritude, Césaire et
Senghor ont posé les jalons nécessaires aux controverses sur la
philosophie africaine. La lecture conjointe des oeuvres de Léo
Frobenius245(*),
éminent historien, a permit aux deux hommes de développer ce
nouveau concept en empruntant des trajectoires différentes. En effet,
dans les oeuvres de Césaire, il y a toute la partie poétique, et
en 1939 dans son « Cahier d'un retour au pays
natal » il se prononce sur des idées plus politiques. La
négritude de Césaire semble être en adéquation avec
les valeurs humanistes tandis que celle de Senghor paraît assez alarmiste
et pessimiste246(*), qui
ne va pas sans rappeler Verlaine. Néanmoins, le but ultime d'un tel
concept fut de détruire toute idée de hiérarchisation
sociale issue de la colonisation et ses valeurs247(*).
Nous avons explicitement un parti pris envers la pensée
d'Aimé Césaire, car contrairement à celle de Senghor sans
nier son importance, c'est par ses oeuvres et son engagement qu'un changement
social et politique digne de ce nom a pu être exprimé, lorsque la
pensée de Senghor ne faisait que balbutier. Par ailleurs, sa foi en
l'Occident est aussi suspicieuse et irraisonnée que la haine que portent
les afrocentristes contemporains248(*) à son encontre. Aimé Césaire,
qui n'était donc pas uniquement poète mais penseur du politique,
a effectué une pièce intitulé « Une saison
au Congo » afin de mettre en scène dans un registre
épique « L'affaire des grands lacs » avec
Patrice Lumumba et Mobutu. Le racisme de l'époque étant
grandissant à cause des vagues d'immigration de 1930 aux années
1980, c'est tout naturellement que bon nombre d'intellectuels noirs dont
Césaire, adhérèrent aux valeurs Internationalistes du
Parti Communiste notamment lorsque l'Italie a pris la décision d'envahir
l'Ethiopie.
Bien plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale, au moment
où la propagande du IIIème Reich gagnait le nord de la France, la
communauté antillaise s'était élevée contre les
idées racistes des nazis ; quoique la réponse la plus
virulente à Goebbels soit venue du député
Sénégalais Galandou Diouf influencé par le militantisme de
Césaire.
Au moment de l'adoption de la loi-cadre de Gaston Defferre en
juin 1956, promulguant ainsi une transition juridique et administrative vers
l'indépendance, Mamadou Dia, qui était alors Premier Ministre,
voulait accélérer le processus d'indépendance alors que
Senghor pensait que les africains n'étaient pas prêts pour
l'exercice de leur liberté fondamentale. Cette divergence d'opinion avec
Senghor lui valut l'emprisonnement suite à la démission de son
poste de Premier Ministre. D'ailleurs, lorsque Senghor a invité
Houphouët Boigny, celui-ci rétorqua qu'il ne viendrait qu'à
condition que Mamadou Dia, avec qui il partageait certaines convictions, soit
libéré. La même année, quand Moscou écrase
les militants des démocraties populaires, Césaire qui
était pour l'indépendance se sépara de Maurice Thorez.
1°) Du discours populiste
En tant que peuple ou en tant que groupe, l'identité
collective est néfaste pour la pensée249(*). Le fondamentalisme
américain, israélien, ainsi que celui du monde arabe, pose
non-pas le problème d'une identité culturelle mais bien de
l'identité collective dans son assertion politique et
révolutionnaire250(*). « (...) l'appel au peuple prend sa
signification principale de se fixer sur le national. Il s'agit d'un appel au
peuple tout entier - supposé homogène (en deçà des
divisions en classes) - qui se confond avec la nation rassemblée,
dotée d'une unité substantielle et d'une identité
permanente »251(*). Si les sociétés sont
comprises comme un tout, comment peuvent-elles constituer un tout en mesure de
les surplomber ? La fusion des sociétés en entité
internationale est problématique sur le plan intuitif, et l'analogie est
possible avec des individus voulant fonder une Nation252(*). Cependant, peut-on
concevoir une fusion des esprits par le biais de la passion253(*) ? Dans sa
« Psychologie des foules » Gustave Lebon a
analysé son objet de recherche à travers le prisme
révolutionnaire. L'âme collective de Lebon peut former une foule
psychologique lors de laquelle les membres perdent leur individualité au
profit d'une âme collective qui les fait penser, sentir et agir dans un
sens autre que celui qu'ils le voudraient individuellement, alors que la
conscience politique est censée élever le libre examen. L'image
de l'individu pris dans la foule est comparable à un grain de sable
emporté par le tumulte des vagues.
2°) Le holisme comme ennemi de la
démocratie
Le « Nous » ne peut exister qu'en
tant qu'objet, dans la même logique que le boulangisme, la foule veut
être un objet manipulé par les voeux d'un homme. La foule est
circonscrite par les discours de l'orateur qui s'adresse à elle, puis
elle se constitue conformément à ses souhaits, en somme chacun
exige d'être noyé et submergé par la passion des autres et
par la voix du chef254(*). Sa rhétorique oriente le regard de la foule
dans le sens qu'il aura décidé ; l'exaltation des passions
identitaires, n'a de prix que la passivité de l'esprit, ainsi le
phénomène identitaire ne peut en aucun cas être
conçu comme une activité humaine désaliénante ou en
mesure de favoriser son autonomie.
La passion en politique est un instrument destiné
à l'action, et non une fin en soi. Y a-t-il une
rationalité des passions humaines ? En elle-même l'art
oratoire est neutre, il est un organon pratique de l'homme politique
« La pratique sans théorie est aveugle ; la
théorie sans pratique est vide »255(*). L'éthos et le pathos
sont des preuves immédiates de l'assentiment de la foule partisane, et
par extension celle du peuple souverain. L'orateur s'adresse donc en premier
lieu à celui qui va décider256(*) (Sans nécessairement adhérer aux
théories politiques holistes, nous pouvons citer un cas où le
communisme en Afrique n'a pas été synonyme
d'échec257(*)).
Si on extirpe le moment de la passion durant les discours face à
l'agora, on transmute ce dernier en dialogue rationnel entre
philosophe « Comment empêcher, au moment où le
peuple est interrogé, qu'il circule à travers lui aucune
espèce de passion collective ? »258(*). Autrement dit, la
philosophie politique contient une part de cet élément
susceptible de détruire ce que la Raison a pu
édifier.
L'orateur habile se sert de lieux communs puissamment
ancrés dans la société civile afin de susciter la haine ou
l'empathie. Il fait mine de figurer un dépassement de son propre camp au
moyen de sa superbe259(*), alors que ce qui est visé, c'est l'espace
émotionnel laissé vacant par le candidat
adverse « Un parti politique est une organisation construite
de manière à exercer une pression collective sur la pensée
de chacun des êtres humains qui en sont
membres »260(*). En définitive, on est en droit de se
demander si la passion est toujours irrationnelle ? A priori, ce n'est pas
le cas, dans le sens où nous avons parfois de bonnes raisons de les
éprouver. De plus, la finalité de l'orchestration des passions
est de produire un jugement ou de le transformer en éveillant d'autres
aspects de la nature humaine. Sans que la constitution du
« Nous » puisse être qualifiée de
projet intellectuel, il y a effectivement une fusion des esprits lors de son
émergence.
Faute de pouvoir être totalement écarté de
la philosophie africaine, l'afrocentrisme ne doit rester qu'une voie, qu'un
courant parmi les autres. En s'inscrivant dans la logique du
néoréalisme régissant les Relations Internationales,
l'afrocentrisme s'octroie la capacité de capter presque sans partage
l'héritage historique, philosophique et politique pour nourrir
arbitrairement son propre paradigme intellectuel basé sur la fondation
épistémologique261(*). « Notre contribution à la fin
de ce siècle est d'introduire dans la philosophie africaine le paradigme
de la traversée qui est complémentaire à celui de la
fondation »262(*). L'idée de traversée concerne
celle de l'esprit, qui ne souffre d'aucune barrière disciplinaire, ni de
contraintes intuitives à propos de la vérité,
« C'est en désirant la vérité à vide
et sans tenter d'en deviner d'avance le contenu qu'on reçoit la
lumière. C'est là tout le
mécanisme »263(*), d'où la pertinence de vouloir
défendre ce que Giddens et Mbembé nomment « la
vie » ou les décisions individuelles dont elle est
l'objet. « La vie » est l'objet
indéfinissable par définition, sur lequel Achille Mbembé a
fondé sa théorie progressiste en renonçant aux tendances
essentialistes qui nuisent à la pratique.
Sur ce point, il rejoint Rorty, « Pour les
pragmatistes, si quelque chose d'utile doit être dit de la
vérité, c'est dans le vocabulaire de la pratique plutôt que
dans celui de la théorie, de l'action plutôt que de la
contemplation »264(*). La théorie critique de la philosophie
africaine, a tout intérêt à trouver des valeurs empiriques
sur lesquelles elle pourra baser son argumentation, plutôt que de
renforcer son édifice intellectuel sur le plan métaphysique comme
le fait l'afrocentrisme265(*). Sans doute aurait-on raison de concevoir la
démocratie comme une valeur, et non comme un principe pur266(*).
C°) Théorie Critique et Afrocentrisme :
quel enjeu pour les valeurs démocratiques ?
Le fait que Barack Obama, en tant que personnalité
contemporaine, ne puisse être catégorisable en tant que
Blanc ou Noir, africain ou non africain, pour les uns et pour
les autres, peut être perçu comme un vecteur en mesure de porter
le progressisme dans la théorie critique de la philosophie africaine
d'aujourd'hui ; de même que les discours du pasteur noir Martin
Luther King, dont son très fameux « I Have a
Dream », à défaut de pouvoir démontrer sa
validité métaphysique, ils parvenaient à transcender les
clivages sociaux ou ethniques. « La pensée critique, parce
qu'elle a perdu la naïveté au sens husserlien du terme, entame un
divorce avec ce monde et ouvre sur d'autres types de contrats avec la
réalité »267(*), de fait, elle divorce également avec
l'idéologie radicale que véhicule l'afrocentrisme à
l'égard de l'Occident. D'ailleurs, les afrocentristes ont tendance
à considérer, les tenants de la théorie critique comme des
traîtres, au même titre que la gauche radicale a coutume
d'interpeller les socialistes de ce doux sobriquet de « social
traître ».
Le propos peut avoir la forme d'une boutade, mais la
conception afrocentriste selon laquelle, la « suprématie
blanche » exercerait un règne sans partage sur un monde
aussi complexe que le notre, relève plus de l'admiration
métaphysique que d'une théorie véritablement
séparatiste. La teneur populiste de ce type de propagande a
indéniablement une capacité à fédérer les
masses, là où la théorie critique seule en lice, ne
propose que des actions prudentes relatives à la science de gouvernement
sans galvaniser les passions individuelles.
1°) La théorie critique : un
débouché intellectuel pour la Démocratie
Le but de la théorie critique de la philosophie
africaine n'est pas, comme a pu le dire Elungu268(*), de démolir les
autres courants à son profit. « En partant de l'ethnologie
coloniale réductionniste jusqu'aux tentatives sus-citées, nous
voyons se profiler une conception d'une histoire de la philosophie
linéaire progressant par dépassements. L'ethnologie
réductionniste fut dépassée par les premiers critiques de
l'ethnologie (à savoir Tempels, Kagamé, et Lufuluabo,
etc.,...). Ceux-ci fondèrent une philosophie nègre, elle
même dépassée par les critiques de
l'ethnophilosophie »269(*). Ce qui, en son sein, doit être
dépassé, est la tendance métaphysique dans l'usage
pratique de la rationalité, afin qu'elle conduise jusqu'à son
comble ce « tournant pragmatique » murmuré
du bout des lèvres par Alain Renaut, qui n'a pas tout à fait
renoncé à l'Idéalisme transcendantal270(*) de Kant. Par contre,
l'un des méfaits de la Raison pure que nous pouvons retrouver à
l'identique dans le domaine pratique, est l'usage dialectique271(*) de la
rationalité.
« Il s'agit d'abord de réfléchir,
à grands traits, sur les types de rationalités qui, depuis la fin
des colonisations directes, ont été mis en oeuvre dans le but de
diriger les individus et les multitudes humaines et d'assurer la multiplication
des biens et des choses en Afrique subsaharienne. Il s'agit, d'autre part, de
s'interroger sur les conditions dans lesquelles cette activité qui
consiste à régir la conduite (autrement dit l'activité de
gouverner) a récemment, échappé aux mains de ceux qui
étaient supposés l'exercer, ouvrant ainsi la voie, non à
une quelconque révolution, mais à une situation d'extraordinaire
rareté matérielle et à la constitution de nouveaux
rapports entre territoire, pouvoir et ressources »272(*). En effet, beaucoup
de philosophes africains, indépendamment de leurs courants respectifs ne
se détachent pas véritablement « de ce que
Heidegger nomme la métaphysique et Derrida le
logocentrisme »273(*) qui comme le précise Rorty sont amplement
identiques, y compris les afrocentristes, et même Eboussi-Boulaga pour
qui l'originalité d'une pensée prévaut sur la
démonstration intuitive de son existence.
2°) La Démocratie contre la
Métaphysique
La pensée d'Achille Mbembé semble se
démarquer de celle de ses homologues philosophes en Occident ainsi que
des représentants des courants philosophiques d'Afrique, dans le sens
où elle ne présente pas d'éléments argumentatifs
essentialistes, sans perdre de sa profondeur. L'absence de barrières
disciplinaires lui permet, comme nous allons voir au chapitre suivant, de
réfléchir librement sur les problèmes de l'Afrique
contemporaine dont les origines sont multiples. « S'agissant de
l'activité de gouverner, deux choses viennent tout de suite à
l'esprit. D'une part, traiter de la conduite des hommes et de la façon
dont elle est régie dans un cadre et avec des instruments
étatiques, c'est non seulement s'intéresser à ce qui
constitue la force et la raison de l'Etat, mais aussi s'interroger sur les
formes même du pouvoir, ses manifestations, les différentes
techniques qu'il utilise pour augmenter sa valeur, répartir le produit
du travail, assurer l'abondance ou gérer l'indigence et la
rareté »274(*). Ajoutons à son propos que l'Afrique s'est
convertie à l'idée démocratique mais on ne peut encore
parler de transition à l'économie de marché et au
régime représentatif, car les oligarchies politiques n'ont
instrumentalisé le multipartisme ainsi que la libéralisation
économique que dans le but de reproduire leur domination sur la
société civile275(*). L'attitude avide de certains acteurs officiant
à la tête des Etats africains, alors même qu'ils
fustigeaient auparavant la domination occidentale à l'époque du
mouvement vers l'indépendance, souffre d'une incohérence
historico-politique difficile à justifier pour les futures
générations. Il semble que les valeurs démocratiques
s'imposeront à la conscience civique des citoyens à venir, quitte
à renverser un pouvoir despotique et inapte à protéger
la vie ; en tant que principes purs la Démocratie ainsi
que les Droits de l'Homme en Afrique ne peuvent répondre à une
attente politique. Néanmoins, les valeurs démocratiques peuvent
être partagées et transposées dans des
réalités très différentes de celles des
régions occidentales sans que cela apparaisse comme une ingérence
étrangère.
En éliminant la métaphysique de la
théorie progressiste et critique de la philosophie africaine, il devient
possible d'envisager des solutions viables sur les questions relatives à
l'Afrique276(*).
*
La seule critique que l'on peut légitimement
émettre à l'encontre de la pensée d'Achille Mbembé,
réside peut être dans sa trop grande élasticité
pouvant éventuellement nuire à la rigueur intellectuelle
nécessaire à toute approche pluridisciplinaire, car
« (...) on a l'impression qu'un discours est scientifique
dès qu'il est superficiellement
cohérent, »277(*). Nous voulons dire par là que ses
détracteurs afrocentristes pourraient affirmer que sa pensée
n'est que conforme au contexte dans lequel elle a été produite,
c'est-à-dire un arrière plan intellectuel façonné
de toutes pièces par l'Occident ; sur ce point, les afrocentristes
ne peuvent pas être soupçonnés d'opportunisme contrairement
aux tenants de la Théorie critique. Toutefois, n'oublions pas que le but
de ce courant de la philosophie africaine est d'établir la
démocratie en Afrique, ce qui loin d'être acquis au vu des Etats
postcoloniaux actuels. Une coopération avec l'Occident semble
évidente pour espérer voir un changement politique et social sur
le continent africain, alors qu'à ce sujet les afrocentristes veulent
préserver un statut-quo s'inscrivant ainsi dans la continuité du
néoréalisme dominant.
Chapitre III : De la coopération
décentralisée
Les études postcoloniales278(*) qui constitueront le cadre
d'analyse de ce dossier, ont connu une floraison en France279(*), notamment par le biais
d'ouvrages collectifs depuis 2005/2006, à savoir depuis les
émeutes de novembre 2005 qui ont embrasées le pays et dans la
continuité, l'apparition du mouvement radical, les Indigènes de
la République. Cela étant, un domaine comme celui des
études post-coloniales soulèvent des problématiques
d'autant plus polémiques dans un cadre républicain. Nous verrons
malgré tout que l'action publique que nous allons analyser ne
représente pas une entorse à la République mais la promeut
hors de ses bases frontalières, dans un contexte post-colonial.
Les études post-coloniales
Pour faire ressortir l'importance et le caractère
problématique de l'héritage colonial dans les rapports politiques
extérieurs, outre les relations diplomatiques, il faut maintenir la
mémoire coloniale vivante, ce qui comprend l'esclavage ou la guerre
d'Algérie. Aussi, l'entretien de ces différentes mémoires
est par définition conflictuel, car ce sont des mémoires qui
ravivent des phases historiques régies par les conflits coloniaux hors
des frontières françaises, et par conséquent nous pouvons
les interpréter différemment selon les faits historiques, ou les
sources que l'on a à notre disposition. Et « la
coopération décentralisée »280(*) ne peut s'appuyer que sur ce
type de connaissances pour gagner en efficacité sur des territoires
post-coloniaux281(*).
L'introduction des études post-coloniales dans une
France traditionnellement républicaine, invite à se demander si
elles font le jeu ou non du communautarisme et, partant, si elles mettent en
cause le projet relatif à l'égalité. Bien souvent, un lien
causal et problématique peut être posé par des leaders
militants habiles entre la justification du repli communautaire et cet
héritage colonial qui selon les cas, se perpétue dans les
relations sociopolitiques sous des aspects voilés. Toutes ces
réactions ont fait des études post-coloniales un objet fortement
politisé et un terrain polémique, ce qui les rend incompatibles
avec l'esprit académique qui préfère produire des
connaissances neutres dans la mesure du possible, afin que celles-ci puissent
servir une action publique éventuelle, et par là
l'intérêt général.
Si les enjeux de ce type d'études sont loin de demeurer
neutres sur le plan axiologique, a fortiori si elles sont utilisées
à des fins politiques, la mise à distance des passions partisanes
de celui qui entreprend une recherche sur la post-colonisation s'avère
nécessaire afin de ne pas tomber dans le relativisme. En effet la
neutralité axiologique est une des clés de leur implantation dans
le secteur académique qui n'est pas acquise, mais aussi du succès
de la coopération décentralisée282(*) qui pourra réutiliser
ce savoir à bon escient.
Cependant, les premiers référents de ce genre
d'études étaient des néo-marxistes - Gramsci et Negri -,
et c'est notamment le cas des « subalterns studies » de la
fin des années 1970 et du début des années 1980, ces
tendances révolutionnaires s'opposant de facto à la vision
plutôt réformiste et moderne de la coopération
décentralisée283(*). Ensuite la deuxième orientation était
post-moderniste, elle fut marquée par l'oeuvre intitulée
« l'Orientaliste »284(*) en 1980 (dans l'espace
intellectuel démocratico-libéral c'est l'orientation dominante
des études post-coloniales). Le but ici, est de restaurer la
différence culturelle et de rompre avec l'idée marxiste dominante
dans les études post-coloniales, énonçant que la seule
solidarité possible est celle qui repose sur la conscience de
classes285(*).
Il s'agit de développer dans ce chapitre le fait que
les solidarités peuvent reposer sur d'autres critères de valeurs
et autres systèmes d'appartenance que ceux de type holistes, et que le
réformisme est concevable dans les territoires post-coloniaux. En somme,
qu'une action publique est possible en dépit des pesanteurs historiques
et politiques bien réelles qui en freineraient les effets
positifs286(*).
Sociologie historique de l'Etat et Politiques
Publiques
Nous connaissons les travers d'une des ramifications de la
Science Politique, à savoir celle qui a trait à l'analyse des
Politiques Publiques. En effet dès la fin du XIX°siècle, il
s'est constitué aux Etats-Unis une science de l'administration
notamment, suite à l'appel de Woodrow Wilson en 1887 et à son
étude de l'administration. Il étudiera celle-ci dans l'optique de
montrer la perfection de l'objet. On part alors du principe que
l'administration est rationnelle287(*), contrairement à la politique288(*). Et dans une perspective
méthodologique en rupture avec la tradition sociologique
antérieure, l'acteur est réintroduit dans l'étude de
l'administration publique, car il n'est pas rationnel, et en même temps
il n'est plus considéré comme un simple exécutant. Cette
excessive modélisation inhérente à l'analyse des
Politiques Publiques, a été prise en compte par l'approche de Mr
Peter Knoepfel par l'introduction des
« Ressources » et de leur utilisation par les
acteurs, ceci a permis d'appréhender des réalités
différentes comme celles relatives aux territoires post-coloniaux.
Longtemps, l'étude des sciences politiques furent
réticentes aux sciences sociales, or avec Charles Tilly se met en place
une sociologie historique de l'Etat, où l'on voit que ce dernier est un
processus de domination politique et historiquement situé, et cette
définition est aussi valable en Occident que dans le continent
Africain289(*).
