Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé( Télécharger le fichier original )par Audrey Arnoult - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006 |
2. La représentation du corps féminin dans la peintureIl est intéressant de mettre en parallèle les représentations du corps de la femme avec la fréquence des comportements anorexiques à une époque donnée. En effet, aujourd'hui l'idée est largement répandue que les jeunes filles deviennent anorexiques après avoir fait un régime, influencées par les représentations11(*) de femmes très minces. L'étude de la représentation12(*) du corps féminin entre le Moyen Âge et la fin du XVIIIème siècle, nous fournira des indications permettant de juger la pertinence de cette hypothèse, que nous développerons dans la deuxième partie. a) La femme : une tentatrice et une pécheresseLes « choix esthétiques ou iconographiques ne sont certes pas le reflet immédiat de changements sociaux ou mentaux ; d'une manière ou d'une autre, ils y renvoient pourtant »13(*). En effet, l'étude des représentations picturales de la femme au Moyen Âge, nous révèle beaucoup sur sa place dans la société ainsi que le poids de la religion. Dans la société médiévale, la femme occupait un rôle mineur ; elle était essentiellement assimilée à la fécondité. Dans la peinture, la représentation de la femme est étroitement attachée à la religion comme le soulignent Georges Duby et Michelle Perrot : « si diverses que soient les effigies de la femme au Moyen Âge, elles appartiennent en majorité à l'univers religieux, et si parfois le quotidien ou le fantasme, se laissent deviner, c'est en filigrane et au travers du filtre de l'Eglise et de ses types religieux qui en constituent la commune référence »14(*). Pendant le Moyen Âge, la femme est représentée de quatre façons, chacune ayant une dimension symbolique différente. La femme c'est d'abord Ève, qui incarne le péché et le vice. Beaucoup de fresques et de tableaux mettent en scène l'histoire d'Adam et Ève pour montrer la culpabilité de la femme. Ève est souvent nue mais ce n'est pas pour mettre son corps en valeur. La femme c'est aussi le Diable qui essaie de tenter les fidèles, en particulier les moines. Dans ce type de peinture, elle est vêtue de façon ordinaire. L'analogie entre le Diable et le sexe féminin symbolise la tentation que représente la femme. C'est aussi une mise en garde pour le fidèle : le démon est partout, il doit se méfier. Ensuite, la femme symbolise la tentation à travers le serpent qui prend un aspect anthropomorphe. En effet, il a souvent un visage de femme aux cheveux longs, symbole de la séduction. Enfin, la femme c'est aussi la Vierge, l'exaltation de la maternité et de la virginité. A travers ces quatre représentations de la femme, l'Eglise envoie un message clair à ses fidèles : les femmes « ne sont pas sujet commettant un péché, mais un moyen de pécher offert à l'homme »15(*), elles représentent le vice et la luxure. Seule Marie incarne des valeurs nobles. Elle est l'unique être humain à n'avoir pas péché. Dans les représentations médiévales de la femme, le corps n'a qu'une place secondaire. Il n'a aucune valeur en lui-même, en tant qu'objet. L'important est ce qu'il symbolise : la tentation, le péché, le vice, la séduction et la chasteté. Le corps est rarement nu et s'il l'est, cette nudité n'a pas de fonction esthétique. Ce mépris du corps doit être replacé dans le contexte de l'époque où l'âme et le corps étaient pensés en opposition. L'un devait être privilégié pour accéder au paradis ; l'autre méprisé, parce qu'il représentait le péché. La littérature médiévale véhicule les mêmes représentations : « la littérature religieuse masculine, celle des monastères essentiellement, représente une femme dépourvue de toute humanité et d'une quelconque richesse psychologique : elle n'est rien d'autre que la projection du désir, coupable, de l'homme »16(*). Au XIVème siècle, la représentation de la femme évolue : elle commence à être peinte dans sa vie quotidienne. Cette période se situe dans un contexte d'effervescence économique qui se traduit par « le droit à l'image que la femme conquiert [...] et qui constitue une véritable nouveauté : je veux parler de la représentation de la femme ordinaire - et pas seulement celles de rang élevé ou des saintes - dans le cadre familial ou monastique »17(*). L'émergence de figures féminines reflète la lente mutation de la condition de la femme qui acquiert un rôle plus actif. * 11 Nous entendons ici par représentations essentiellement les photos dans la presse magazine, les publicités à la télé... * 12 A cette époque la représentation relève principalement de la peinture et de la sculpture, nous restreindrons notre étude à la peinture, art le plus développé. * 13 DUBY, Georges et PERROT, Michelle, Histoire des femmes en Occident, Tome 2 : Le Moyen Âge, Paris, Editions Perrin, Collection « Tempus », 2002, p. 422. * 14 Idem, p. 441. * 15 DUBY et PERROT, [2002], p. 465. * 16 Idem, p. 461. * 17 Idem, p. 489-490. |
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