Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé( Télécharger le fichier original )par Audrey Arnoult - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006 |
2. Le jugement de la société civile et des autorités ecclésiastiquesMême si le jeûne est chose courante à l'époque de Catherine de Sienne, le fait de ne pas manger pendant une période relativement longue est considéré comme suspect. La question qui se pose alors est celle de l'origine de cette « performance ». Deux alternatives sont possibles : le fait de vivre sans manger est dû soit à Dieu soit au diable. La jeune fille qui présente un comportement ascétique est l'élue de Dieu ou possédée par le démon. Cette question n'est pas seulement soulevée par l'entourage mais principalement par l'Eglise. Dans le cas de Catherine nous nous intéresserons uniquement au jugement porté par les autorités ecclésiastiques puisque ce sont elles qui ont « permis » à l'anorexie sainte d'exister au sens où sans l'aval de l'Eglise, sans la reconnaissance de cette ascèse comme chemin vers la sainteté, l'anorexie sainte n'aurait pas été perçue comme telle. a) La suspicion de l'EgliseC'est d'abord par le biais des confesseurs de Catherine que les autorités ecclésiastiques ont sanctionné ou encouragé son comportement. Au début, ils étaient chargés de la surveiller et de la forcer à manger. Son comportement était donc jugé suspect. Ne souhaitant pas aller à l'encontre de la volonté de son premier confesseur, qui la pensait possédée par le démon, Catherine s'obligea à manger mais tomba malade. Son état empira et son confesseur dut renoncer à lui ordonner de s'alimenter. Il lui conseilla « d'agir désormais d'après les inspirations de l'Esprit Saint »65(*). Progressivement, il fut toléré qu'elle cesse de manger. Son comportement laissait perplexe et nombre de ses confesseurs la laissèrent agir à sa guise. Le droit de communier tous les jours lui fut octroyé, ce qui était exceptionnel à une époque où « même les religieuses ne communiaient pas plus de six à sept fois par an »66(*). Si les autorités religieuses reconnurent en grande partie que Catherine n'était nullement possédée par le démon, certains continuèrent à lui reprocher son comportement et elle dut affronter ses détracteurs toute sa vie. Ils prétendaient qu'elle mangeait en secret ou alors ils s'empressaient de lui rappeler la parole de Jésus qui disait à ses disciples : « mangez et buvez ce qui se trouve chez vos hôtes »67(*), lui signifiant ainsi qu'elle ne la respectait pas. b) La sanction des autorités religieuses* 65 CAPOUE (DE), Raymond, Legenda, p. 413. cité par BELL, [1994], p. 37. * 66 RAIMBAULT, et ELIACHEFF, [1989], p. 245. * 67 Luc 10, 7 cité par BELL, [1994], p. 38. |
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