D'où le recours important à des travaux de secondes mains (Badie
et Birnbaum, sociologie de l'Etat). Dans une démarche très macro,
portant sur de longues périodes, ces travaux vont nourrir le
néoinstitutionnalisme historique, avec des réflexions sur ce qui
détermine un Etat fort ou faible, d'après son degré de
décentralisation ; mais par extension, « C'est le
paradigme de la domination qui nous retiendra ici, parce qu'il règne
presque sans partage dans les études politiques, parce qu'il est au
coeur des postcolonial studies. »290(*). Si la politique publique
que nous allons étudier dès à présent s'appuie sur
le savoir produit par les études postcoloniales, quelle sera sa
finalité ? La coopération décentralisée
va-t-elle remettre en cause la domination Nord/Sud, ou reproduire ces
schémas binaires hérités de la colonisation ?
Cette analyse vise à faire émerger des
réponses éventuelles à deux questions principales.
(I) Comment synthétiser l'histoire coloniale de
manière à en saisir les éléments résiduels
dont se servent les Etats en Afrique sub-saharienne. Secondement, au sein de
cette même partie, nous nous demanderons dans quelle mesure le
régime à parti unique, qui est une pratique politique courante en
Afrique, procède de l'histoire coloniale en en perpétuant la mise
en oeuvre.
(II) En usant du modèle
théorique de Peter Knoepfel nous appréhenderons cette
coopération décentralisée, son bilan et ses limites
intrinsèques à travers le cas de la France et celui du
Burkina-Faso.
I°) De l'indépendance des Etats
post-coloniaux : quel impact sur la territorialité
contemporaine
Il n'est point d'idéologies
d'indépendances qui n'aient eu une forte influence sur les divers
territoires post-coloniaux actuels, sans véritablement rompre avec les
représentations et les réalités en vigueur dans les
problématiques nées pendant la colonisation, et lors des
différents processus d'indépendance ; autrement dit, le legs
colonial est perpétué d'une certaine manière par ces
même, Etats africains qui, il n'y a pas si longtemps, s'étaient
élevés face à lui. S'interroger sur le type d'Etat qui
doit prendre la place des structures politiques coloniales en pleine
déconstruction, et se demander sur quelles bases politiques l'Etat
post-colonial sera édifié, revient à questionner un fait
social très courant dans les régimes politiques en Afrique
sub-saharienne à savoir, le « parti
unique ».
L'influence de la Révolution française sur les
mouvements d'émancipation des peuples colonisés, s'est
exprimé avec une très grande force ; du principe de
souveraineté se déduit sans peine le droit du peuple à
disposer de lui-même291(*), le principe selon lequel chaque peuple doit avoir
son Etat propre a ainsi constitué le principal levier de la
première décolonisation, qui se fonda avant tout sur
l'idée d'un droit à la démocratie et sur celle d'un droit
à l'autonomie.
A°) Le socialisme comme opportunité
idéologique : le fait identitaire sous-jacent
Après 1945, toute la politique menée par l'ONU
consista à ancrer un tel droit dans le principe de nationalité
qui avait émergé, avec Herder et Maurras dans l'Europe du
XIX°siècle. Cette première idéologie de la
décolonisation, s'est vite trouvée relayer par une seconde strate
idéologique issue de l'URSS ; précisons que l'angle
anti-colonialiste soviétique, est assez paradoxal dans la mesure
où elle se comportait en Russie et avec ses propres démocraties
populaires comme une puissance coloniale.
1°) Le léninisme et les Etats
post-coloniaux
Celle-ci avait une double origine doctrinale et
politique292(*) :
l'impérialisme, était considéré par Lénine
comme le stade suprême du capitalisme293(*). Il soutenait que la guerre qui faisait rage en 1914
était celle du partage du monde, entre des puissances capitalistes
cherchant des issues aux contradictions internes qui rongent leur
système économique au plan national. Ceux-ci étant
fondé sur la propriété privée des moyens de
production, Lénine affirmait que dans les colonies, les indigènes
payaient le lourd tribut du choix de vie de quelques uns ayant optés de
vivre selon la logique du profit ou de la plus value du capital. Lénine
expliquait que l'étape la plus récente du développement du
capitalisme, celle du capitalisme monopolistique, et celle de l'essor du
capitalisme financier, se traduisait à travers le besoin de trouver de
nouvelles ressources naturelles et de forces de travail à exploiter par
de nouveaux marchés, afin d'échapper aux crises dûes
à la surproduction. Et la thèse de Lénine dans cet essai,
c'est qu'à travers l'effondrement du capitalisme et la rupture
universelle avec le principe de l'appropriation de la propriété
privée des moyens de production, les anciennes nations colonisatrices
vont essayer de sauver leur système économique en prolongeant
encore l'existence du capitalisme.
En se déchirant mutuellement, en une guerre
économique mondiale, ainsi qu'une lutte pour les colonies294(*), les pays capitalistes
révélaient donc que cette lutte aboutira à un monde
entièrement partagé entre les grandes puissances et que ce sera
la dernière tentative de la bourgeoisie internationale pour
échapper à son destin, à savoir l'effondrement du
système qu'elle avait mis en place depuis plusieurs siècles en
Europe.
C'est la raison pour laquelle Lénine termina cette
analyse doctrinale en identifiant la critique de la politique coloniale
à la lutte contre l'exploitation du travail par le capital. Cette
composante anti-impérialiste politiquement, indépendamment de sa
dimension doctrinale issue de la philosophie marxiste-léniniste, a
précisé sa tonalité après l'échec
rencontré en Europe par un certain nombre de mouvements
révolutionnaires, notamment celui des spartakistes allemands en 1918.
Dans ces conditions, il devenait urgent de considérer que le socialisme
n'était pas le privilège de l'Occident industrialisé et
qu'il pouvait tout aussi bien s'implanter là où, disait
Lénine, en prenant l'exemple du Turkménistan où le
prolétariat industriel n'existe pratiquement pas.
Politiquement cela ouvrait donc sur une stratégie, car
l'idée de l'organisation soviétique est simple, elle peut sans
difficulté s'implanter dans un cadre de rapport prolétarien que
dans une situation plus féodale. Avec l'aide du prolétariat des
pays avancés, les pays moyenâgeux pouvaient accéder au
communisme, tout en évitant le stade capitaliste.
C'était une option nouvelle par rapport à
l'orthodoxie marxiste, que Zinoviev avait exprimé en 1920, au nom de
l'international communiste devant un bon nombre de pays colonisés. En
1945, cette idée a été réactualisée par
Jdanov dans son rapport sur l'idéologie communiste du 22 septembre 1947,
dans lequel il prend acte au nom de Staline de la fin de ce qu'avait
été l'alliance des pays colonisés à l'Est comme
à l'Ouest contre Hitler, qui selon lui rassemble l'URSS ainsi qu'un
certain grand nombre de pays colonisés tels que l'Egypte,
l'Indonésie et le Viêt-Nam. Ce qui divise une nouvelle fois le
monde en deux à la faveur de laquelle de nombreux leaders provenant de
peuples colonisés ont, par opportunisme, superposés la marche
vers l'indépendance à celle de l'avancée vers le
socialisme.
Dans cette optique, non seulement le capitalisme comme tout
impérialisme, devenait l'ennemi de l'émancipation des peuples,
mais ne pouvaient plus être tenu comme un modèle de
développement socio-économique295(*). La place prise par le communisme dans les
idéologies de la décolonisation a eu ceci de particulier, qu'elle
a convertie d'une manière provisoire le sens nationaliste des mouvements
d'indépendance en révolution socialiste, ne serait-ce que sur les
choix en matière de politique économique de certains pays
colonisés. Ensuite, précisons que le camp
anti-impérialiste n'était pas homogène, car les
intérêts de l'URSS et ceux des pays colonisés ne se
superposent point, ce qui a produit l'émergence de ce que l'on nomme le
Tiers-mondisme de par la Conférence de Bandung en 1955 qui imputait le
sous-développement aux pays occidentaux. Cette conférence a eu
pour effet de démontrer en quoi les mouvements d'indépendances
étaient loin d'être assimilables à l'idéologie
communiste. Bandung a ouvert l'espace d'une interrogation nouvelle sur ce qui,
outre le développement économique, est de l'ordre de
l'héritage de la phase coloniale296(*). Cette interrogation a consisté à
infléchir le Tiers Monde dans le sens d'une mise en cause de
l'assimilationnisme de la gestion coloniale française en
particulier297(*), qui a
conduit à placer au coeur des nouvelles nations africaines, l'appel
à la reconnaissance des identités culturelles.
2°) Idéologie, Identité et
Territoire
Cette voie est plutôt centrée sur une
protestation identitaire dont la colonisation en avait nié la
particularité, l'assimilation produisant un phénomène
d'aliénation chez les peuples colonisés a conduit les
intellectuels issus des pays colonisés à se mettre en quête
d'une identité perdue, d'où la thématique de la
« Négritude » qui en fournit un exemple
flagrant. La montée de cette affirmation identitaire a pu tout aussi
bien diviser territorialement que réunir les peuples
colonisés298(*) : d'une part elle les réunissait autour
d'une conscience partagée de la dépossession qui les avait
privé de leur mémoire, de leur identité culturelle, de
leurs valeurs, d'autre part elle contenait aussi en elle la possibilité
de les diviser car les découpages territoriaux effectués par les
occidentaux, ont souvent été reconduit par les régimes
politiques à parti unique issus des mouvements d'indépendance.
Ces régimes politiques qui, par le biais de leurs représentants,
revendiquaient leurs identités différenciées,
s'apprêtaient à savoir à leur dépend,
qu'après la tragédie de la colonisation, les solidarités
créées par les distinctions identitaires299(*) engendrent fatalement des
conflits territoriaux meurtriers et durables300(*) dans les sociétés
post-coloniales301(*),
malgré les formes de solidarité qu'elle a pu forger contre les
colons d'Occident.
L'objectif des études post-coloniales est polycentrique
dans le sens où il s'agit de savoir ce qu'avait été le
colonialisme, ou les colonialismes ; et révéler l'empreinte
de ces pouvoirs coloniaux dans les relations internationales entre les anciens
pays colonisateurs et les anciennes colonies, si l'on aborde la question de la
justice globale.
Ces réflexions correspondent à des questions de
politique interne sur les conditions et les modalités relatives au
développement économique - nous verrons pourquoi celui-ci est
disparate selon les territoires et les ethnies - ou la nature et les formes du
pouvoir en contexte de pauvreté et de transition démocratique.
« Le mot postcolonial traduit cette situation
d'enchevêtrement des temps et des territoires. »302(*). Tout l'intérêt
étant de déterminer à l'ère post-coloniale ce qui
relève du colonialisme dans les rapports de pouvoir, toutes choses
étant égales par ailleurs. Ceux-ci pouvant à la fois
être internes à une société civile ou se manifester
entre les Etats concernés par le fait colonial.
B°) Parti unique et République
bananière.
1°) Les causes macro économiques et
territoriales du sous développement
En bon libéral, Rawls soutenait que le
sous-développement des pays africains n'était pas un
problème de compensation pour les méfaits de la colonisation, car
elle est due aux oligarchies locales et corrompues qui officient depuis bien
longtemps déjà à la tête des régimes
politiques en Afrique et à des problèmes structurels. Mais il n'y
a pas que cela, c'est une question de contrôle du pouvoir, de parti
politique et d'une administration qui fonctionne.
Sur la première raison que donne Rawls sur le
développement des pays sous-développés en Afrique, il y a
effectivement de la corruption, des problèmes de structures, mais aussi
des problèmes qui proviennent de la rencontre entre le continent
africain et le fait colonial. Il n'en est pas moins que, le concept de
tribalisme303(*)
invalide partiellement la thèse de Rawls à propos des origines
causales du sous-développement en Afrique, et par conséquent il
faut se poser la question de la légitimité du gouvernement d'une
société juste dans un environnement post-colonial, où les
réalités africaines sont très différentes.
Il s'agit de renouer avec Rawls les questions de
légitimation, et d'aborder la question des partis uniques et du
pluripartisme304(*) ; car même dans les pays où il y a
plusieurs partis politiques, ce ne sont pas des partis dans le sens technique
du terme comme nous avons coutume de l'entendre en Science Politique, ce sont
plutôt des associations d'intérêts créées de
toutes pièces par le pouvoir en place, par le biais de connivences
intra-ethniques ou pécuniaires au sens strict. Cela donne ainsi
l'apparence du pluripartisme tout en conservant intact la nature réelle
du pouvoir305(*).
2°) La préférence territoriale et
régionale
Le parti unique a longtemps été
utilisé pour faire bloc au tribalisme. Si le régime du parti
unique a été un remède au tribalisme, il s'agit ici de
montrer en quoi il constitue également un relais du colonialisme et
qu'au lieu de servir de cran d'arrêt au tribalisme, il l'exaspère
et produit de grandes et fortes inégalités régionales et
territoriales. La provenance régionale du chef de l'Etat
déterminera le lieu où les grands travaux de développement
se feront en premier lieu.
Les membres de chacun de ces groupes, se disent liés,
soit par le sol - donc par le territoire -, soit par le sang, mais beaucoup
plus par l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes par rapport aux autres
groupes : comment expliquer que des groupes ethniques récemment
formés historiquement puissent éprouver un sentiment
d'appartenance aussi puissant ?
Le tribalisme est plus un sentiment qui se forme par
l'interaction avec les autres groupes et qui détermine la conduite des
individus appartenant au même groupe vis-à-vis d'un autre groupe.
C'est dire si, le tribalisme est par essence de même nature que le
nationalisme et le patriotisme. Le nationalisme étant la forme la plus
aboutie et accomplie du tribalisme. La pauvreté des régions en
Afrique vient de la préférence arbitraire du chef de l'Etat pour
tel ou tel territoire auquel il décide de céder des ressources. A
l'instar de Madagascar où Marc Ravalomana privilégie
économiquement l'ethnie Merina au sein de la capitale, dont il est issu,
au détriment de la côte, où se situe par exemple l'ethnie
Antefasy.
II°) La Coopération
décentralisée
Malgré la prépondérance du
rôle de l'Etat-nation dans le cadre des relations internationales, les
collectivités territoriales françaises ont pu trouver la
possibilité de conduire une action publique, que l'on désigne
sous la dénomination de « coopération
décentralisée »306(*). Appuyé par l'article 72307(*) de la Constitution sur
l'autonomie des collectivités territoriales en matière de prise
de décisions, et ce, alors même que la mondialisation et la
construction européenne sont devenues des évidences pour
l'ensemble des acteurs de la société civile, les
collectivités territoriales ne pouvaient se désintéresser
de ce contexte européen et international, même sans disposer
expressément de compétences dans ce domaine. « En
effet, c'est au sortir de la Seconde Guerre Mondiale que les peuples d'Europe,
à travers les jumelages, se sont engagés dans des échanges
avec leurs voisins, plus ou moins proches, afin de préserver la paix
entre eux. Ces rapports d'amitié se sont noués et se sont
intensifiés suite au processus d'indépendance des pays
anciennement colonisés, sans que l'Etat n'ait eu à en
définir le cadre. Ce n'est qu'avec la loi du 2 mars 1982 qu'une
première tentative de réglementation est initiée face aux
libres pratiques des collectivités territoriales, en exigeant des
régions qu'elles soumettent leurs projets de coopération
transfrontalière à une autorisation du
gouvernement. »308(*).
A°) Les principaux acteurs de la coopération
décentralisée
L'action extérieure des collectivités
territoriales et de leurs groupements est une gouvernance à
caractère protéiforme, à savoir :
transfrontalière et transnationale309(*). Dans la terminologie retenue par le
Ministère des Affaires Etrangères, l'expression
coopération décentralisée désigne sous ce vocable,
l'ensemble des actions de coopération internationale menées dans
un intérêt commun, au moyen de conventions, par les
collectivités territoriales françaises et
étrangères, ainsi que leurs groupements, dans le cadre de leurs
compétences.
Ce projet d'autonomie des collectivités territoriales a
suscité au premier abord une certaine méfiance, mais à
force de pédagogie cette vision de la gouvernance locale a finalement
été soutenue par l'Etat :
- Une délégation pour l'action extérieure
des collectivités territoriales a été instituées en
1983 dans la foulée de la loi du 2 mars 1982, afin de coordonner et de
conforter les initiatives locales.
- La loi d'orientation n°92-125 du 6 février 1992
pour l'administration territoriale de la République a ensuite
crée une Commission nationale de la coopération
décentralisée (CNCD) chargée d'établir un
état de la coopération décentralisée et de formuler
toute proposition tendant à la renforcer. Le décret du 9 mai
2006, en a réduit le nombre de membre mais en a ouvert la composition
à côté des trois grandes associations nationales
d'élus (communes, départements, régions), à celles
spécialisées sur l'internationale (Cités Unies
France310(*) et
l'Association Française du Conseil des Communes et Régions
d'Europe311(*)),
l'objectif est de faire de la CNCD l'instrument privilégié du
dialogue entre l'Etat et les collectivités locales dans le sens d'une
meilleure coordination et d'une plus grande complémentarité sur
le plan international. Le CNCD est présidée par le Premier
ministre et, en son absence, par le ministre qu'il aura désigné.
En empruntant le vocabulaire de Peter Knoepfel, la CNCD est
l'entité qui représente l'Autorité
Politico-administrative312(*) principale en charge de veiller à la
bonne conduite de cette action publique. Comme nous l'avons vu
précédemment, la coopération décentralisée
est novatrice tout en cultivant une certaine prudence politique dans le sens
où elle s'inscrit en continuité avec les politiques de jumelage,
celles qui s'occupent du co-développement313(*) et surtout celles des ONG
présentes sur le terrain, entre autres EDUKAFASO314(*) et l'AFVP, si on prend le
cas du Burkina Faso. Ce sont les ONG qui font figure de
Bénéficiaires Finaux315(*), car la coopération
décentralisée sert à améliorer qualitativement
leurs initiatives sans empiéter sur leurs programmes d'action316(*).
Les sommes consacrées par les collectivités
territoriales à l'action extérieure sont estimées à
230 millions d'euros en 2005, dont 115 millions d'aide publique au
développement dirigée vers des partenaires de pays en
développement. Les communes totalisent près de 53% de cette somme
avec 122 millions d'euros, devant les régions (84 millions d'euros, soit
36% du total) et les départements (24 millions d'euros soit 10,6%).
Leurs impacts sur les finances locales restent limités puisqu'elles
représentent généralement moins de 1% du budget relatif au
fonctionnement des collectivités.
Dans une perspective libérale et micro, qui sur ce
point précis est en opposition idéologique avec ce qui a
été fait antérieurement en matière de jumelage et
de co-développement, nous situerons en tant que Groupes
Cibles317(*) les
femmes318(*) sur qui
reposent le bien être des ménages dans les régions
d'Afrique frappées par la pauvreté et la famine.
B°) Les limites intrinsèques de la
Coopération décentralisée
C'est à cette étape de la réflexion, que
l'apport cognitif dû aux études post-coloniales paraît
nécessaire, car il s'agit de clarifier un contexte étranger et de
faciliter l'analyse des experts participant à la politique publique par
l'intermédiaire de la CNCD. En effet, ce n'est pas tant la version
iconoclaste de l'histoire coloniale que ce genre d'études est en mesure
de fournir, que son appréhension descriptive du présent des
territoires coloniaux, qui permettra de faire gagner en efficacité la
coopération décentralisée en matière de
gouvernance. L'adhésion des acteurs étrangers à l'esprit
de la politique publique est primordiale afin que celle-ci puisse atteindre ses
objectifs par lesquels ils doivent également se sentir
impliqués ; ce qui ne va pas de soi, c'est qu'en
général sans l'aval du chef du village aucunes actions quelles
qu'elle soit n'a de chances d'aboutir. Pour ce faire, les autorités
politico-administratives ainsi que les groupes cibles doivent
faire preuve de pédagogie avant la mise en oeuvre de la politique
publique319(*), et ce
d'autant plus si celle-ci est transfrontalière, sa dépendance
envers les acteurs des contrées extérieures constitue une zone
d'incertitude à ne pas négliger.
En général, toute politique publique a des
objectifs explicites ou latents, d'après le modèle
développé par Peter Knoepfel dans son « triangle
des acteurs » (voir : schéma page 65).
L'Hypothèse d'intervention, définie le changement de
comportement que l'on cherche à obtenir du Groupes Cibles en
question, et c'est a priori ce pourquoi la politique publique fut émise.
Tandis que l'Hypothèse causale est plus idéologique dans
le sens où elle est le reflet de la représentation d'un
problème public par des bénéficiaires finaux qui ont
souvent leurs propres systèmes de valeurs320(*). Ces derniers étant
associés à l'élaboration d'une politique publique, leur
intérêt à terme est que l'Hypothèse
d'intervention coïncide avec leur Hypothèse
causale.
« La Chine est actuellement le troisième
partenaire des pays africains pour un commerce qui a démarré dans
les années 1970 avec des secteurs de prédilection comme les
matériaux de construction, le textile et la pharmacopée.
Aujourd'hui l'ambition de la Chine est de pénétrer avec force
dans les services, l'électronique, le textile et l'habillement, les
infrastructures, la transformation sur place de certains minerais et même
la prise de participation dans certaines grandes entreprises
africaines. »321(*). Ce partenariat économique avec la Chine,
peut être bénéfique sur le plan de la
vélocité du développement économique, plus encore
que celle de la coopération décentralisée ; cependant
leurs accords ne tiennent pas compte du respect des Droits de l'Homme sur le
continent africain, (le régime de Hu Jintao soutient activement celui de
Omar Al Bachir sans aucunes considérations démocratiques). Sur ce
point l'Hypothèse causale prend tout son sens, car elle a pour
but de promouvoir les valeurs relatives aux Droit de l'Homme et, partant, de la
Démocratie dans un espace territorial situé à
l'étranger. En effet, nous pouvons percevoir dans l'actualité,
que plusieurs régimes non-démocratiques, s'accommodent
aisément de l'économie de marché (La Chine, L'Inde,
ou à certains égards le Brésil).
Il est nécessaire de mesurer l'impact de la
coopération décentralisée, en utilisant les rapports
officiels sur la coordination franco-burkinabé, pour laquelle
l'effectivité avérée de cette politique publique
transfrontalière semble mesurée mais
encourageante, « Le critère de l'effectivité
s'applique lors de l'évaluation des impacts. Il mesure le degré
d'adéquation entre les objectifs normatifs d'une politique et le
comportement réel des groupes cibles. »322(*) :
Un premier bilan a été opéré
courant 1997, en constatant plusieurs éléments :
- Un fonctionnement effectif des structures
décisionnelles locales et une reconnaissance par la population de leur
rôle.
