Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé( Télécharger le fichier original )par Audrey Arnoult - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006 |
B. La littérature théologique atteste de comportements « anorexiques »Les récits dont nous disposons aujourd'hui rapportant des comportements « anorexiques » ayant existé entre le Moyen Âge et le XVIIIème siècle, sont essentiellement issus de la littérature théologique. Ces témoignages, le plus souvent écrits par des moines, décrivent des cas de jeunes filles qui jeûnent pendant une période relativement longue. Il n'existe pas d'estimations chiffrées des personnes ayant eu un comportement « anorexique » au cours de cette période ; cependant, les traces écrites laissent supposer que ces cas étaient relativement rares et disséminés. 1. Au 9ème siècle, Friderada von TreuchtlingenEn 895, le moine Wolfhard relate l'histoire de Friderada von Treuchtlingen, une jeune bavaroise, fille de serfs, qui cesse de s'alimenter32(*). Ce dégoût pour la nourriture intervient à la suite d'une succession d'événements. De nature plutôt robuste, la jeune fille tombe soudainement malade. Une fois rétablie, elle se met à tout dévorer (un comportement qui s'apparenterait aujourd'hui à de la boulimie) mais paradoxalement perd des forces. Elle est alors conduite au monastère de Sainte Walburgis, à Monheim en Bavière, un monastère réputé pour ses miracles. Les religieux conseillent à ses parents de prier sans relâche. Ils s'exécutent et progressivement les fringales de la jeune fille disparaissent mais elle éprouve un dégoût profond pour la nourriture. « A partir de là, Friderada ne se nourrit plus que de produits laitiers et adopte la désagréable habitude de vomir après chaque repas »33(*). Peu de temps après, elle cesse de s'alimenter. Des religieuses lui rendent visite et l'une d'entre elle la force à manger un morceau de viande causant le désespoir de la jeune fille qui devient aveugle. De nouveau conduite à Monheim, ses parents renouvellent leurs prières et la jeune fille retrouve la vue. Sur la décision de l'évêque qui souhaite s'assurer que Friderada ne mange vraiment rien, la jeune fille est cloîtrée pendant six mois et finit par mourir dans un état de maigreur extrême. Elle devient sainte de Walburgis34(*). Anne Guillemot et Michel Laxenaire dans leur ouvrage Anorexie mentale et boulimie - le poids de la culture, expliquent que ce cas d' « anorexie » s'accompagne d'autres troubles (cécité, parapésie...) et qu'il est précédée d'une période de « boulimie » ; la perte d'appétit s'inscrit donc dans un ensemble de symptômes, une différence essentielle avec l'anorexie d'aujourd'hui. Il faut également préciser que nous ne savons pas si cette perte d'appétit est volontaire ou inconsciente. Il n'y a aucun détail concernant les motivations de ce comportement et ses conséquences. Le seul indice qui nous permette de parler de comportement « anorexique » est le refus de nourriture. En dépit de ce manque d'informations, A. Guillemot et M. Laxenaire précisent que pour T. Habermas le cas de Friderada von Treuchtlingen peut être considéré comme le cas médiéval le plus explicite s'apparentant à l'anorexie35(*). * 32 JANAS, [1994], p. 10. * 33 JANAS, [1994], p. 11. * 34 Cet épisode est relaté par Habermas T. dans Friderada : a case of miraculous fasting, [1986] cité par JANAS, [1994], p. 10-11. * 35 GUILLEMOT et LAXENAIRE, [1997], p. 3. |
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