Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé( Télécharger le fichier original )par Audrey Arnoult - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006 |
c) Clara, le portrait d'une anorexiqueLes caractéristiques mentales des anorexiques sont évoquées de façon indirecte dans le témoignage de Clara279(*). Le quotidien laisse la parole à cette anorexique qui nous raconte sa « lutte » contre la maladie. Celle-ci explique qu'au collège « c'était trop facile », que la gymnastique « ça a bien marché tout de suite » et que sans se forcer elle était première. Que ce soit à l'école ou pour des activités extra-scolaires, elle avait « l'impression de ne jamais faire d'effort, c'était bien ». Toutes ces expressions révèlent la facilité avec laquelle la jeune fille entreprenait ce qu'elle faisait. Peu à peu, elle raconte qu'elle a commencé à paniquer, à être stressée et à avoir peur : « je paniquais », « je ne vaux rien, pourquoi je n'y arrive pas », « je n'arrivais plus à rien », « ça m'a fait peur ». Ce contraste entre ses facultés intellectuelles, sportives et son manque de confiance, la peur qu'elle ressent illustre bien l'ambivalence dans laquelle se trouve l'anorexique. En nous rapportant les propos de Clara, le journal livre au lecteur un portrait assez fidèle d' « une anorexique », ou du moins il montre bien que l'adolescente anorexique n'est pas uniquement une jeune fille brillante et perfectionniste comme le laissent croire les discours de le Monde et Le Figaro. Une dernière remarque s'impose par rapport à cet article. Le journal adopte une stratégie discursive particulière, le témoignage, qui consiste à laisser la parole à un tiers et qui permet de donner plus de crédibilité aux propos puisqu'une personne a réellement vécu ce qu'elle raconte.
Si L'Humanité qualifie bien l'anorexie de maladie c'est quasiment le seul point commun avec la représentation que véhiculent les autres quotidiens. Les différentes remarques que nous avons pu faire nous indique qu'il ne connaît pas bien la maladie. Il opère une confusion entre les femmes qui font un régime et l'anorexie ce qui le conduit à désigner un actant sujet différent des autres quotidiens. Il occulte l'aspect médical de la maladie comme l'indique l'absence de termes médicaux, le manque de précision dans les données chiffrées (par exemple, le pourcentage qu'il donne ne nous fournit aucune indication fiable quant à la prévalence de l'anorexie). De façon implicite, il signale que la maladie touche aujourd'hui toutes les classes sociales. Enfin l'absence d'experts confirme que ce n'est pas l'aspect médical de l'anorexie qui intéresse le quotidien. Seul le témoignage de Clara nous fournit quelques éléments pertinents notamment en ce qui concerne le portrait de l'anorexique. D'ailleurs nous verrons au fil des analyses que ce témoignage fait figure de rupture par rapport aux autres discours de L'Humanité. Malgré ces imprécisions et ces erreurs, le quotidien considère l'anorexie comme un « fléau social » et un « problème de santé publique », des expressions intéressantes qui laissent supposer que l'intérêt du journal est ailleurs. * 279 L'Humanité, 27 juin 2000. |
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