- Une méthode suivie en continu permettant, en cas de
dysfonctionnement, un recentrage des projets.
- L'émergence de problèmes classiquement
dérivés de la mise en place de structures
décentralisées et notamment des questions (non-résolues
liées au statut de l'élu, au choix budgétaire entre les
investissements collectifs et individuels et au rapport avec l'Etat
- Un développement adapté aux besoins
locaux323(*).
Les difficultés sociologiques majeures :
- Les relations entre ces nouvelles structures et le pouvoir
coutumier des chefs traditionnels qu'il faut respecter et comprendre au risque
de faire échouer toute démarche ainsi qu'avec l'Etat constituent
une question fondamentale.
- La multiplicité des intervenants (coopérations
multilatérales, bilatérales et ONG) avec des approches parfois
contradictoires renvoie à la problématique d'amélioration
de la coordination de ces différentes interventions au niveau
départemental notamment.
- L'absence de cadre juridique permettant une reconnaissance
de ces nouvelles structures pose un réel problème324(*).
Sur le plan de la Science Politique, la difficulté est
de taille ; Simon Compoaré qui fut Maire de Ouagadougou en 1995,
était donc contemporain de cette gouvernance territoriale. Il semble
inutile de préciser, ne serait-ce que par le patronyme du
Président actuel, le népotisme manifeste logé en
arrière plan ternissant l'optimisme de ce bilan. Il est permis de croire
que la forme même du régime burkinabé a causé du
tort à l'Hypothèse causale sous-jacente à la
coopération décentralisée, le Chef d'Etat a
désigné la région et le territoire sur lequel elle devait
opérer. En somme, malgré le fait que les résultats obtenus
en matière de développement économique par cette
gouvernance territoriale soient encourageants à maints égards,
elle a indirectement favorisé le pouvoir en place au dépend des
régions burkinabé qui en avait le plus besoin.
*
Au final, un problème inhérent à
l'Hypothèse d'intervention porte préjudice à
notre gouvernance territoriale dans le sens où, la volonté
d'intervenir sur le développement économique d'un pays
post-colonial nécessite que le Chef de l'Etat soit en accord avec cette
action, au risque de violer la souveraineté de cet Etat. Les intentions
politiques les plus neutres ne doivent pas menacer l'équilibre
institué par le pouvoir en place, que celui-ci soit légitime ou
non ; par conséquent les répercussions symboliques et
idéologiques sur la coopération décentralisée sont
majeures, car contre son gré elle alimente un régime à
parti unique dont les valeurs ne lui correspondent pas. C'est un aspect de la
question du développement économique en Afrique sub-saharienne,
qui comme on a pu le voir ne se pose pas au régime Chinois. On est donc
en droit de se demander quel doit être la forme politique de
l'Hypothèse d'intervention ?
Sa forme actuelle étant trop diplomatique, elle cultive
des relations d'amitié avec des partenaires étatiques parfois
illégitimes, reproduisant ainsi cette configuration internationale
contestée par les penseurs du post-colonialisme. Mais il semblera que
l'ingérence ne soit pas davantage approprié, et ce même
à des fins humanitaires ou de développement économique. En
définitive, une politique publique telle que la coopération
décentralisée, doit prendre la peine d'appréhender le
terrain sur lequel elle va s'appliquer, d'autant plus si celui-ci est un
territoire post-colonial. Il ne s'agit pas d'aller à l'encontre de
réalités sociales aux antipodes des nôtres, ni de se
compromettre auprès d'un régime autoritaire pour autant, mais de
discerner ce que la gouvernance en question veut obtenir en terme de
résultats effectifs325(*), et avec l'aide de quels partenaires. D'où la
pertinence de l'approche micro pour ce type de politique publique dont le but
immédiat n'est guère de restaurer la démocratie en tant
que régime.
CONCLUSION
En définitive, ce que nous pouvons retenir de cette
recherche concernant les Droits de l'Homme et la Démocratie,
menacés par une époque contemporaine qui les relègue en
tant que particularités occidentales, il est vain de tenter d'exporter
le système démocratique hors de ses bases frontalières
sans susciter des contestations. Toutefois, les valeurs relatives à la
Démocratie et aux Droits de l'Homme font consensus autour de projets sur
le plan local comme on a pu le voir au chapitre III sur la Coopération
décentralisée ; il ne s'agit point d'éduquer mais
d'édifier un espace commun afin de promouvoir ces valeurs dans le
continent Africain. Les changements sociaux et politiques en mesure de
distiller chez les citoyens cette si précieuse culture
démocratique, ne doivent provenir que de la société
civile, de l'échelon local des pouvoirs publics et des initiatives
individuelles. En somme, le biais idéologique et philosophique par
lequel les valeurs démocratiques peuvent être diffusées est
éminemment libéral. C'est sur ce point qu'une conception
intellectuelle commune devient importante, car bon nombres de
solidarités sociales en Afrique sont établies par des
communautés traditionnelles et ethniques ce qui nuit à l'action
individuelle.
Immergé dans une réalité postcoloniale,
si le système démocratique a montré ses limites, il n'en
va pas de même pour les valeurs démocratiques qui n'ont cette
dimension coercitive.
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* 1 Le Point 1865, 12 juin 2008,
p. 7 dans l'article intitulé Et les Droits de l'homme ? de Claude
Imbert
* 2 Art. 1er de la
Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789
* 3 Marcel Gauchet, Le
religieux après la religion, éd, Livre de Poche, Paris,
2007, p.23
* 4 Jean-Godefroy Bidima,
Théorie critique et modernité négro-africaine. De l'Ecole
de Francfort à la Docta spes africana, publications de la Sorbonne,
1993
* 5 Marcel Gauchet, dans
« Le Débat », juillet-août, 1980
* 6 Alain Renaut et Luc Ferry,
Philosophie politique, Tome 3, « des Droits de l'homme
à l'idée républicaine », éd PUF,
Paris, 1988, p.8
* 7 Jean-Godefroy Bidima, op.
Cit, p. 10
* 8 Pierre-André
Taguieff, L'illusion populiste. Essai sur les démagogies de l'âge
démocratique, éd. Flammarion, 2007, p. 269 du Chapitre VI
intitulé Les nouvelles démocraties : des
néopopulismes ?
* 9 Jean-Godefroy Bidima, ib
idem
* 10 Dominique Chagnollaud,
Science Politique, 5ème édition Dalloz, mars 2004, p.
95 dans Les régimes autoritaires à la partie B sur les
Typologies.
* 11 Comme le
Sénégal, Madagascar, Le Mali, l'Algérie ou le Cameroun,
pays pour lesquels le rapport à la colonisation fut conflictuel.
* 12 Sous la direction de
Marie-Claude Smouts préface de George Balandier, La situation
postcoloniale, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 2007,
p. 410 dans L'importance des dimensions émotionnelles dans les
études postcoloniale.
* 13 Achille Mbembé, De
la postcolonie. Essai sur l'imagination politique dans l'Afrique contemporaine,
éd. Karthala, août 2000, p. 241 au chapitre 5 intitulé du
Hors-Monde.
* 14 Sous la direction de
Marie-Claude Smouts, ib idem
* 15 Achille Mbembé, op.
cit, p. 33 de l'introduction
* 16 Adam Smith,
Théories des sentiments moraux, éd PUF, Quadrige, 1999,
p.23
* 17 Philosophies
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Collège international de philosophie, juin 2002, Revue publiée
avec le concours du Centre National du Livre, PUF, juillet 2002.
L'auteur évoque implicitement la Philosophie Bantoue du
Père R. P. Tempels en particulier et par extension l'animisme.
* 18 Descartes, Discours de
la méthode, VI, « Bibl. de la Pléiade »,
Paris, éd. Gallimard, pp.168-169
* 19 Ama Mazama,
L'impératif afrocentrique, éd. Menaibuc, 2003, p. 102 dans La
faillite de l'Occident
* 20 Christian Godin,
Dictionnaire de philosophie, éd. Fayard, Paris, septembre 2004, p. 369
voir la définition du Droit Naturel : « ensemble des
principes censés dériver de la nature des hommes et de leurs
rapports mutuels indépendamment de et antérieurement à
toute convention particulière. Droit naturel s'oppose à droit
positif. (...) On appelle jus naturalisme la théorie du droit naturel
qui donne à celui-ci une supériorité théorique et
axiologique sur les droits positifs, et jus naturalistes les théoriciens
et partisans du jus naturalisme. L'état de nature peut signifier deux
choses contradictoires selon que l'on conçoit la société
en continuité avec lui ou en rupture avec lui. (...) ».
* 21 Ulrich Beck, Pouvoir
et contre-pouvoir à l'heure de la mondialisation, éd, Champs
Flammarion, département Aubier, Paris, 2003, p.234
* 22 Ulrich Beck, ibidem,
p.234
* 23 Ulrich Beck, op. Cit,
p.236
* 24 Raymond Boudon,
Dictionnaire de sociologie, « Neutralité
axiologique », éd, Larousse, Paris, avril 2003, p.163
* 25 Christian Godin,
Dictionnaire de philosophie, « Holisme », Librairie
Arthème Fayard, éd, du Temps, 2004, p.578
* 26 Hannah Arendt, Le
système totalitaire, trad. J.-L. Bourget, R. Davreu et P.
Lévy, éd, le Seuil, 1972
* 27 Friedrich Von Hayek,
La Route de la servitude, trad. G. Blumberg, éd, PUF, coll.
Quadrige, 1993, p.49
* 28 Friedrich Hayek, op. cit,
p. 149
* 29 Marie-Claude Smouts, op.
Cit, p. 347 dans L'altérité de l'intérieur :
« L'autre est la figure de l'étranger
décrite et analysée par Georg Simmel dans ses travaux au
début du XX° siècle. (...) C'est une
figure à la fois externe et interne. Elle est proche et lointaine. Elle
est dedans pour mieux pouvoir marquer les limites de
l'entre-soi ».
* 30 Philosophies
africaines : traversée des expériences, op. Cit, p. 79 dans
la partie II intitulé La connaissance de l'Autre et ses
difficultés majeures : « Le dynamisme
déterminant de l'autre et des autres dans la constitution du moi
individuel ne place pas les choses et les êtres humains dans un rapport
d'égalité ».
* 31 F. Eboussi-Boulaga, La
crise du Muntu. Authenticité africaine et philosophie, éd.
Présence Africaine, 25 bis rue des Ecoles, Paris 5ème,
62 rue Carnot, Dakar, décembre 1997, p. 12 de la
Problématique : « La philosophie fait partie de la
définition humaine, à tout le moins elle est le propre de l'homme
considéré comme animal parlant, raisonnable. (...)
Revendiquer la philosophie c'est donc réclamer son dû,
exercer son humanité et exiger qu'elle soit
reconnue ».
* 32 F. Eboussi-Boulaga, ib
idem
* 33
http://www.unifr.ch/iiedh/
http://www.aidh.org/ONU_GE/Comite_Drtcult/Images/signataires.pdf
* 34
http://www.unesco.org/culture
* 35 Amartya Sen, Un
nouveau modèle économique, chapitre 10 consacré
à la culture et aux Droits de l'Homme, éd, Odile Jacob Poche,
2003, p.479
Tzvetan Todorov, Nous et les autres, la
réflexion française sur la diversité humaine, éd,
Seuil, Point Essais, 1989
Dominique Wolton, L'autre mondialisation, chapitre 3
intitulé « Cohabitation culturelle : l'autre
mondialisation », éd, Flammarion, Paris, 2003, p. 105
où l'auteur tente de Relier diversité culturelle et Droits de
l'homme
Jean-Loup Amselle, Branchements. Anthropologie de
l'universalité des cultures, éd, Flammarion, Paris, 2000, p.
266 il montre l'importance de la culture comme enjeu politique et la
nécessité du multiculturalisme comme pilier fondamentale de la
mondialisation
Will Kimlicka et Sylvie Mesure, Les identités
culturelles, éd, PUF, Revue Comprendre n°1, 2001, p. 424 dans
laquelle il est question d'une conciliation possible entre la pluralité
des identités culturelles et les principes de la démocratie
Alain Renaut et Sylvie Mesure, Alter ego. Les paradoxes de
l'identité démocratique, éd, Aubier, Paris, 1999, p.
304 où est abordée l'idée d'une reconnaissance des droit
culturels mais en tant que droit individuel à une
« identité culturellement
différenciée »
La culture, les élites et le peuple, Le Monde
diplomatique, Manière de voir n°57, mai-juin 2001
* 36 Fukuyama Francis, La
fin de l'histoire et le dernier homme, éd, Flammarion, Paris, 1992,
p.81-170 il décrit le point final de l'évolution
idéologique de l'humanité ainsi que l'universalisation de la
démocratie occidentale comme forme finale du gouvernement
humain. C'est selon lui un mode de vie qui s'homogénéise
à l'échelle de la planète dont l'extension
institutionnelle est mondiale
* 37 Alain Renaut,
Modèle social : la chimère française,
éd, textuel, Paris, 2006, p. 104
* 38
http://www.communautarisme.net
* 39 Pierre-André
Taguieff, Les Contre-Réactionnaires. Le progressisme entre illusion
et imposture, éd, Denoël, Paris, 2007
* 40 Ama Mazama, op. Cit, p.
148 dans le mimétisme paradigmatique : « (...) Les
Africains ne pourront se libérer véritablement de cette
hégémonie que lorsqu'ils assumeront à nouveau leur propre
historicité ». Pour certains courants de la philosophie
africaine pour lesquels l'idéologie est primordiale, le droit à
la philosophie est synonyme de réactivation de la dialectique marxiste
qui s'est échoué aux abords de la fin des mouvements
d'indépendance. Pour ce courant le droit à la philosophie n'est
pas un dû comme chez F. Eboussi-Boulaga, mais une conquête
s'inscrivant dans la continuité du mouvement d'indépendance. On
devine déjà deux courants distincts qui se démarquent
à propos de la philosophie de l'histoire.
* 41 F. Eboussi-Boulaga, op.
Cit, p. 16
* 42 Conférence de la
Bibliothèque Nationale de France, département Droit, Economie,
Politique de Mai 2006 dont le thème fut : Comment l'Afrique
sortira a-t-elle de la marginalisation ? De Jean-François
Bayart chercheur au CERI spécialiste de la question africaine
* 43 Général De
Gaulle, Mémoires de guerre, chapitre intitulé L'Appel
1940-1942, éd, Plon, Paris, 1989, p. 97-128 sur L'Afrique
* 44
http://afrik.com/article9773.html,
* 45 Ibid.
* 46 R. P. Tempels, La
philosophie bantoue, éd, Présence Africaine, Paris, 1949
* 47 D'après son article
publié dans Le Monde du 18 janvier 1997
* 48 Ibid., 25 janvier 1997
* 49 Pascal Salin,
Libéralisme, éd, Odile Jacob, Paris, 2000
* 50 Marie-Claude Smouts, op.
Cit, p. 242 du chapitre 5 intitulé Promesses et embûches du
postcolonial
* 51 Ib idem, p. 242 :
« Cette brèche a permis de faire passer au premier plan
les modernités multiples ou dites parfois
alternatives ».
* 52 Christian Godin,
Dictionnaire de philosophie, Librairie Arthème Fayard, éd, du
temps, 2004, p.39 « (...) Selon Karl Popper (1902-1994),
une explication est ad hoc si elle est imaginée pour répondre
à un problème particulier et n'est pas testable
indépendamment de ce dont elle est censée rendre
compte »
* 53
http://www.monde-diplomatique.fr/1998/03/BOURDIEU/10167
* 54 Marie-Claude Smouts, op.
Cit, p. 210 dans le chapitre 4 intitulé Le projet critique
* 55 Etienne Barel, Christophe
Beaux, Emmanuel Kesler, Olivier Sichel, Economie politique
contemporaine, éd, Armand Colin, Paris, 2002, p. 33
* 56 Y. Dezalay et B. G. Garth,
La mondialisation des guerres de palais. La restructuration du pouvoir
d'Etat en Amérique latine entre notables du droit et
« Chicago Boys », éd, Le Seuil, Paris,
2002, p. 187-194. Dans ces pages, les auteurs ont démontrés que
le Chili a accepté d'être le laboratoire des thèses
néolibérales et, partant, que celles-ci sont en mesure de
produire de la croissance pour peu que l'Etat daigne ne pas intervenir dans
l'ordre spontané généré par les actions
humaines.
* 57 Jean Leca, Pourquoi la
philosophie politique. Petit traité de science politique 1, Presses de
Sciences Po, septembre 2001
* 58 André Kaspi,
Les Américains, les Etats-Unis de 1607 à nos jours,
éd, Seuil, Paris, octobre 1986, dans la 4ème partie
sur Les Etats-Unis à l'heure du reaganisme, p. 594 « (...)
l'embellie survient en 1983. La progression du PNB est
spectaculaire : 3,7 % en 1983, + 6,8 % en 1984. Pour l'année 1983
et les six premiers mois de l'année 1984, la croissance correspond
à un taux annuel de 7,5 %. La Bourse repart. Le taux chômage
s'abaisse peu à peu, au point d'atteindre 7,5 % en 1984. L'inflation
semble jugulée : 3,2 % en 1983 et 4,2 % en
1984 ». Comme le démontre André Kaspi
à travers ses chiffres et des faits historiques, ce n'est pas R. Reagan
mais R. Nixon qui est à l'origine de la croissance économique
dont les Etats-Unis ont fait l'expérience dans les années 80. En
effet, Nixon fut fragilisé par l'affaire du Watergate et a
voulu sauver les meubles en prenant l'initiative du tournant économique
néolibéral, dont les effets n'ont été visibles
qu'en 1983. Ces réformes structurelles prenant un certains temps avant
d'en montrer les conséquences, Reagan s'est logé dans la
continuité idéologique sans entraver la politique
économique monétariste entreprise sous le mandat de Nixon.
* 59 Marie-Claude Smouts, op.
Cit, p. 24 de la Préface
* 60 Marie-Claude Smouts, op.
Cit, p. 53 de l'introduction
* 61 Raymond Boudon, Philippe
Besnard, Mohammed Cherkaoui, Bernard-Pierre Lécuyer, Dictionnaire de
sociologie, éd, Larousse, Paris, avril 2003, p. 108, « (...)
pour la science politique, la gouvernance est définie comme un
processus de coordination d'acteurs, de groupes sociaux, d'institutions
(au-delà et en deçà du gouvernement) pour atteindre
des buts propres discutés et définis collectivement dans des
environnements fragmentés, incertains. La gouvernance renvoie
alors à l'ensemble d'institutions, de réseaux, de directives, de
réglementations, de normes, d'usages politiques et sociaux, d'acteurs
publics et privés qui contribuent, à la stabilité d'une
société et d'un régime politique, à son
orientation, à la capacité de diriger, à la
capacité de fournir des services et à assurer sa
légitimité (Commaille, Jobert
1999).
* 62 Marie-Claude Smouts, op.
Cit, p. 96 du chapitre 1 Les littératures postcoloniales
comparées
* 63 Christian Godin,
Dictionnaire de Philosophie, éd, du temps, Librairie Arthème
Fayard, Paris, 2004, p. 950, définition du passager clandestin provenant
de l'oeuvre d'Olson intitulé La logique de l'action collective
(1965). Pour tout individu, l'engagement dans une action collective (une
grève par ex.) est coûteux. Il a donc tout intérêt
(au sens de la théorie du choix rationnel) à ne pas y participer
puisque de toute façon il profitera des acquis obtenus, s'il y en a.
Comment dès lors expliquer que les gens se mobilisent tout de
même ? Mancur Olson émet l'hypothèse qu'ils
répondent à des incitations sélectives sous formes de
récompense symbolique ou de pression de leur entourage.
* 64 Dominique Chagnollaud,
Science Politique, 5ème édition, Dalloz, Paris, mars
2004, p. 193 section 1, partie A, sur « Le paradoxe
d'Olson » dans lequel l'auteur s'interroge selon la logique du choix
rationnel : pourquoi participait-il ainsi à une grève alors
que son issue ne peut amener que des bénéfices collectifs ?
Comme le dit l'auteur, il n'a pas besoin de s'engager pour en profiter.
* 65 Achille Mbembé, Les
jeunes et l'ordre politique en Afrique boire, éd. L'Harmattan,
collection Logiques sociales dirigée par Dominique Desjeux, mai 1985, p.
82 du chapitre 3 intitulé Des politiques de jeunesses en milieu
africain.
* 66 Achille Mbembé, op.
Cit, p. 193 du chapitre 6 intitulé Quelles alternatives.
* 67 Achille Mbembé, op.
Cit, p. 219
* 68 B. Soccol, Manuel de
Relations Internationales, éd, Centre de Publications Universitaires, Le
Périscope, Paris, août 2001, p. 156 dans le chapitre 1 de la
troisième partie intitulé « L'institutionnalisation des
relations internationales », où il est question du
« Courant conflictuel » en l'occurrence la conception
réaliste qui est évoquée ci-dessus. « Si,
selon le général prussien Clausewitz, la guerre est la
continuation de la politique par d'autres moyens, nous devons souligner que les
conflits sont caractéristiques de la société
internationale (...) le réalisme qui apparaît après
la Seconde Guerre mondiale est marqué par le rejet de l'idéalisme
wilsonien dont le nazisme et les atrocités de la guerre ont
montrés les limites. Le nouvel ordre international
d'inspiration libérale et socialiste qui, en 1918, devait remplacer le
Concert des nations, a été un échec (...) La
société internationale reste fragmentée entre des Etats
souverains qui s'expriment en terme de puissance. Les conflits ne sont alors
que l'expression politique de la rivalité
étatique ».
* 69 Ulrich Beck, Pouvoir
et contre-pouvoir à l'ère de la mondialisation, traduit de
l'allemand par Aurélie Duthoo, éd, Champs Flammarion, Paris,
octobre 2005, p. 31. L'auteur explique que toutes théories
contemporaines dignes de ce nom se doivent de penser selon les règles
ordonnées par la mondialisation. En effet, le nationalisme
méthodologique est d'après l'auteur, une forme de jeu de dame
dont les règles caduques demeurent très limitées au regard
de ce qu'il nomme : « L'échiquier du pouvoir ».
Ces nouvelles règles conformes à la mondialisation, s'apparentent
selon l'auteur à un jeu d'échec qui s'appuiera sur les
contingences afin de déployer ses nombreuses stratégies devant
lesquelles le nationalisme méthodologique reste muet faute de
répondant.
* 70 Marie-Claude Smouts, op.
Cit, p. 203 au chapitre 4 intitulé Projet critique.
* 71 Anthony Giddens, Tony
Blair, La Troisième Voie. Le renouveau de la
social-démocratie, Polity Press, Cambridge, 1998 pour la
première édition. Préface de Jacques Delors, traduit de
l'anglais par Laurent Bouvet, Emilie Colombani et Frédéric
Michel, éd, Seuil, Paris, avril 2002 pour la seconde édition, p.
55 dans la partie intitulé Gauche et Droite
* 72 Jean-Luc Lamboley, Lexique
d'histoire et de civilisation romaines, éd, ellipses seconde
édition revue et corrigée, Paris, 1995, p. 295 voir la
définition de Populares (parti populaire) : « courant
politique qui, dans la tradition de la démocratie grecque,
préconise l'accroissement des pouvoirs de la plèbe et une
politique sociale. Les populares, s'opposent aux optimates. Les principaux
chefs de ce courant sont Marius, Clodius, César ».
* 73 A. Renaut, S. Mesure,
La guerre des dieux. Essai sur la querelle des valeurs, éd,
Grasset, Paris, octobre 1996, p. 125 dans le Liminaire de la deuxième
partie que les auteurs ont intitulés Paix et guerre entre les valeurs
* 74 Christian Godin,
Dictionnaire de philosophie, Librairie Arthème Fayard, éd, du
temps, Paris, 2004, p. 1110
* 75 Christian Godin, op. Cit,
p. 249
* 76 Christian Godin, op. Cit,
p. 1125
* 77 A. Giddens, op. Cit, p.
59
* 78 Ulrich Beck, The
cosmopolitan manifesto, New Statesman, 20 mars 1998
* 79 L'élection
présidentielle en France, est un défi politique national devant
lequel le Parti Socialiste se montre particulièrement peu convaincant.
Et ce, notamment pour les électeurs qui depuis 1995, ont accordé
à trois reprises leur suffrages à la droite. Si nous nous
replongeons dans l'histoire de la Vème République
française, combien de fois la gauche a-t-elle remporté les
élections présidentielles ? En 1981 et en 1988, elle a donc
gagné par deux fois grâce aux candidatures successives de
François Mitterrand ; faute d'avoir de nouveau un tel profil dans
son parti aujourd'hui, il semble inenvisageable qu'elle puisse compter
uniquement sur une stratégie basée la séduction
électorale d'une de ses personnalités qu'elle pense capable de
remporter la magistrature suprême. Peut-elle faire l'économie
d'une véritable modernisation de ses idées politiques ?
* 80 sous la direction de Serge
Berstein, Marc Lazar, Gaetano Manfredonia, Pierre Milza, Jean-Luc Pouthier,
Jacques Prévotat, Nicolas Roussellier, Etienne Schweisguth, Michel
Winock, Les cultures politiques en France, éd, du seuil, Paris
1999, janvier 2003 pour l'avant propos et pour la présente
édition, voir le chapitre 6 intitulé La culture socialiste dans
la partie sur l'Anticommunisme et/ou Union de la gauche p. 225
* 81 Kant, Critique de la
raison pratique, présentation et traduction par Jean-Pierre Fussler,
éd, GF Flammarion, Paris, 2003, p. 150 de la 1er Partie du Livre I au
chapitre I où il est « La raison spéculative ne
s'accroît pas, par là, en ce qui concerne sa
pénétration, mais elle le fait en ce qui concerne la garantie de
son concept problématique de la liberté, auquel on procure ici de
la réalité objective qui, bien qu'elle ne soit pas pratique, n'en
est pas moins indubitable ».
* 82 Se référer
au débat présidentiel de 1974 entre V. Giscard d'Estaing et F.
Mitterrand
* 83 Serge Berstein, op. Cit,
p. 226
* 84 Ouvrage collectif
réalisé sous la direction d'Alain Renaut, Les philosophies
politiques contemporaines, Tome V, éd, Calmann-Lévy, Paris,
octobre 1999, p. 69 dans le chapitre I intitulé Merleau-Ponty VS Sartre.
L'existentialisme, le marxisme et le problème de l'humanisme réel
rédigé par Malgorzata Kowalska. Il est question dans ce chapitre
de deux trajectoires, l'une suivie par Merleau-Ponty que l'on a traitée
ci-dessus et l'autre concerne l'option politique de Sartre qui sans le dire
pratiquait l'idée de Révolution permanente par le biais
d'une pensée orthodoxe.
* 85 Raymond Boudon, op. Cit,
p. 243 dans la définition des Valeurs : « Les
valeurs sont l'expression de principes généraux, d'orientations
fondamentales et d'abord de préférence et de croyances
collectives. Dans toute société, la
détermination des objectifs s'effectue à partir d'une
représentation du désirable et se manifeste dans ses
idéaux collectifs. Ces valeurs qui, systématiquement
ordonnées, s'organisent en une vision du monde apparaissent très
souvent comme un donné irréductible, un noyau stable, un ensemble
de variables indépendantes. »
* 86 Christian Godin, op. Cit,
p. 833. Dans la définition de la Morale : « (...) La
substitution de l'éthique à la morale qui entraîne le
remplacement du bien par le bon témoigne du triomphe de l'individualisme
contemporain. »
* 87 Alain Renaut, Sylvie
Mesure, op. cit, p. 44 où les deux auteurs signalent qu'
« A bien des égards, c'est en effet vis-à-vis du
pouvoir pratique de la raison comme telle, et non pas simplement
vis-à-vis de cas limites, que toute la réflexion contemporaine
n'a cessé d'être hantée depuis maintenant près d'un
siècle par l'ombre de cette thèse qu'avait si formidablement et
si redoutablement affirmée Max Weber selon laquelle les jugements de
valeur les plus fondamentaux (éthiques, esthétiques,
politiques), non seulement se valent, mais sont
antagonistes. »
* 88 The Economist, cité
dans Courrier international n° 205, 6-12 octobre 1994.
* 89 Anthony Giddens, op. Cit,
p. 29
* 90 Anthony Giddens, op. Cit,
p. 28
* 91 Serge Berstein, op. Cit,
p. 410 dans le chapitre 11 traitant du Déclin et recomposition des
cultures politiques, dans la partie sur La droite face à la crise de la
modernité
* 92 Ouvrage collectif sous la
direction d'Alain Renaut, op. Cit, p. 117 au chapitre III rédigé
par Charles Larmore sur Repenser l'humanisme et la démocratie. La
philosophie politique en France depuis vingt ans dans la partie sur
l'Histoire
* 93 Serge Berstein, ibid.
* 94 Voir le séminaire
organisé par le Collège de Philosophie du 29 mars dont le
thème développé fut « Pourquoi la
démocratie n'aime-t-elle pas le pouvoir ? » dans
lequel Marcel Gauchet et Luc Ferry sont intervenus
* 95 Marie-Claude Smouts, op.
Cit, p. 271 au chapitre 5 Promesses et embûches
* 96 Jean-François
Bayart, La politique africaine de François Mitterrand, éd.
Karthala, Paris, 1984, p. 127
* 97 Jean-François
Bayart, op. Cit, p. 110
* 98 Dominique Chagnollaud, op.
Cit, p. 236 dans le chapitre sur Les partis politiques
* 99 Nicolas Baverez, La France
qui tombe, éd, Perrin, Paris, août 2003, p. 109 au chapitre 5
intitulé Quand la France se réveillera.
* 100 http://www.
Jourdan.ens.fr/piketty/fichiers/presse/Libération218077.FRphp.htm, ce
lien nous conduit à sa page personnelle où il confie tout le bien
qu'il pense de ceux qui se réclament du néolibéralisme
d'une manière dogmatique. Il relève que les vrais
économistes néolibéraux et compétents en la
matière sont très peu, et que la figure majeure de ce courant est
décédée ; sans partager les solutions de Milton
Friedmann, il salut son intégrité intellectuelle et ses analyses
savantes et techniques.
* 101 La chronique de Nicolas
Baverez intitulé, Le libéralisme politique, clef du XXIème
siècle, dans Les Echos du mardi 27 novembre 2007, p. 21
* 102 Christian Godin, op.
Cit, p. 1185 dans la définition du Scientisme :
« Terme devenu péjoratif utilisé pour
dénoncer l'abus d'un certain positivisme (...) ».
* 103 Anthony Giddens, op.
Cit, p. 60
* 104 Christian Godin, op.
Cit, p. 440
* 105 Anthony Giddens,
ibid.
* 106
http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=96894
par Geoffroy de Lagasnerie
* 107 Think Tank
International, www.policy-network.net
* 108 Alain Renaut, Sylvie
Mesure, op. Cit, p. 72
* 109 Christian Godin, op.
Cit, p. 489 voir la définition de la Falsifiabilité :
« Chez Karl Popper (1902-1994), qualité des
énoncés et des théories susceptibles d'être
infirmés par des preuves universellement recevables. La
falsifiabilité est le critère du caractère scientifique de
certains types d'énoncé et de théorie ».
* 110 C'est dans une assertion
kantienne qu'il faut concevoir ces termes. Alain Renaut dans l'Essai sur la
querelle des valeurs, a cité Kant affirmant « (...) qu'il
n'y a rien qui soit absolument bon, si ce n'est une volonté bonne,
c'est-à-dire une pure volonté d'agir par devoir »
p. 69, néolibéraux et sociaux démocrates doivent avoir
confiance en leur capacité respective à servir
l'intérêt général et donc à agir par devoir.
D'où la nécessité pour la gauche démocratique de
moderniser son idéologie, car c'est à cette condition qu'elle
pourra percevoir le monde avec discernement.
* 111 Christian Godin, op.
Cit, p. 369 à la définition du Droit positif :
« ensemble de règles juridiques que les membres d'une
société doivent appliquer ou respecter sous peine de
sanctions. (...) Le positivisme juridique est la conception selon
laquelle le seul droit réel est le droit positif ».
* 112 Christian Godin, op.
Cit, p. 1386 dans la définition de l'Utilitarisme :
« Philosophie individualiste et libérale fondée par
J. Bentham (1748-1832) et continuée par J.S Mill
(1806-1873). Elle pose le bonheur comme la fin suprême de l'existence
et la satisfaction des intérêts comme le moyen pour l'atteindre.
Une vie heureuse est celle dans laquelle la somme des plaisirs
l'emporte sur celle des déplaisirs. Même si le bonheur est une
affaire de subjectivité, il est possible selon Bentham de
procéder à un calcul des plaisirs et donc de donner un
critère objectif du bonheur. Une même logique est
appliquée à la société dans son ensemble : une
société sera réputée plus heureuse qu'une autre si
la somme des situations heureuses l'emporte sur celle des situations
malheureuses. J.S Mill ajoute à ce calcul la considération de la
qualité des plaisirs, de manière à écarter
l'accusation égoïste portée par l'utilitarisme :
l'altruisme, donc le sacrifice de ses intérêts propres au profit
de ceux d'autrui, peut représenter pour l'individu un plaisir plus grand
que la satisfaction immédiate de son intérêt
personnel. (...) ».
* 113 Dominique Chagnollaud,
op. Cit, p. 74 section 2 du chapitre 2 portant sur Les régimes
démocratiques.
* 114 Achille Mbembé,
op. Cit, p. 194
* 115
http://.philagora.net/droit/rawls-anarchie-etat1.htm
* 116 Robert Nozick, Anarchie,
Etat et utopie, pour la première édition Basic Books, Inc.,
Publishers, New York, 1974, pour la traduction française, éd, PUF
libre échange, Paris, juillet 1988 p. 228 dans la section II où
il est question de La théorie de Rawls :
« Théorie de la justice est une oeuvre systématique
de grande envergure, puissante, profonde et subtile, dans le domaine de la
philosophie politique et morale, et qui n'a pas son équivalent depuis
que John Stuart Mill a écrit son oeuvre, si l'on peut les comparer.
C'est une source d'idées éblouissantes, qui s'intègrent
dans un ensemble extrêmement élégant. Les philosophes de la
politique doivent désormais ou bien travailler à
l'intérieur de la théorie de Rawls, ou bien expliquer pourquoi
ils ne le font pas. Les considérations et les distinctions que nous
avons développées sont éclairées et aident à
éclairer la présentation magistrale que Rawls donne d'une
conception qui offrirait une autre solution. Même ceux qui restent
non convaincus après s'être débattus avec la
vision systématique de Rawls, apprendront beaucoup à
l'étudier de près ».
* 117 John Rawls,
Théorie de la justice, éd, Point Seuil, Paris, 1997
* 118 John Rawls, op. Cit, p.
122 au paragraphe 15
* 119 John Rawls, op. Cit, p.
93 au paragraphe 11
* 120 John Rawls, ibid., au
paragraphe 22
* 121 John Rawls, op. cit, p.
31
* 122 John Rawls, ibid,
paragraphe 14
* 123 John Rawls, ibid,
paragraphe 21
* 124 John Rawls, ibid,
paragraphe 11
* 125 Ouvrage collectif
d'Alain Renaut, op. Cit, p. 362 sur La philosophie politique
anglo-américaine contemporaine dans la partie intitulée Le
libertarisme de Nozick rédigée par Patrick Savidan
* 126 Jean-Yves Capul, Olivier
Garnier, Dictionnaire d'Economie et de sciences sociales, éd, Hatier,
Paris, juin 2002, p. 136 sur le Libre-échange où dans la
partie portant sur Les fondements, il est dit que « Le
libre-échange correspond à une doctrine économique,
née au tournant du XVIIIème et XIXème siècles, qui
préconise la liberté du commerce entre les nations et la
suppression de toutes les entraves aux échanges (droits de douanes,
contingentements). (...) David Ricardo, avec Les principes de
l'économie politique et de l'impôt (1817), est le fondateur
des théories libérales de l'échange internationale qui
montrent que le commerce ne désavantage aucun des participants, chacun
ayant tout à y gagner ». L'idée de
Libre-échange présente dans cette définition n'est qu'un
fondement intellectuel sur lequel s'appuie le libertarianisme de Nozick, ce
qu'il garde de cette assertion du Libre-échange c'est son
caractère intrinsèquement autonome.
* 127
http://www.philagora.net/droit/rawls-anarchie-etat1.htm
se reporter à son Exposé préalable de la philosophie
politique de R. Nozick
* 128 Robert Nozick, op. Cit,
p. 187 il définit l'Etat comme « celui dont les pouvoirs
les plus étendus peuvent être justifiés. Tout Etat aux
pouvoirs plus étendus viole le droit des gens ».
* 129 Robert Nozick, Anarchie,
op. Cit, p. 202 dans la deuxième partie intitulée Au-delà
de l'Etat minimal ? au moment qu'il nomme Comment la liberté
bouleverse les modèles
* 130 Ouvrage collectif
d'Alain Renaut, op. Cit, p. 369 se référer à L'argument
pragmatique
* 131 Robert Nozick, op. Cit,
p. 243
* 132 Comme l'indique
Jean-Jacques Sarfati dans son article à travers l'exemple des
étudiants
* 133 Robert Nozick, op. Cit,
p. 105
* 134 Ouvrage d'Alain Renaut,
op. Cit, p. 363
* 135 Robert Nozick, op. Cit.,
p. 223 dans La clause restrictive
* 136 Robert Nozick, op. Cit.,
p. 225
* 137 Et ce, quand bien
même F. Eboussi-Boulaga philosophe africain qui a juste titre trouve
absurde l'acte de démontrer l'existence d'une philosophie quelle qu'elle
soit, dès lors que l'on admet l'ontologie qui par définition
englobe sous l'idée de philosophie chacune des visions du monde
exprimées par les hommes. Toutefois, l'intérêt que nous
aurons à nous prêter à cet exercice philosophique de
démonstration fustigé par l'auteur, résidera dans l'apport
en terme de connaissances historiques et philosophiques rares qui enrichirons
notre argumentation, et d'instruire les lecteurs éventuels sur
l'existence d'une philosophie africaine.
* 138 L'ontologie de Tempels,
des afrocentristes et celle de Heidegger présentes certaines similitudes
alors même que les afrocentristes blâment l'Occident de la
façon la plus radicale.
* 139 La Charte du
Mandé de 1222 proclamé par la Confrérie des chasseurs.
* 140 La notion de
« Traversée » ainsi que son auteur le
professeur Jean-Godefroy Bidima, seront présentés durant cette
partie du développement.
* 141 Sous la direction de
Marie-Claude Smouts, La situation postcoloniale, Presses de la Fondation
Nationale des Sciences Politiques, 2007, p. 345 dans L'altérité
de l'intérieur rédigé par Nacira
Guénif-Souilamas
* 142 Monu M. Uwodi, La
philosophie et l'africanité : critique d'un intellectualisme
fermé, éd. l'Harmattan, Paris 5ème, 2003, p.
150 dans g-1 La philosophie africaine de la traversée chez Bidima :
« Cherchant à dépasser une certaine manière
de philosopher fréquente chez les intellectuels africains, J. G. Bidima
a décidé de considérer la culture de la traversée
chez les Africains. La question, qui l'intéresse, porte surtout sur ce
qui constitue l'identité de l'Africain dans la culture africaine moderne
très marquée par l'occidentalisation. La question qu'il
se pose est la suivante : comment se manifeste l'identité du sujet
africain, à travers les diverses composantes de la culture africaine
d'aujourd'hui, fortement marquée par la modernité
européanisée ? (...) En refusant
d'examiner la question de l'origine, il se démarque donc des ethnologues
africains qui sont occupés à fouiller dans le passé
africain à la recherche d'une philosophie déjà
donnée ». Comme le fit le professeur Cheik Anta Diop et
son prestigieux assistant le philosophe Théophile Obenga, qui ont
consacré leurs travail sur l'Afrique Antique. Cependant, il n'y a que
les afrocentristes contemporains qui peuvent jouir de ses connaissances
spécialisées, car leur paradigme intellectuel est celui de la
fondation.
* 143 Zacharie Habimana
Makamba, Courants actuels de la philosophie africaine, « Philosophie
et culture » dans Espace Afrique, 2, Louvain-la-Neuve,
Académia, 2002, p. 855
* 144 J. N'Soko Swa-Kabamba,
Choisir la démocratie ou mourir, dans HABIMANA Makamba, Zacharie
(éd.), Courants actuels de la philosophie africaine. (Espace Afrique,
2). Louvain-la-Neuve, Bruylant, 2002, 73-83
* 145 Zacharie Habimana
Makamba, ibid., p. 855
* 146 Elungu P. E. A, Eveil
philosophique africain, éd. L'harmattan, Paris 5ème,
février 1985, p. 121 : « P. Hountondji insiste,
à juste titre, sur la nécessité de l'élaboration
théorique, destinée avant tout à ses concitoyens, à
ses compatriotes, sur la nécessité de mettre sur pied des
discours théoriques des Africains pour les Africains, en vue de la
construction d'une société démocratique où domine
la discussion engendrant la raison, la science, la philosophie ainsi que la
liberté de tous et de chacun ». Nous nous apercevrons que
les différents courants de la philosophie africaine opèrent un
constat sans concession de la situation politique et sociale de l'Afrique, mais
ils divergent sur les actions à mener.
* 147 Elungu P. E. A, op. Cit,
p. 120 : « Marcien Towa qui, d'une façon à la
fois critique et positive, adopte cette position - en se référant
d'ailleurs à un philosophe des plus représentatifs de la
conscience européenne - Hegel- s'explique très nettement
à ce sujet. S'il est vrai que la philosophie européenne moderne
se préoccupe essentiellement de développer l'emprise de l'homme
sur le milieu physique et humain par la médiation d'un savoir rigoureux,
scientifique et libre, alors elle pourrait bien constituer le domaine
privilégié de la culture européenne, qu'il importe
d'explorer avec soin afin de percer le secret de la victoire de l'Europe sur
nous et par là-même de découvrir la voie de notre
libération ».
* 148 Zacharie Habimana
Makamba, ibid., p. 855
* 149 Zacharie Habimana
Makamba, ibid., p. 855
* 150 Coordonné par
Jean-Claude Ruano-Borbalan et Bruno Choc, Le Pouvoir. Des rapports individuels
aux relations internationales, Sciences Humaines Editions, Diffusion PUF, avril
2002, p. 65 dans Quand l'individu se joue des contraintes rédigé
par Michel de Coster
* 151 Alphonse Elungu est
l'auteur de recherches importantes à propos de la philosophie africaine
notamment, Construire l'Afrique, construire le monde, dans Grandes
conférences universitaires 1966-1967. Kinshasa, Université
Lovanium, 1967, 18-28, ainsi que, Le message philosophique de Karl Jaspers,
dans Cahiers philos, afric. (1972) n.1, 41-60.
* 152 M. Hegba, Afrique de la
raison, Afrique de la foi, éd. Karthala, Paris, 1995 cet auteur avait
procédé à une première distinction entre
l'ethnophilosophie et la philosophie critique.
* 153 A. A. Mazrui, C. Wondji,
Histoire générale de l'Afrique, vol. VIII. L'Afrique depuis 1935,
éd. Présence Africaine, Edicef, Unesco, Paris, 1998 p. 420 du
Chapitre 21 que les auteurs ont intitulés Tendances de la philosophie et
de la science en Afrique, se référer à la partie sur les
Trois Courants Philosophiques.
* 154 A. A. Mazrui, C. Wondji,
op. Cit, p. 421
* 155 A. A. Mazrui, C. Wondji,
op. Cit, p. 422
* 156 A. A. Mazrui, C. Wondji,
op. Cit, p. 425
* 157 Achille Mbembé,
De la postcolonie. Essai sur l'imagination politique dans l'Afrique
contemporaine, éd. Karthala, Paris 13ème, août
2000, p. 42 du chapitre 1 intitulé Du Commandement
* 158 Stéphane
Chauvier, Justice internationale et solidarité, éd. Jacqueline
Chambon, Nîmes, janvier 1999, p. 86 au chapitre 5 intitulé Les
principes de la justice internationale sont les principes d'une
équitable séparation politique des hommes.
Ces aspects du sujet seront approfondis au chapitre suivant.
* 159
http://www.codesria.org/French/pdf_files/arts_humanities_fr.pdf
: les thèmes récurrents et perspectives dans la formation du
canon africain sont
- Langage et production intellectuelle en Afrique
- Idéologie et technique employées pour
l'élaboration de canons
- Genre et élaboration de canons
- L'esclavage et le colonialisme dans les productions africaines
artistiques et culturelles
- La diaspora, les relations avec la diaspora et
l'héritage africain
- Le panafricanisme face à la menace de la
mondialisation
- Reconstituer l'héritage artistique de l'Afrique et
promouvoir la renaissance africaine
Autant de sujets de recherche pour les sciences sociales, mais
qui ne constituent que des supports épistémologiques pour une
philosophie africaine qui voudrait prétendre à l'universelle.
* 160 Se référer
à la philosophie politique appliquée de Alain Renaut, notamment
dans Qu'est-ce qu'une politique juste ? Essai sur la question du meilleur
régime, éd. Grasset, 2004, GLF 2005 ainsi que dans Qu'est-ce
qu'un peuple libre ? Libéralisme ou républicanisme,
éd. Grasset, 2005. De part ses oeuvres, Alain Renaut explique à
ses lecteurs pourquoi il est dorénavant nécessaire selon lui de
délaisser la dimension métaphysique de la politique quoique de
manière provisoire afin de se tourner vers une approche pratique de la
rationalité. La légitimité des réflexions
métaphysiques à propos de l'Homme et de la
Politique a été durablement, si ce n'est
définitivement, fragilisée par des découvertes telles
qu'Auschwitz ou le Lager, dans lesquelles la rationalité a
travaillé en vue de détruire les hommes. Daniel Tanguay qui est
professeur de philosophie à l'Université d'Ottawa a
travaillé sur cette conversion intellectuelle (voir :
http://www.mondecommun.com/upload/PDF/Tanguay.pdf)
* 161 Aristote, Ethique de
Nicomaque, Livre III, éd. GF, Paris, 1965. Chapitre 5, p. 74 :
« La fin étant l'objet de la volonté, les moyens en
vue de cette fin étant l'objet de délibération et de
choix, il s'ensuit que les actes relatifs à ces moyens seront
exécutés d'accord avec le choix réfléchi et
accomplis de plein gré. C'est là encore le domaine où se
manifeste l'action génératrice des vertus. La vertu dépend
donc de nous, ainsi que le vice. »
* 162 Voir l'article de Marcel
Gauchet intitulé, Les droits de l'homme paralysent la démocratie,
dans Libération du 8 novembre 2007
* 163 Jean-Claude
Ruano-Borbalan et Bruno Choc, op. Cit, p. 103 dans Sciences politiques les
métamorphoses du pouvoir.
* 164 Se référer
à l'article intitulé, Ces intellos qui rejettent la
démocratie, qui constitue l'autre pièce du dossier conçut
par Libération
* 165 Voir la charte des
Droits de l'Homme de 1948, qui au sortir de la seconde guerre mondiale fut le
produit d'une synthèse monstrueuse entre le socialisme et le
libéralisme.
* 166 Jean-Godefroy Bidima, La
philosophie négro-africaine, éd. PUF, 73, avenue Ronsard, 41100
Vendôme, Août, 1995, p. 119 dans la partie sur Le langage, l'action
et la création.
* 167 Alain Renaut, op. Cit,
p. 410 dans la partie intitulé, La réaction communautarienne,
rédigé par Lukas K. Sosoé où l'auteur affirme
que : « L'agir moral est précisément
une invitation à l'arrachement à mes déterminations.
L'expérience morale ou la possibilité de délibérer
et non d'accomplir en tout moment et en toutes circonstances ce dont je sens le
besoin immédiat reste un argument déterminant en faveur de cet
arrachement qui est toujours déjà présupposé, si
l'agir moral doit avoir un sens. L'expérience de la réflexion
morale nous révèle que, malgré notre situation dans le
monde, nous sommes supposés capables de nous libérer,
jusqu'à un certain point, de l'ordre de celui-ci, c'est-à-dire de
la chaîne de la causalité de la nature et des
déterminations culturelles et autres pour poser nos valeurs et affirmer
notre autonomie dans les limites de ce que peut atteindre un sujet raisonnable
fini. C'est d'ailleurs ce qu'atteste fort clairement la
figure du héros, du saint, celle de ceux qui, envers et contre tous, ont
su défendre et même mourir pour leurs
convictions ».
* 168 Une dichotomie qui
sous-tend également notre sujet de recherche, car pour que la
pensée philosophique africaine soit autonome et libre, elle doit pouvoir
s'affranchir de ces catégories du Maître et de l'Esclave qui
hantent l'imaginaire de l'africain. Nous verrons par la suite en quel sens ces
catégories persistent.
* 169 Calligraphies de
Aboubakar Fofana, La Charte du Mandé et autres traditions du Mali,
éd. Albin Michel, Paris 14ème, 22 rue Huygens, mars
2003.
Je tiens à préciser que les numéros de pages
ne sont pas présents dans cet ouvrage, à défaut
j'indiquerai les paragraphes pour que l'on puisse s'y repérer et suivre
mon propos.
* 170 Se référer
au second paragraphe de l'introduction écrite par Youssouf Tata
Cissé
* 171 Plusieurs traductions
sont proposées pour le rédacteur de l'introduction :
Injonction au monde, le Serment du Mandé ou Serment des chasseurs. Nous
ne nous risquerons pas à affirmer si toutes ces définitions sont
également valables.
* 172 Ibid., paragraphe 3
* 173 Ibid., paragraphe 4
* 174 Ibid., paragraphe 4
* 175 Aboubakar Fofana, op.
Cit, se reporter au développement.
* 176 F. Eboussi-Boulaga, La
crise du Muntu. Authenticité africaine et philosophie. Collection
Présence Africaine, 25 bis, rue des écoles, Paris
5ème , 62 rue Carnot, Dakar, au Chapitre III sur La vision
morale du monde p. 67 où Eboussi-Boulaga exprime l'idée
qu'il a de l'enjeu principal de la philosophie africaine :
« A travers la remise en cause de ses façons de
travailler, de s'organiser, de se représenter, c'est l'humanité
même de l'homme traditionnel qui devient douteuse, puisqu'elle autorise
l'asservissement effectif ou éventuel. Pour se
réconcilier avec lui-même et pour lui-même, il se doit de
rendre compte des rapports qu'entretiennent le traditionnel et le
rationnel : plus concrètement, il aura à manifester
si l'art de vaincre sans raison peut se séparer de la
raisonnabilité ou comment celle-ci ne peut subsister sans
celui-là, sans la rationalité ».
* 177 Jean-Claude
Ruano-Bobalan et Bruno Choc, op. Cit, p. 138 dans Le pouvoir des réseaux
rédigé par Ariel Colonomos
* 178 Jeune Afrique, Menaibuc
ou Présence Africaine
* 179 Richard Rorty, Science
et solidarité : la vérité sans le pouvoir, traduit de
l'américain par Jean-Pierre Cometti, éd. de L'Eclat, France, 1990
pour la traduction française, p. 46 au chapitre II intitulé La
science comme solidarité : « Dans notre culture, les
notions de science, rationalité, objectivité et
vérité sont étroitement apparentées. La
science est considérée comme une discipline qui offre une
vérité objective, dure : la
vérité qui correspond à la réalité, la seule
qui soit digne de ce nom. Les humanistes comme les philosophes, les
théologiens, les historiens et les critiques littéraires sont
obligés de se soucier de savoir si la qualité de scientifique
peut leur être reconnue, autrement s'ils ont le droit de tenir leurs
conclusions, indépendamment du soin apporté à
l'argumentation, pour dignes de recevoir la qualification du
vrai. Nous tendons à identifier la recherche de la
vérité objective avec l'usage de la raison, ce qui nous pousse
à voir dans les sciences de la nature des paradigmes de la
rationalité. D'autre part, nous voyons dans la rationalité un
enchaînement de procédures préétablies, une question
de méthode et c'est pourquoi nous tendons à utiliser
méthodique, rationnel, scientifique et objectif comme s'il s'agissait de
synonymes. »
* 180 Christian Godin, op.
Cit, p. 1248 se rapporter aux définitions de la
Spiritualité et du Spirituel :
- « 1. Nature spirituelle, qualité de ce
qui est esprit, et non point corps ou matière. Opp. À
matérialité. 2. L'ensemble des phénomènes
de nature religieuse qui concernent l'âme et les rapports qu'elle
entretient avec la transcendance. »
- l'étymologie de la définition
suivante est cruciale pour la suite de la réflexion
« adj. (lat. spiritualis). Les sens vont de
l'anima (dimension religieuse) à l'animus (dimension
intellectuelle) - leur unité étant donnée par
l'idée d'un ordre étranger au corps et supérieur à
lui. 1. Relatif à la vie religieuse de l'âme, à
ses rapports avec la transcendance. Opp. À charnel, sensuel,
matériel. (...) 4. Affranchi de la matière et de la vie
sensible, qui semble indépendant d'elle (plaisir spirituel,
parenté spirituelle). Syn. D'intellectuel. Opp. À
matériel. »
* 181 R. Placide Tempels, La
Philosophie Bantoue, traduit du Néerlandais par A. Rubbens,
imprimé aux Presses Alpha, collection Présence Africaine, 26 rue
du Delta Paris 9ème, 1er semestre 1948 Chapitre II
sur L'ontologie des Bantous dans la partie a°) La notion de
l'être : « (...) La métaphysique
considérée comme discipline méthodique et la sagesse
humaine, que l'on désigne comme conception du monde, considèrent
ou embrassent les réalités qu'on retrouve dans tout être de
l'univers. Pareilles réalités sont notamment l'origine, le
devenir, le changement, la croissance, l'anéantissement ou
l'achèvement des êtres, la causalité active et passive, et
plus particulièrement la nature de l'être en soi, vecteur
essentiel de ces phénomènes ou modes universels. Par ces
réalités tous les êtres ont quelque chose de commun ou
d'identique. ». C'est en possédant une vision dynamique
de l'Etre que le statut ontologique de la philosophie décrite
par Tempels permet d'appréhender différents
phénomènes devant lesquels l'ontologie occidentale semble
inappropriée.
* 182 Platon texte
établi et traduit par Emile Chambry, La République, Livres I
à X, éd. Gallimard, Société d'édition
« Les Belles Lettres », 1989, pour les livres I
à VII et 1982 pour les livres VIII à X. p. 51 du livre II 359 c
à 360 d, c'est le mythe de Gygès raconté par Glaucon
à Socrate : « (...) Donnons à à l'homme
de bien et au méchant un égal pouvoir de faire ce qu'il leur
plaira ; suivons-les ensuite et regardons où la passion va les
conduire : nous surprendrons l'homme de bien s'engageant dans la
même route que le méchant, entraîné par le
désir d'avoir sans cesse davantage, désir que toute nature
poursuit comme un bien, mais que la loi ramène de force au respect de
l'égalité. Le meilleur moyen de leur donner le pouvoir dont je
parle, c'est de leur prêter le privilège qu'eut autrefois, dit-on
Gygès, l'aïeul du Lydien. Gygès était un berger au
service du roi qui régnait alors en Lydie. A la suite d'un grand orage
et d'un tremblement de terre, le sol s'était fendu, et une ouverture
béante s'était formée à l'endroit où il
paissait son troupeau. Etonné à cette vue, il descendit dans ce
trou, et l'on raconte qu'entre autres merveilles il aperçut un cheval
d'airain, creux, percé de petites portes, à travers lesquelles
ayant passé la tête il vit dans l'intérieur un homme qui
était mort, selon toute apparence, et dont la taille dépassait la
taille humaine. Ce mort était nu ; il avait seulement un anneau
d'or à la main. Gygès le prit et sortit. Or les bergers
s'étant réunis à leur ordinaire pour faire au roi leur
rapport mensuel sur l'état des troupeaux, Gygès vint à
l'assemblée, portant au doigt son anneau. Ayant pris place parmi les
bergers, il tourna par hasard le chaton de sa bague par-devers lui en dedans de
sa main, et aussitôt il devint invisible à ses voisins, et l'on
parla de lui, comme s'il était parti, ce qui le remplit
d'étonnement. En maniant de nouveau sa bague, il tourna le chaton en
dehors et aussitôt il redevint visible. Frappé de ces effets, il
refit l'expérience pour voir si l'anneau avait bien ce pouvoir, et il
constata qu'en tournant le chaton à l'intérieur il devenait
invisible ; à l'extérieur, visible. Sûr de son fait,
il se fit mettre au nombre des bergers qu'on députait au roi. Il se
rendit au palais, séduisit la reine, et avec son aide attaqua et tua le
roi, puis s'empara du trône. Supposons maintenant deux anneaux comme
celui-là. Mettons l'un au doigt du juste, l'autre au doigt de
l'injuste ; selon toute apparence, nous ne trouverons aucun homme d'une
trempe assez forte pour rester fidèle à la justice et
résister à la tentation de s'emparer du bien d'autrui, alors
qu'il pourrait impunément prendre au marché ce qu'il voudrait,
entrer dans les maisons pour s'accoupler à qui lui plairait, tuer les
uns, briser les fers des autres, en un mot être maître de tout
faire comme un dieu parmi les hommes. En cela, rien ne le distinguerait du
méchant, et ils tendraient tous deux au même but, et l'on pourrait
voir là une grande preuve qu'on n'est pas juste par choix, mais par
contrainte, vu qu'on ne regarde pas la justice comme un bien individuel,
puisque partout où l'on croit pouvoir être injuste, on ne s'en
fait pas faute. Tous les hommes en effet croient que l'injustice leur est
beaucoup avantageuse individuellement que la justice, et ils ont raison de le
croire, si l'on s'en rapporte au partisan de la doctrine que j'expose. Si en
effet un homme, devenu maître d'un tel pouvoir, ne consentait jamais
à commettre une injustice et à toucher au bien d'autrui, il
serait regardé par ceux qui seraient dans le secret comme le plus
malheureux et le plus insensé des hommes. Ils n'en feraient pas moins en
public l'éloge de sa vertu, mais à dessein de se tromper
mutuellement dans la crainte d'éprouver eux-mêmes quelque
injustice. Voilà ce que j'avais à dire sur ce
point. »
* 183 A. J. Smet, Philosophie
africaine. Textes choisis II, préface par Mgr Tshibangu T, éd.
Presses Universitaires du Zaïre B.P 13.399, Kinshasa, 1975, voir le
chapitre sur Octave Ugirashebuja dans lequel il traite de La position
négative de la pensée de Senghor p. 318.
* 184 R. Placide Tempels, La
philosophie Bantoue, traduit du Néerlandais par A. Rubbens,
imprimé aux Presses Alpha, coll. Présence Africaine, 26 rues du
Delta, Paris 9 ème 1er semestre, 1948. P. 34 :
« La pensée occidentale chrétienne, ayant
adoptée les formules de la philosophie grecque, et peut-être sous
l'influence de celle-ci, définit le plus souvent cette
réalité commune à tous les êtres, ou si l'on veut,
l'être comme tel : la réalité qui est,
quelque chose qui existe, ce qui est. Sa métaphysique a
été basée sur un concept fondamental plutôt statique
de l'être. (...) Nous, occidentaux, voyons dans la force un
attribut de l'être, et nous avons élaboré une notion de
l'être dégagée de la notion de force. Il semble que les
primitifs n'ont pas interprété ainsi la réalité.
Leur notion de l'être est essentiellement dynamique. ».
C'est un point crucial que nous ne manquerons pas de relever dans une
comparaison entre l'ontologie de type occidentale est celle qui se rapporte
à l'Afrique ; en effet, le contenu métaphysique de la
conception de l'idée de l'Homme est en question, doit on saisir
l'Homme en tant qu'Etre statique conformément à
la conception ontologique occidentale, ou dans une perspective nouvelle
doit-on concevoir l'Etre et la Force constitutives de
l'idée de l'Homme.
* 185 Hobbes,
Léviathan, traduction, introduction, notes et notices par Gérard
Mairet, éd. Gallimard, Paris, 2000, p. 187 au chapitre I que Hobbes a
intitulé De l'Homme dans lequel sa partie 11 traite De la
diversité des moeurs : « C'est pourquoi je
place au premier rang, à titre de penchant universel de tout genre
humain, un désir inquiet d'acquérir puissance après
puissance, désir qui ne cesse seulement qu'à la
mort. Et la cause de cela n'est pas toujours que l'on
espère une jouissance plus grande que celle qu'on vient
déjà d'atteindre, ou qu'on ne peut se contenter d'une faible
puissance, mais qu'on ne peut garantir la puissance et les moyens de vivre bien
dont on dispose dans le présent, sans en acquérir plus. C'est ce
qui fait que les rois dont la puissance est la plus grande orientent leurs
efforts en vue de la garantir, à l'intérieur par les lois et
à l'extérieur par les guerres. (...) ». En gardant
à l'esprit que Hobbes dépeint dans ses oeuvres un portrait peu
reluisant de la nature humaine, on peut constater que son anthropologie sur
l'Homme est très déterministe dans le sens où ce dernier
est régit par le Conatus c'est-à-dire une propension
à fuir la mort violente. Selon l'auteur ce n'est pas par
sociabilité naturelle que l'Homme entre en société. Ce
qu'il y a de remarquable chez Hobbes réside dans l'idée que cette
insociabilité naturelle prend forme dans la société civile
sous de quête ininterrompue de la jouissance, de la gloire ; les
désirs sont pour l'auteur, constamment renouvelés une fois
assouvis. Si la pertinence de sa théorie demeure somme toute discutable
lorsqu'on la conçoit dans les sociétés civiles
contemporaines à l'inverse, le plan des Relations Internationales
dominé par la vision on ne peut plus pessimiste de Clausewitz s'accorde
tout à fait avec la philosophie politique de Hobbes.
* 186 Jean-Jacques Rousseau,
Du Contrat Social ou Principes du droit politique, Discours sur les Sciences et
les Arts, Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes,
Lettre à M. d'Alembert, Considérations sur le Gouvernement de
Pologne, Lettre à Mgr de Beaumont, Archevèque de Paris,
éd. Garnier Frères, 6, rue des Saints-Pères, Paris, 1963.
p. 65 : « Après avoir montré que la
perfectibilité, les vertus sociales, et les autres facultés que
l'homme naturel avait reçues en puissance, ne pouvaient jamais se
développer d'elles-mêmes, qu'elles avaient besoin pour cela du
concours fortuit de plusieurs causes étrangères, qui pouvaient ne
jamais naître, et sans lesquelles il fût demeuré
éternellement dans sa condition primitive, il me reste à
considérer et à rapprocher les différents hasards qui ont
pu perfectionner la raison humaine en détériorant
l'espèce, rendre un être méchant en le rendant sociable, et
d'un terme si éloigné, amener enfin l'homme et le monde au point
où nous le voyons. »
* 187 R. Placide Tempels, op.
Cit, Chapitre V intitulé Ethique Bantoue dans la partie I sur Les normes
du bien et du mal, ou l'éthique objective p. 81 c°) Le droit
positif des Bantous cadre avec leur morale ontologique :
« De même que pour les Bantous, c'est le muntu vivant qui
est, de par les dispositions divines, la norme du droit positif. Nous pourrions
d'ailleurs, la montrer avec la même rigueur logique que c'est le muntu
qui est la norme de la langue, de la grammaire, de la géographie, de
toute la vie et de tout ce que la vie met en rapport avec le
muntu. ». Le muntu que Tempels a évoqué à
plusieurs reprises dans cette citation désigne la personne humaine au
centre de leur ontologie.
* 188 Nous faisons allusion
à la pensée de Lévy-Bruhl qui dans une perspective
discontinuiste, considérait la mentalité primitive comme
l'état archaïque de l'évolution humaine et qui selon lui,
serait indifférente à la rigueur intellectuelle. Raymond Boudon,
Philippe Besnard, Mohamed Cherkaoui, Bernard-Pierre Lécuyer, op. Cit, p.
134 où Lévy-Bruhl est définit comme un
« sociologue et ethnologue français (Paris
1857-1939). Professeur de philosophie à la Sorbonne, auteur de La
Morale et la science des moeurs (1903) fondateur de l'Institut
d'ethnologie, Lévy-Bruhl est connu surtout par ses livres de sociologie
consacrés à la mentalité primitive, notamment la
Mentalité primitive (1922). Il désignait ainsi
un type de pensée qui, à son avis, était radicalement
différent de celui de nos sociétés modernes, notamment par
son indifférence à la logique, et que l'on observe dans les
sociétés dites primitives étudiées par les
ethnographes. Cette mentalité, qu'il appelait aussi
prélogique, se caractérise principalement par le fait qu'elle
repose non point sur nos principes rationnels de l'identité et de la
non-contradiction, mais sur celui de la participation, qui amène les
primitifs à croire qu'un être ou un objet peut être à
la fois lui-même et autre chose, et qu'il y a des liens invisibles entre
des êtres différents (...). ». Ce type de
conceptions qui posaient une hiérarchie entre les hommes fut
partiellement remis en cause par l'oeuvre de Tempels allant à
contre-courant des idées politiques et philosophiques dominantes de
l'époque portant sur l'Afrique. C'est ce que Friedrich Hegel disait,
cité dans un article du monde diplomatique sur le site
http://www.monde-diplomatique.fr/2007/HEGEL/15275
et publié en Novembre 2007, dans lequel l'auteur de l'article a
relevé un extrait de La raison dans l'Histoire :
« Ce continent n'est pas intéressant du point de vue de sa
propre histoire, mais par le fait que nous voyons l'homme dans un état
de barbarie et de sauvagerie qui l'empêche encore de faire partie
intégrante de la civilisation. L'Afrique, aussi loin que remonte
l'histoire, est restée fermée, sans lien avec le reste du monde
(...) ». En mettant en lumière leur système
ontologique développé Tempels, a suscité des controverses
sur l'idée d'une philosophie africaine, ce qui était à
peine concevable avant 1945.
* 189 Jean-Godefroy Bidima,
Théorie critique et modernité africaine, de l'Ecole de Francfort
à la docta Spes africana, Paris, publications de la Sorbonne,
série philosophie, 1993, p. 256 dans la partie intitulée Vers un
autre paradigme où il est dit : « En critiquant les
retombées technologiques, on suppose que la science dans ses principes
est neutres, et que c'est bien l'utilisation malveillante des technocrates et
des politiques qui la rende inhumaine. Le problème serait donc, celui
des hommes qui ne savent pas utiliser la technoscience, quant à
celle-ci, sa pureté n'a d'égale que sa neutralité
axiologique ». Bidima est un philosophe camerounais de la
seconde génération, formé à Paris I qui a
enseigné au Collège Internationale de Philosophie et en
Allemagne.
* 190 R. Placide Tempels,
ibid., p. 81 : « Si le droit de propriété, le
régime foncier, la dévolution successorale, l'organisation
clanique et interclanique ancienne ou l'organisation politique plus
récente, bref si toute la législation positive ou conventionnelle
ne peut être tirée par déduction logique nécessaires
des données ontologiques de la philosophie bantoue, tout au moins est-il
conventionnel qu'il puisse paraître, s'adapte parfaitement dans le cadre
de la philosophie et de la morale bantoue telle que nous l'avons
décrite. »
* 191 Nous faisons allusion au
Droit au bonheur évoqué par la Déclaration
d'Indépendance des Etats-Unis de 1776 que Jean-Eric Branaa dans, La
Constitution Américaine et les institutions, coll. Les essentiels de la
civilisation anglo-saxonne dirigée par D. Frison aux éditions
Ellipses, Paris, avril 2003, p. 22 du chapitre 2 sur La Constitution :
« Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les
vérités suivantes : tous les hommes sont
créés égaux ; ils sont doués par le
Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces
droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du
bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour
garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des
gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient
destructrice de ce but, le peuple a le droit de le changer ou de l'abolir et
d'établir un nouveau gouvernement. »
* 192 L'amélioration
qualitative de la « vie humaine » est l'objet sur
lequel se rejoignent Achille Mbembe et Anthony Giddens bien qu'ils le formulent
différemment. Au Chapitre précédent Achille Mbembe
évoquait la défense des nouvelles « formes de
vie » tandis que Giddens parlait de protection de la
« politique de la vie » à la page 60 de
son oeuvre sur la Troisième voie. Après avoir exposé les
thèses afrocentristes durant cette partie, nous verrons que la
« défense de la vie » est l'objet politique
du versant progressiste de la philosophie africaine sur lequel nous
achèverons notre chapitre.
* 193 Bien entendu le but
n'est pas de maintenir ces catégories qui brident la pensée et
conçoivent l'Homme d'un point de vue totalitaire et
centré sous un concept on ne peut plus problématique que celui de
« Peuple Noir » qui subsume des individus selon
leur couleur de peau. Le terme de Diaspora concerne surtout les
communautés ethniques vivant sur un autre territoire que l'Afrique
telles que la minorité noire afro-américaine qui a vu
différents prédicateurs charismatiques comme Malcolm X ou Louis
Farrakhan véhiculant une vision radicale du communautarisme dans
laquelle ils affirment leur attachement à la zone sub-saharienne du
continent africain.
* 194 Cette notion de
« Diasporas noires » est, pour le courant de
pensée afrocentriste, une étape préalable à
l'idée de « Panafricanisme » ( :
« Mouvement visant à resserrer l'unité et la
solidarité des peuples africains. » définition du
Dictionnaire Hachette éd. 2007). C'est un sens politique radical et
transnational que le courant afrocentriste contemporain semble vouloir assigner
à l'Union Africaine en s'inscrivant dans la logique du
néoréalisme des Relations Internationales. A l'origine ce terme
fut utilisé par l'ancien Président du Ghana Kwamé
N'Nkrumah afin de fédérer les chefs d'Etats et de gouvernements
autour du projet de fondation de l'OUA en 1963 à Addis-Abeba en
Ethiopie :
http://www.africa-union.org/root/ua/index.htm
* 195 Molefi Kete Asante,
L'Afrocentricité, traduction par Ama Mazama, éd. Menaibuc, Paris,
2003, p. 185. Le lecteur est endroit de se demander pourquoi effectuer un
rapprochement apparemment arbitraire entre la philosophie marxiste et la
philosophie africaine de type afrocentriste. Dans sa version contemporaine
l'afrocentrisme émerge surtout en Occident chez les membres de la
« Diaspora noire » qui se trouvent en
métropole (aux Etats-Unis, en Europe et aux Antilles). Tout comme le
marxisme, l'afrocentrisme commence sa réflexion sur une analyse
implacable de la société civile qui serait tenue par une
« ethnocratie blanche » qu'il va falloir renverser
quoiqu'il arrive. En définitive, les thèses de philosophie
africaine les plus radicales vis-à-vis de l'Occident viennent surtout
des individus vivant en Occident.
* 196 Sous la direction de
Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 65 dans Un postcolonial stratégique
* 197 Christian Godin, op.
Cit, p. 1108 se rapporter à la définition de la
rationalité axiologique : « (...) celle qui,
pour Max Weber (1864-1920), caractérise les actions
animées par une fin considérée comme absolue,
(...) »
* 198 Nous citons ces
différentes organisations car ce sont elles qui avaient le devoir de
s'occuper de la partie défavorisé de la Société
civile durant le paradigme du Welfare State ou Etat Providence après la
seconde guerre mondiale.
* 199 Jean-Claude
Ruano-Borbalan et Bruno Choc, op. Cit, p. 62 dans la sous partie
intitulée La maîtrise de l'action
* 200 En quoi l'usage de cette
Liberté politique peut être un atout pour l'action ?
* 201 Celle-ci étant
« La bourgeoisie » pour les marxistes ou
« l'éthnocratie blanche » pour les
afrocentristes.
* 202 Avec la Nation de
l'Islam nous avons l'illustration d'un communautarisme radicale, le NAACP est
plus modéré (voir :
www.naacp.org/), en France nous
avons des groupes similaires qui partagent l'afrocentrisme d'une manière
différente. Parmi les communautaristes modérés il y a le
Cran (voir :
www.lecran.org/), et puis il y en
qui ont une tendance plus radicale comme AfricaMaat (
http://www.africamaat.com/) ou
l'organisation de l'ex porte-parole de la Tribu K Kemi Seba (
www.seba-wsr.com).
* 203 Raymond Boudon, Philippe
Besnard, Mohamed Cherkaoui, Bernard-Pierre Lécuyer, op. Cit. p. 173 voir
définition : « On parle de paupérisation
lorsque, dans une société donnée, des couches sociales
entières s'appauvrissent régulièrement,
c'est-à-dire voient leur revenus et leurs patrimoines diminuer de
façon constante. (...) »
* 204 Jean-Claude
Ruano-Borbalan et Bruno Choc, op. Cit, p. 106 dans la sous partie sur Les
fondements de la démocratie
* 205 Concerne l'Etre
par opposition à l'Etant sur le plan ontologique.
* 206 Concerne ce qui a trait
à la propriété
* 207 Celle-ci
représente l'apparence sociale vers laquelle nos systèmes de
valeurs convergent d'une façon arbitraire.
* 208 Martin Heidegger,
traduit de l'allemand par Henry Corbin, Roger Munier, Alphonse de Waelhens,
Walter Biemel, Gérard Granel, André Préau, Questions I,
Qu'est-ce que la métaphysique ? Ce qui fait l'être-essentiel
d'un fondement ou « raison », De l'essence de la
vérité, Contribution à la question de l'être,
Identité et différence, éd. nrf Gallimard, Paris, 1968
pour la traduction française. Se reporter p. 214 :
« (...) Dans quel sens apparaît l'être, s'il s'agit
de la sécurité de l'étant ? Dans le sens de ce qui
est toujours et partout fixable, c'est-à-dire représentable.
Descartes, qui comprenait l'être ainsi, trouva la subjectivité du
subjectum dans l'ego cogito de l'homme fini. L'apparition de la forme
métaphysique de l'homme comme source de la donation de sens est l'ultime
conséquence de l'acceptation de l'être-humain en tant que
subjectum déterminant. A la suite de quoi la forme intrinsèque de
la métaphysique se modifie, forme qui consiste dans ce qu'on peut
appeler la transcendance. »
* 209 Les variations de
l'Etre dans la société civile où le sujet
évolue sont de différentes sortes : la qualité
sociale, l'identité culturelle ou nationale, la formation universitaire,
l'identité religieuse.
* 210 On peut dire le choix
consistant à mettre l'accent sur l'apparence ou la possession en
dépit de l'Etre, provoque une crise individuelle interne au
sujet qui fausse incidemment les termes de son action.
* 211 Un défi devant
lequel la démocratie libérale aux Etats-Unis a su faire face au
moyen de politiques d'affirmative action ou de reconnaissance du droit à
la différence. Quoique leur modèle social communautariste reste
assez choquant pour une conception républicaine qui prône
l'idée du « vivre-ensemble ».
De même pour la condition ouvrière qui constitue le
fer de lance de l'idéologie marxiste, si la solution
révolutionnaire aux Etats-Unis ne semblait pas souhaitable ici non plus,
ce n'est pas tant que les partenaires sociaux soient moins actifs mais la
négociation, donc « le réformisme »
a permit d'améliorer le sort des travailleurs sans actions collectives
de type révolutionnaires.
* 212 Plus grande sera la
déception pour les individus qui espèrent une action collective
de type révolutionnaire, que ce soit pour les
Prolétaires ou la Diaspora, ou ceux dont l'action
individuelle est inconsistante.
* 213 R. Placide Tempels, op.
Cit, p. 83 d°) La ténacité du Muntu dans la pensée de
son droit et la conséquence de son attachement à sa sagesse
fondamentale et à sa philosophie : « (...) Plus sa
pensée est haute, plus ses arguments se trouvent enracinés dans
sa conception philosophique et plus sa sagesse et son comportement sont
ontologiques, plus tenace sera-t-il, plus audacieux s'avancera-t-il pour la
défense de son bon droit. C'est dans la défense de son droit, que
le non-civilisé apparaît le mieux en tant que personnalité,
parce que son droit (tout comme sa religion d'ailleurs) repose sur
l'essence intime de son humanité, sur sa conception du monde et sur sa
philosophie. ». C'est la permanence du vécu ontologique
des Bantous qui est intéressant à analyser et semble-t-il, qui se
trouve en mesure de constituer un apport incontournable pour remédier
à la crise du système démocratique et de la
responsabilité individuelle. La conception dynamique de l'Etre
ne fige pas l'individu en tant qu'Etant, la Force
intrinsèque à leur idée de l'Etre donne tout son
sens à la responsabilité individuelle vidée de son contenu
face à la mondialisation.
* 214 R. Placide Tempels, op.
Cit, p. 66 dans le Chapitre IV intitulé La théorie du Muntu ou la
psychologie Bantoue, partie I sur Le Muntu ou la personne voir dans le
développement a°) Le Muntu est une force vive, une force
personnelle : « Les Bantous voient dans l'homme, la force
vivante la force ou l'être qui possède la vie vraie, pleine et
élevée. L'homme est la force suprême, la plus puissante
parmi les autres êtres créés. » Tempels
entend par les autres êtres les végétaux ainsi que les
animaux investis eux aussi d'une force de moindre envergure.
Cette citation démontre que ce qui doit être
valorisé est l'Homme entendu comme individu et non le groupe
à l'instar des idées afrocentristes.
* 215 Voilà pourquoi il
est difficile de désigner sous un concept maladroit tel que
« les classes sociales » ou « les
défavorisés » car si l'enjeu réel pour la
condition ouvrière est économique pour les idéologies
marxistes, l'enjeu est plus politique, et donc d'un autre ordre pour les
revendications de type afrocentristes : A quelles conditions une
reconnaissance du droit à la diversité culturelle s'inscrit dans
le cadre de l'humanisme juridique ? En enrichissant le cadre
démocratico-libérale sans le brader, c'est-à-dire en
présentant des droits culturels sans qu'ils puissent limiter les
libertés fondamentales de l'individu ; elle doit se concevoir comme
un approfondissement et une explicitation de Droits de l'Homme
déjà existant et reconnu. D'ailleurs, la prise en compte de droit
culturel conçut comme droit individuel doit pouvoir subir les
restrictions prévues par la loi pour la sauvegarde du public et pour la
protection des droits et des libertés de chacun, et ce, quand bien
même le droit de vivre en communauté serait reconnu.
* 216 Christian Godin, op.
Cit, p. 583 dans la définition de Homo :
« l'être humain schématique tel que se le
représente l'économie politique classique et la philosophie
utilitariste : un individu rationnel cherchant en toutes
circonstances le maximum d'avantages et le minimum d'inconvénient. Le
modèle minimise ou exclut la spécificité de la dimension
imaginaire (morale ou religieuse) de l'être humain ainsi que la
particularité du milieu ». En somme, la
démonstration par le biais de la méthode comparative que nous
venons de conclure a servi à redonner un sens et du contenu à
cette idée de l'individu dans les sociétés
démocratiques en accordant une valeur relative à la
spiritualité.
* 217 Ce propos englobe autant
les acteurs sociaux que les Etats nationaux.
* 218 R. Placide Tempels, op.
Cit, p. 68 : « Connaissance et sagesse sont des forces vitales
suivant leurs conceptions. Déjà nous avons signalé que la
véritable connaissance, la vraie sagesse consiste à comprendre la
nature et l'action des forces autres, que telle est pour eux la vraie
connaissance : intelligence métaphysique des forces, ou
des êtres. ». En ce sens, l'ontologie de Heidegger et
celle de la philosophie africaine se rejoignent, pour le moins concernant leurs
visions respectives de la technique.
* 219 Martin Heidegger,
traduction André Préau, Question III,
« Sérénité », éd. Gallimard p.
12-14 : « Le manque croissant de pensée
repose ainsi sur un processus qui atteint le plus vif de l'homme
contemporain : l'homme d'aujourd'hui est en fuite devant la
pensée. Cette fuite devant la pensée est le fondement du manque
de pensée. Mais il appartient à cette fuite
devant la pensée que l'homme ne veut ni la voir ni la reconnaître.
L'homme contemporain contestera au contraire toute idée d'une fuite
devant la pensée. Il affirmera, et il aura raison, qu'à aucune
époque on n'a autant planifié, on n'a poussé si loin la
recherche, on a si passionnément expérimenté aujourd'hui.
C'est vrai. Cette profusion de sagacité et de réflexions est
d'une grande utilité. Une telle pensée demeure indispensable.
Mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une pensée d'un genre
particulier. »
* 220 Donc c'est une
production de savoirs sur ce qu'il y a de plus particulier.
* 221 Martin Heidegger,
Question III, op. Cit, p. 12-14 : « Ce qu'elle a de
particulier est que lorsque nous planifions, cherchons, menons nos entreprises,
nous comptons avec des circonstances données. Nous les prenons en compte
dans le calcul qui vise un but déterminé. Nous escomptons des
résultats déterminés. Ces comptes, ce calcul,
caractérisent toute pensée planificatrice et toute recherche. Une
telle pensée reste alors un calcul, même si elle n'utilise pas de
chiffres ni de machine à calculer, ni ne met oeuvre de puissants moyens
de calcul. (...) Elle calcul des possibles toujours nouveaux, toujours
plus prometteurs et en même temps plus économiques. La
pensée calculante nous presse d'une opportunité à une
autre. La pensée calculante ne se tient jamais tranquille, elle ne prend
pas le temps de réfléchir, de méditer. La pensée
calculante n'est pas une pensée qui réfléchit, elle n'est
pas une pensée qui médite le sens présent de tout ce qui
est. »
* 222 Ibid.
« C'est de cette méditation que nous voulons parler
lorsque nous disons que l'homme contemporain est en fuite devant la
pensée. Mais, nous objecte-t-on, la méditation pure et simple
plane très au dessus de la réalité. Elle a perdu contact
avec le sol. Elle n'est pas adaptée à la gestion des affaires
courantes. Elle n'apporte rien pour les réalisations pratiques. Et on
ajoute que la méditation pure, la réflexion endurante, serait
trop « élevée » pour l'entendement commun. Il
y a là quelque chose de vrai, c'est que la pensée
méditante exige parfois un niveau élevé d'effort. Elle
demande qu'on apprenne et s'exerce très longuement. Elle a besoin plus
que tout autre artisanat qu'on y mette beaucoup de soin. Elle doit aussi savoir
attendre, comme le paysan, que le blé lève et vienne à
maturité. Par ailleurs, chacun peut emprunter les voies de la
méditation à sa propre manière et dans ses propres
limites. Pourquoi ? Parce que l'homme est l'être-pensant,
c'est-à-dire méditant. »
* 223 Capitales
économiques entendues comme milieu d'affaires ou pôles
financiers.
* 224 Toutes ces villes
observent une stratégie élaborée en fonction des exigences
de la mondialisation en faisant bonne usage des ressources régionales
qui peuvent intéresser le marché mondial. Loin de remettre en
cause l'utilité de cette intégration économique, la
réflexion a pour but de mettre en lumière que cette
nécessité ne doit pas prévaloir sur « le
principe de vie » ou sur l'amélioration des
« formes de vie ».
* 225 Molefi Kete Asante, op.
Cit, p. 143 où rejoignant la pensée de Heidegger le professeur
Asante écrit : « La science, en Occident, a fait place
à une solide implantation de la technique. Alors que la science se
révèle comme la discipline mentale, il n'en est pas de même
pour la technique. Il ne nous reste plus qu'à croire que la technique
est la source de tout ce que l'Occident entreprend, qu'il y a ni âme, ni
sentiment, ni émotion, seulement la technique. Il s'agit d'une politique
de manipulation d'objets et de substances qui nie l'importance de
l'homme ». Il est troublant que ces deux philosophies
s'accordent indistinctement sur la critique de la technique en dépit de
leurs divergences fondamentales sur la place de l'Homme.
* 226 Ces boissons
énergisantes excessivement riches en caféines ou en produits
excitant de différentes sortes, sont de plus en plus consommés
chez les cadres, les étudiants, les sportifs chez lesquels la
consommation est monnaie courante. L'absorption de ce genre de substances,
malgré les normes sanitaires en vigueurs, restent néfastes pour
l'organisme (effets secondaires non-désirés :
problèmes cardiaques, problèmes de concentration, d'insomnies).
En général, les Ministère de la Santé ne manquent
pas de le préciser sur l'emballage. Un rapport très
intéressant aborde le sujet dans ce site
http://www.univers-sante.ucl.ac.be/agir/alcool/annexe_reaction_juin_06.pdf
, ils mettent l'accent sur les étudiants mais ils élargissent
parfois le propos afin de démontrer que c'est fait social plus
général.
* 227 Martin Heidegger,
Questions III, op. Cit, p. 15-16 : « (...) A chaque heure de
chaque jour ils sont captivés par la télévision et la
radio. A chaque semaine son film, qui les transporte dans un monde qui n'en est
pas un, un théâtre d'apparences souvent banales. Partout un
magazine est à portée de main. Tout ce qui permet aux moyens
techniques modernes de l'information de sans cesse interpeller, assaillir et
tracasser l'être humain, tout cela est devenu aujourd'hui beaucoup plus
proche de lui que le champ autour de sa ferme, (...) Plus
encore : la perte de l'enracinement n'est pas seulement
causée par des circonstances et évènements
extérieurs, et elle ne repose pas seulement sur la négligence et
le mode de vie superficiel des hommes. »
* 228 Raymond Boudon, Philippe
Besnard, Mohamed Cherkaoui, Bernard-Pierre Lécuyer, op. Cit, p. 199 dans
la définition de la Religion où weber évoque le
christianisme : « (...) La modernité qu'il a
contribué à créer élimine sa présence de la
sphère publique, le cantonnant au privé, où il entre en
concurrence avec l'art, les loisirs, la famille, etc. (...) »
* 229 Martin Heidegger,
Questions I, op. Cit, p. 215
* 230 Martin Heidegger,
Questions III, op. Cit. p. 22-23 : « (...) Nous pouvons
utiliser les objets techniques et en même temps dans cet usage
instrumental conserver envers eux notre liberté, de manière
à ce que nous soyons à chaque fois dans le lâcher-prise.
Nous pouvons faire usage des objets techniques comme on doit en faire usage.
Mais nous pouvons ce faisant laisser ces objets reposer en eux-mêmes
comme quelque chose qui ne nous concerne pas dans notre
intériorité et notre authenticité. Nous pouvons dire oui
à l'inévitable utilisation des objets techniques et nous pouvons
en même temps leur dire non, dans la mesure où nous leur
interdisons de nous accaparer et ainsi de fausser notre essence, de la troubler
et de finalement la dévaster. (...) Mais si nous disons de
cette manière à la fois oui et non aux objets techniques, ne
rendons-nous pas notre relation au monde technique ambiguë et
incertaine ? Tout au contraire. Notre relation au monde technique en
devient merveilleusement simple et paisible. Nous introduisons les objets
techniques dans notre monde quotidien et en même temps nous les laissons
dehors, c'est-à-dire que nous les laissons reposer en eux-mêmes en
tant que choses, qui ne sont rien d'absolu, mais dépendent
elles-mêmes d'un niveau plus élevé. Je voudrais appeler
d'un mot ancien cette position de oui et de non simultanés au monde
technique : la sérénité envers les
choses. »
* 231 F. Eboussi-Boulaga, La
crise du Muntu. Authenticité africaine et philosophie, coll.
Présence africaine, 25 bis, rue des Ecoles Paris 5ème,
62 rue Carnot, Dakar, p. 7 de la Préface.
* 232 R. Placide Tempels
s'excuse plusieurs fois durant le développement de la réflexion
à cause de ses terminologies, des champs lexicaux utilisés afin
de rendre compte de la Philosophie Bantoue.
* 233 Paulin J. Hountoundji
sur, La philosophie africaine, éd. François Maspero, 1, place
Paul-Painlevé, Paris 5ème arrondissement, parution en
janvier 1977, p. 14 dans I. Archéologie : l'ethnophilosophie
occidentale.
* 234 Elungu P. E. A, op cit,
p. 117
* 235 Le 6 mai 1931 a eu lieue
l'exposition coloniale, inaugurée par Gaston Doumergue au bois de
Vincennes qui a accueillit durant 6 mois plus de 6 millions de visiteurs ;
s'inscrivant dans une longue tradition colonialiste datant de 1889
jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, plusieurs
expositions avaient pour but de célébrer le colonialisme
triomphant et ses vertus. Nous avons dit que l'environnement intellectuel et
politique était majoritairement acquis à l'action coloniale car
il nous faut apporter certaines nuances sur ce propos. En effet, un grand
nombre d'organisations politiques ainsi que des mouvements littéraires
se sont insurgés contre ce genre d'exposition, notamment les communistes
fidèles à leur tradition Internationaliste, tout comme certains
libéraux isolés par leur parti politique mais convaincus de la
nécessité de reconnaître une liberté fondamentale
aux primitifs, les tenants du courant surréaliste tels que Michel Leiris
et André Schaffner ont également rejoins cette cause qui à
l'époque était encore marginale dans la société
civile, car le regard artistique qu'ils portaient sur l'Autre fut
positif.
* 236 Marcien Towa, Essai sur
la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle, éd. CLE,
Yaoundé, 1971, p. 10 au chapitre I intitulé Existe-t-il une
philosophie africaine ?
* 237 Marcien Towa, ibid.
* 238 F. Eboussi-Boulaga, op.
Cit. p. 16
* 239 Christian Godin, op.
Cit. p. 1016 se reporter à la définition du Pragmatisme :
« Philosophie fondée par les Américains Ch. S.
Peirce (1839-1914) et William James (1842-1910) et proposant
la valeur pratique comme critère de vérité. Les
orientations générales du pragmatisme rejoignent celles de
l'empirisme et de l'utilitarisme dont il dérive. Après avoir
remarqué que nos croyances sont, en réalité, des
règles pour l'action, Peirce soutient que pour développer le
contenu d'une idée, il suffit de déterminer la conduite qu'elle
est propre à susciter. En d'autres termes, le contenu d'un
objet de pensée est la somme des effets que nous pouvons nous
représenter de cet objet. Un concept donné sera analysé
à travers les propositions dans lesquelles il est utilisé et
l'analyse de ces propositions pourra être exprimée comme une
conjonction des propositions qui expriment ses conséquences pratiques.
Par conséquences pratiques, Peirce entend les propositions
conditionnelles de la forme s'il y a P, alors Q, dans lesquelles ce
qui précède établit qu'une certaine action volontaire est
en train de se faire dans une situation donnée et la conséquence
décrit certains phénomènes visibles résultant de
cette action. ».
* 240 Richard Rorty, Science
et solidarité. La vérité sans le pouvoir, traduit de
l'américain par Jean-Pierre Cometti éd. L'éclat, France,
octobre 1990, p. 10 de la Préface
* 241 Celle qui fut
réalisé par de brillants savants tels que Copernic,
Galilée ainsi que Newton qui avaient en commun une représentation
métaphysique de leur activité scientifique (comme celle que l'on
retrouve dans les recherches fondamentales). Leurs théories
scientifiques respectives, nécessitaient qu'ils s'affranchissent de
l'espace et du temps pour pouvoir mathématiser le réel et rendre
lisible les conditions relatives à l'apparition des
phénomènes naturels. Que ce soit l'hypothèse de
l'héliocentrisme, celle du principe d'inertie ou encore celle de la
chute des corps, il a bien fallut qu'ils mettent entre parenthèses leurs
impressions sensibles et leurs connaissances antécédentes pour
réussir à percer la réalité sans l'usage de
dispositifs techniques élaborés.
* 242 R. Placide Tempels, op.
Cit. p. 45 où Tempels décrit la rencontre en ces termes :
« Le blanc, phénomène nouveau surgissant dans le
monde bantou, ne pouvait être aperçu que suivant les
catégories de la philosophie traditionnelle des Bantous. Le blanc fut
donc incorporé dans l'univers des forces, à la place qui lui
revenait suivant la logique du système ontologique bantou.
L'habileté technique du blanc les frappait. Le blanc semblait être
maître des grandes forces naturelles. Il fallait donc admettre que le
blanc était un aîné, la force vitale du blanc est telle
que contre lui les manga, ou l'application des forces agissantes naturelles
dont disposent les noirs, paraissent dépourvues
d'effet. »
* 243 Pour une fois c'est
l'usage positif de la rationalité qui menace la foi.
* 244 Aimé
Césaire, Discours sur le colonialisme, 1er édition en
1950, 5ème édition, Paris, Présence Africaine,
1970, p. 39 où Césaire met en scène un dialogue fictif
entre le Père Tempels et un colon : « (...) Obtenez
qu'en tête de la hiérarchie des forces vitales bantoues, prenne
place le Blanc, et le Belge singulièrement, et plus
singulièrement encore Albert et Léopold, et le tour est
joué. On obtiendra cette merveille : le Dieu bantou sera
garant de l'ordre colonialiste belge et sera sacrilège tout Bantou qui
osera y porter la main ».
* 245
http://tekur-ucad.refer.sn/IMG/pdf/Magueye_Kasse.pdf.
* 246 Marcien Towa,
Léopold Sédar Senghor : Négritude ou
Servitude ?, éd. CLE, Yaoundé, 1971, p. 100-101 :
« La thèse fondamentale de Senghor est certainement
l'émotivité du nègre, thèse exposée pour la
première fois en détail dans un texte important intitulé
Ce que l'homme nous apporte. Le premier souci de Senghor y est de
définir l'âme nègre. Comment y parvenir ?
Répudiant toute méthode rationnelle, il affirme, sans
justification, que le fil d'Ariane est l'émotivité
-féminité : L'émotion est nègre comme la
raison est hellène ».
* 247 Marcien Towa, op. Cit,
p. 107-108 : « Autrement dit, le nègre, tant qu'il
demeure tel, n'a pas sa place, en tout cas, pas de place égale à
celle du blanc, dans un monde fondé sur la raison et la
science ». Il est manifeste, que la position de Senghor est
conservatrice à propos de l'orde établi.
* 248 Ama Mazama,
L'impératif afrocentrique, éd. Menaibuc, Paris, 2003, p. 15 sur
La suprématie blanche : Idéologie et Pratiques
dominantes : « La résignation et l'acceptation de la
suprématie blanche, pour être courantes, n'en sont pas moins, bien
évidemment manufacturées. Nous voulons dire par-là, le
résultat d'un long processus de propagande, systématique et
organisé, afin de nous placer et nous maintenir dans un état de
subjugation mentale vis-à-vis de l'Occident ».
* 249 Kwamé Nkrumah, Le
Consciencisme, éd. Payot, Paris, 1965, p. 120 :
« La révolution sociale doit donc s'appuyer
fermement sur une révolution intellectuelle, dans laquelle notre
pensée et notre philosophie soient axées sur la rédemption
de notre société. Notre philosophie doit trouver ses armes dans
le milieu et les conditions de vie du peuple africain. C'est
à partir de ces conditions que doit être crée le contenu
intellectuel de notre philosophie. L'émancipation du continent africain,
c'est l'émancipation de l'homme ». La force et la verve
rhétorique de Nkrumah est indéniable, cependant il passe
littéralement à côté de son projet
d'émancipation en appuyant sa réflexion sur cette idée
holiste de « peuple ».
* 250 Molefi Kete Asante, op.
Cit, p. 9 du chapitre 1 sur Les Fondements Essentiels :
« L'Afrocentricité est l'élément fondamental
de la régénération humaine. Dans la mesure où elle
fait partie de l'existence des millions d'Africains sur le continent et dans la
Diaspora, elle deviendra révolutionnaire. Elle a un but,
conférant un sens réel de destinée, fondée sur
l'histoire et l'expérience. L'état psychologique de l'Africain
sans Afrocentricité est devenu un sujet de grande préoccupation.
Au lieu de regarder vers l'extérieur à partir de son propre
centre l'individu non-afrocentrique se comporte de façon
négativement prévisible. Les images, symboles, styles de vie et
façons d'être de cet individu sont contradictoires et de ce fait
même, s'opposent à une croissance et à un
développement individuels et collectifs ».
* 251 Pierre-André
Taguieff, L'illusion populiste. Essai sur les démagogies de l'âge
démocratique, éd. Flammarion, mars 2007, p. 227 sur Le populisme
identitaire
* 252 Elungu P. E. A, op. Cit,
p. 70 dans la partie sur L'Afrique à la recherche de son
idéologie, se référer au moment intitulé Le
Panafricanisme : « En Afrique, le panafricanisme reste
lié à Kwamé Nkrumah. C'est lui, en effet, qui l'a
importé ; c'est lui qui, le premier, a lutté avec ardeur
sans pareille pour sa réalisation, (...) »
* 253 Ama Mazama, op. Cit, p.
178 dans La Philosophie africaine : « Le principe fondamental de
la philosophie africaine est celui de l'unité de l'être. En effet,
l'articulation première de la métaphysique africaine est
l'énergie cosmique qui traverse et habite tout ce qui est au monde.
Cette énergie cosmique dont tout participe, les humains comme les
animaux, les plantes comme les minéraux, les objets comme les
phénomènes, fournit une essence commune à tous et de ce
fait même, assure l'unité fondamentale de tout ce qui
est ».
* 254 Molefi Kete Asante, op.
Cit, p. 19 : «L'Afrocentricité ne vous convertit pas en faisant
appel à la haine ou à la convoitise, à la rapacité
ou à la violence. En tant qu'idéologie consciente la plus
élevée, elle affirme ses principes, motive ses adhérents
et gagne les prudents par la force de sa
vérité ».
* 255 Kwamé Nkrumah,
op. Cit, p. 13 au chapitre sur le Consciencisme
* 256 Elungu P. E. A, op. Cit,
p. 71 dans la partie a°) Du panafricanisme au nationalisme :
« Parti du panafricanisme comme idée, Nkrumah doit
déboucher sur le panafricanisme comme réalité. Ce chemin
est long et périlleux. En fait, Nkrumah a fait beaucoup mais n'est pas
arrivé au bout du parcours, il a été renversé en
cours de route par les forces mêmes qui devaient servir à la
réalisation de son rêve ».
* 257 Sous la direction de
Yénouyaha Georges Madiéga et Oumarou Nao, Burkina Faso. Cent ans
d'histoire, 1895-1995, Tome 2, éd. Karthala-P.U.O sur les presses de la
Nouvelle Imprimerie Laballery, 58500, Clamecy, décembre, 2003, p.
1275 au 2- Les politiques de développement auto-centré
(1983-1987) : « Dans une stratégie de développement
auto-entretenu, le taux de croissance recherché doit être optimum
sous réserve du maintien de l'indépendance de l'économie
nationale. Le rôle du plan devient central. L'investissement public se
réalise aussi dans le secteur productif. L'Etat contrôle le
capital privé par le biais d'un code des investissements restrictif. La
priorité est accordée aux facteurs de productions internes :
le choix des technologies intermédiaires est prôné.
(...) L'application de cette politique de développement
auto-centrée a donné des résultats : le taux de
croissances des importations diminue de 4,2 à 0,9 %, celui des
consommations publiques de 4,9 à 0,9 %, des consommations privées
de 3,6 à 3,2 % ; le taux de croissance de la production baisse de
3,5 à 2,5 %. En revanche, le taux de croissance des exportations
augmente de 0,5 % ». (Voir le tableau situé à la
page suivante p. 1276 où il est indiqué que de 1980 à 1987
le PIB était de 5,6%, la production industrielle (PID) de 3,9% et la
production agricole (PAG) de 6,1%. Jusqu'à aujourd'hui, le Burkina Faso
n'a jamais connu un bilan économique aussi positif que sous l'ère
de Thomas Sankara).
* 258 Simone Weil, Note sur la
suppression générale des parties politiques, éd. Climat,
Paris, mars, 2006, p. 34
* 259 Simone Weil, op. Cit, p.
24 : « Ainsi sur le continent d'Europe le totalitarisme est le
péché originel des partis. C'est d'une part l'héritage de
la Terreur, d'autre part l'influence de l'exemple anglais, qui installa les
partis dans la vie publique européenne ». Bien que ce
soit à demi-mots, il est véritablement question de la vie
politique, quelque soit la nature de l'organisation politique, celles-ci sont
néfastes pour la pensée elles la cloisonnent de par ses dogmes
idéologiques. Et pour le continent africain, cette question est d'autant
plus importante, car quand bien même le clivage gauche/droite sera
dépassé, n'oublions pas qu'il n'est souvent qu'un prétexte
pour dissimuler des clivages ethniques tels que : Merina/Antefasy à
Madagascar, Utu/Tutsi au Rwanda.
* 260 Simone Weil, op. Cit, p.
35
* 261 Martin Bernal, Black
Athena. Les racines afro-asiatiques de la civilisation classique, Volume II Les
sources écrites et archéologiques, traduit de l'américain
par Nicole Genaille, éd. PUF, 73, avenue Ronsard 41100 Vendôme,
novembre 1999, p. 9 : « Deux journaux d'extrême
droite, le New Criterion et le National Review, ont attaqué ma position
politique. Dans le premier, le critique, qui avait clairement lu Black Athena
et réfléchi sur l'ouvrage, admettait qu'il puisse contenir des
arguments intéressants (...) »
* 262 J. G. Bidima, op. Cit,
p.123 dans son oeuvre La philosophie négro-africaine.
* 263 Simone Weil, op. cit, p.
51
* 264 Richard Rorty,
Conséquences du pragmatisme, éd. Seuil, Paris, novembre, 1993, p.
303 au chapitre 9 intitulé Pragmatisme, relativisme et irrationalisme
* 265 Richard Rorty,
Objectivisme, relativisme et vérité, éd. PUF, 73 avenue
Ronsard, 41100 Vendôme, mars, 1994, p. 201 dans la 3ème
partie sur La priorité de la démocratie sur la philosophie :
« Dans la mesure où il ne croit pas qu'en
matière de théorie politique, nous ayons besoin de nous
considérer comme les détenteurs d'une essence qui
précède l'histoire, Rawls n'admettrait pas, avec Sandel, qu'une
théorie de la nature du sujet moral, en un certain sans
nécessaire, non contingent et antérieur à toute
expérience particulière puisse nous être de quelque
utilité ». Nous pouvons remarquer par ailleurs,
que la notion de démocratie est absente de la philosophie
afrocentriste.
* 266 Richard Rorty, op. Cit,
p. 192 : « Ce compromis jeffersonien sur la relation de
la perfection spirituelle et de la politique publique présente deux
aspects. Sous son aspect absolutiste, il stipule que tout être humain,
toute révolution particulière mise à part, possède
la totalité des croyances que réclame la vertu
civique. Ces croyances ont leurs sources dans une
faculté humaine universelle : la conscience, dont la possession
définit l'essence humaine spécifique de tout être humain.
C'est cette faculté qui confère à l'individu sa
dignité et ses droits. Mais il existe aussi un aspect pragmatique, aux
termes duquel l'individu qui découvre dans sa conscience des croyances
en accord avec la politique commune, mais que les croyances qu'il partage avec
ses concitoyens ne permettent pas de sacrifier sa conscience sur l'autel de
l'intérêt public ». Sur ce point Rorty valide notre
argumentation précédente sur l'utilité des croyances
spirituelles, si celles-ci peuvent renforcer l'individu aux côtés
d'autres éléments.
* 267 Mamoussé Diagne,
De la philosophie et des philosophes en Afrique noire, préface de Paulin
J. Hountondji, éd. IFAN, B.P 206, Dakar, éd. Karthala, 22-24 bld
Arago, Paris, p. 68 au chapitre III dans la partie I intitulé La
fonction critique et auto-critique.
* 268 Elungu P. E. A, op. Cit,
p. 113 sur Les philosophies critiques : « L'intention des
philosophes de ce nouveau courant ne semble pas être de rechercher,
à travers la critique des autres formes de pensée, à
dégager ce qui doit être l'image d'une philosophie africaine. Au
contraire, à leurs yeux, cette notion de philosophie africaine est
critiquable au nom du concept spécifique de philosophie. C'est ce
concept qu'ils s'efforcent d'éclaircir et de préciser, qu'ils
proposent, ainsi défini, en programme rigoureux d'investigations
philosophiques ».
* 269 J. G. Bidima,
Théorie Critique et modernité négro-africaine, p. 177
* 270 Kant, Critique de la
raison pure, traduction et présentation par Alain Renaut, Aubier, Paris,
1997, éd. GF Flammarion, 2ème édition
corrigée en 2001, p. 124 au chapitre sur l'esthétique
transcendantale : « Les explications que nous donnons
enseignent par conséquent la réalité
(c'est-à-dire la validité objective) de l'espace
à l'égard de tout ce qui peut s'offrir à nous
extérieurement comme objet, mais en même temps
l'idéalité de l'espace à l'égard des choses,
dès lors qu'elles sont appréciées par la raison en
elles-mêmes, c'est-à-dire sans que soit prise en compte la
constitution de notre sensibilité. Nous affirmons en ce sens la
réalité empirique de l'espace (à l'égard de
toute expérience externe possible), tout en affirmant son
idéalité transcendantale, c'est-à-dire qu'il n'est rien
dès que nous omettons la condition de la possibilité de toute
expérience et que nous l'admettons comme quelque chose qui est au
fondement des choses en elles-mêmes ». Si les conditions
d'apparition de la chose en soi sont relatives à la structure de notre
sensibilité, en tant qu'elle nous apparaît de manière
spatio-temporelle sous la forme de phénomènes, les jugements
synthétiques a priori ne peuvent être énoncés que
par la Raison pure (celle dont on se sert pour l'activité scientifique),
en aucun cas pour la Raison pratique.
* 271 Kant, op. Cit, p. 329
dans I. De l'apparence transcendantale : « Nous avons
nommé plus haut la dialectique en général une logique de
l'apparence. Cela signifie pas qu'elle soit une théorie de la
vraisemblance ; car celle-ci est une vérité, mais connue par
des principes insuffisants, dont la connaissance est donc assurément
défectueuse, sans pour autant être par là même
trompeuse, et qui ne doit donc pas être séparée de la
partie analytique de la logique ». Il en fut ainsi de la
Philosophie Bantoue de Tempels qui avait entre-aperçut un système
ontologique pour lequel ses bases cognitives n'étaient suffisantes pour
pouvoir l'appréhender dans sa quintessence. Toutefois, ce qui demeure de
ses investigations ethnophilosophiques c'est la perception de la double
temporalité inhérente à la vision bantoue qui s'ajoute
donc, à la vision linéaire et occidentale de la
temporalité ainsi qu'à la nature cyclique de la
temporalité orientale.
* 272 Achille Mbembé,
De la postcolonie. Essai sur l'imagination politique dans l'Afrique
contemporaine, éd. Karthala, Paris 13ème, août
2000, p. 41 au chapitre 1 intitulé Du Commandement
* 273 Richard Rorty, Science
et solidarité, la vérité sans le pouvoir, traduit de
l'américain par Jean-Pierre Cometti, éd. L'éclat, France,
octobre 1990, p. 10
* 274 Achille Mbembé,
De la Postcolonie. Essai sur l'imagination politique dans l'Afrique
contemporaine, éd. Karthala, Paris, 2000, p. 41 au chapitre 1
intitulé Du commandement
* 275 Achille Mbembé,
Jean-François Bayart, C. Toubabor, Le politique par le bas en Afrique
noire. Contributions à une problématique de la démocratie,
éd. Karthala, Paris, 1992, p. 62 au 2. La revanche des
sociétés africaines : « L'un des enjeux de la
vie politique mouvementée de l'Afrique noire porte sur l'installation de
situations autoritaires, voire totalitaires ou tyranniques, se reproduisant au
delà de cycles institutionnels. (...) Même dans des
contextes de dégradation du système représentatif, des
institutions résistent, qui persistent à trouver leur inspiration
dans le libéralisme, telle la presse ou la justice au Kenya et en Sierra
Leone. Et l'aménagement interne des régimes autoritaires est
volontairement posé en termes de démocratisation, en
Côte-d'Ivoire notamment ».
* 276 Achille Mbembé,
Les jeunes et l'ordre politique en Afrique noire, logiques sociales collection
dirigée par Dominique Desjeux, éd. L'harmattan, Paris, 1985, p.
211 dans Ré-inventer l'Etat : « Contrairement
à ce que laisse penser une vision romantique du peuple, le champ sociale
dans lequel s'inscrit la domination en Afrique n'est pas seulement
traversé de courants d'uniformisation. (...) Les réseaux
qui lient les jeunes à l'Etat sont, par conséquent, tissés
de complexités qu'il importe de saisir par un retour sur les
vécus quotidiens, eux-mêmes compris à l'intérieur
d'un ensemble social plus vaste ».
* 277 Alan Sokal, et Jean
Bricmont, Impostures intellectuelles, éd. Odile Jacob, Paris, 1997, p.
281 dans l'oubli de l'empirisme. Nous disons cela car la Théorie
critique de la philosophie africaine plus que les autres courants, peut
être frappé par le conformisme intellectuel dont il est question
dans « L'affaire Sokal ».
* 278 Sous la direction de
Marie-Claude Smouts, La situation postcoloniale. Les postcolonial studies dans
le débat français, préface de Georges Balandier, Presses
de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, Paris, 2007, p. 24 :
« Le postcolonial désigne une situation qui est celle, de
fait, de tous les contemporains. Nous sommes tous, en des formes
différentes, en situation postcoloniale. Parce que la mondialisation
nous porte au doute quant à notre identité, et que nous
étendons avec ces nouveaux Nouveaux Mondes un univers où nous
nous découvrons un peu égarés, étrangers dans le
sens que Simmel donnait au terme. »
* 279 Sous la direction de
Marie-Claude Smouts, op. cit, p. 25 : « Au travers d'une
production foisonnante et souvent polémique, se dessine ce que l'on peut
appeler un théorème postcolonial à la française
fondé sur trois proposition : le fait colonial fait partie
intégrante de l'histoire de notre présent ; la domination
coloniale a bouleversé les sociétés d'outre-mer, elle a
aussi profondément marqué les anciennes
métropoles ; pour maintenir son unité nationale, la
France doit assumer son passé colonial et reconnaître les traces
qui en subsistent. »
* 280
http://www.expatries.senat.fr/coopération_decentralisee.html
: « La coopération décentralisée englobe
toutes les relations d'amitié, de jumelage ou de partenariat
nouées entre les collectivités locales françaises et les
collectivités équivalentes d'autres pays. Plus
généralement, on y inclut différentes formes d'assistance
ou échanges d'expériences avec des structures publiques locales
étrangères. Composante importante de la présence
française à l'étranger, les actions de coopération
décentralisée offrent aussi, pour nos compatriotes
expatriés, l'occasion d'établir des contacts
privilégiés avec les collectivités territoriales qui s'y
impliquent. Le Sénat a entendu bien marquer l'importance qu'il accorde
à ce volet typique de son activité internationale, en se dotant,
au sein de son bureau, d'une délégation à la
coopération décentralisée. »
* 281 Bertrand Badie et
Marie-Claude Smouts, Le retournement du monde, sociologie de la scène
internationale, 3ème éd. revue et mise à jour,
Presses de Sciences Po et Dalloz, Paris, octobre 1999, p. 34 dans Le Territoire
en question : « La territorialisation du politique, propre
au mode étatique, relève également d'un type culturel
qu'on ne saurait universaliser : la référence
à un territoire fini, doté de frontières légitimes
et servant de fondement à l'exercice de l'autorité politique,
correspond à une invention propre à l'histoire occidentale et
qui apparaît à la fin du Moyen Age avec la construction de
l'Etat. »
* 282 Colloque organisé
sous le Haut patronage de Mr. Christian Poncelet président du
Sénat, Mr. Jean-Pierre Raffarin Premier ministre, sur La
coopération décentralisée : mode d'emploi, ce
colloque a eu lieu à Paris au Palais du Luxembourg le mercredi 22
octobre 2003, les débats ont été animés par Pierre
Henri Gergonne et Emmanuel Kessler journalistes à Public Sénat,
se référer à la publication Les colloques du Sénat
Les Actes à la page 13 dans l'Introduction : « La
coopération décentralisée doit aujourd'hui trouver un
second souffle. Projet vaste et ambitieux dont le Sénat se veut partie
prenante, il suppose l'établissement d'un bilan pour apprécier le
chemin parcouru depuis les premiers jumelages nés dès le
lendemain de la Seconde Guerre mondiale, puis après l'intervention de la
loi du 6 janvier 1992, qui a consacré les pratiques très
diverses, désormais rangée sous la bannière de la
coopération décentralisée. Derrière ces
termes, ce sont des milliers d'initiatives locales, imaginatives et
fécondes, qui se déploient un peu partout dans le monde à
l'initiative des collectivités territoriales françaises et avec
le concours d'opérateurs multiples : ONG, associations, bailleurs
internationaux, experts... Les résultats de ces actions de
proximité complètent les politiques nationales en faveur de la
coopération et en démultiplient les
effets. »
* 283 Anthony Giddens, Les
conséquences de la modernité, éd. L'harmattan
Théorie sociale contemporaine, Paris 5ème, octobre
2006, p. 162 dans Le réalisme utopique où d'après
l'auteur toutes théories critiques contemporaines, notamment les
études post-coloniales qui régissent la coopération
décentralisée, doivent avoir certaines caractéristiques :
« Elle doit être sociologiquement sensible, attentive aux
transformations institutionnelles immanentes que la modernité ouvre
constamment vers le future. Elle doit être politiquement,
géopolitiquement, tactique, dans le sens d'une reconnaissance que les
engagements moraux et la bonne foi peuvent eux-mêmes être
potentiellement dangereux dans un monde lourd de risques majeurs. Elle
doit créer des modèles de la bonne société non
limités à la sphère de l'Etat-nation, ni seulement
à celle des dimensions institutionnelles de la
modernité. »
* 284 Edward Saïd,
L'Orientalisme. L'Orient crée par L'Occident, Paris, Seuil, 2005,
1er édition en 1980.
* 285 Les colloques du
Sénat, op. Cit, p. 29 dans la partie sur Les grands dossiers de la
coopération décentralisée : « La
coopération décentralisée va jouer un rôle crucial
au cours des prochaines décennies. Dans le contexte de
restrictions budgétaire qui accompagnera le processus
d'élargissement de l'Europe, elle permettra de prolonger la mission de
solidarité des Etats. Aussi, il est essentiel de se pencher sur
le mode d'emploi, l'ingénierie, de la
coopération. »
* 286 Sous la direction de
Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 423 dans Quelle science politique pour les
études postcoloniales rédigées par Astrid Von
Buzekist : « L'idée, en revanche, devient plus
problématique, lorsque se pose la question de l'action politique. Car
si, comme le disait Freund, l'essence du politique est par définition
immuable, toute entreprise de subversion de l'ordre de domination est
nécessairement vaine, sourde aux leçons de l'histoire. Or
à l'évidence, les postcolonial studies ne peuvent prolonger
jusqu'à ce point la logique de leur démonstration et,
lorsqu'elles doivent se prononcer sur le sens de leur combat, elles se
partagent entre les trois options de la déconstruction, de l'action
révolutionnaire et de la procédure
démocratique. »
* 287 Sous la direction de
Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 364 dans Les séquelles de la
colonisation dans les institutions étatiques :
« L'Etat postcolonial apparaît ainsi marqué, comme
l'ont montré depuis longtemps les travaux pionniers de
Jean-François Bayart sur l'Etat africain, d'une irréductible
spécificité, Etat néopatrimonial, dont la logique de
fonctionnement se situerait aux antipodes de la rationalité
wébérienne. »
* 288 Achille Mbembé,
De la postcolonie. Essai sur l'imagination politique dans l'Afrique
contemporaine, éd. Karthala, Paris 13ème, août
2000, p. 69 : « La pratique générale du
pouvoir s'est cependant, globalement située dans la continuité de
la culture politique coloniale et dans le prolongement des aspects les plus
despotiques des traditions ancestrales, elles-mêmes
réinventées pour la circonstance. C'est l'une des raisons
pour lesquelles le potentat postcolonial était hostile à la
délibération publique, et ses critères de jugement et
d'action se souciaient peu de la distinction entre le justifié et
l'arbitraire. ». Cela induit que les catégories
d'analyse, les critères que l'on considère comme objectifs ainsi
que le prisme proprement occidental qui module notre représentation doit
intégrer les réalités locales et les coutumes afin que
l'Action Publique ici présente ne finisse pas lettre morte.
* 289 Bertrand Badie, op. Cit,
p. 203 dans La résistance des Etats :
« Reflétant un modèle exogène,
l'Etat en Afrique et en Asie est faible, coupé des
réalités sociales qu'il essaye désespérément
de capter par l'usage de techniques clientélistes. Il
ne dispose que d'une allégeance citoyenne mesurée, tandis que ses
liens avec les communautés qui le composent sont ténus et
fragiles. Plongeant dans les profondeurs de l'histoire et des cultures
multiséculaires, l'Etat occidental est, quant à lui,
troublé par les territorialités multiples auxquelles il doit
faire face, par les réseaux qui lui sont rebelles et par une
mobilité qui met en échec les principes le
fondaient. »
* 290 Sous la direction de
Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 417 dans Quelle science politique pour les
études postcoloniales ?
* 291 Charte des Nations Unies
au second alinéa de l'article 1
* 292 Sous la direction de
Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 184 dans La critique matérialiste
néomarxiste : « Bien entendu, on sait de quel
délitement des certitudes de la gauche traditionnelle la théorie
postcoloniale est issue. Elle est fille des ébranlements
idéologiques et politiques engendrés depuis vingt ans chez les
intellectuels radicaux par le reflux de la croyance dans le progrès
linéaire des sociétés, la prise de conscience des aspects
répressifs de l'Etat-nation, l'effondrement du modèle socialiste
de société, l'échec des promesses économiques et
sociales de la décolonisation suivi par l'apparition de fractures et
d'inégalités majeures entre les pays du Sud eux-mêmes, le
déclin de la classe ouvrière et l'essor de la consommation, (...)
la montée parallèle des particularismes et des revendications
identitaires. »
* 293 François
Châtelet, Olivier Duhamel, Evelyne Pisier, Histoires Idées
Politiques, éd. Puf, Vendôme, octobre 1989, p. 163 dans
L'étape impérialiste : Lénine. « Au fil
de ses réfutations des thèses révisionnistes,
Lénine est amené à mettre au point une analyse nouvelle du
capitalisme, ou, si l'on préfère, un prolongement de l'analyse
marxiste du capitalisme par la théorie de l'impérialisme. Le
régime capitaliste est entré dans une nouvelle étape, la
dernière avant son effondrement, l'étape
impérialiste.
* 294 François
Châtelet, Olivier Duhamel, Evelyne Pisier, ib idem, « La
lutte pour le partage du monde, lutte entre les groupes capitalistes pour la
conquête de nouveaux secteurs, lutte entre Etats capitalistes pour
l'occupation coloniale. »
* 295 François
Châtelet, Olivier Duhamel, Evelyne Pisier, ib idem. « Les
conséquences que Lénine attribue à cette transformation du
capitalisme ne sont pas exactement celles envisagées par Rudolf
Hilfering ou Raso Luxembourg, desquels il s'est inspiré pour concevoir
la théorie de l'impérialisme. Lénine récuse la
vision apocalyptique de la révolutionnaire allemande. Les contradictions
du système mondial ne déboucheront pas sur une auto-destruction
du régime aussi longtemps que la lutte des classes ne mettra pas un
terme à l'existence du capitalisme. Celui-ci manifeste des
capacités d'adaptation : la constitution d'une oligarchie
financière, née de l'impérialisme, permet
l'amélioration économique du sort de la classe ouvrière,
l'atténuation de la lutte des classes et la récupération
d'une partie du mouvement ouvrier, la corruption d'une aristocratie
ouvrière. »
* 296 Sous la direction de
Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 17 : « Pour moi, le
postcolonial commence en 1955, à Bandung, avec la Conférence des
pays non-engagés se voulant neutres par rapport aux deux blocs. Il y a
là un événement qui est une affirmation politique, mais
d'abord culturelle et historique. On se réapproprie son
histoire. »
* 297 Véronique Dimier,
Le discours idéologique de la méthode coloniale chez les
français et les britanniques, de l'entre-deux guerres à la
décolonisation (1920-1960), co-édité par le Centre d'Etude
d'Afrique Noire de l'Institut d'Etudes Politiques de Bordeaux et les
éditions Karthala, 22-24 bld Arago, Paris, 1998, p. 39 :
« Les nombreuses tentatives françaises pour prouver au
monde que la France savait également mener une politique indigène
et un gouvernement indirect digne de ce nom devaient donc s'avérer
vaines au bout du compte. A long terme, c'est bien d'ailleurs la
version anglaise qui finira par s'imposer dans les analyses historiques ou
anthropologique portant sur la période coloniale. Il est vrai que cette
version anglaise est portée par des universitaires
bénéficiant de toute l'aura intellectuelle et scientifique
d'institutions aussi prestigieuses qu'Oxford ou la LSE
(...) ».
* 298 François
Châtelet, Olivier Duhamel, Evelyne Pisier, op. Cit, p. 229 sur
L'identité : « Par delà la diversité
des situations, la problématique de la libération s'est partout
posée en termes de quête d'identité. L'analyse
purement économique des effets de l'impérialisme ne saurait
suffire, il faut, plus largement, dénoncer l'aliénation
coloniale. Et ce que le colonialisme a divisé, il faut le
réunir par des solidarités nouvelles. Et lorsque, comme souvent,
l'identité retrouvée se veut socialiste, c'est dans un sens
inhabituel. »
* 299 Bertrand Badie,
Marie-Claude Smouts, op. cit, p. 36 : « Les relations entre
Etats africains font apparaître les mêmes remise en cause : la
citoyenneté ivoirienne passe souvent après l'identification
à l'ethnie Dan, Baoulé ou Senoufo ; pour peu que celles-ci
s'étendent sur l'ordre des relations inter-étatiques, comme le
révèle clairement la guerre civile libérienne,
entretenue et compliquée par des solidarités
transfrontalières qui unissent, par exemple, les Dan ivoiriens et les
Dan libériens. ». Des stratégies
politiques similaires peuvent être identifiées dans d'autres
régions d'Afrique, le fait qu'elles soient basées sur des
dimensions identitaires contrarie l'idée d'un développement
uniforme du territoire national. Par exemple, la culture Fanti est celle d'une
ethnie ghanéenne minoritaire que John Kufuor ex-président a
érigée en culture nationale, lors de son accès au pouvoir
afin de valoriser sa région originaire. De même pour le
Centrafrique pour qui la culture Ngbandis fut promue en culture nationale.
* 300 Bertrand Badie, op. Cit,
p. 130 : « L'institution territoriale se
défait ainsi à mesure qu'elle manifeste ses
ambiguïtés, ses pertes de sens et son instrumentalisation à
des fins qui desservent sa capacité
régulatrice. Captée par l'énonciation
identitaire, elle devient purement et simplement une aporie qui non seulement
porte atteinte à sa légitimité, mais la rend aussi
génératrice de conflits qui désormais ignorent les
compromis. »
* 301 Bertrand Badie, op. Cit,
p. 191 : « La guerre civile chez l'autre, des
poussées d'autoritarisme ou une répression sanglante engagent
alors une responsabilité internationale qui, du Rwanda à la
Somalie, du Libéria au Kurdistan, retire au principe de
territorialité sa valeur absolu. »
* 302 Sous la direction de
Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 32 dans De la situation postcoloniale au
postcolonial.
* 303 Raymond Boudon, Philippe
Besnard, Mohamed Cherkaoui, Bernard-Pierre Lécuyer, Dictionnaire de
sociologie, éd. Larousse, Paris, avril 2003, p. 239 dans la
définition de la Tribu : « La tribu repose ainsi sur
le principe de l'affrontement à chaque niveau d'unités de
puissances à peu près égales. Il s'instaure ainsi un
équilibre général fondé sur des équilibres
successifs, qui garantit à tous une certaine sécurité.
Chaque niveau de la segmentation a les organes politiques nécessaires
pour assurer à ce niveau les intérêts communs. (...)
A mesure que l'on monte de niveau en niveau, les conflits sont de moins
en moins maîtrisés et la guerre de plus en plus
sauvage. »
* 304
http://www.oepu.paris-sorbonne.fr
se reporter à la Journée d'études organisée par
Alain Renaut sur la thématique suivante : Le gouvernement des
sociétés postcoloniales, dans laquelle Lukas Sosoé, qui
est Professeur à l'université du Luxembourg, a effectué
une intervention sur l'Ere postcoloniale : l'exemple des partis
politiques. Le cas de l'Afrique noire sub-saharienne.
* 305 Dominique Chagnollaud,
Science Politique, 5ème édition Dalloz, Paris, mars
2004, p. 94 sur Les régimes autoritaires : « Les
régimes autoritaires se caractérisent par le refus du jeu
démocratique (élections libres, compétition
électorale). Ils contrôlent la vie politique dans ses diverses
expressions, avec plus ou moins de réussite. (...) En
ce sens, l'essentiel est d'assurer une apparence d'unanimité sans
rechercher à conquérir les individus. Ils tolèrent
d'autres éléments de socialisation autre que l'Etat ou le parti
unique. C'est en ce sens que Linz (1969) a pu dire que les
régimes autoritaires sont de systèmes à pluralisme
limité mais sont responsables, sans idéologies directive
élaborée ni volonté de mobilisation intensive ou
extensive, sauf à certains moments de leur
développement. »
* 306
http://www.expatries.senat.fr/coopération_dcentralisee.html
Lire la fiche mise en ligne par le Sénat à ce propos.
* 307 Les collectivités
territoriales de la République sont les communes, les
départements, les régions, les collectivités à
statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par
l'article 74. Toute autre collectivité territoriale est crée par
la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs
collectivités mentionnées au présent alinéa.
Les collectivités territoriales ont vocation à prendre
des décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le
mieux être mises en oeuvre à leur échelon.
* 308 Elizabeth Dau, La
coopération décentralisée, mémoire de recherche en
droit public sous la direction du professeur Jean-Charles Froment à
l'Université de Grenoble II en 2007, p. 14 -Le monopôle de l'Etat
remise en cause par l'émergence des collectivités locales sur la
scène internationale : l'expérience française.
* 309 Bertrand Badie,
Marie-Claude Smouts, op. Cit, p. 66 dans Le contournement de l'Etat :
« Les relations transnationales peuvent dès lors
être définies comme toute relation qui, par volonté
délibérés ou par destination, se construit dans l'espace
mondial au-delà du cadre étatique national et qui se
réalise en échappant au moins partiellement au contrôle ou
à l'action médiatrice des Etats. »
* 310
http://www.cites-unies-France.org
* 311
http://www.afccre.asso.fr
* 312 Peter Knoepfel, Corinne
Larrue, Frédéric Varone, Analyse et pilotage des politiques
publiques, éd. Helbing & Lichtenhahn, Genève, Bâle,
Munich, 2001, p. 53 du chapitre 3 : Les acteurs des politiques publiques dans
la partie 3.3 Les types d'acteurs : « (...) les acteurs
politico-administratifs qui sont investis du pouvoir
public. »
* 313
http://www.afd.fr
* 314
http://www.edukafaso.org
* 315 Peter Knoepfel, Corinne
Larrue, Frédéric Varone, ib idem, p. 53 : « (...)
qui sont les acteurs qui supportent les effets négatifs dudit
problème et dont la situation devrait être améliorée
suite à la mise en oeuvre de l'intervention
publique. »
* 316 L'article L. 1115-1 du
code des collectivités territoriales est désormais comme
suit : « Les collectivités territoriales et leurs
groupements peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la
France, conclure des conventions avec des autorités locales
étrangères pour mener des actions de coopération ou d'aide
au développement. Ces conventions précisent l'objet des actions
envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers
(...). En outre, si l'urgence le justifie, les collectivités
territoriales et leurs groupements peuvent mettre en oeuvre ou financer des
actions à caractères humanitaire. »
* 317 Peter Knoepfel, Corinne
Larrue, Frédéric Varone, ib idem, p. 53 : « (...)
et en groupes tiers, affectés indirectement par la politique
publique, soit positivement, soit négativement. »
* 318 Elizabeth Dau, op. Cit,
p. 84 à la partie 1-La question de l'implication des femmes :
« La question de l'implication des femmes est une
question récurrente en ce qui concerne le développement de
manière générale. Que ce soit pour la sauvegarde de la
diversité biologique, parce qu'elles sont détentrices des savoirs
traditionnels qui permettent de préserver une cohabitation durable entre
les hommes et leur environnement dans certaines régions du
monde ; ou que ce soit du fait de leur rôle majeur
dans le développement local sous l'effet de la migration massive de
leurs époux ; ou enfin, parce que la question de leur double
discrimination dans les pays d'accueil des migrations, les femmes comptent
parmi les acteurs du développement et c'est à ce titre qu'il
convient de les impliquer plus largement. ». Nous entendons par
le mot libéral, une idéologie reposant sur la
responsabilité individuelle.
* 319 Centre National de la
Formation Publique Territoriale et le Ministère des affaires
étrangères coopération et francophonie, Gestion et
organisation d'une collectivité territoriale. L'apport de la
coopération décentralisée et bilatérale dans le
contexte de l'Afrique sub-saharienne, collection du développement local,
éd. du CNFPT, Paris, 1998, p. 87 dans la partie 4- L'appuie du Conseil
Général du Territoire de Belfort aux communautés
villageoises de deux départements burkinabés, au chapitre 4
intitulé Quelques réalisations : « Avec la
création d'un fond de solidarité international doté de
0,1% de son budget en 1995, le Conseil Général du Territoire de
Belfort entend promouvoir l'ouverture au monde du département, en
développant la solidarité avec les pays les plus pauvres. Cette
politique s'appuie sur le tissu associatif départemental, comme lieu
d'expression à la base d'une citoyenneté de solidarité par
delà les frontières, qu'il convient d'encourager et de
renforcer. Toute action d'appui du développement au Sud est
ainsi accompagnée d'un programme de sensibilisation, d'éducation
au développement et d'échanges interculturels, visant à
changer le regard du Nord sur le Sud. »
* 320 Le Robert en partenariat
avec L'Express, Altlas Géopolitique & Culturel. Les grands enjeux
démographiques, économiques, politiques, sociaux et culturels du
monde contemporain, Dictionnaire Le Robert pour l'édition originale,
1999, Dictionnaire Le Robert-Vuef pour la présente édition,
réalisée en exclusivité pour GROUPE EXPRESS. P. 11 dans la
première partie intitulée Le monde en question :
« Des acteurs internationaux (organisations
interétatiques, ONG) ignorent la ligne de partage entre
l'intérieur et l'extérieur et demandent des comptes aux Etats sur
le respect des droits de l'homme, la prise en compte des minorités,
l'application des règles économiques et financières
internationales. »
* 321 Sous la direction du
Professeur Moustapha Kassé, avec la collaboration du Professeur
Abdoulaye Diagne, et de Mme Gnouka Touré Diouf, Ministre Conseiller
à la Présidence, Coalition contre les Accords de Partenariat
Economique et pour l'ouverture d'un dialogue avec l'Union Européenne en
vue de construire un partenariat équitable, Vaste rassemblement pour le
développement et l'unité de l'Afrique, Imp : Flash Iprim -
33 842 76 40, Janvier 2008, p. 19 dans l'encadré 12.
* 322 Peter knoepfel, Corinne
Larrue, Frédéric Varone, op. Cit, p. 262 au chapitre 10 :
L'évaluation des effets des politiques publiques.
* 323 Centre National de la
Formation Publique Territoriale, op. Cit, p. 90 D- Premier bilan dans la partie
4- sur L'appui du Conseil Général du Territoire de Belfort aux
communautés villageoises de deux départements burkinabé.
* 324 Centre National de la
Formation Publique Territoriale, op. Cit, p. 91 E- Les problèmes
identifiés
* 325
http://www.grandesvilles.org/IMG/pdf_Appel_a_contrat_2007_2009-2.pdf
: En effet parmi les objectifs viables et pragmatiques nous pouvons apercevoir
dans ce fichier : la présence économique, la campagne
d'information et d'éducation aux normes environnementales, financements
de projets, etc....
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